dimanche 21 août 2011

Mexafrica : épilogue.


Épilogue.

Quelque part sur Hellas, bien avant la fatidique année 2192. Comme tous les matins, Stankin effectuait sa promenade méditative dans son jardin arrangé et façonné avec art. Il était en compagnie de sa mère, Dame Psithaar. Devant les promeneurs, se dressaient des fûts de troncs d’arbres cannelés, dépourvus de branches, d’une étrange beauté. Autour des arbres sculptés par la nature, des buissons d’épines foisonnaient.
De partout, des allées sablées teintées d’ocre permettaient d’atteindre les moindres recoins de ce petit paradis au cœur d’un monde aride. Des tertres et des monticules jaune soufré culminaient et se détachaient sous un ciel violet très pur. Au sommet de ces collines artificielles, des galets donnaient une touche inattendue à ces montagnes en miniature. Parfois, certains de ces galets étaient des pétroglyphes sur lesquels étaient gravées des silhouettes d’oiseaux mythiques, des grues flammes, des colibris épines, des cigognes vairs.
L’allée centrale menait au trésor de ce jardin, des rubans de Mingo qui s’agitaient sous le souffle tiède de cette matinée de printemps. Le thermomètre affichait une petit 48°C à l’ombre. Psithaar, une grande femme mince, élancée, aux cheveux et aux yeux noirs, avançait lentement sur le sable ocre, vêtue d’une longue robe couleur anthracite, d’une coupe splendidement simple. Tous ses gestes étaient majestueux. Elle se dirigeait vers un bassin tout fumant, escomptant prendre bientôt un bain de vapeur. C’était là son habitude quotidienne. Stankin allait l’imiter assurément.
La source d’eau chaude qui alimentait le bassin sourdait sur des dizaines de mètres avant de jaillir à 98°C. Le bassin était partiellement occupé en permanence par des singes pourvus d’une fourrure bleue ignifugée, à la queue nue caractéristique en forme de virgule. Il s’agissait d’Azulopithèques appelés Gurrias par les Helladoï.
Ce matin-là, la matriarche des Gurrias avait remarqué une étrange boule brillante et irisée avec laquelle elle jouait innocemment. Maladroitement, elle fit rouler la balle improvisée jusqu’aux pieds de Stankin. La spore heurta le bout d’une botte noire. Et le cerveau de l’Hellados fut un court instant envahi par une pensée parasite impérative.
- Ramasse-moi et conserve-moi!
Malgré lui, Stankin exécuta bien le premier ordre mais… il jeta rapidement l’objet qui, pour lui, ne présentait aucun intérêt. Dans cette histoire autre, notre Hellados n’était pas un scientifique mais un lettré philosophe et poète.

