samedi 21 juin 2014

Le Monde et les nécrologies : un classement par catégories professionnelles des disparitions révélateur d'un désintérêt terminal.

Aussi demandai-je uniment à Saint-Loup de rapporter ce fait inconcevable en haut lieu, sachant que Bloch le qualifierait de scandaleux : en ce fatal mois de juin, il devenait évident que le quotidien Le Monde s'apprêtait à ne publier presque aucun article nécrologique. C'était une intention clairement affichée, et je savais que la duchesse de Guermantes et la princesse de Villeparisis s'interrogeraient sur les raisons de ces absences incompréhensibles ; cependant, elles argumenteraient en faveur d'une cause spécieuse. Ce fut pourquoi il me fut loisible d'imaginer Oriane de Guermantes s'exclamer à l'adresse du marquis d'Argencourt, à propos de ces dizaines de morts illustres exclues de toute commémoration mondaine : "Sont-ce tous et toutes des dreyfusards ?" (Le Nouveau Marcel Proust)

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Intentions bonnes, bons sentiments, conséquences désastreuses. (un manieur virtuose de la démarche jésuitique)

Nous en étions arrivés à l'inintelligibilité auto-proclamée de tout ce qui n'était pas présentiste, de tout ce qui ne relevait pas de l'immédiat, de tout ce qui n'obéissait pas au critère, au dogme du tout contemporain, sous prétexte de rendre les oeuvres déchiffrables par le peuple. C'était la mise en oeuvre d'une négation générale de l'Histoire via la décontextualisation intégrale de toutes les productions anciennes de l'esprit humain. (le Philosophe inconnu)

Y z'ont fait gagner ceux qui haïssent l'Histoire, ces turlupins schlingueurs qui me tabassaient à l'école parce que moi, je proclamais à leurs gueules puantes que  je l'aimais ! Tas de salauds ! (Cyber Louis-Ferdinand Céline)

Le silence radio permanent qui accompagne toutes ces disparitions me révulse. (le Dernier Détenteur de la Culture d'avant la barbarie)

Ils réduiront la réception de Danny Laferrière à l'Académie française à un non-événement mondain du Figaro Madame où voudront être vus tous les post-louis-philippards. (libelle anonyme intitulé : "Réflexions acerbes sur les journalistes à tête d'âne")

Aucun roman policier ne fut brûlé sous l'Allemagne nazie. (constat d'un historien)

Vous êtes américain. Vous vivez sur Mars. Le fisc vous poursuivra quand même. (un inspecteur des contributions directes spationaute amateur à ses heures)

Chers lecteurs et lectrices, l'avez-vous remarqué ? Du 1er au 20 juin, le quotidien Le Monde n'a publié en tout et pour tout dans son édition papier qu'un unique article nécrologique traitant d'un décès de personnalité survenu ce mois-ci ! Cet article a été consacré au chef d'orchestre espagnol Rafael Frühbeck de Burgos, mort le 11 juin. Le 22 juin, un second article vient enfin de s'ajouter : le jazzman Horace Silver. C'est bien maigre et cela constitue un triste et regrettable record de "dénécrologies" !
Le Monde touche désormais le fond, le niveau ultime et optimal d'une dérive et descente aux enfers commencée à la fin du mois de mars 2007, lorsque la rédaction de l'époque décida arbitrairement et unilatéralement de raréfier la couverture nécrologique  consacrée par ce journal aux disparus notoires.
L'on peut désormais sérier et classer aisément dans des catégories, des catalogues, les morts dont Le Monde s'en fout, parce qu'il y a Wikipedia pour être au courant.

1° Les sportifs.

Je puis affirmer sans erreur que Le Monde ignore 99,9 % des sportifs décédés. C'est incontestable ! 

2° Les prix Nobel non littéraires.

