samedi 29 juin 2013

Arte et la musique de chambre.

Je voudrais pouvoir détourner la pub Badoit (TM) qui met en scène des fêtards bambocheurs chébrans versaillais XVIIIe siècle peinturlurés, perruqués et poudrés, afin d'en faire une parabole contemporaine de ce qui nous attend. Pour cela, j'userais de l'effet Koulechov en y insérant et y alternant avec les aristos patachons parasites des images, photogrammes et plans d'hommes, femmes et enfants squelettiques du ghetto de Varsovie ayant succombé à la faim, au typhus et à toute autre misère physiologique et privation. On les verrait ramassés au petit jour, dans l'indifférence, en pleine rue, en haillons, voire nus, puis, jetés tels des pantins désarticulés désincarnés pêle-mêle dans une fosse commune. J'intitulerais ce clip publicitaire : Bienvenue dans le monde selon Hayek. ("Journal d'un anti-bourgeois de Paris du XXIe siècle à la veille de la Nouvelle ère des Révolutions")
L'économie repartait, mais sur le dos du peuple. (Le Nouveau Victor Hugo)

Le friedmano-hayekisme porte en lui la mort de toute civilisation. (Cyber Léon Bloy)

Le péché originel, c'est l'élimination de l'Homme de Néandertal. (pensée profonde de Moa)

Chaque fois que j'entends l'indicatif de la pub, je fais le salut nazi et je crie "Heil Hayek !" (un téléspectateur anticapitaliste)

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Vous, téléspectatrices et téléspectateurs qui aimez la musique de chambre, qui voudriez écouter un quatuor de Beethoven, un quintette de Mozart, ou une sonate de Jean-Sébastien Bach, n'allez pas sur Arte ! Passez votre chemin ! 
Cette chaîne de télé, en effet, bien qu'elle soit désormais l'unique en France à diffuser avec constance de la musique classique à des horaires décents, ne programme jamais une seule nanoseconde de musique de chambre. Elle peut prétexter la désertion des caméras de télévision des salles de concert : cet argument est fallacieux et stupide. On ne tourne que pour le lyrique, le concertiste et le symphonique de nos jours, soit ! Alors, pourquoi cette institution audiovisuelle se prétendant culturelle ne fait absolument rien pour sortir des sentiers battus, et imposer - y compris aux autres chaînes allemandes lui servant de banques d'images - qu'on y filme aussi des concerts chambristes ?
Zéro note audible d'un quatuor de Haydn sur Arte ! Vous rendez-vous compte ? Le scandale ! La honte !
Il semble qu'il faille un  reportage sur un ballet contemporain pour que retentisse enfin sur Arte l'oeuvre pour violon seul du Cantor !
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D'aucuns objecteraient que, les quatuors, les sonates, les duos, les trios, les septuors et autres octuors, c'est élitiste, alors que l'opéra, le concerto et la symphonie sont davantage des spectacles de foule, de masse, collectifs comme le foot, donc forcément plus populaires... tel du Verdi. Pourquoi traitait-on autrefois Gabriel Fauré de musicien de salon ? Quelle insulte réductrice ! La musique de chambre représenterait-elle tant que ça un mode de vie aristocratique, suranné, éthéré, ennuyeux, digne de l'univers littéraire de Marcel Proust,
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 où l'on bâille poliment à l'audition de la fameuse sonate fictive de Vinteuil, sorte de compromis bâtard entre les styles franckiste, fauréen et debussyste ?
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 C'est injuste, et Arte a tort de s'y désintéresser, nous privant d'une part majeure de la production musicale savante des années 1700-1950. Si le refus crasse, obstiné et persistant de cette chaîne à inclure sur son canal la diffusion de la moindre mesure de tous ces opus laissés sur le carreau est de nature idéologique (chébrantude des musiques "actuelles" avec les sempiternels summers of  dont Arte nous abreuve, nous saoule depuis 2006 et dont même Télérama commence à se lasser (pour m'exprimer poliment)), qu'elle nous le dise. Et qu'elle n'argumente pas sottement :
"Vous voulez ouïr le 6e quatuor de Ludwig Van B. ? Hé bien, allez sur Radio Classique ou sur You Tube !" comme on dit à quelqu'un qu'il aille se faire pendre ailleurs ou que manquant de pain, il n'a qu'à bouffer de la brioche !
Cela s'appellerait du je-m'en-fichisme que ça y ressemblerait fort ! Arte fait preuve de paresse intellectuelle. Cette exclusion de facto est un méfait. On baigne en pleine démagogie massificatrice, en pleine flatterie des bas goûts et instincts supposés "jeunistes" et l'on sait depuis Jean de La Fontaine que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute... On pourrait en dire aussi beaucoup sur l'absence de compositeurs "pointus" valables dans les choix symphoniques d'Arte et de ses filmeurs (ils sont bien plus audibles qu'un Boulez par exemple, même si sa musique fit date...autrefois) :  jamais du Nielsen, fort peu du Sibelius, oublis absolus de Ralph Vaughan-Williams et d'Albéric Magnard pourtant reconnus musicologiquement comme des symphonistes de talent ; également sur la négligence consacrée et institutionnalisée dudit canal touchant la musique médiévale ou celle du XVIIe siècle ...Cela recoupe cette haine pathologique bien connue pour le Moyen Age qu'on abandonne aux néo fascistes populistes. Pour la musique du premier âge baroque, je m'interroge : le lullisme officiel louis-quatorzien n'est pas le seul à incriminer dans cette ignorance entretenue avec maniaquerie. Car il faut bien admettre que les choix musicaux d'Arte, finalement, sont déterminés voire préemptés par des ignares qui n'ont jamais dû apprécier ne serait-ce que le sublime quintette de Brahms pour clarinette et cordes.
Je crois comprendre comment Arte raisonne : ses dirigeants (dont des Allemands) doivent se dire ceci : étymologiquement et sur le plan sociologique, la culture, c'est ce qui rassemble, soude, fédère, est commun à un groupe (un Volk ?). Les esprits majoritaires dont le goût esthétique est modelé en amont par le lavage de cerveau hayekien et (ou) démagogique, ont donc une culture commune qui n'est pas celle de la musique de chambre classique. Celle-ci n'est appréciée que d'une minorité : inutile de tenter d'en élargir le public, tout acquis depuis un demi-siècle aux musiques "nouvelles" et "populaires". Ajoutons à ce raisonnement biaisé une dose de Bourdieu avec sa reproduction des élites. La musique de chambre classique est donc étrangère à la culture officielle (préformatée de fait par les médias de masse) de la majorité des téléspectateurs ; elle n'est pas fédératrice, par conséquent, ignorons-la.
Autrement dit, il y a, au contraire de l'entreprise noble des saltimbanques de l'ORTF des années 60 du genre Claude Santelli ou Stellio Lorenzi,
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 la volonté délibérée et publique de ne plus transmettre cette ancienne culture dite élitiste ou scolaire, culture de la reproduction des élites (même méritocratiques), de ne plus la vulgariser (il faudrait y ajouter encore Georges Steiner qui parlait du rejet de cette culture classique depuis l'explosion hippy parce qu'elle était considérée comme coupable de ne pas avoir empêché les atrocités nazies). Il est significatif que les rares vulgarisateurs encore présents sur nos écrans sont tous d'une orientation politique douteuse... Ne leur a-t-on pas de fait abandonné des niches écologiques ? Je reviendrai un jour prochain sur ce problème, qui me semble remonter au milieu des années 1980, avec le sabotage de la diffusion de la série documentaire sur le musée du Louvre (c'est à cette époque que, significativement, on décida la création d'une chaîne culturelle ghetto - la Sept -  pour dédouaner toutes les autres de leurs nobles missions issues du pacte PCF-UNR de 1958).
Hélas, mesdames et messieurs, hélas ! J'appartiens à ces gens issus de la méritocratie ! Mon grand-père maternel était illettré. Le français n'était même pas la langue maternelle de mes ancêtres. J'ai aimé histoire et préhistoire dès l'enfance, parce que la télé que je voyais à cinq, six, sept ou huit ans, représentait un terrain favorable à cette transmission de la culture et des savoirs nobles, un outil de vulgarisation, tel que l'immense Alexandre Dumas
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 l'avait saisi au XIXe siècle pour la littérature. Instruire tout en divertissant : tous ou presque tous ont de nos jours oublié cela, cette mission pédagogique fondamentale.