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Février 1961, Gasthaus de l’Aubépine fleurie, auréolée d’une neige toute neuve. Le duc et la duchesse Von Hauerstadt avaient été invités par Otto Grass à déjeuner. Ils devaient déguster les meilleures spécialités de cette auberge réputée. Avec grâce, le couple s’était rendu à l’invitation et savourait donc une succulente et toute simple omelette aux cèpes, des ris de veau tendres et juteux à souhait, et des profiteroles au chocolat.
Deux hommes, des jumeaux, franchirent ensemble le seuil du bâtiment pluri centenaire Ils étaient vêtus de lourds manteaux de laine grise avec un col de fourrure en vison. D’une taille plutôt médiocre, ils présentaient également un visage bien falot. Une fois dépourvus de leurs pardessus, leurs uniformes rutilants et chamarrés apparurent. La veste avait des revenez-y de brandebourgs à l’antique. Cette touche faisait manifestement hussard. Pourtant, il ne s’agissait pas du grand uniforme - tout blanc avec des galons en or -. La vareuse s’ornait du ruban de la guerre de Mandchourie, celle où l’empereur Pou Chi avait été battu sévèrement en septembre 1954, ainsi que du grand cordon. Celui-ci marquait la distinction des régiments victorieux contre les Asiates du Sud, c’est-à-dire Tcherkesses, Tchouktches, Turkmènes, dans une guerre déjà vieille de onze années.     
Comme nous le voyons, le Tsar Nicolas IV avait eu fort à faire avec les peuples allogènes de la Sainte Russie! Son frère Alexandre V lui avait succédé après qu’il fut mort étouffé en mangeant des huîtres. Le nouveau souverain avait impitoyablement écrasé la sécession du général ukrainien Nikita Khrouchtchev en 1956. Aux yeux de la haute noblesse russe, il ne fallait pas attendre autre chose que la rébellion de la part d’un haut officier d’origine paysanne. Depuis, Alexandre V avait refermé l’accession au généralat et au maréchalat. Les non nobles ne pouvaient plus espérer dépasser le grade de capitaine! Désormais, pour devenir colonel, étaient exigés huit quartiers de noblesse et seize pour être promu général. Les hauts officiers roturiers déjà en place avaient été mis d’office à la retraite et déportés en Sibérie.
Les Fouchine, Igor Pavlovitch et Pavel Pavlovitch, dont le père était baron, s’assirent et, après avoir bu un kir, du nom de l’inventeur de cet apéritif, le confesseur de Napoléon V, mangèrent une savoureuse truite rose à l’oseille.
Franz avait jeté un coup d’œil distrait sur les Russes. Mais, aussitôt il avait éprouvé un sentiment bizarre. Il avait eu l’impulsion de se lever et d’aller parler aux deux officiers étrangers, mû par une impression de « déjà vu ». De justesse, cependant, il avait freiné cette action inconsidérée.
«  Comme c’est étrange de ma part, cette pulsion de vouloir frayer avec des ennemis potentiels! Je fais preuve d’une légèreté bien inhabituelle ».
En effet, l’Allemagne du Nord avait été écrasée militairement par l’Empire tsariste en 1938. Quant au duc Von Hauerstadt, ses terres englobaient désormais pratiquement toute la Sarre et il ajoutait à ses nombreux titres, celui de marquis de Sarrebourg! De plus, il possédait en Bavière un comté qui lui rapportait des sommes substantielles avec de riches terres agricoles, des stations de ski et une industrie électro-informatique à la pointe du progrès! Ceci expliquant cela, ce puissant personnage était donc à tu et à toi avec le roi de Bavière mais aussi avec l’empereur français Napoléon.
Dans cette chrono ligne, pas si aberrante qu’il n’y paraît, l’Allemagne du Sud était divisée en dix-neuf États plus ou moins inféodés à la France tandis que l’Allemagne du Nord ployait sous le joug russe. L’Autriche avait adhéré de plein gré à l’alliance française après l’indépendance de la Hongrie survenue en 1841 et ce, à la suite d’une guerre de libération qui avait duré plus de quinze années! Affaiblie, elle avait d’abord tenté d’entrer au sein d’une confédération balkanique mais la Grèce et la Croatie s’y étaient vivement opposées. Depuis, elle ne regrettait pas de recevoir les miettes laissées par les souverains bonapartistes.
D’origine française, Elisabeth, l’épouse de Franz, n’avait pas une goutte de sang noble qui coulait dans ses veines au sens strict du terme. Toutefois, depuis Napoléon le Grand (1799-1829), les Granier, de pères en fils, s’étaient toujours distingués au service des empereurs qui s’étaient succédé sans discontinuer sur le trône de France depuis le fondateur de la dynastie. Michel, le père d’Elisabeth, était préfet de l’Eure. On lui promettait un poste de sous-secrétaire d’État au Ministère des Cultes pour l’année 1963. Actuellement, il se contentait de siéger au Corps législatif. Avec cette cuiller en argent dans la bouche, nous saisissons pourquoi la fille avait pu faire un aussi beau mariage, d’amour qui plus est!
Le fils aîné, François, âgé de seize ans à peine, avait déjà le grade de capitaine de frégate dans la marine napoléonienne et, ô stupeur, s’y montrait pourtant parfaitement à l’aise! Depuis quelques mois, il effectuait une mission plus ou moins secrète en Polynésie française. Mais sa flotte devait néanmoins prendre garde aux maraudeurs britanniques toujours à l’affût dans ces eaux dangereuses.
La Chine impériale subsistait. Il aurait été étonnant qu’il en fût autrement! Le mandarin Sun Wu, conseiller aulique de l’Empereur Pou Chi, le successeur de Pou Yi, avait maintenu coûte que coûte l’alliance entre l’Empire du Milieu et une France très puissante, voire hégémonique.
Les Anglais avaient perdu Hong Kong, Shanghai et Chong King. En échange des Ky indochinois, l’empereur Napoléon avait laissé le feu vert à la Chine en Corée et au Japon. Quoi de plus logique dans ce partage de la planète? Les deux petits pays étaient tombés ensuite comme des fruits mûrs dans la besace de Pou Chi.
La Grande-Bretagne, l’ennemi héréditaire de l’Empire français, ne baissait pas les bras. Ainsi, l’Inde, malgré son indépendance de principe et de bouche, était en fait, une forteresse assiégée dans laquelle les conseillers britanniques renforçaient chaque jour davantage la présence militaire d’Albion auprès du président prince fantoche Bahadur Singh, une sorte de Farouk, mais indien, de cette piste. Il était plus qu’évident que, dans quelques années, l’Inde serait avalée par la Chine après être devenue le «  Viêt-Nam » de la Grande-Bretagne. De dépit, profondément humiliés, les Anglais n’auraient d’autre choix que de s’allier à la Russie tsariste!
Les Etats-Unis, dont ici, le territoire ne s’étendait pas sur quatre fuseaux horaires, loin de là, brillaient par leur neutralité sous le second mandat du président démocrate Adlaï Stevenson. Ce dernier gardait de bons rapports avec les grandes puissances de ce monde, y compris avec les Britanniques, malgré un très lourd contentieux remontant aux deux derniers siècles. À Noël, il avait reçu avec une pompe toute solennelle l’héritier d’Alexandre V, le futur Paul IV ainsi que Perle de Jade, une des filles cadettes de l’Empereur Pou Chi.

