Il n'est pire friedmano-hayekien qu'un ancien communiste (pensées d'un anonyme du XXIe siècle).
Il n'y a plus trace de toi au fichier central (d'après SOS Bonheur, par Griffo et Van Hamme : épisode Sécurité publique (1985)).
Capitaine Sabre de Gine... Cette série d'aventures rétro, coloniales donc exotiques des années 80 ne doit plus dire grand-chose à notre lectorat bédéphile contemporain camé aux mangas. Je travaillais voilà vingt ans passés sur ma thèse de doctorat consacrée à l'imagerie coloniale lorsque je tombai, dans les numéros du défunt Tintin que je dépouillais, sur une oeuvre entrant dans ce que j'intitulais "le renouvellement de l'imagerie coloniale après 1975". Bien que cette série dessinée mît de préférence en scène l'Asie (alors que mon sujet de thèse était entièrement consacré à l'Afrique), je constatai que Christian Gine avait un joli coup de crayon et que les aventures de son héros, dans la tradition de Joseph Conrad et de l'Hollywood de l'âge d'or valaient le détour. Las ! J'appris peu après que l'éditeur, fort cavalier au demeurant (il s'agissait des éditions du Lombard), avait décrété la mise à mort du Capitaine Sabre, c'est-à-dire la suppression de la série de son catalogue, après seulement sept albums pour cause de mévente.
Christian Gine, sans le savoir, fut le premier d'une liste qui n'est pas prête de se clore, une liste non pas de Schindler, mais d'Hayek, une liste de marché, odieuse, infâme, arbitraire, méthode de suppression de masse de dizaines puis de centaines de séries dessinées de l'école franco-belge, obligeant les dessinateurs et scénaristes à recommencer la tournée des débutants, à tout reprendre à zéro, ou à finir en crève la faim déchus, leur carrière brisée à jamais.
Gine a eu de la chance ; il put reprendre son ouvrage, créer d'autres bandes, sans qu'il eût douté que l'arrêt de Capitaine Sabre ferait jurisprudence. C'est de cette jurisprudence pourrie dont je vous parle aujourd'hui, une jurisprudence appliquée à fond la caisse, jusqu'à plus soif, de manière débridée, par des éditeur de bédés sans scrupule désormais archi concentrés en quelques maisons, scotchés sur les chiffres d'affaires et les exemplaires vendus, sur les tirages "industriels", une politique éditoriale suicidaire qui mine tout le 9e art classique en obérant l'avenir, en rendant non pérenne dans sa presque unanimité (à part Titeuf et quelques autres, quoi de rentable ?) la production de tonnes d'auteurs considérés comme jetables, pressurables à l'envi.
On ne compte plus ce qu'on nomme avec une pudicité de vestale victorienne hypocrite les insuccès commerciaux ! A cause d'une surproduction mal maîtrisée ? Que nenni ! Les portefeuilles des lecteurs de bédés ne sont pas extensibles, et ils font des choix, des choix aveugles, guidés, orientés, manipulés par le marché lui-même, qui, tel Zorglub dans L'Ombre du Z, pousse, par un ultra marketing matraqueur bourreur de crâne, à n'acquérir moyennant espèces sonnantes, trébuchantes, scripturales ou à puce, qu'à peine quelques titres ciblés ayant bénéficié d'une couverture commerciale (propaganda hayekabteilung ?) conséquente. On n'achète que ce qu'on connaît, dit l'adage ; on n'acquiert pas le produit dont aucun stipendié d'Hayek ne parle... Sous-informer au nom du Profit, telle est la devise...
De concentrations en rachats, les éditions Dupuis sont ainsi devenues les grandes expertes en cette matière, une usine à albums éphémères, allant jusqu'à laisser parfois sur le carreau les auteurs expérimentés appartenant à la maison depuis trente ou quarante ans... Malik jeté en 2011 : il travaillait pour Dupuis depuis 1970 !
La durée moyenne d'une série, après la jurisprudence Gine, était de... cinq albums. Maintenant, elle est de deux ! Jeu de massacre ! Ignominie ! Fabrique de chômeurs ! Fabrique d'électeurs des chemises brunes ! Contributeurs aveugles dansant sur leur volcan veau d'or prémice de la victoire de la vague "turbans noirs " dans le monde entier ! (lire le précédent texte sur le sultan Radouane en l'an 1941 de l'hégire).
Qu'on en juge : ceci n'étant qu'une sélection :
Louison Cresson : supprimé !
Isabelle : supprimée !
Alice et Léopold : supprimés !
Donito : supprimé !
Capitaine Starbuck : supprimé!
Billy the Cat : supprimé !
Violine : supprimée !
Spirou Dream Team : supprimé !
Zapping generation : supprimé !
Cupidon : supprimé !
Les Poulets du Kentucky : supprimés !
la Clé du Mystère : supprimée !
Tif et Tondu : supprimés !
Maki le lémurien : supprimé !
Jimmy Boy : supprimé !
Les Démons d'Alexia : supprimés !
les Contes de Green Manor : supprimés !
Puddingham Palace : supprimé !
Ludo : supprimé !
le Monde de François : supprimé !
Sac à puces : supprimé !
Garage Isidore : supprimé !
Ludo : supprimé !
le Monde de François : supprimé !
Sac à puces : supprimé !
Garage Isidore : supprimé !
Supprimé, supprimé, toujours supprimé parce que ça ne se vend pas... assez ! On dirait une litanie, une mitraillade, une succession de chutes de couperets de la Terreur (où Robespierre n'était pas seul à décider), une théorie de purges staliniennes, une rafale de peloton d'exécution de golpe fasciste latino-américain ! Ceux qui parfois échappèrent à la suppression de leur série le firent en passant l'arme à gauche (André Geerts et Arthur Piroton, par exemple...)
Seule la série Le Chômeur et sa Belle, remarquable bande sociologique contemporaine, signée Jacques Louis a été sauvée...par Internet, après une première élimination scabreuse, comme de coutume... Et l'éditeur a le culot de parler de toilettage régulier de son catalogue... (comme la révision périodique de l'album sénatorial sous la Rome antique ?) Depuis l'automne 2010, il a administré un nouveau purgatif de clystère, entrepris une nouvelle saignée à la Purgon et à la Fagon, oui !
CESSEZ D'URGENCE CE JEU DE MASSACRE INUTILE ET OBSOLETE, MESDAMES-MESSIEURS LES MERCANTIS !
Bientôt, par lassitude, je ne lirai plus ce que vous publiez encore, ne sachant plus dans vos pages ce qui durera... ce que, par votre bon plaisir absolutiste, vous décrèterez durable...parce que ça, ça se vend bien, mon coco !
Charles Dupuis : un grand patron de l'édition : le jeu de massacre débuta après qu'il eut vendu son entreprise en 1985... |
Nouvel oukase des éditions Dupuis :pour la seconce fois, on annonce la suppression du "Chômeur et sa belle" de Jacques Louis ! Le prétexte brandi est toujours le même : mévente des albums. Je rappelle que la bourse des lecteurs et acheteurs de bédés n'est pas extensible. De plus, l'éditeur a le culot de se décharger de toute responsabilité promotionnelle sur les lecteurs ; c'est à eux maintenant de faire la pub, le buzz sur une bande et d'en assurer le succès ! Incroyable !
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