Presque tous sont omis par Le Monde. Prenons par exemple ceux que l'on qualifie à tort de prix Nobel d'économie. Pour un Gary Becker, disparu le 3 mai 2014, qui, avec Maurice Allais, fait figure d'exception, ce journal désormais indigne a passé sous silence des noms comme Robert Fogel, Dale Mortensen, Ronald Coase...
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Pour les Nobel scientifiques, c'est d'évidence la débandade, la Bérézina optimale ! Par exemple, Renato Dulbecco, mort en 2012,
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 découvreur des mécanismes de la carcinogenèse, Baruch S. Blumberg, qui, lui, identifia le virus de l'hépatite B ou encore le belge Christian de Duve, partisan de l'euthanasie...pour me limiter aux prix Nobel de physiologie et médecine... Ces personnes remarquables, qui firent avancer la science mondiale, n'eurent pas une seule ligne d'hommage dans Le Monde (peut-être faudrait-il écrire l'A-Monde voire l'Immonde ?). Peut-être ce journal juge-t-il (ou on le lui a seriné) que tout Nobel scientifique est forcément une personnalité bouffie d'orgueil, ex nazie, partisane de l'eugénisme, raciste, anti Noirs, favorable aux banques du sperme afin de fabriquer des bébés Nobel "huxleyens" à la chaîne etc. ?

3° Les dessinateurs de bandes dessinées "classiques".

Alors là, c'est tout simple : pour Le Monde, ils sont comme la lessive Gastounu de Franquin : ils n'existent pas ou plus ! A ma souvenance, le dernier dessinateur de bédé appartenant à la catégorie des auteurs "traditionnels" ayant eu les honneurs posthumes du Monde fut Raymond Macherot, le créateur de Sibylline, en 2008.
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 Saviez-vous, ô lectrices et lecteurs, que c'est l'ancien Monde, lorsqu'il n'était pas nul, qui m'informa des morts d'Arthur Piroton, de Dupa, de Mittéi, de Will, de Remacle, de François Craenhals etc. ? C'était avant fin mars 2007, évidemment. Depuis, ont entre autre été ignorés Raphaël Marcello, André Geerts (un comble !), Albert Weinberg, Eddy Paape, Philippe Delaby (remarquable dessinateur de la bédé péplum Murena), Gilles Chaillet, Fred Funcken, Sergio Toppi et j'en passe !
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4° Les acteurs français de télévision et les "seconds couteaux" américains et européens.