mardi 18 juin 2013

Denis Diderot et les jumelles de Rabastens.



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Je faisais face à un profond sentiment d'iniquité. (Journal d'un nauséeux jean-saul-partrien)

Nous sommes gouvernés par des homoncules. (Le Nouveau Victor Hugo)

Les mots peuvent suffire à détruire un monde mauvais. (Le Nouveau Victor Hugo).

Tu es Yago le mensonge et Oreste la folie. (Michael Xidru à Johann Van der Zelden).

Aujourd'hui, pour changer, un peu de tératologie à la sauce Siècle des Lumières...

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Dans Le Rêve de d'Alembert de Denis Diderot, nous pouvons lire ceci :



BORDEU.

Faites-vous prêter la feuille du 4 de ce mois de septembre, et vous verrez qu’à Rabastens, diocèse d’Alby, deux filles naquirent dos à dos, unies par leurs dernières vertèbres lombaires, leurs fesses et la région hypogastrique. L’on ne pouvait tenir l’une debout que l’autre n’eût la tête en bas. Couchées, elles se regardaient ; leurs cuisses étaient fléchies entre leurs troncs, et leurs jambes élevées ; sur le milieu de la ligne circulaire commune qui les attachait par leurs hypogastres on discernait leur sexe, et entre la cuisse droite de l’une qui correspondait à la cuisse gauche de sa sœur, dans une cavité il avait un petit anus par lequel s’écoulait le méconium.

MADEMOISELLE DE L’ESPINASSE.

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Voilà une espèce assez bizarre.

BORDEU.

Elles prirent du lait qu’on leur donna dans une cuiller. Elles vécurent douze heures comme je vous l’ai dit, l’une tombant en défaillance lorsque l’autre en sortait, l’autre morte tandis que l’autre vivait. La première défaillance de l’une et la première vie de l’autre fut de quatre heures ; les défaillances et les retours alternatifs à la vie qui succédèrent furent moins longs ; elles expirèrent dans le même instant. On remarqua que leurs nombrils avaient aussi un mouvement alternatif de sortie et de rentrée ; il rentrait à celle qui défaillait, et sortait à celle qui revenait à la vie.

MADEMOISELLE DE L’ESPINASSE.

Et que dites-vous de ces alternatives de vie et de mort ?

BORDEU.

Peut-être rien qui vaille ; mais comme on voit tout à travers la lunette de son système, et que je ne veux pas faire exception à la règle, je dis que c’est le phénomène du trépané de La Peyronie doublé en deux êtres conjoints ; que les réseaux de ces deux enfants s’étaient si bien mêlés qu’ils agissaient et réagissaient l’un sur l’autre ; lorsque l’origine du réseau de l’une prévalait, il entraînait le réseau de l’autre qui défaillait à l’instant ; c’était le contraire, si c’était le réseau de celle-ci qui dominât le système commun. Dans le trépané de La Peyronie, la pression se faisait de haut en bas par le poids d’un fluide ; dans les deux jumelles de Rabastens, elle se faisait de bas en haut par la traction d’un certain nombre des fils du réseau : conjecture appuyée par la rentrée et la sortie alternative des nombrils, sortie dans celle qui revenait à la vie, rentrée dans celle qui mourait.

MADEMOISELLE DE L’ESPINASSE.

Et voilà deux âmes liées.

BORDEU.

Un animal avec le principe de deux sens et de deux consciences.

MADEMOISELLE DE L’ESPINASSE.

N’ayant cependant dans le même moment que la jouissance d’une seule ; mais qui sait ce qui serait arrivé si cet animal-là eût vécu ?

BORDEU.

Quelle sorte de correspondance l’expérience de tous les moments de la vie, la plus forte des habitudes qu’on puisse imaginer, aurait établie entre ces deux cerveaux ?

MADEMOISELLE DE L’ESPINASSE.

Des sens doubles, une mémoire double, une imagination double, une double application, la moitié d’un être qui observe, lit, médite, tandis que son autre moitié repose : cette moitié-ci reprenant les mêmes fonctions, quand sa compagne est lasse ; la vie doublée d’un être doublé.

BORDEU.

Cela est possible ? et la nature amenant avec le temps tout ce qui est possible, elle formera quelque étrange composé.

MADEMOISELLE DE L’ESPINASSE.

Que nous serions pauvres en comparaison d’un pareil être !

BORDEU.

Et pourquoi ? Il y a déjà tant d’incertitudes, de contradictions, de folies dans un entendement simple, que je ne sais plus ce que cela deviendrait avec un entendement double… Mais il est dix heures et demie, et j’entends du faubourg jusqu’ici un malade qui m’appelle.



Commentaire : 

Nous nous situons à l'époque de la théorie de l'Homme-Machine de La Mettrie, déjà abordée dans mes articles consacrés au roman Le Cousin de Fragonard, de Patrick Roegiers. Féru d'altérité et de tératologie, découverte lors de mes multiples visites au Musée de l'Homme et au Muséum d'Histoire naturelle de Paris, je n'ai pu qu'être frappé par la ressemblance du cas décrit par Diderot avec celui daté de 1830, des jumelles siamoises Rita et Cristina (illustration de tête), auxquelles Stephen Jay Gould consacra une chronique dans son recueil Le Sourire du Flamant rose (éditions du Seuil collection Point Science). De même, cette réflexion s'inscrit dans celle développée par Patrick Tort sur la perception de la monstruosité au XVIIIe siècle dans son maître ouvrage L'ordre et les monstres (éditions Syllepse 1998).