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Printemps 1978, Musée de l’Homme, Paris, France.
Dans l’immense galerie d’anthropologie égyptienne, fort fréquentée, Ivan et Pacal Despalions, accompagnés par leur ami incontournable Geoffroy d’Évreux, y déambulaient, s’instruisant ludiquement sur les peuplades traditionnelles de la Terre. Le blond adolescent, qui posait ses yeux partout, remarqua une espèce de savant farfelu parmi la foule pourtant dense, au vieil imperméable usé et lustré, un septuagénaire loufoque qui examinait à l’aide d’une grosse loupe les détails du tissage des bandelettes des momies exposées. Tout à sa tâche, il marmonnait:
«  Les Taricheutes égyptiens étaient bien les plus forts et les plus habiles! Enfoncés les embaumeurs Guanches ainsi que ceux qui travaillaient au service des Manco Capac et autres Incas! ».
De son pas chaloupé, le vieil excentrique passa à une autre vitrine sans même faire cas des trois adolescents amusés par son allure obsolète. Pourtant, Ivan avait l’impression déstabilisante d’avoir déjà rencontré par le passé ce monomaniaque rassis extravagant. Or, celui-ci, sortant un carnet tout chiffonné d’une poche immense et bâillante, fit tomber par mégarde une carte de visite toute jaunie. Pacal la ramassa vivement, la montra à Ivan et à Geoffroy puis se précipita vers le septuagénaire excentrique en criant:
- Monsieur! Hé monsieur! Vous avez perdu quelque chose!
Mais déjà le vieillard s’éloignait à grands pas n’entendant pas les appels de l’Amérindien. Pacal n’insista pas ne voulant pas risquer l’expulsion pour tapage pour une simple carte de visite perdue. Le front soucieux, il relut le nom de l’original sur le bristol ivoire.
- Adelphe Fiacre Piton de Tournefort, naturaliste.
- Connais pas! Souffla Ivan qui avait rejoint son frère adoptif.
Geoffroy poussa du coude son ami et compléta sa pensée à voix haute.
- Laissons tomber les gars! Nous avons mieux à faire tantôt. Szeyring se produit à la Salle Pleyel à 17h00. Il doit interpréter le concerto de Méhul et, pour une fois, j’aimerais arriver à l’heure!
Haussant ses larges épaules, le brun adolescent entraîna ses amis à l’extérieur, sur l’esplanade. Sur le fronton néoclassique du Musée, on pouvait lire gravée en lettres dorées la célèbre citation de Terence:
« Homo Sum: Humani Nihil A Me Alienum Puto ».
Or, chaque fois qu’Ivan se rendait au Musée de l’Homme, il ne manquait pas de s’extasier à la vue de l’inscription.
- Ah! Ne le niez pas! Mais ça en jette pour les étrangers!
Pacal hocha vigoureusement la tête, partageant cet enthousiasme.
- Tout à fait d’accord avec toi! Et, les Italiens, nos vassaux, ne récupéreront jamais les cires de la Specola que nous détenons depuis plus d’un siècle et demi!
Les trois jeunes gens étaient légitimement fiers d’appartenir à l’Empire français et s’efforçaient d’ignorer tous les côtés négatifs de ce régime autoritaire. Petite information complémentaire pour le lecteur intéressé: en ce 1978 plus que dévié, l’Empire français s’étendait du rocher de Gibraltar jusqu’à Maastricht l’ouest et de Malte jusqu’à Khartoum, fondée par Méhémet Ali, l’allié de Napoléon Premier, sultan albanais en 1820, à l’est. De plus, dans l’Allemagne du Sud, la France, la première puissance occidentale, comptait des alliés indéfectibles en Bavière, en Saxe, en Sarre et dans la Ruhr. Des villes telles Düsseldorf, Munich, Essen, Cologne, Francfort se piquaient de pratiquer le bilinguisme. Napoléon IX, béni des dieux, régnait donc en parfait despote. Il possédait à titre personnel l’Istrie, la Dalmatie, le Dodécanèse, la Crète, Chypre, le Mecklembourg, le Schleswig, la Zélande, le Portugal et les Açores!