 Ils et elles sont proprement indénombrables tellement ils et elles foisonnent ! la géniale Betsy Blair appartient à cette innombrable légion de victimes illustres de la cuistrerie du Monde. Le problème va bien au-delà d'une atomisation, d'une parcellisation de l'information, éparpillée entre le net et les différents autres vecteurs (chaînes tout infos, sites Internet des journaux et hebdos, presse papier etc.). Il y a que Le Monde a renoncé de facto à son statut de "quotidien de référence" bâti sur l'objectivité et l'exhaustivité (du moins l'idéal d'exhaustivité auquel il s'efforçait de tendre, qu'il essayait de toucher au plus près).
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De fait, le silence systématique du Monde sur ces innombrables disparitions de comédiennes et comédiens relève soit d'une malveillance délibérée, soit d'une négligence, soit de l'ignorance reflétant le rétrécissement des savoirs et connaissances de journalistes de plus en plus précarisés, soit du mépris affiché pour une certaine forme de culture qui relèverait davantage du populisme, de la démagogie et forcément des partis extrêmes adorateurs de ce que les nouvelles fausses élites (qui négligent l'humanisme d'autrefois) qualifient de franchouillardise. Bienvenue au pays des Bidochons, cette bédé admirable de Binet ! Est-ce être un Bidochon votant pour une certaine Marine que déplorer dans Le Monde l'absence répétée de notices nécrologiques d'acteurs d'une télévision autrefois populaire au sens noble et désormais rejetée en bloc (je pense à l'ORTF dont on vient de nier dernièrement qu'elle fut ambitieuse et culturelle, par effet miroir et mathématique trompeur dû à la multiplication de chaînes et sources d'info culturelle résultant de l'éclatement et de la parcellisation éparpillante, fractionnante, divisionniste, pluri médias de ce qu'on appela le PAF) ? Oui, les modes de consommation et d'accès à l'information culturelle et nécrologique se sont diversifiés, mais est-ce une raison pour renier l'ancienne façon d'informer sur ces sujets en omettant nom sur nom ?
Des exemples : lorsque Maria Schell mourut en 2005
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Le Monde n'omit pas d'en parler. Au décès de son frère Maximilian Schell, le 11 février 2014, nada ! La mutation éditoriale putride et décadente de mars 2007 était passée par là !  Itou pour Karlheinz Böhm, qui nous a quittés le 29 mai dernier, saltation voulue du Monde, qui, dans sa caboche nulle, réduisait sans doute ce comédien aux bluettes de Sissi, oubliant Le Voyeur de Michaël Powell, alors que même Arte venait d'en parler, elle qui oublia pourtant les morts de Joan Fontaine, d'Henri Dutilleux, de François Jacob et de tellement d'autres ! 
Faut-il multiplier les noms à plaisir, les Martine Sarcey, Jacques Morel, Christian Barbier, Christian Marin,  Albert Barillé (réalisateur tout de même !), Sacha Briquet (réduit au fait divers des circonstances de la découverte de son cadavre), Nina Foch, Anne Francis, Celeste Holm, Edward Hardwicke, Nichol Williamson, Simon Ward, Anna Massey, qui presque toutes et tous aimèrent à tourner pour l'étrange lucarne ou à contribuer à en rehausser les qualités pédagogiques car se faisant une haute idée de l'humanité ? N'en jetons plus !

5° Les écrivains de littérature de genre en général et de science-fiction en particulier.

Nous savons que, depuis le règne putrescent d'une certaine pie grise brasseuse d'air, le supplément Le Monde des Livres, a raréfié jusqu'à l'obscénité les articles critiques consacrés aux "autres littératures" (poésie comprise !) les regroupant dans une rubrique fourre-tout intitulée Mélange des genres localisée à l'avant-dernière page de ce supplément hebdomadaire autrefois prestigieux et fort attendu par votre serviteur et désormais miteux, fané, pourri, sans intérêt ou presque, malgré çà, là, quelques frémissements d'une ténuité infime depuis que ladite pie a été chassée du trône.  
Ainsi, la bédé peut coudoyer la SF, le polar, l'Histoire, les poètes, le fantastique, les livres d'art...tout ! Tout ce qui ne compte plus sauf un peu dans Entrée Libre de France 5 ! Il est donc clair comme de l'eau de roche que le moindre auteur de science-fiction passant l'arme à gauche désintéressera notre quotidien, cette doxa venant de se vérifier ces jours-ci avec Daniel Keyes, qui nous a quittés le 15 juin, comme si Des Fleurs pour Algernon était aussi méprisable que les Winnetou de Karl May, littérature de gare dont s'abreuvait un certain Adolf Hitler ! Je vous rappelle présentement que c'est Le (défunt ?) Monde qui m'informa en 2002 du trépas du grand Damon Knight. Comment servir l'Homme, dans la 4e Dimension, c'était lui !
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6° Le plus grand impair nécrologique commis par Le Monde depuis mars 2007.

Il s'agit d'une personnalité à classer parmi les hommes d'Etat, ministres, parlementaires, chefs de gouvernement etc.  Il ne s'agit pas de Chandra Shekhar Singh, premier ministre indien de novembre 1990 à juin 1991, disparu le 8 juillet 2007, et sauté de toute façon par ce (presque) a-journal. Non, la personne dont je m'apprête à inscrire le nom se nommait Algirdas Brazauskas (1932-2010), père de l'indépendance de la Lituanie, qui fut président de la République et premier ministre. La presse lituanienne sautera-t-elle les décès de nos ex présidents ? Suspense...