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Depuis le XVIe siècle et Ambroise Paré, on réfléchissait sur les prodiges de la nature, sur la monstruosité et ses causes. Au XVIIIe siècle, la révolution scientifique est en cours, et on se questionne au sujet des processus de la fécondation et du développement, de la constitution des êtres : l'embryologie est alors balbutiante, son essor freiné par la querelle entre les préformationnistes, partisans de la présence d'un homoncule préformé dans les gamètes (les ovistes optant pour les ovaires, l'ovule, et les spermistes pour les testicules, les spermatozoïdes), encouragés par des observations erronées, mal interprétées, après l'invention du microscope (ceci étant antérieur à la formulation de la théorie cellulaire au XIXe siècle) et les tenants de l'épigénétique, pour qui l'embryon se développe et se complexifie au fur et à mesure par ajout d'éléments, de parties, par un processus d'organogenèse. Ce furent les seconds qui l'emportèrent.
Soutenir l'épigénétique impliquait que l'on admît l'existence de dysfonctionnements dans le processus de développement de l'être. La nature pouvait commettre des erreurs : c'était sacrilège aux yeux de l'Eglise, pour laquelle Dieu ne peut pas se tromper. Désormais, la naissance des monstres ne résultait pas de la volonté divine, de la Providence, mais avait des causalités scientifiques. Comme une machine, l'organisme humain pouvait se dérégler, se détraquer, se gripper, s'altérer, y compris au cours de l'épigenèse. Pour les catholiques, les positions de La Mettrie et Diderot étaient inadmissibles, répréhensibles, leur athéisme inacceptable : ils évacuaient Dieu de leur raisonnement, de la science. 
On peut nuancer l'attitude de Diderot, moins radicale que celle de La Mettrie, qui dut trouver refuge en Prusse, bien que l'auteur de la Lettre sur les Aveugles eût eu maille à partir avec la justice et la censure royale. Faut-il rappeler que, comme la plupart de ses oeuvres, Le Rêve de d'Alembert ne parut pas de son vivant ?
Le dialogue entre le docteur Bordeu et Julie de Lespinasse, orienté un court temps en direction des Dioscures, de la gémellité, s'oriente avec le cas des jumelles de Rabastens vers une réflexion au sujet du fonctionnement d'un organisme double, siamois, alternant vie et mort, un questionnement sur la physiologie de ces nouvelles nées qui point ne vécurent. Il y a dualité des organes, des cerveaux, des pensées, des actions, en deux êtres fusionnés mais non viables. 
En 1829, un cas encore plus intéressant survint avec deux siamoises italiennes incomplètes car ne possédant qu'une seule paire de jambes : Rita-Cristina. Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos ont consacré un article à ce sujet dans Le Point.fr. Je vous invite à le lire. Stephen Jay Gould les avait précédés dans Le Sourire du Flamant rose. Etienne Geoffroy Saint-Hilaire et Serres publièrent en 1830 un mémoire sur l'organisation de Rita-Cristina, qui vécurent plus longtemps que les jumelles de Rabastens, puisque décédées à l'âge de huit mois. 
Stephen Jay Gould en vient à poser la question de l'identité, unique ou plurielle, unique en bas, double en la partie supérieure de l'organisme. Il imagine un schéma conceptuel inverse, un monstre double en la partie inférieure (deux paires de jambes, à tête unique en haut  : ces spécimens tératologiques existent, notamment au musée Dupuytren). Il s'est intéressé au squelette des deux infortunées, conservé au Muséum d'Histoire naturelle de Paris (galerie d'anatomie comparée) où je pus moi-même les voir en compagnie de cyclopes et d'anencéphales. Pour l'Eglise, elles étaient incontestablement deux : deux têtes, donc deux cerveaux, deux ouailles, qui furent baptisées... Les jambes n'étaient pas la partie noble du corps. Cela impliquait qu'il s'agissait de deux êtres distincts reliés par le bas, non pas d'une créature bicéphale. Les erreurs du développement gémellaire mal séparé n'avaient pas encore été découvertes, les premiers siamois officiels ayant été Eng et Chang. Les jumelles de Rabastens étaient soudées par le bassin, la région hypogastrique et les fesses. Elles semblent s'apparenter aux siamois ischiopages, soudés par le pelvis.
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 Il appartint à Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, le fils d'Etienne, de préciser la classification des siamois et monstres doubles. Il est intéressant de savoir que ses soeurs cadettes étaient jumelles. A l'heure actuelle, les soeurs américaines Abigail et Brittany Hensel, nées en 1990, sont les siamoises les plus célèbres. 
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samedi 15 juin 2013

Ces films qui ne sortent pas en DVD ou le font tardivement.

Il étoit facile de se sentir fort aise, de se complaire en ce monde friedmano-hayekien, lorsqu'on se trouvoit du costé du marteau et non point de l'enclume. (extrait des Mémoires du Nouveau Cyber Saint-Simon)

La démémorisation culturelle - y compris dans le fait de ne pas publier les nécrologies de celles et ceux qui comptèrent - est un outil majeur de décervelage des masses au profit d'une entreprise de confiscation généralisée des savoirs mise au service du seul utilitarisme immédiat. (le Cyber Philosophe Inconnu)

Parmi les nécrologies, ils ne choisissaient plus de publier que ce qu'ils voulaient, au lieu de ce qu'il y avait. Ils commencèrent par sauter les acteurs de télé, puis s'en prirent aux dessinateurs de bédé, enfin à presque tous les décédés, à l'exception notable de ceux appartenant à leur corporation journalistique. (Chroniques d'un Anti-Monde du début du XXIe siècle).

Si j'avais été là avec mes guerriers, j'aurais vengé le Christ ! (Clovis, d'après L'Histoire de France en bandes dessinées n° 2, éditions Larousse 1976)

C'est légal parce que je le veux. (Louis XVI au duc d'Orléans le 19 novembre 1787)

J'excellais à l'invention de fausses citations. (aphorisme de moa)

Aujourd'hui, le juriste a envie de vous parler. L'article L231-1 du code du cinéma et de l'image animée dit ceci :
Une œuvre cinématographique peut faire l'objet d'une exploitation sous forme de vidéogrammes destinés à la vente ou à la location pour l'usage privé du public à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la date de sa sortie en salles de spectacles cinématographiques. Les stipulations du contrat d'acquisition des droits pour cette exploitation peuvent déroger à ce délai dans les conditions prévues au deuxième alinéa. Les stipulations du contrat d'acquisition des droits pour cette exploitation prévoient les conditions dans lesquelles peut être appliqué un délai supérieur conformément aux modalités prévues au troisième alinéa.
La fixation d'un délai inférieur est subordonnée à la délivrance par le Centre national du cinéma et de l'image animée, au vu notamment des résultats d'exploitation de l'œuvre cinématographique en salles de spectacles cinématographiques, d'une dérogation accordée dans des conditions fixées par voie réglementaire. Cette dérogation ne peut avoir pour effet de réduire le délai de plus de quatre semaines.
Les contestations relatives à la fixation d'un délai supérieur peuvent faire l'objet d'une conciliation menée par le médiateur du cinéma, dans le cadre des missions qui lui sont confiées par les articles L. 213-1 à L. 213-8. (source : Legifrance)