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17 septembre 2517. Quelque part dans le Nuage d’Oort. Tandis que l’alerte rouge retentissait sur tous les niveaux du vaisseau scientifique, le commandant Grimaud avait déjà pris place sur son siège de commandement situé sur la passerelle de combat. Il fronçait les sourcils et rabattait nerveusement en arrière sa mèche rebelle auburn. Plusieurs détails le turlupinaient. L’enseigne l’avait appelé par le patronyme maternel lorsqu’il avait rejoint son poste et son uniforme, au lieu d’arborer un vert sombre discret et des galons fins, s’affichait avec un bleu français des plus éclatants tandis que des dorures extravagantes rajoutaient au chamarrage! Sur les épaulettes, des aigles et des abeilles entremêlées. Il en allait de même sur les manches! Vous parlez d’une cible de choix!
- Rappel du statut actuel! Déclara en français le commandant à l’adresse de son premier officier.
Chose surprenante. Il s’agissait d’une petite femme brune pimpante, aux longues boucles noires frisées tirées en arrière en une queue de cheval des plus réglementaires. Elle s’exprima avec un léger accent italien.
- Tout est opérationnel, monsieur! Mais le HMS Cornwallis nous attaque! Nous pouvons sans doute…
La capitaine n’eut pas le temps d’en dire plus. Une voix pointue l’interrompit en dépit de la situation et du code militaire.
- Ouais, pa’ c’est moche, non? Ces enfoirés d’Anglais! Mais on va les cramer!
Violetta tressautait nerveusement devant sa console auxiliaire qui avait en charge un des ordinateurs secondaires reliés à la salle des machines. L’adolescente, malgré son jeune âge, quatorze ans et demi, avait déjà le grade d’enseigne et se montrait fort capable dans ses fonctions hormis parfois ses remarques inappropriées.
- Qu’est-ce que ce micmac? Pensa Daniel Grimaud troublé.
Tout en demandant au capitaine di Fabbrini de poursuivre, il consulta à l’accéléré et très discrètement l’effectif de l’équipage. Ses pires craintes étaient concrétisées. Désormais, le vaisseau, son vaisseau, se nommait le Lagrange. Son épouse, Lorenza di Fabbrini Grimaud était également son second! Ensemble, ils avaient eu deux filles, Violetta, l’aînée, et la benjamine, Maria, cinq ans à peine. Le numéro trois du Lagrange était un Hellados dissident apparenté à la famille de Sarton. Âgé de cinquante-deux ans, il sortait donc de l’adolescence aux yeux de son peuple! Il officiait avec maestria en tant chef des opérations et parfois d’ingénieur. Petit détail notable: il portait le nom glorieux d’Albriss et ressemblait à son valeureux ancêtre.
Le pilote actuellement en poste sur la passerelle de combat arborait quelques traits avec Uruhu, le K’Tou, mais voilà, il répondait au nom non exotique de Zlotàn Karasanyi. Certes, son front présentait bel et bien le torus sus-orbitaire attendu mais il n’était qu’un métis de K’Tou Niek’Tou tout en appartenant au peuple magyar.
Tout le reste de l’équipage était à l’avenant. Les gardes de la sécurité, de banals mamelouks égyptiens, coiffés d’une chéchia, au long sabre, à la culotte bouffante, baraqués comme des armoires à glace, impressionnaient certes, mais que les naïfs, loin derrière les terribles Kronkos ou encore les loups. Ils étaient commandés par le lieutenant Omar Kirù! Le Lagrange comptait dans ses rangs de nombreux extraterrestres tels les Marnousiens, les Cygnusiens, les siliçoïdes…. Le seul dinosauroïde de la passerelle n’avait pas changé d’un iota, du moins pour l’apparence. Chtuh occupait la console tactique, ce qui était assez prévisible dans cette configuration de la chrono ligne. Mais ici, nul Selim Warchifi, pas d’Ahmed Chérifi, ni d’Anderson et encore moins d’Antor! Surtout!
