jeudi 17 avril 2014

Chu Teh-chun (1920-2014) : une nécrologie ignorée qui questionne sur la survivance de la "forme" peinture dans l'art contemporain.




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Paul Delaroche : l'Art gothique ou le Moyen Age

Prenez un mur de briques quelconque : en lui-même, ce n’est pas une œuvre d’art. Ajoutez-y un canard en plastique au sommet : vous en obtenez une (Réflexion d’un adversaire du Ready-made).

L’Académie des Beaux-Arts éprouvoit de plus en plus de mal à recruter des artistes et plasticiens qui pratiquoient encore ce que l’on entendoit par sculpture et peinture (Mémoires du Nouveau Cyber Saint-Simon).

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La récente disparition du peintre abstrait lyrique sino-français Chu Teh-chun s’est faite dans une discrétion médiatique à peu près générale. En particulier, Le Monde a jugé inutile de lui consacrer le moindre article nécrologique, se contentant en son carnet de la publication de l’avis de décès.
Or, Chu Teh-chun appartenait incontestablement à cette espèce en voie d’extinction (du moins, si on se réfère à ce que la caisse de résonance des medias actuels aime à nous seriner) des praticiens de la peinture, hors des modes imposées de l’art vidéo, du conceptualisme et du ready-made, formes dominantes strictement temporaires (puisque assurément destinées à passer un jour à leur tour de mode) des expressions plastiques dites « actuelles ». Pour nos a-medias branchés, Chu Teh-chun apparaissait comme un dinosaure, un néanderthalien, un okapi, un cœlacanthe, un fossile vivant sur lequel il était inutile de s’appesantir outre mesure, surtout dans les milieux officiels chébrantudiens.
Arrivé en France en 1955, il vécut longtemps dans la misère, dans l’obscurité, dans une simple HLM, avant qu’on se rendît compte de son talent certain. Lot commun des maudits, des dépassés, des démodés ! L’Académie des Beaux-Arts le tira juste un peu de cette indifférence bien que certains milieux éclairés fussent instruits de son art, de sa manière, se réclamant à la fois de Nicolas de Staël et d’une forme colorée, imaginative, de l’abstraction, qu’il avait découverte peu après son installation chez nous. Le plus déprimant dans l’affaire fut le récent déclenchement d’une spéculation effrénée sur le marché de l’art, portant sur les plasticiens chinois en général et sur l’intéressé en particulier.
La cote de Chu Teh-chun flamba…mais, diminué par son grand âge, par la maladie, il ne put jouir de cette brusque célébrité spéculative sur laquelle joue aussi l’opposant et dissident Ai Weiwei, artiste conceptuel révolté et surmédiatisé par des officines comme Arte.
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Il est bon de nos jours de résister au régime chinois archéo-communiste hyper friedmano-hayekisé (l’archaïsme s’appliquant autant au maoïsme qu’à l’ultra-libéralisme dont se réclament conjointement et contradictoirement les despotes de Cathay). Je ne critiquerai pas Ai Weiwei : ce qu’il crée, exprime, est excellent et surtout utile. Il se qualifie lui-même de performer, terme aux connotations certes sportives, mais aussi corrélé au concept fumeux de compétition mercantile généralisée dans tous les domaines de l’activité humaine (tout est « marché », tout est « concurrentiel »). Ai Weiwei participe du devoir de mémoire, de la lutte nécessaire contre tous les totalitarismes (communiste et ultra-libéral dans le cas qui nous intéresse). Ce que je redoute en fait pour ce grand artiste, c’est, d’une part, la récupération officielle et redoutable par les chantres de la chébrantude (ce qui est presque en passe de s’accomplir) et, d’autre part, lorsqu’on aura cessé d’avoir besoin de lui, de l’instrumentaliser, qu’on le jette aux orties, qu’on le voue à son tour à l’oubli, parce que, ainsi que le disait Frédéric II de Prusse, on presse l’orange puis on jette l’écorce. Je pense Ai Weiwei suffisamment intelligent et génial pour ne pas se laisser piéger. Dans le cas contraire, il n’aura été qu’un artiste à la mode, correspondant à un moment spécifique de l’Histoire de l’art, homme d’un temps, d’un instant, d’un pays, conformément au troisième niveau de lecture iconologique instauré par Erwin Panofsky.
Revenons-en à la question de la survivance de la peinture « traditionnelle » dans l’art du XXIe siècle : la mort de Chu Teh-chun survient à un moment précis où l’art contemporain se retrouve à la croisée des chemins.  Elle coïncide avec acuité avec une remise en cause du statut des formes telles que pratiquées avec constance depuis près d’un demi-siècle, avec la domination jusqu’ici sans partage dans les cercles officiels et les milieux spéculatifs de la vidéo, du conceptuel et du Ready made.
Le nœud de l’affaire, c’est Télérama qui le révèle cette semaine, en son dernier numéro paru le 16 avril 2014, à l’occasion de l’exposition confrontant les écrits réflexifs de l’immense Antonin Artaud et l’incontournable démarche picturale de Vincent. Par affection, je me refuse à dire Van Gogh. Génie et folie cohabitèrent, s’engendrèrent mutuellement chez ces deux hommes. Vincent fut le peintre de la peinture pure, détachée de toute nécessité narrative en elle-même, dépassant définitivement la question des genres, des hiérarchies, du qu’est-ce que peindre, pourquoi peindre, que peint-on ?