Juridiquement, cela veut dire qu'on peut allègrement dépasser ce délai, voire décider de ne sortir un film en DVD ou en blue ray qu'après plusieurs années, si ce n'est jamais !Tout dépend du contrat d'acquisition des droits qui peut prévoir des dérogations au délai ainsi que les conditions d'application d'un délai supérieur.
Hé bien, je voudrais être une mouche (ainsi parlait ma mère) pour aller fourrer mes pattes et mes antennes parmi la paperasse (virtuelle ?) des contrats d'exploitation en vidéogrammes de nombreux films qui mettent un temps fou pour sortir en DVD.
Force est de constater que, dans la grande majorité des cas, ces longs métrages que les éditeurs vidéo tardent inconsidérément à sortir, sont passés inaperçus en salles à cause de leur distribution anémique et hectique. Hors Paris, point de salut. Cela signifie que, pour un provincial comme moi, sachant que même des établissements présumés classés "art et essai" ne sont pas parvenus à obtenir une copie de ces films, et comme je veux rester honnête et voir cela sur un écran d'une taille appréciable (pas sur celui de mon ordi, donc) sans streaming ou téléchargement légal ou hors la loi, le DVD et le blue ray demeurent l'unique chance d'enfin les voir si ce n'est sur le bouquet satellite (qui coûte cher lui aussi). Les chaînes hertziennes sont la dernière roue de la charrette. Les profiteurs de la loi des quatre mois sont toujours les mêmes gros cubes, alors qu'une bonne intention de départ laissait présumer qu'un raccourcissement des délais de sortie en vidéo bénéficierait aux oeuvres qu'on dit pudiquement "fragiles".
Il n'en est rien dans ce monde ultra hayekien, aussi intransigeant et fondamentaliste que le sinistre ministère Villèle sous Charles X.
 Des exemples ?
 Tolstoï le dernier automne (The last station) de Michael Hoffman (2010)  : apprenez que j'ai dû patienter vingt-deux interminables mois pour que la galette argentée de de film daigne sortir en vente, et encore, sous un autre titre : Le Dernier Automne ! Même Canal + et Orange n'en ont pas voulu : seule Arte l'a diffusé à la télé dans une indifférence polie (pour moi, l'indifférence constitue une forme suraiguë d'insulte, de mépris et d'outrage ).

 

Adonc, je poursuis ma litanie énumérative :
Dernière séance de Laurent Achard (2010 : sorti seulement fin 2011).

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Cette oeuvre singulière, d'une grande originalité, sorte d'hommage sanglant et sacrificiel aux salles de cinéma moribondes, sortit au pire moment, lorsque Intouchables encombrait tout le marché des films, mit onze mois pour être éditée en DVD.

Madame Solario de René Féret (2012) a failli appartenir à la rubrique des films jamais prévus en DVD et en blue ray : in extremis, une sortie a enfin été fixée, un an après l'exploitation (fort chiche) en salles. Quand un long métrage n'est ni populaire, ni consensuel, ni décérébrant et pascalien, il ne risque pas d'être favorisé par une grosse combinaison d'écrans ! Le système et ses poisons (comme le disait le Général de Gaulle au sujet des partis de la IVe République qu'il exécrait) veulent cela, cette marginalisation de tout ce qui est vraiment culturel au profit de l'amphigouri démagogique du diviser pour régner ultralibéral-libertaire.
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Maintenant, je passe aux choses les plus sérieuses et les pires. Monsieur Eric Atlan ne me contredira pas : malgré ses qualités, son originalité (hé oui, toujours se démarquer du tout venant académique de la production courante et populaire(liste), telle est la règle fondamentale de tous les arts, septième inclus), sa beauté plastique, son fascinant Mortem (2012), sorti depuis des lustres en (peu) de salles (depuis octobre 2012 exactement) ne parvient pas à intéresser les éditeurs de vidéogrammes qui enfreignent donc, à leur seul bon plaisir, la loi des quatre mois. Ils pourraient clamer à la manière du roi Louis le Mou : C'est légal, parce que le Profit le veult ! Mais ce film, mon coco, il n'est pas rentable pour ces mecs, il ne rapporte pas de fric! Ce n'est pas avec lui qu'on pourra acheter un Van Gogh ou un Damien Hirst à Sotheby's , un grand cru, une écurie de course, où nous rendre dans le plus chébran et luxueux eros center (les maisons closes du monde actuel) proposant les déviances tarifées les plus inouïes ! Les îles à sucre, ça coûte cher depuis qu'il y a le sida pour les Priape, les maréchaux de Richelieu de notre temps turgescents et métastasés de flouze virtuel spéculatif.
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Excusez-moi si je suis devenu si excessif et violent dans mon maniement de la langue française, mais cette manière polémique de m'exprimer est à la mesure de mon indignation, de ma juste colère et de mon ras-le-bol culturel et intellectuel. Je suis aussi exaspéré que la population mérovingienne du début du VIe siècle à l'encontre du roi débauché Ragnacaire et de son frère Riquier (cf Grégoire de Tours et L'Histoire de France en BD).
Piazza Fontana (2012), de Marco Tullio Giordana, intéressant et passionnant thriller politique italien, dans la grande tradition des films engagés de la Péninsule, flingué par Le Monde, journal réputé pour sa cuti virée façon Hayek et Friedman même pas foutu d'avoir publié une nécrologie de Christian De Duve et de Deanna Durbin, ne sera dispo qu'en VOD ! Par chance, j'ai réussi à le voir en salle...à une séance de 20h30 !
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Le meilleur, dans ce texte qui fait fi du consensus mou, je l'ai réservé pour la fin ! Figurez-vous qu'il existe un film sorti en salles et passé sur Canal + sans nulle édition préalable en DVD ! Impensable, n'est-ce pas ?
Qui est cet oiseau rare ? Un film hermétique de Hong Kong en VO non sous-titrée et en noir et blanc bâti en plans séquences contemplatifs chiants et d'une durée totale de neuf heures ? Non, ô surprise, il s'agit prosaïquement d'un film en costumes anglais, à l'humour assez macabre et gothique, réalisé par un maître du fantastique qui collabora avec Michael Jackson dans son immortel Thriller : John Landis !
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Comment l'auteur d'une telle génialité, réalisateur d'un incontournable chef-d'oeuvre, quintessence musicale absolue des années quatre-vingts, a-t-il pu se voir autant marginalisé pour son Cadavres à la Pelle (2010), saboté aussi à la distribution ? Toutes les avanies, ce film les a connues chez nous : sa sortie a été reportée trois fois (quatre pour le Jane Eyre de 2011 qui a battu tous les records), son nombre de copies a été insignifiant, de même ses entrées, et il n'a pas eu droit au circuit d'art et essai, envoyé en VF au casse pipe dans des méga complexes difficiles d'accès hors bagnole où il n'a tenu l'affiche qu'une semaine. Résultat sans appel : 15 à 16 000 entrées seulement pour tout l'hexagone ! Un échec cinglant et voulu ! La haine du film en costumes à l'anglaise (qui a exclu chez nous toute célébration de Dickens et tout achat par nos chaînes des adaptations par la BBC de ses romans même plus disponibles en bouquins papier dans la langue de Molière) a encore frappé !


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Les présences truculentes de Simon Pegg  (par ailleurs formidable et attachant Scotty dans les deux Star Trek  de J.J. Abrams) et d'Andy Serkis n'ont pas suffi à convaincre distributeurs et éditeurs.

Post scriptum :  le sabotage de Michael Kohlhaas d'Arnaud des Pallières a commencé : on a reporté sans explication la sortie du film du 3 juillet au 14 août. Par ailleurs, l'indifférence froide qui a accueilli sa projection dans la compétition cannoise fait redouter le pire pour sa carrière sur nos écrans... Rien que pour Roxane Duran, je suis pourtant prêt à le voir ! En plus, elle est native du Verseau, comme Dickens, Lincoln et Darwin !





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samedi 8 juin 2013

Shah Jahan et le Baphomet : un conte de l'Inde moghole.

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J'ai capté, enregistré, mémorisé, tout ce qu'il y a eu depuis plus de trente ans de pourri et de préjudiciable dans le domaine d'une culture devenue intégralement marchande (Cyber Léon Bloy).