Qu’était-il advenu du mutant? Il brillait par son absence et notre malheureux Daniel Grimaud ressentait au plus profond de son être un vide immense. Aucun contact mental, même ténu. Existait-il dans cette chrono ligne aberrante, chamboulée, tourneboulée par la volonté de Johann?
- Monsieur, chuinta le dinosauroïde vert, le commandant du Cornwallis, avant de faire feu sur nous, désire vous parler! Il applique le fameux fair play anglais jusqu’au bout et il nous renvoie Fontenoy.
- Montrons-nous donc aussi polis que lui! Sur écran, lieutenant Chtuh!
Alors, le commandant Sitruk apparut dans toute sa splendeur sur l’écran incurvé en relief. Le cheveu ébouriffé, rebelle à tout peigne, la barbe rousse embroussaillée, l’œil bleu pétillant de fureur résolue, l’uniforme rouge éclatant, il était manifestement un soldat sûr de lui et de son équipage et faisait penser à ces pirates des Caraïbes du XVIIIe siècle. À ses côtés mais de dos, se tenait son premier officier, une femme de grande taille, en uniforme tsariste dont la couleur verte annonçait qu’elle faisait partie d’un régiment d’élite.
Quant aux gardes de la sécurité du Cornwallis, ils encadraient splendidement leur commandant, bombant le torse, leurs écailles et duvets bronze et cuivre lustrés, des Troodons alignés comme à la parade, leurs fourrures brillantes et peignées, des lycanthropoïdes, pas moins imposants que leurs rivaux dinosauroïdes. 
Daniel n’en pouvait mais! Il retint de justesse un juron en mandarin. Il n’était pas sensé connaître cette langue.
- Ah! Par Bouddha! Johann n’a pas tenu parole! Mais dans cette salade, il y a du Galeazzo! Je reconnais la patte du comte dans cette embrouille. Désormais, mais je l’ai cherché, je suis bien le roi nu, le clown triste, le pantin grotesque, pitoyable, désarticulé ou presque!
Pendant que l’ex-androïde se faisait ces amères réflexions, Benjamin, à travers l’écran interposé, avait lancé en anglais avec un accent gallois reconnaissable:
- Monsieur le Français, j’ai l’honneur de vous faire part que je vais tirer! Et comme vous l’ont démontré vos senseurs, vous savez que je ne suis pas venu seul! Fin de communication!
À ces paroles, Lorenza haussa un sourcil, affichant sa contrariété.
- Nous n’allons pas nous rendre! Il n’en est pas question! Certes, nous ne sommes qu’un vaisseau scientifique, pas de combat, et ce foutu Anglais a derrière lui six vaisseaux d’escorte, mais…
- L’honneur nous commande de faire face, capitaine, j’en ai conscience! Et il n’entre pas dans mes intentions de perdre la face! Répliqua sèchement le commandant Grimaud. Zlotàn et Chtuh! Hyper luminique 8 maintenant!
- C’est fait! Jeta le dinosauroïde avec hargne.
- Torpilles à photons prêtes à être lancées  tubes 3, 5, 9, poursuivit froidement Daniel.
- Compris, monsieur! Répondit l’Hellados.
- Pilote, configuration Fermat Delta Gamma Upsilon 12-00! Acheva le commandant.
- Mazette! Souffla Violetta avec soulagement et excitation. Nous avons maintenant une minuscule chance de nous en sortir! Le vice-amiral Fermat et ses tactiques imparables, ses manœuvres désespérées, inattendues mais géniales! Ouais!!! Ça c’est super! J’avais oublié que pa’ avait été formé par lui!
- Silence, enseigne! La rappela à l’ordre Daniel Lucien Napoléon.
Alors, le combat s’amorça dans le système solaire, au milieu des astéroïdes, âpre et sans merci. Le Lagrange, un fétu de paille au cœur de l’immensité, à un contre sept.
Comment le fragile vaisseau impérial se sortira-t-il de cet affrontement bien inégal? Comment l’ex-commandant Wu retournera-t-il dans son Univers?
Vous le saurez en lisant la suite:

« LE NOUVEL ENVOL DE L’AIGLE. »

                                           À notre père qui n’a pu lire Mexafrica.

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