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Télérama vient de réaliser qu’il existait encore des peintres authentiques, œuvrant à l’ancienne, à la Vincent. Ces peintres continuent, en des formules sciemment élémentaires, répétitives, à se référer à des schèmes iconographiques pluri séculaires ou millénaires, à des formes premières déterminées depuis presque l’origine de l’art : lignes horizontales ou verticales, croix etc. Lignes directrices structurant les images, au fond… Le magazine, partant de l’exposition en cours au musée d’Orsay, axée sur le livre d’Artaud Van Gogh, le suicidé de la société, à travers la chronique d’Olivier Cena, prend pour exemple la production figurative de Ronan Barrot, peintre monothématique, dont les séries de fouilles au corps revêtent une signification proche du motif de la crucifixion. Je ne suis pas sémiologue de formation, mais il est exact que l’on peut aisément rapprocher le sujet de prédilection de Ronan Barrot de ce thème pictural présent depuis presque les commencements de l’art chrétien. Ronan Barrot fait actuellement l’objet d’une autre expo intitulée significativement Pendant la répétition, en la galerie Claude Bernard, Paris 6e. J’insiste sur le côté polysémique du titre…

Ce sont donc ces peintres, qui suivent une démarche semblable à celle des compositeurs répétitifs américains (Steve Reich, Philip Glass et surtout John Adams), qui nous extirpèrent voilà un quart de siècle des impasses bouléziennes dodécaphoniques et autres morceaux composés de manière abusive pour bandes magnétiques, support désormais techniquement frappé d’obsolescence, qui, peut-être un jour prochain, nous permettront de sortir de l’ornière de la performance conceptuelle et autres remplois et détournements abusifs d’objets Ready made qui constituent depuis des années la partie visible archi médiatique de l’iceberg de l’art contemporain. Au fond, ces artistes courageux, qui osent encore se salir par le maniement des outils du peintre et du sculpteur, qui créent à partir du néant, ex nihilo, ne font qu’appliquer les premier et deuxième niveau de lecture iconologique d’Erwin Panofsky, dans un monde saturé par l’omniprésence de l’image. D’abord, distinction des formes élémentaires, puis interprétation de ces formes en fonction d’un substrat culturel partagé collectivement permettant de définir un sujet à l’œuvre peint ou modelé en trois dimensions[1].
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On comprend mieux par ces dernières lignes une des raisons qui poussa à l’occultation médiatique de la nécrologie de Chu Teh-chun. D’une part, il se retrouvait exclu du courant dominant actuel temporaire. D’autre part, considérées comme old fashion – du fait même qu’elles aient été peintes, voire se soient impliquées dans les arts du feu, la porcelaine, via Sèvres, ravivant la tradition chinoise – les œuvres de l’intéressé étaient devenues impossibles à comprendre, à décrypter par les journaleux contemporains formés à l’appréciation de la seule immédiateté, actualité esthétique. Ils sont étrangers à toute notion d’histoire, de temps, anhistoriques…
D’où découle le fait qu’au-delà de l’exemple de Chu Teh-chun, la presque unanimité des événements culturels ayant trait aux arts plastiques antérieurs au présent (les expositions des musées en particulier), à quelques exceptions impressionnistes près, se retrouvent sous-traités, sous-exposés, ignorés par nos mass medias. Au mieux, ils donnent lieu à quelques reportages relégués sur Culturebox et dans les infos régionales de la Trois (mais qui les capte nationalement ?). En dehors des éditions Faton, du site La Tribune de l’Art, dirigé par Didier Rykner et de quelques émissions « Enquête d’art » sur la galerie France Cinq (ghettoïsée le dimanche matin), il n’y a pas grand-chose pour aborder les arts non contemporains. Les héritages culturels s’avèrent de moins en moins transmis, ou de plus en plus mal, c’est selon. La dernière raison de ce silence nécrologique est l’image négative qui s’attache de manière persistante à l’Académie des Beaux-Arts, considérée depuis les romantiques comme une institution conservatrice, retardant toujours de plusieurs courants esthétiques (elle admet des nabis lorsque ce courant a disparu depuis belle lurette, des cubistes une fois cette tendance liquidée, des abstraits lyriques ou des surréalistes avec trente ans de retard etc.). Vous verrez : elle va élire des performers conceptuels d’art-vidéo quand nous en serons revenus à privilégier la peinture et la sculpture comme formes plastiques expressives !
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Enfin, puis-je l’affirmer ? L’œuvre de Chu Teh-chun me plaît. Je n’en ai vu qu’une banque d’images répertoriée par l’ogre Google, mais elle a suffi à me faire une idée. Chu Teh-chun a osé, toute sa carrière durant, se référer encore au beau, réinterprété à sa manière. Il a eu le tort de séduire, de plaire, par sa palette flamboyante et chatoyante notamment. Il a poursuivi la tradition du beau, avivée, revivifiée par l’abstraction lyrique. Cette notion de beauté pure, dévoyée hélas par certaines idéologies passées, n’a plus cours parmi les courants esthétiques pour l’instant dominants, voire dominateurs. Je rejoins ici un Jean Clair, sans toutefois cautionner tout ce qu’il a écrit, parfois excessif.
A la prochaine fois…