Un jour, le profit ne sera peut-être plus qu'une entité dématérialisée, une sorte de dieu-énergie abstrait, s'auto-alimentant sur sa propre lancée, sa propre dynamique, poursuivant sa démoniaque existence d'antimatière, d'énergie noire, bien après l'extinction de l'humanité et la mort de la Terre (un philosophe extraterrestre).

Il faut savoir avaler des couleuvres pour réussir en politique (un leader anonyme mais non groupusculaire).

Aujourd'hui, une mise en bouche, un extrait du Nouvel Envol de l'Aigle, par Jocelyne et Christian Jannone.

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Depuis toujours, le prince avait été fasciné par les récits merveilleux de l’Orient arabe et par les contes des Mille et Une Nuits. À la tête d’une fortune incalculable, aimant par-dessus tout la beauté, il rêvait de posséder les objets les plus rares, les plus raffinés, empreints d’une magique et attrayante puissance.
Après avoir accumulé les vases précieux, les gemmes de toutes tailles et de toutes couleurs, les perles, les statues, les coquillages, les livres magnifiquement ouvragés et illustrés, les ivoires et les jades, il était tombé amoureux d’une jeune femme aux yeux en amande, au teint d’un exquis velouté, au teint de pêche, aux dents semblables à des perles fines et nacrées, aux cheveux soyeux couleur d’ambre doré.
Son père s’était rendu à son désir et il avait pu épouser Mumtaz Mahal. 
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Son bonheur avait duré longtemps. Mumtaz lui avait donné une nombreuse progéniture.
Devenu souverain régnant à son tour, il en avait oublié sa charge et ses devoirs, refusant de se consacrer à la conduite d’un peuple tumultueux.
Avec Mumtaz Mahal, il passait des jours entiers dans les jardins et les appartements d’un luxe raffiné de son amour, de son autre moitié. Ainsi, il paressait à l’ombre des arbres, trempant ses doigts dans l’eau des bassins tout décorés de nénuphars.
Sans cesse, après l’amour, il offrait à son élue des roses, des magnolias, des fuchsias ou du jasmin. Ses ministres s’inquiétaient, à juste titre, lui rappelant les tristes et trop lourdes affaires de l’Etat. Lui s’en moquait, soupirait auprès de l’Aimée, envoûté par son charme, se perdant dans sa contemplation, ne parvenant pas à la quitter.
- Que voudrais-tu, ce jourd’hui, ma mie?
- Cet oiseau-lyre, ce ruisseau qui vient danser à mes pieds…
- Mais encore?
- La lune en son croissant, ces musiciennes jouant si joliment de la flûte et de la cithare.
- Ma douce, je dois me rendre en mon Conseil…
- Non! Reste et donne-moi ces mousselines légères, ton cœur et ta présence…
Alors, fou d’amour, jamais rassasié, le prince cédait d’autant plus volontiers que la santé de Mumtaz s’était dégradée à la suite de grossesses à répétition. Épuisée, la jeune femme demeurait allongée sur des coussins de soie, s’apprêtant à donner encore la vie. 
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Mais, lors de l’accouchement, tout se passa très mal. L’insidieuse et cruelle fièvre s’empara d’elle.
Un soir sinistre, inoubliable et maudit, alors que la pluie fouettait durement le sol, le transformant en bourbier gras et nauséabond, que de putrides senteurs envahissaient le Palais, Mumtaz Mahal jeta son dernier soupir en même temps qu’elle expulsait, dans un suprême effort, son fruit mort hors de ses entrailles.
Accablé, fou de chagrin, Shah Jahan hurla des nuits entières, refusant de s’alimenter, sombrant ensuite dans l’aphasie. Puis, pris d’une activité désordonnée et fébrile, il se mit à lire tous les récits qui lui venaient d’Alep et d’Alexandrie, de Damas et d’Ispahan. 
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Il finit par tomber sur ces quelques lignes fort étranges mais au contenu bien explicite:
«  Avec lui, Temps et Mort n’imposeront plus leur loi d’airain.
Figure bicéphale, il indique la Voie des non humains.
Du fond des Âges, il délivre l’homme
Et de la sagesse, il ne se montre prud’homme ».
Après d’autres nuits sans sommeil, relisant sans cesse le texte, Shah Jahan fit venir tous les astrologues, magiciens et fakirs, tous les nécromants et les alchimistes, les sorciers et les charlatans du Ponant, du Levant et du Septentrion.
Enfin, un certain Ismaïl Oban lui dit que cette description se rapportait au Baphomet.
- Au Baphomet? Trouve-le!
- Splendeur de l’Orient, le Baphomet a disparu depuis des lustres, lors du Djihad contre les Roumis, les Francs, du temps de la poussée des Turcs Seldjoukides, bien avant que Stamboul devînt la ville capitale du calife ottoman. 
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- J’ai dit: trouve-le! Puise dans mes coffres, va aussi loin que le monde est vaste, franchis les frontières du royaume de Chine s’il le faut, celles de l’Afghanistan, de la Perse et de l’Egypte, passe la mer océane! Tu seras récompensé au-delà de toute attente.
Oban obéit. Il partit près de cinq ans. Pendant ce temps-là, le Taj Mahal blanc s’éleva près d’Agra, ses murs se reflétant dans les eaux moirées du ruisseau dompté, assagi et canalisé.
Au retour d’Ismaïl avec ledit Baphomet, le Grand Moghol n’afficha aucune satisfaction. Il avait tant attendu et l’expédition lui coûtait près de cinq ans de revenus et près de trois cents hommes!
Mais là, désormais, sous les yeux froids du Prince, l’étrange idole brillait sous la lumière des torches et semblait dotée de vie.
Dans l’expectative, suspicieux et prudent, Shah Jahan chassa alors de la chambre tout son entourage et s’attela à trouver comment fonctionnait le Baphomet.
Cher lecteur anxieux, il est bon qu’auparavant tu saches quelle récompense reçut le dévoué Ismaël Oban. Hé bien! Sa tête fut tranchée nette par le yatagan personnel du Prince. Shah Jahan était ainsi! Qui a cru naïvement que nous racontions un conte de fée, une mièvrerie sentimentale dont Hollywood se repaissait? Bon sang! Nous ne sommes pas dans un dessin animé estampillé Disney!
Après de longues heures de réflexions, de tâtonnements et d’essais malheureux, le Grand Moghol sut enfin se servir de la maléfique ou bénéfique idole, ce portail ouvert sur tous les mondes, tous les potentiels réalisés.
Mais, là, tout se compliqua. Le fruit empoisonné, le délice inaccessible! Voyager dans le temps, ce n’est pas comme prendre l’omnibus ou le métro! Marier à la fois l’islam saint et l’hindouisme non plus. Effacer la mort de Mumtaz Mahal, un rêve de plus en plus fumeux malgré les nombreux chemins empruntés. Une songerie d’un mangeur d’opium, voilà comment se concrétisait la quête du prince. 
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Malgré les sauts répétés et enchaînés, les voyages recommencés, le Taj Mahal subsistait, ou se dédoublait au profit de son jumeau, le Taj Mahal noir. C’était à en perdre la raison.
En dehors du Palais, la révolte grondait, devenait menaçante. Pendant ce temps, les tablettes de l’Histoire se fragmentaient, les croisades sombraient dans le néant ou, encore, voyaient la victoire des mécréants.
Des pluies de météorites foudroyaient le royaume, incendiant aussi bien les villes que leurs habitants, répandant partout la terreur.
Dans le ciel enténébré, la Lune gondolait, se contorsionnait en une danse étrange, rapetissait ou,  au contraire, se rapprochait.
Maintenant, l’Afrique tout entière avait été conquise par les Romains à une date lointaine mais, pourtant, le Taj Mahal toujours s’obstinait à se dresser, insolent dans sa beauté.
Pour l’heure, l’Inde était sous la botte de la Perse, la Chine dominait jusqu’à la Mer Rouge, Gengis Khan s’était perdu dans les méandres du Temps, ce dieu protéiforme. Là-bas, en Occident, à présent, un Plantagenêt régnait tandis que Londres, Paris et Rome accueillaient triomphalement leur souverain légitime.
Malgré ces bouleversements, le Taj Mahal persistait à défier le chagrin inextinguible de Shah Jahan ! 
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mardi 4 juin 2013

Ces films qui ne sont pas sortis en salles en France.