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Au fait, les décès de membres de l'Institut ne donnent plus lieu depuis longtemps à des articles nécrologiques du Monde...

Addendum Je pourrais aussi, tant qu'à faire, insister sur cette nouvelle tendance, apparue ces dernières années, qui consiste pour Le Monde à ne publier certaines nécrologies qu'uniquement dans l'édition en ligne, sans que l'article saluant la mémoire de tel ou telle ait droit à une édition papier ! Le cinéaste danois Gabriel Axel, qui nous a quittés le 9 février dernier, a été une des dernière victimes à déplorer de ce "phénomène". Eût-on voulu lui faire payer son travail pour l'ancienne télévision française (par exemple, les téléfilms La Ronde de Nuit en 1978 et Le Curé de Tours en 1980) qu'on ne s'en serait pas pris autrement, connaissant l'inimitié entre nos médias contemporains et le patrimoine audiovisuel figuré par l'INA, inimitié (oh, quel euphémisme !) traduite dans l'illustre quotidien par l'occultation systématique des disparitions des acteurs français de télé.

En conclusion, tous ces constats semblent relever de malentendus, de préjugés, de clichés, d'apriorismes et j'en passe. Ils s'assimilent à des amalgames, des simplifications conduisant à l'ignorance et à l'ostracisme. Ainsi en est-il des raccourcis Islam-Jihad, Eglise catholique-pédophilie des prêtres etc. Tu as commis une faute quelque part, donc je ne veux pas parler de toi. Souvent, cette faute se réduit à un dérisoire "tu es démodé mon coco !".  Ou encore : ce type remonte trop loin dans le temps, ne fait plus l'actualité, est mort trop vieux pour qu'on puisse s'intéresser encore à ce qu'il accomplit sur Terre. Et je ne parle pas des erreurs historiques délibérées, qui consistent à prendre tout écrivain et philosophe catholique de la fin du XIXe siècle et du début du XXe pour un proto-fasciste ou un pré-pétainiste. C'est pourquoi on fait de nos jours de mauvaises réputations à Charles Péguy
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 ou Paul Claudel (réduit à la responsabilité de l'internement de sa soeur Camille !), qu'on fustige et censure Léon Bloy assimilé à un antisémite aussi dangereux qu'Edouard Drumont qu'il combattit avec acharnement, qu'on ne lit plus l'oeuvre admirable de son filleul Jacques Maritain ou celle de Gabriel Marcel, existentialiste chrétien etc. Péguy, quant à lui, fut dreyfusard, tout comme Anatole France qu'on a immergé dans une fosse abyssale d'oubli injustifiable depuis un certain texte pamphlétaire "rouge" !
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Pendant ce temps, nos amis d'outre-Rhin (et également feu Patrice Chéreau via Elektra, qu'il en soit remercié de manière posthume), ne s'embarrassent pas de tous ces scrupules, continuant à célébrer Richard Strauss, Wilhelm Furtwängler et Martin Heidegger, trio fameux dont l'attitude fut très ambiguë sous l'Allemagne nazie, tandis que la France a exclu Berlioz du Panthéon pour une broutille vénielle : ses opinions orléanistes !
Cette France de la négation générale des esprits du passé se veut plus jésuite que le pape François !
Il faudra bien qu'un jour je me décide à consacrer un texte à ces écrivains et philosophes hexagonaux des années 1880-1960 dont la France ne veut plus...

samedi 14 juin 2014

Les 3 Vies du Chevalier : un documentaire remarquable outrageusement exclu des circuits de distribution "normaux".

Par Cyber Léon Bloy.
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De mémoire d'homme, on n'a jamais vu de grève ou de manifestation d'esclaves (Le Nouvel Aristote).

Je découvris qu'en ayant mis en scène ses propres funérailles de son vivant afin d'y assister, l'Empereur Charles Quint avait été un précurseur méconnu des artistes performers et de l'art conceptuel (Mémoires d'un Inconnu du XXIe siècle).