[1] C’est la raison pour laquelle la perte du substrat chrétien commun, via la sécularisation des sociétés occidentales, rend les œuvres d’art religieux du passé inintelligibles à la majorité de la population. L’historien Gabriel Audisio s’est plaint par le passé de cette perte de sens.

dimanche 13 avril 2014

Les réalisateurs "has been" dont ne veulent plus ni les critiques, ni les distributeurs.

Comment ! Après une telle boucherie, aucun résultat ! pas un prisonnier ! Ces gens-là ne me laisseront pas un clou ! (Napoléon).

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Les classes dites "moyennes" étoient fiscalement coincées entre ceux qui ne pouvoient pas ou plus payer d'imposts et ceux qui avoient les moyens de les payer, mais refusoient de s'en acquitter. (Mémoires du  Nouveau Cyber Saint-Simon)

Ainsi donc la richesse est tout et les hommes ne sont absolument rien ? En vérité, il ne reste plus qu’à désirer que le roi demeuré tout seul dans l’île, en tournant constamment une manivelle, fasse accomplir par des automates tout l’ouvrage de l’Angleterre. (Leonard Simonde de Sismondi – Nouveaux principes d’économie politique, 1819).

Je ne savais pas ce dont il s'agissait, sinon, je n'aurais pas permis que soit touché l'ancien ; pourquoi faites-vous ce qui peut être fait dans d'autres endroits, et avez-vous défait ce qui était singulier dans le monde ? (Charles Quint, à propos de la dénaturation de la Mezquita, mosquée-cathédrale de Cordoue).

Pourquoi sont-ce toujours les mêmes gugusses qu'on voit à la télévision ? (Cyber Louis Ferdinand Céline).

Je sais distinguer la critique légitime de la cabale généralisée. (Pensée profonde de Moa).

Donnez donc une caméra à un critique de film pour voir ce qu'il en fera ! (Réflexions d'un cinéaste malmené).

Il existe un syndrome Claude Autan-Lara (1901-2000), du nom de ce cinéaste, à l'origine adulé par la critique puis lâché par celle-ci, qui, par rancoeur, puis haine, par vengeance aussi, devint l'un des piliers d'un parti politique indésirable, qui, d'abandons en renoncements culturels, de lâchages sociaux en délitements sociétaux, de lynchages médiatiques jdanoviens maladroits en sectarismes bien-pensants inconsidérés brandis telles des fatwas, a hélas toujours plus le vent en poupe en ce XXIe siècle régressif, dont certains souhaitent qu'il revienne au bon vieux temps ultra libéral de 1820-1860, tandis que d'autres, au nom d'une foi déformée par le fanatisme le plus abject, lorgnent vers un improbable califat universel et une restauration des moeurs et coutumes des VIIe-VIIIe siècles. 