Nous vivons dans un Ancien Régime mondialisé où l'aristocratie internationale de l'argent ne paie absolument aucun impôt. Un 1789 global est donc nécessaire. (propos d'un avocat fiscaliste universaliste révolutionnaire du XXIe siècle)

Je suis un cinéphile frustré. (aphorisme de moa)

J'avais le choix entre deux Merkel : Una, la rigolote et Angela avec sa tronche.
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J'ai opté pour Una... (un fantaisiste démagogue anti-allemand)

Les Etats où l'on aime à ne s'exprimer qu'en anglais (pays scandinaves ou de l'ex Europe de l'Est), sont des cyber-éclaireurs et des poissons-pilotes de l'ultralibéralisme friedmano-hayekien. (un contemporain lucide mais non pas décliniste)

Clovis, tout haut : 
- Qu'on le garde ! (à propos de Syagrius prisonnier)
Puis, tout bas : 
- Qu'on l'égorge.... (d'après L'Histoire de France en bandes dessinées n° 2 "Attila-Clovis", éditions Larousse 1976)
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Cinq films jamais distribués en salles en France ; cinq seulement, à titre d'exemples, mais ô combien significatifs !
Paperhouse (1988) de Bernard Rose.
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 Singulier cas que celui-là, presque en quelque sorte une prémonition de ce qui se passe de nos jours à Gérardmer ! Paperhouse reçut en 1989 le grand prix de l'étrange au festival d'Avoriaz (que la télévision de ce temps couvrait autrement mieux que son successeur), ce qui ne l'empêcha nullement de n'avoir jamais été distribué en salles en France ! Peut-être n'était-il pas gore, selon les goûts, modes et tendances du ciné fantastique de la fin des années 80 (c'était dix ans avant que Sixième Sens ne réhabilitât un cinéma plus subtil et suggéré qu'horrifique et sanglant à coup de grosse artillerie) ?

Star Trek 5 l'Ultime frontière (1989). Pourtant réalisé par William Shatner en personne, ce fut le seul film de la série des Star Trek a n'avoir bénéficié d'aucune distribution française sur grand écran !
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Enigma (2001), de Michael Apted. Selon moi, un des pires scandales de la non sortie d'un film contemporain en France.


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Voilà un film avec Kate Winslet, dont la distribution dans l'hexagone, prévue au printemps 2001, fut ajournée ! Contrairement à d'autres films pudiquement qualifiés d'"inédits en salles", il n'a eu droit ni à une diffusion sur Canal +  (sur aucune chaîne d'ailleurs), ni à une édition ultérieure en VHS, puis en DVD et en blue ray ! La honte intégrale, absolue, je vous dis ! Enigma, qui traite du décryptage des codes secrets durant la seconde guerre mondiale, notamment celui de la machine nazie du même nom par Alan Turing, détient la palme d'or de l'invisibilité, pis que les dix oeuvres de mon précédent billet ! Et Jeremy Northam (Thomas More dans Les Tudor) jouait en plus dedans !

Vision - Aus dem Leben der Hildegard von Bingen (2010), de Margarethe von Trotta
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La haine absurde et sectaire du Moyen Âge européen a encore frappé : même Arte n'a rien fait pour acquérir les droits de diffusion de ce biopic à l'allemande, par ailleurs interprété par la grande actrice Barbara Sukowa. Les distributeurs français ont considéré ce long métrage comme inapproprié au public national, trop allemand sans doute. Ils l'ont boudé. Vision a rejoint dans la cohorte de l'ignorance et de l'occultation  voulues et entretenues le Musée de Cluny et les expos qui vont avec.  On dirait qu'on a voulu faire payer à l'ancien pape Benoît XVI les écrits qu'il consacra à cette grande mystique médiévale, écrits que, indépendamment de ma part d'une affirmation identitaire de toute foi catholique, je trouve magnifiques. Pas si antiféministe que ça, l'ex Souverain Pontife sut proclamer cette figure géniale Docteur de l'Eglise en 2012. Les esprits dogmatiques de l'ultra matérialisme n'y auront vu qu'une momerie catho de plus, oubliant que le XIIe siècle fut une époque de renaissance intellectuelle intense et un siècle où la femme (rappelez-vous Aliénor d'Aquitaine !) fut mieux lotie en Occident qu'à des périodes pourtant postérieures (Napoléon, par exemple, hé oui ! Voyez son code civil !). Jamais le progrès n'a été linéaire...

Wilde Salomé (2011), d'Al Pacino.
Un film de réflexion sur une pièce d'Oscar Wilde, avec Jessica Chastain dans le rôle de Salomé (qui lança d'ailleurs sa carrière d'actrice), présenté à Venise, et qu'on  a jugé inutile de sortir en salles chez nous, parce que non consensuel et familial ainsi que Boule et Bill et Jappeloup. Les sites de cinéma de la Toile indiquent toujours désespérément : "prochainement" ! Bien évidemment, aucun DVD, aucun passage télé en vue !
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Décidément, quelque chose doit cesser : le public cultivé ne peut plus demeurer la dupe de stratégies commerciales abstruses et rentabilistes à court terme. Bientôt, il ne le tolérera plus !
Dans quelques prochains billets, je vous parlerai des films qui n'arrivent pas à sortir en DVD, de ceux dont les projets n'ont jamais abouti, de ceux encore où jouent de plaisantes comédiennes (Romola Garai et Clémence Poésy) mais qui ne trouvent pas preneurs en France, de ceux dont on feint de ne pas tenir compte du talent de la réalisatrice (Sarah Polley) etc. etc. etc.

samedi 1 juin 2013

Dix films invisibles à la télé française.

Plus de vingt ans après le suicide de Jean Prat, les motifs de cet acte de désespoir culturel apparaissent plus que jamais d'actualité et n'ont rien perdu de leur pertinence (Journal d'un Insurgé contre l'anti-culture).

La chébrantude avait décrété que Zola et Hugo étaient devenus illisibles, inintelligibles, hermétiques, parce qu'ils écrivaient dans une langue si ancienne, si archaïque, si hiéroglyphique, si énigmatique, que plus aucun lecteur contemporain pratiquant le bas français n'en pouvait déchiffrer les arcanes (Chroniques futures de Frère Gibertus, moine post-hayekien).

Je suis un cinéphile exigeant et intransigeant  (moi-même).