Je souhaite ardemment les ridiculiser, les ridiculiser tous jusqu'à l'épuisement argumentaire, afin que tous tombent dans un oubli définitif et juste (Réflexion de Moa).

Vous qui vous intéressez aux Lumières du XVIIIe siècle, vous avez sûrement entendu parler au cours de vous études du chevalier François-Jean Lefebvre de La Barre (1745-1766), qu'on supplicia à Abbeville parce qu'il avait été accusé d'actes de profanations à l'encontre des représentations de la Passion (le crucifix) et de Jésus-Christ (celle-ci dans un cimetière de la ville). De plus, on lui reprocha de ne s'être pas découvert au passage d'une procession de moines capucins !
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Le supplice du chevalier de La Barre se déroula à Abbeville le 1er juillet 1766 : soumis le matin à la question ordinaire, on lui épargna la question extraordinaire afin qu'il pût avoir suffisamment de force pour monter sur l'échafaud. L'infamie se manifesta à cette occasion, non seulement par le transport du condamné en charrette, mais par le port dans son dos d'une pancarte sur laquelle étaient inscrits les motifs de sa condamnation : "impie, blasphémateur et sacrilège exécrable." Le courage que le jeune homme montra imposa au bourreau qu'il renonçât à lui couper la langue ; par contre, le reste de l'horrible sentence fut exécuté : décapitation à la hache puis bûcher réservé au cadavre étêté.
L'on sait que Voltaire, bien qu'il se fût impliqué avec retard dans la défense de la cause du chevalier de La Barre, (d'autant plus que la découverte d'un exemplaire du Dictionnaire philosophique chez l'accusé - livre que le bourreau brûla - fit craindre au philosophe une arrestation) put mener une contre-offensive énergique. Il riposta par un texte : la Relation de la mort du chevalier de La Barre à Monsieur le marquis de Beccaria sous le pseudonyme de M. Cassen. La disproportion entre les délits reprochés et la peine exécutée était insupportable. Le procès avait été inique, les preuves inexistantes, les témoignages peu concluants et vides.
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L'iniquité de cette affaire a fait du chevalier de La Barre un symbole, un martyr de la laïcité, de la liberté de conscience. Je vous invite à lire l'article de Wikipedia consacré à cette affaire, aussi importante que celle de Jean Calas. 
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Un documentaire vient d'être consacré au chevalier de La Barre : Les 3 Vies du Chevalier de Dominique Dattola. C'est là que le bât va blesser, justifiant mon intervention révoltée. 
Ce film, assurément remarquable et judicieux, indispensable même pour qui croit encore aux valeurs de la République, ce film, dis-je, à peu près personne ne l'aura vu, moi compris (d'où cet article), hors quelques privilégiés lors de projections débats. Là loge le scandale, irrémédiable, intégral, indigne. 
Les 3 Vies du Chevalier, dont la sortie nationale officielle aurait dû en principe avoir lieu le 23 avril 2014, s'est vu "refuser" l'accès au circuit normal de diffusion des films. La presse ne l'a même pas remarqué, a été frappée d'un mutisme quasi intégral. Nul défenseur, nul spectateur, invisibilité programmée partout, sur de nombreux supports audiovisuels... on connaît ce syndrome !
L'affaire scandaleuse du sabotage des 3 Vies du Chevalier est une nouvelle pierre noire additionnée à l'édifice de l'abjection culturelle contemporaine, un nouvel écoulement putride de la grande charogne tumescente et verdâtre qui, autrefois, fut la grande patrie des Lumières et des droits de l'Homme. Triste époque qui mélange torchons et serviettes, qui traite de la même façon un film engagé du bon côté et un pamphlet négationniste, pesteux, pseudo documentaire social, annoncé au printemps 2013 puis déprogrammé faute de salles, produit par de douteuses officines qui se croient encore au temps d'Edouard Drumont et des faux Protocoles des Sages de Sion.  
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Les 3 Vies du Chevalier est passé intégralement inaperçu. Ou plutôt, on s'est arrangé pour qu'il passe inaperçu.Complicités implicites avec d'un côté les diadoques et épigones d'un certain régime qui exerça son pouvoir illégal à compter du10 juillet 1940 et de l'autre les loups fanatiques enturbannés de noir ? Les pouvoirs publics ont laissé tomber, négligemment, ce film obligatoire, dont l'unique critique parue dans une presse en déliquescence généralisée, celle du magazine Première, l'a accusé d'être scolaire, tel l'aboiement coupant, tranchant, d'un juge ou procureur stalinien ou nazi, éjecté tel un crachat purulent ! On retrouve toujours la même logomachie, le même chef d'accusation répété à satiété lorsqu'on veut couler une oeuvre nécessaire et pédagogique depuis l'affaire du documentaire sur le Louvre en 1985 : trop scolaire ! trop didactique ! Ces contempteurs de la vraie culture ne sont même pas f..tus de faire leur autocritique !
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Ils sont beaux les drapeaux tricolores sur l'affiche ! Mais ô combien dérisoires ! Ressaisissez-vous avant qu'il soit trop tard ! Il faut que la raison revienne ! Faites que Les 3 Vies du Chevalier soit vu par le plus grand nombre de spectatrices et spectateurs ! Ce documentaire éducatif (au sens noble et non pas galvaudé) le mérite amplement !