J'ai, voici près de deux ans, évoqué dans ce blog les cas de Maurice Pialat et de James Ivory, plus ou moins victimes de ce phénomène de dénigrement orchestré par des camarillas, des cabales qui n'ont de cinéphiles que le nom. Dénigrement parfois non sans conséquences politiques fâcheuses et redoutables, pourvoyeur d'une résurgence de l'abjection et de la honte, de revenez-y à une époque feldgrau sinistre. 
Aujourd'hui, j'aborde des cas et exemples divers, multipliés en ces vingt-cinq dernières années, de cinéastes, pourtant grands, pourtant célèbres, qui, du jour au lendemain, ont cessé de plaire aux princes ou prétendus tels de l'intellectualisme le plus abstrus et coupé des masses, désormais agrégées au parti que l'on sait.
Ces cinéastes ont nom :   Andrzej Wajda, Francis Ford Coppola, Dario Argento, Peter Greenaway et Brian de Palma.
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Des maîtres, dis-je, mais des maîtres désormais bannis, déboulonnés du piédestal où on les avait autrefois statufiés.
Tout débuta pour Wajda au festival de Cannes 1990, avec l'affaire Korczak, sorte d'origine du Mal du bashing ordurier excrémentiel cinématographique, comme Le Louvre, en 1985, ouvrit le bal de toutes les décrépitudes télévisuelles culturelles que l'on connaît. 
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 La projection de Korczak sous les feux cannois éphémères et dérisoires donna lieu à des concerts de casseroles, à des jets de tomates pourries sans fin, à des polémiques passionnées et injustes, sur l'impossibilité de filmer la Shoah, sur les ambiguïtés antisémites de la Pologne contemporaine... On reprocha au film sa scène finale onirique inappropriée, presque négationniste, puisque le réalisateur se refusait à montrer explicitement le sort exterminateur qui attendait Januscz Korczak et les enfants orphelins israélites avec lesquels il avait accepté de partager la mort. On a omis dans cette affaire qu'Agnieszka Holland était la scénariste du film, elle qui allait démontrer avec brio quelques mois plus tard l'absurdité intégrale des totalitarismes soviétique et nazi dans le remarquable Europa Europa, histoire véridique du jeune Solomon Perel, que l'Allemagne nazie prit pour un aryen balte enrôlé dans les jeunesses hitlériennes !
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A la suite de ce scandale illégitime, Andrzej Wajda ne retrouva plus jamais son lustre passé, tandis que Korczak se retrouvait distribué en catimini, ne sortant discrètement en France qu'en janvier 1991 (après le film d'Agnieszka Holland, à l'affiche chez nous dès novembre 1990 !), revêtu d'une aura sulfureuse collante comme une tunique de Nessus exsudant ses poisons. En Allemagne, cela fut pis : la sortie de l'oeuvre fut retardée au mois de mars 1991. Je connais à l'heure actuelle des films qui finissent par ne plus sortir du tout, par exemple le Wilde Salomé d'Al Pacino, mondialement invisible, mais, dans le contexte de l'orée des années 1990, le préjudice réservé à Korczak paraissait déjà considérable. 
Le cas de Francis Ford Copolla mérite aussi qu'on s'y arrête.
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Voilà un des chantres du nouveau cinéma américain des années 70, qui avait su concilier impératifs commerciaux, industrie d'Hollywood et art consommé de la cinéphilie, qui, bardé de récompenses et de reconnaissance mondiale, avait réconcilié les tenants d'une exigence plastique aiguë et ceux d'un divertissement de bon aloi. Francis Ford Copolla incarnait parmi d'autres réalisateurs phares ce nouvel Hollywood post studio system,  post âge d'or, post règne sans partage des majors. Il était le meilleur représentant du nouveau cinéma indépendant américain, avant que, parmi d'autres, il soit récupéré par le nouveau commerce briseur de rêves.
En ce cas, pourquoi, brusquement, l'intelligentsia s'est-elle comportée telle cette fameuse phrase du baptême de Clovis : adore ce que tu as brûlé ; brûle ce que tu as adoré ?