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Aujourd'hui, une fois n'est pas coutume, j'ai décidé d'évoquer une aberration absolue, à l'heure où il paraît que l'ensemble du patrimoine matériel et immatériel de l'humanité devient accessible à tous, universellement partagé par tous.

Ce scandale touche le cinéma, plus exactement une certaine catégorie de films, non point forcément perdus, disparus, ou prétendus tels, mais des oeuvres inexplicablement bloquées, donc invisibles, soit pour des raisons juridiques, soit par désintérêt, soit par censure politique, soit par mépris de leur auteur qui n'est pas ou plus à la mode. Malgré le panel actuel de centaines de chaînes (câble, TNT, satellite etc.) aucune, absolument aucune, n'en a les droits de diffusion ou cherche à les acquérir. Je me suis limité sur ce billet à dix longs métrages emblématiques, certains un peu anecdotiques, un peu nanareux, d'autres qu'on classe au rang de chefs-d'oeuvres... Ils couvrent l'ensemble de l'histoire du 7e art, du muet aux années 2000.

1/ Le Cabinet des figures de cire (1924) de Paul Leni  .
http://www.classichorror.free-online.co.uk/leni_e.jpg

Cette oeuvre à sketches mélange les genres : merveilleux des mille et une nuits, humour, fantastique, horreur et terreur (avec Jack l'Eventreur). C'est la seule oeuvre muette majeure que je ne suis jamais parvenu à voir hors You Tube ! Cela est inexplicable, d'autant plus que la presque intégralité des longs métrages encore répertoriés de Paul Leni, ce cinéaste majeur, semblent boudés par toutes nos chaînes, y compris la plus compétente en la matière : Arte. De 1993 à 2011, Arte diffusa certes un muet mensuel (d'abord présenté par Marc Bruckner), mais sans qu"aucune oeuvre de Paul Leni n'eût obtenu le droit de passage ! Seul The Cat and the Canary fut visible...sur Ciné Polar ! Depuis, tous ces trésors muets de cinémathèques ne sont plus diffusés que ponctuellement, de temps en temps, au gré du thème du jour (Wagner dernièrement) sans nulle périodicité claire, ce qui dénote, une fois de plus, la dégradation certaine de la ligne éditoriale d'une chaîne qui oublie de plus en plus qu'elle fut autrefois, à sa fondation, avant tout culturelle (ce qui ne signifiait pas vogue passagère et éphémère, épiphénoménale et parisienne) et surtout, qu'elle n'obéissait à aucun diktat, à aucune mode, gage de son indépendance vis à vis de tous les lobbies, ce qui n'est plus du tout le cas maintenant. Si vous tenez encore à la culture sur Arte, il vous reste à peine le week-end et le mercredi soir (comme par hasard, les bobos ne sont en principe pas chez eux à ces créneaux de grille) pour admirer des émissions dignes de la tradition originelle de la chaîne franco-allemande.

2/ Tessa, la Nymphe au coeur fidèle (The constant Nymph) (1943) d'Edmund Goulding , avec Joan Fontaine et Charles Boyer.
Aux Etats-Unis, les droits de diffusion de ce film ont été bloqués de 1948 à mai 2011 par une chaîne de télévision à laquelle la Warner bros, distributeur du long métrage avait légué ses droits !  Joan Fontaine, avec sa beauté de sylphide, y est audacieuse et vénéneuse à souhait dans le rôle d'une nymphette de 14 ans coiffée de tresses et amoureuse d'un mauvais musicien (cela annonce Lettre d'une inconnue, tiens, tiens...)
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Nous sommes avant Lolita, même s'il s'agit avant tout d'un mélodrame adapté pour la troisième fois d'un roman de Margaret Kennedy. L'oeuvre marqua tant en son époque que Jean Giraudoux en tira une pièce : Tessa, devenue introuvable elle aussi. 
Le plus idiot dans l'affaire est que depuis le déblocage juridique du printemps 2011, seuls les Etats-Unis ont eu droit à une sortie en DVD de l'oeuvre. Impossible de se la procurer en Europe au bon format, en la bonne zone, impossible aussi de la voir sur la TCM française ou toute autre chaîne de cinéphilie, alors que l'on doit son déblocage à la TCM américaine ! Absurde, quand on vous le dit, à moins que l'on juge qu'une actrice de 26 ans dans le rôle d'une gamine de 14, ça ne se fait pas, d'où des relents sulfureux de pédophilie qui planeraient absurdement au-dessus d'un long métrage qui, pourtant, en 1943, ne fut pas interdit par le tristement célèbre code Hays ! 

 3/ Le Procès (1948), de Georg Wilhelm Pabst.
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 Pabst réalisa cette oeuvre après-guerre, pour se faire pardonner son attitude ambiguë sous le nazisme. Il choisit un important fait divers, sorte d'affaire Dreyfus à la hongroise, survenue en 1882 : l'affaire de Tiszaeszlàr. Un grand roman de Gyula Krudy, l'Affaire Eszter Solymosi, qui vient enfin d'être édité en français chez Albin Michel, traite du même sujet avec maestria. Hé bien ! Quoique programmé vers 1998 par la chaîne de cinéma appelée alors CinéCinéfil, ce film courageux de la part de quelqu'un qui voulait racheter sa conduite (alors que le Paracelse, du même réalisateur, réalisé en pleine période nazie, avait été diffusé en 1997 sans aucun problème), fut victime d'une déprogrammation sauvage, et plus jamais aucune chaîne ne l'a proposé depuis quinze ans !

4/ Mademoiselle de La Ferté (1949), de Roger Dallier et Georges Lacombe, d'après le roman de Pierre Benoît, avec Jany Holt.
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Là encore, nous avons une déprogrammation sauvage typique sans aucune reprogrammation nulle part au fil des ans, rendant le film définitivement invisible hors cinémathèque française (qui le restaura à la fin des années 80 !). TMC fut la coupable en juillet-août 1992 ! Heureusement que j'ai lu le roman ! Jany Holt, grande résistante, est une de mes actrices anciennes préférées.

5/  Les Européens (1979), de James Ivory.
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A présent, nous atteignons le noeud de l'affaire qui nous préoccupe, avec sans doute un bannissement télévisuel dû davantage au rejet viscéral du réalisateur qu'à une quelconque question de droit. Dois-je rappeler que la mort récente de la scénariste d'Ivory, Ruth Prawer Jhabvala, le 3 avril dernier, n'a pas fait l'objet de la moindre mention nécrologique dans l'ex journal de référence informationnelle Le Monde ? J'ai consacré l'an dernier un billet au refus actuel de James Ivory qui remonte à 1995.

6/ Les  Bostoniennes (1984), de James Ivory


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Encore une grande oeuvre de James Ivory, adaptée d'Henry James. Invisible à la télé bien sûr. On ne paraît guère reconnaître l'importance de ce film dans la production du cinéaste, puisque seuls Chambre avec vue et Maurice (un peu aussi Retour à Howards End) bénéficient de la faveur de notre "étrange lucarne". Comprenne qui pourra ! Personne, Arte incluse, ne s'y intéresse et essaie d'en acquérir les droits de diffusion.