Aurait-elle châtié Francis Ford Copolla, ne lui aurait-elle pas pardonné un certain virage commercial ? S'est-elle acharnée sur le créateur vieillissant, forcément moins inspiré, moins inventif, moins audacieux ? Fut-ce un meurtre du père par la fille, la critique lui préférant désormais, à compter de la fin des années 1990, la surdouée Sofia, dont il finança les films ? Oui, je le reconnais, Francis Ford Coppola a connu une perte d'influence dans le milieu cinéphilique, accompagnée de difficultés financières, mais, après son Dracula, profitant du ralentissement de son rythme créatif, les critiques acerbes, déjà dubitatives vis à vis de son Parrain numéro trois (où Sofia jouait) se sont outrancièrement déchaînées. Coppola en a été réduit d'abord à des films de commande, ensuite au recommencement à zéro dans la presque confidentialité du seul circuit art et essai, en particulier lorsque selon moi, il parvint à se relancer brillamment ces dernières années, sans pour autant convaincre les cuistres à la pensée toute faite engoncée, confite dans les apriorismes et les préjugés.
Oui, il faut sauver les films du come-back de Francis Ford Coppola, à compter de 2007, après une décennie de silence forcé en tant que director. Ces trois films, L'Homme sans âge (mention spéciale pour la fascinante et trop rare Alexandra Maria Lara), Tetro et Twixt sont admirables, bouleversants quoiqu'on ait pu écrire à leur encontre, en un flingage en règle. Ils prouvent que l'inspiration et l'art demeurent intacts avec le talent, malgré les années. Le cinéma, ce n'est pas comme la médaille Fields en mathématiques : on peut rester fort bon après quarante ans, et continuer à exprimer des choses magnifiques.
Hélas, il faut croire que notre propension au jeunisme abusif a aussi pesé chez les trois cinéastes qui vont suivre, tous septuagénaires désormais.
Brian de Palma : encore un nom qui pour certains, est démodé, dépassé, plus en phase. Passer le cap des 70 berges serait-il stérilisant, dangereux ? Le lâchage de ce grand maître, qu'on présenta à l'origine comme l'héritier présomptif d'Alfred Hitchcock, remonte à Mission to Mars en 2000, alors que son opus précédent, Snake eyes, avait été bien accueilli, pour ne pas dire encensé. Après la brosse à reluire est venu le temps du rejet, de l'opprobre, sentiments tellement exprimés que Brian de Palma s'est retrouvé longtemps écarté des plateaux de tournage jusqu'à son retour l'an passé, avec Passion, remake de Crime d'amour, ultime opus d'Alain Corneau. On a bien sûr jeté du bois vert par volées sur ce film, sorti dans une semi indifférence, en un circuit de copies insuffisant pour qu'il puisse prétendre à une carrière brillante. Il est amusant qu'après coup, lors de sa programmation sur les chaînes de Canal Plus, le jugement, originellement excessif et injuste à l'encontre d'une oeuvre crashée au box office, a été révisé à la hausse...
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Que dire du cas désespéré de Dario Argento, maître du Giallo, de l'horreur à l'italienne ? Son Dracula archi massacré, couvert d'ordures liquéfiées en putréfaction terminale et intégralement coulé dans les fosses abyssales du nombre inexistant de copies et d'entrées représente un cas d'école de la haine exacerbée et inconsidérée exprimée à l'encontre d'un artiste de la caméra de genre qui n'attendait pas de tels déversements éhontés de vomissures croupies. Ce film pose la question épineuse de la quintessence du nanar... Qu'est-ce au fond qu'un navet, un vrai ?  Il y a des giga nanars en 600-800 copies... Le long métrage vampirique de Dario Argento est devenu l'emblème même des Tchernobyl cinématographiques. Je pense aux courageux spectateurs - ils furent à peine plus de sept cents ! (source Allo ciné) qui ont pu se frayer un chemin ( par brasse, papillon ou crawl ?) parmi le flux de purin fragrant qui entourait cette oeuvre afin de pouvoir la voir tout leur saoul.
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Songez-y : une combinaison de salles si ridicule qu'elle en était obscène, pornographique d'insanité, une exclusion de facto des bonnes séances (celles de 14 heures) pour une diffusion quasi unanime au-delà de 20 heures ! Les homuncules de la distribution et les criticulets picrocholins intumescents de fatuité intellectuelle dévoyée (ils haïssent même les musées et les zoos nouveau style, c'est tout dire !) n'ont même pas laissé la chance du verre et de la cigarette du condamné au Dracula de Dario Argento, passé de mode depuis longtemps pour eux, parce que trop âgé pour forcément encore bien filmer (heureusement, un Manoel de Oliveira et un Alain Resnais qui jusqu'au bout de sa vie a persévéré dans son ouvrage sont là pour les contredire!).
Un ultime cas encore plus problématique mérite qu'on l'évoque : le baroqueux et maniériste Peter Greenaway, sorte de Des Esseintes, d'Aurore-Marie de Saint-Aubain (mais mâle), d'esthète décadent égaré à la fin du XXe siècle et au début du XXIe.
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 Bien sûr, on l'encensa à l'orée des années quatre-vingts, bien sûr, on en fit des louanges, des éloges, des apologies sans fin : c'était le temps de Meurtre dans un jardin anglais. Peter Greenaway est un peintre-cinéaste authentique ; l'écran est son tableau, la caméra ses pinceaux (je sais, je plagie un peu le génial champion de formule 1 Graham Hill, qui déclara un peu la même chose au sujet de la course automobile et de ses bien-aimés bolides). Mais toute médaille a son revers, et la critique a commencé à se fâcher à l'encontre de Peter Greenaway du temps du Baby of Mâcon, il y a jà vingt-et-une années de cela (voilà que j'emploie les tics d'écriture de cette chère blondine d'Aurore-Marie maintenant). On a commencé à juger le style du Master excessif, surchargé, intello, indéchiffrable, maniéré, prétentieux, élitiste, trop référentiel vis à vis d'un langage de connoisseur d'un autre temps, puisque nos modernes critiques, souventes fois déculturés, presque analphabètes lorsqu'ils sont confrontés aux beaux-arts à l'ancienne, ont perdu les codes nécessaires à la lecture, au déchiffrement des arcanes recelés par les films de Greenaway. Ils se complaisent voire macèrent ainsi que des porcs dans du lisier bourbeux, dans ce que Rudy Ricciotti, architecte du Mucem, appelle le salafisme (je dirais le cistercianisme ascétique ou anachorétique, laconique, hyper dépouillé, spartiate etc. afin qu'on ne me qualifie pas d'islamophobe, ce que je ne suis pas du tout et ne serai jamais, parce que j'ai toujours eu des copains d'origine musulmane, ce dès le CE 1 !), ne tolérant plus le moindre ornement, la moindre fioriture, le moindre style fleuri : bref, avec son dernier opus qui contredit en son entièreté esthétique cette tendance de fond regrettable, Goltzius et la compagnie du Pélican, Peter Greenaway ne pouvait qu'aller au désastre annoncé ! On sous-distribua ce film, d'évidence inintelligible ; on le sous-exposa dans les médias dits "culturels" (rien à son sujet sur Arte !). On lui fit payer chèrement son antinomie, son refus d'être dans le vent. Fut-ce juste, équitable ? Que non pas ! Pourtant, je pressens que ce long métrage, tout en démesure, en exubérance bachique et dionysiaque, en gaillardise faunesque, en paillardise rabelaisienne orfévrée et chantournée, virtuose, doit être séduisant et génial. Si Fellini, autre baroqueux autrefois reconnu, était encore vivant et réalisait de nos jours un de ses délires filmiques dont il avait le secret, plus personne n'en voudrait : le jansénisme sévère et coincé a triomphé partout, cette intransigeance fondamentaliste des St. John Rivers, crise et austérité obligent. Aridité, tout n'est plus qu'aridité, dessiccation de la beauté, désenchantement, désillusion, dessèchement ultime des arts et des esprits ! L'épure cycladique ne constitue plus qu'un prétexte à la médiocrité de ceux qui ne savent plus ouvrager quelque chose, alors que la nature, ce véritable réel, est toute en foisonnement et en luxuriance ! Et, fait significatif, nous la saccageons...
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Après un tel tour d'horizon désabusé (j'aurais pu au passage rappeler les traversées du désert subies en certains stades de leur carrière par David Lynch et par Robert Altman), force est de tirer ma révérence pour cette fois. Au revoir et à bientôt pour un nouveau texte en colère.