7/ Black Robe (1991), de Bruce Beresford.
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Nouveau cas d'école, si l'on peut dire : distribué en catimini en 1994 dans une seule salle en VO (à L'Epée de Bois au Quartier latin pour tout dire (avec des séances même pas quotidiennes semble-t-il)), sortie naïvement considérée à l'époque par Le Monde comme simplement technique pour permettre une exploitation ultérieure en VHS (qui n'eut jamais lieu), Black Robe cumula tous les handicaps honnis par les chébrantudiens : film historique en costumes, sujet peu porteur (les jésuites missionnaires au Canada chez les Indiens au XVIIe siècle) ou déjà vu (confère Mission, ce qui occasionnait forcément une comparaison en défaveur du long métrage de Beresford comme ce fut le cas en 1985 pour Le Neveu de Beethoven de Paul Morrissey, devenu une contre-référence à l'Amadeus de Milos Forman), plantages au box office et distribution médiocre des précédents opus du réalisateur (Miss Daisy et son chauffeur, Mister Johnson) etc. On appréhende cependant d'autant plus mal la déprogrammation sauvage de cette oeuvre par les chaînes du bouquet Ciné-cinémas en février-mars 2007, remplacée par un nanar de fantasy sur les dragons, que sa bande-annonce avait été diffusée normalement !

8/ Le Moulin de Daudet (1992), de Sammy Pavel.
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Pour cette oeuvre qu'on peut dorénavant qualifier de perdue, c'est le thème du naufrage artistique et distributif intégral qui me vient en tête. Déjà, deux ans de délai entre la production et la distribution en salles, c'est louche et de mauvais augure. En plus, la sortie fut reportée d'un mois, d'avril à mai 1994, avec moins de copies que prévu à l'origine (à peine soixante, si mes souvenirs sont bons) et la critique peu charitable du Monde s'en mêla pour rejeter le film dans une poubelle d'immondices, à l'exception du sketch sur les vieux. L'article  critique déclarait être fatigué et lassé par les interminables battements d'ailes des anges du sketch sur le curé de Cucugnan ! Je commis de plus l'erreur, impardonnable, croyant encore à cette époque aux critiques négatives, de ne pas être allé voir ce film, qui, par chance, sujet provençal oblige, était à l'affiche dans un des cinémas de ma commune de résidence d'alors. Depuis, je m'en mord les doigts, parce que j'ai compris, sauf miracle que, jamais sorti dans le moindre support (VHS, DVD, blu-ray), jamais diffusé nulle part, ce film fichu ne sera plus jamais vu par personne, comme un muet vinaigré et détruit du cinéma forain de 1900 ! le réalisateur, s'il vit encore, a dû brûler tous ses négatifs.

9/ 1805 (2005), de Jan Belletti.
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Nous passons à notre siècle, avec la révolution Internet : 1805 est  typique de ces films uniquement visionnables, téléchargeables et commandables sur la Toile, DVD inclus. Ce long métrage s'inscrivait dans le cadre des commémorations du bicentenaire de la bataille d'Austerltiz, que seule Arte célébra alors dans le cadre d'une remarquable soirée Thema (c'était avant que la ligne éditoriale de la chaîne eût sombré dans le jeunisme). Or, 1805 eut droit à une combinaison si négligeable, si insignifiante de salles (bien qu'il eût été attendu comme un film historique événement), pour tout dire, de l'ordre absolument dérisoire et ridicule de deux copies à peine, que la presse ne le remarqua même pas, ou, si elle le fit, elle le voua aux gémonies, le considérant comme un simple film de patronage à l'ancienne. Ainsi passé inaperçu, malgré une belle affiche, digne des grandes heures des feuilletons historiques de la télé française des années 1960 (je songe ici au Trompette de la Bérézina et au Jean-Roch Coignet avec Henri Lambert, productions d'une télé certes gaulliste, mais qui croyait encore à la culture, à la pédagogie, à l'éducation des masses en leur faisant partager un terreau commun, avant que tout fût galvaudé, remis en cause, et abandonné à une lecture dévoyée de l'extrême-droite), 1805 n'a intéressé aucun acquéreur de droits télévisuels, qu'il se fût agi de TFI, de France Télévisions, de Canal + , d'Orange, de feu TPS (qui existait encore en 2006-2007 au moment de la sortie en DVD du film) et consort.

10/ La Question humaine (2007), de Nicolas Klotz, avec Mathieu Amalric, Michael Lonsdale, Lou Castel, Edith Scob (rien que ça !) etc.

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 Il s'agit du dernier cas qui nous occupera dans ce billet : il est indéniable que ce film, totalement invisible à la télévision, a été victime d'une cabale politique dans laquelle la totalité du spectre des partis a baigné. La Question humaine a osé pointer les méthodes contemporaines des DRH dans les grandes entreprises, les répercussions psychologiques de celles-ci sur les employés, jusqu'à une bien dérangeante assimilation des méthodes friedmano-hayekiennes à celles de l'Allemagne hitlérienne : car là est le problème entraînant l'occultation voulue, généralisée, censureuse, de ce film sur l'ensemble de nos quelques 300 chaînes de TV : il pointe du doigt l'existence d'un nouveau totalitarisme, dit de marché, et des ses méthodes d'embrigadement et d'abrutissement à la 1984 avec sa novlangue et sa logomachie gestionnaire marketing. Philosophie : Big Hayek is watching you. Entre le friedmano-hayekisme et les autres totalitarismes, la seule différence, ce sont les camps... mais on y meurt quand-même, bien qu'à petit feu...comme sous Dickens le réprouvé de notre époque.
Il est révélateur qu'au moment de la sortie de ce long métrage, un autre film de Mathieu Amalric était également à l'affiche : L'Histoire de Richard O, film libéral-libertaire d'obsession sexuelle (lui était dans le vent issu de l'interprétation réductrice, ultra individualiste, hédoniste et dominante de 1968, mon coco !) sur lequel les critiques de 2007 ne tarirent pas d'éloges dithyrambiques tout en se taisant sur La Question humaine.
Dois-je rappeler que la présence du comédien engagé Lou Castel est une caution d'honnêteté, de sincérité, en faveur de cette oeuvre de Nicolas Klotz, "invisibilisée" à dessein par notre bien-pensance unique et inique ? Lou Castel fut révélé par Marco Bellocchio (dont le dernier film vient lui aussi d'être saboté à la distribution, comme par hasard) dans Les Poings dans les Poches.

 J'en reste à ces dix films : vous allez m'objecter qu'il en existe une foultitude d'autres : par exemple, l'ensemble des productions de Jean-Pierre Mocky des années 1990-2000, ou encore Mister Flow (1936) de Robert Siodmak, avec Louis Jouvet, L'Affaire Lafarge (1937), de Pierre Chenal, qui semblent carrément perdus ou encore L'Affaire du cheval sans tête de Don  Chaffey (1963), production Disney déprogrammée sans prévenir par Disney Channel à la fin des années 1990, où jouaient Jean-Pierre Aumont, Leo Mc Kern (un formidable n° 2 du Prisonnier !) et Pamela Franklin (Flora, dans  Les Innocents de Jack Clayton adapté du Tour d'écrou d'Henry James, c'était elle !).
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Sans omettre le seul film censuré à l'époque gaullienne encore interdit plus d'un demi-siècle après : Les petits Chats de Jacques R. Villa (1960), où jouait pourtant Catherine Deneuve sous son vrai nom. Mais voilà, des gamines tueuses dignes de Joyce Carol Oates (Fox Fire, dont l'adaptation en salles vient elle aussi d'être sabotée !), ça a le don de déranger les moralistes de tout poil !

A bon entendeur salut ! J'attends vos suggestions sur d'autres films invisibles !