samedi 5 avril 2014

La Grande Bérézina cinématographique du 19 mars 2014.

Le jour où la presque totalité des films programmés en sortie nationale furent intentionnellement sabotés à la distribution.

Par Cyber Léon Bloy.

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De toutes les choses issues d'une cause, le Tatagatha a dit la cause, mais il en a aussi révélé la cessation, lui, le grand religieux (traduction d'une citation bouddhique du VIIe siècle de notre ère rédigée en pali - extrait du canon bouddhique pali ou tipikata - musée Guimet, octobre 2001).
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Le comédien Jim Gérald avait réalisé un documentaire hommage splendide aux acteurs du cinéma muet qu'il avait bien connus. Il l'intitula : "Les Eloquents" (exercice d'érudition désintéressée de Moa).

Je ne fais pas du misérabilisme ; j'exprime la vérité (Cyber Charles Dickens).

Un non-événement récent a suscité en moi une grande perplexité. Du moins, on a décidé en haut lieu qu'il fallait qu'on le perçût ainsi,à l'exception toutefois de ma sphère d'indignation personnelle, en permanence aux aguets, et à laquelle le fait en réalité désastreux n'échappa pas. Dans une si ténébreuse affaire fort peu balzacienne bien que révélatrice de l'état de délabrement hexagonal pulvérulent de la culture, désormais écartelée entre le chébrantisme parigot et le Blut und Boden folk démago bleu Marine, on dit sagement qu'il faut être parcimonieux, euphémique, minimisateur et circonspect. C'est pourquoi, bien au contraire, je ne puis observer ces faux commandements pusillanimes. J'ai donc décidé de débecter mon chyle spumescent et critique à la figure des cuistres qui mettent à mort les films par légions. Ce blog est fait pour cela ; il doit jouer son rôle. J'aurais pourfendu ces pignoufs avec une lardoire si j'eusse pu le faire. 
Il appert que nous avons vécu, le 19 mars 2014, un bis repetita, une récidive flagrante de ce qui s'était déjà produit le 8 janvier précédent, jour de la sortie en salles d'une autre cohorte de films voués au sacrifice et à l'abattoir de marché,  cohorte dont émergea le biopic d'Yves Saint Laurent seul rescapé du naufrage de cette orée d'année.
Sans compter ce qui était la retransmission d'un concert, en incluant toutefois les reprises, j'ai constaté que, sur un total de vingt-trois films prévus en sortie nationale le mercredi 19 mars 2014, seulement quatre bénéficièrent de plus de cent copies, ce qui condamnait les autres à l'indifférence ! Ces heureux élus furent : 
- Situation amoureuse : c'est compliqué,
- 3 Days to kill,
- Her,
- La Légende d'Hercule.
Une oeuvre excellente (Her, de Spike Jonze) pour trois nanars et oeuvrettes calamiteuses ! Ces trois titres suintaient de clownerie. Ma hargne est légitime, mais tel Prunelle dans Gaston Lagaffe, j'ai conservé le l et le w pour demeurer poli sans non plus ajouter le second n...
Un signe qui ne trompe pas : les cinémas Utopia d'Avignon, réputés pour leur exigence en matière de cinéphilie pointue, ne sont pas parvenus à obtenir plusieurs des titres à l'affiche jetés aux champs d'ordures de cette journée calamiteuse, notamment l'adaptation du Grand Cahier d'Agota Kristof par Janos Szasz.
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 Trois mentions spéciales pour trois films frappés de blessures létales irréversibles au sein de ce champ des morts du septième art en ce funeste 19 mars 2014 :  Dark Touch, Dors mon lapin et Ondes, science et Manigances.
Mon premier, pour m'exprimer comme dans une charade, est l'unique long métrage ayant concouru au dernier festival du cinéma fantastique de Gérardmer qui a jusqu'à présent pu bénéficier d'une distribution dans les cinémas français, distribution d'évidence minable, comme de coutume. Il a été voué aux gémonies critiques, comme on le devine aisément, bien que sa réalisatrice Marina de Van ait à son actif une honnête adaptation en téléfilm du Petit Poucet pour Arte, version que j'estime supérieure à celle réalisée en 2001 par Olivier Dahan. Marina de Van s'est heurtée au même problème que le réalisateur de Tom le Cancre au sujet du tournage des enfants dans des films français : elle a été obligée de s'expatrier en Irlande et en Suède pour mener à bien le tournage ! Vive la DASS!
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Mon second est un de ces accoutumés films sympas bâclés et mal ficelés par notre anar réac rouspéteur national Jean-Pierre Mocky, en rupture intégrale de ban depuis presque un quart de siècle avec les réseaux officiels de distribution, films invisibles à la téloche dont l'unique possibilité subsistante d'en être spectateur réside dans les cinémas parisiens successifs acquis par l'impétrant : autrefois Le Brady, désormais Le Desperado, dont le nom est à lui seul un programme !
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Mon troisième appartient à cette innombrable catégorie des ô combien de marins, combien de capitaines, pardon, je voulais dire les ô combien de documentaires au destin brisé par l'impitoyable loi d'Hayek-Lynch, surtout lorsqu'ils ont l'outrecuidance de s'en prendre aux lobbies industriels. C'est présentement le cas d'Ondes, science et Manigances, qui dénonce le consortium des industriels de la téléphonie mobile, la dangerosité technologique de nos chers portables et autres smartphones addictifs, et se retrouve conséquemment réduit à de chiches projections-débats ponctuelles, toujours aux alentours de 20h30, qui à L'Entrepôt de Paris, qui en quelques cinoches isolés du Nord (Lille) ou d'Alsace, région qui servit de point de départ événementiel à l'enquête du réalisateur Jean Heches, que je puis désormais qualifier de cinéaste maudit.
   Adonc, toute cette pataphysique du désastre, ce schproum de l'agonie du cinéma d'art et d'essai, ce schmilblick catastrophique nous prouve, ô combien, nous vivons une entreprise pascalienne d'abrutissement global du peuple français. Arte et Entrée libre de France Cinq ne pouvaient pas tout faire à elles deux, tel le général de Gaulle d'un célèbre dessin de Jacques Faizant illustrant la déroute tricolore aux jeux olympiques de Rome en 1960. Ces deux chaînes et émissions ont effectué un choix drastique, ne défendant qu'un unique film, curieusement le même, de toute façon inclus dans le sabotage général : Wrong Cops de Quentin Dupieux. Il est aussi bizarre qu'Arte se soit fichue du film de Spike Jonze, au contraire de France Cinq, Her étant le seul long métrage intelligent de ce jour funeste à marquer d'une pierre noire avantagé par son parc de copies... Même pas un mot sur The Canyons de Paul Schrader ! Scandaleux ! Mais que f... donc Arte ? Ses renoncements et reculs éditoriaux successifs ouvrent un boulevard aux contingents de marins crypto-pétainistes en vareuse bleue  ! Par exemple, on ne peut pas parler avec autant d'éloges funèbres de la disparition du grand médiéviste Jacques Le Goff et occulter systématiquement dans le même temps le musée de Cluny ! C'est risible et dangereux car, qui restera pour parler seul du Moyen-Âge (les autres sphères culturelles n'en voulant pas), et ce d'une manière déformée et orientée, mythifiée même ? Suivez mon regard...  Vous devinez qu'un  néo Pétain dépourvu des épines envenimées, tumescentes de la gangrène Feldgrau de l'Occupation et de la collaboration risque de perdurer s'il prend le pouvoir à cause des erreurs et gabegies généralisées et réitérées de celles et ceux qui devraient défendre mieux que cela la diversité culturelle démocratique au lieu d'abandonner des niches écologiques entières de cette culture aux partis bâtis sur une idéologie indésirable ! Les grands vulgarisateurs (Jacques Le Goff fut du nombre) ne sont plus parmi nous pour contrer le cauchemar qui se profile à l'horizon. Dans le programme de transformation de la société britannique élaboré par le parti travailliste et mis en oeuvre après sa victoire électorale de 1945 figurait l'accès de tous à l'héritage culturel commun. C'est cela qui comptait à cette époque si bien dépeinte par le documentaire nostalgique et amer de Ken Loach, L'Esprit de 45 dont j'ai eu l'occasion de parler dans ce blog militant ... ce n'est plus guère le cas maintenant. L'abrutissement et le décervelage ont triomphé partout. Le mauvais accueil réservé au film Monuments men ne m'étonne guère dans un tel contexte, quel qu'imparfait que soit ce long métrage américain malgré tout pétri de bonnes intentions.
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Où allons-nous avec de telles bandes de Picrochole, de pitres et de Polichinelles ? Notre monde est gouverné par des nains incapables de résoudre les problèmes vitaux se posant à nous tous. Nous avons multiplié les négligences à cause de l'incurie, de l'inculture de nos dirigeants, que dis-je, de nos dominants ! Nous avons laissé des indésirables extrémistes se réapproprier ce qui aurait dû demeurer notre bien culturel commun, à force de nous abîmer en querelles sociétales stériles en oubliant l'essentiel, en méprisant, en toisant de haut, cet héritage, ce bien commun, dont nous n'avons plus accepté qu'il nous fût transmis. Et ces indésirables participent à une entreprise aigüe de déconstruction, de trahison de ce qui nous cimentait tous, de détournement, d'instrumentalisation au profit de leurs entreprises opportunistes. Rappelez-vous pourquoi nos aînés ont combattu l'indicible barbare, dont nous nous apprêtons un jour prochain à faire rois (ou reines) ses épigones qui avancent masqués, mais qui, au fond d'eux-mêmes, pensent toujours comme entre 1940 et 1944 en un certain Hôtel du parc où officiait un vieillard maléfique... Oui, les clercs ont trahi le peuple au profit de la bêtise, de la facilité, de l'immédiateté, du sociétal plutôt que du social, omettant l'essentiel du pain quotidien, de la pitance à assurer, oubliant les messages d'un Victor Hugo, d'un Claude Santelli, d'un Alexandre Dumas, d'un Charles Dickens, d'un Jules Michelet, d'un Stellio Lorenzi, d'un Marc Bloch, d'un Jacques Le Goff ! Ils ont considéré ces immenses personnalités comme des antiquités dépassées et pruinées de chancissures ! Mal leur en a pris. Ils risquent de se voir rendre la monnaie de leur pièce ! Nous en pâtirons tous !
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Mes prochains billets polémiques traiteront du désintérêt certain de nos médias pour une foultitude d'expos patrimoniales en cours, de Monuments men justement, des réalisateurs has been (outre James Ivory déjà traité) et d'autres sujets divers qui agacent ma probe conscience culturelle. Je pressens déjà qu'en dehors des centenaires de Marguerite Duras et de la première guerre mondiale, sans omettre bien sûr la Libération, bien peu de choses seront commémorées en 2014 (Auguste, Joséphine, Rameau, Sade - hélas ! - Charlemagne, Anne de Bretagne, Charles Péguy, Alain-Fournier, Albéric Magnard - que j'apprécie beaucoup etc. semblent d'ores et déjà  out).