samedi 7 juin 2014

Timbuktu ou l'injustice cannoise.

Je présumais naïvement que ce "tube" était familier aux oreilles de tout un chacun. Mais, une fois de plus, j'ai dû convenir avec tristesse que la musique classique était devenue la cinquième roue du carrosse claudiquant de ce qu'on nommait autrefois la culture générale. (Renaud Machart : C'est à voir - chronique  : Le Rouge et le Vert in Le Monde du mardi 10 juin 2014, à propos du fait qu'aucun commentateur et journaliste français présent sur le plateau d'I-Télé n'a reconnu la première des cinq marches de Pump and circumstance op. 39 d'Edward Elgar, oeuvre pourtant célébrissime, jouée lors des célébrations des 70 ans du débarquement de Normandie en présence de la reine Elizabeth II. Curieusement, le titre de cette chronique est strictement le même que celui utilisé par Ivan A. Alexandre dans sa propre chronique parue au dernier numéro de Diapason. Correspondance troublante et significative ! Les constats amers de ces deux chroniqueurs se rejoignent : ce qui fut autrefois considéré comme la culture n'est plus qu'un champ de ruines...)  
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C'était le temps cinéphilique où l'Afrique noire avait l'insigne honneur de figurer au palmarès du festival de Cannes.
C'était l'époque (ni la pire, ni la meilleure ainsi que Charles Dickens aurait pu l'écrire) où Souleymane Cissé
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 recevait en 1987 le prix du jury pour Yeelen.
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C'était la période où les audaces cannoises permirent à Idrissa Ouedraogo
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d'obtenir en 1990 pour Tilaï le grand prix du festival de Cannes. 
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Or, tout cela s'est envolé ! L'année cannoise 2014 ne rééditera pas cet esprit d'ouverture ! l'année 2014 ne sera pas marquée d'une pierre blanche pour le cinéma d'Afrique noire en quête de reconnaissance ! Pour quelle obscure raison un jury composé intégralement de personne tout à fait étrangères à la culture africaine, à la pensée africaine, aux mentalités africaines, aux civilisations africaines, aux enjeux et défis de l'Afrique contemporaine a-t-il boudé le chef-d'oeuvre incisif et indispensable d'Abderrahmane Sissako, réalisateur d'origine mauritanienne ? La réponse se trouve dans la formulation même de ma phrase.
Monsieur Sissako, jamais je n'oublierai vos larmes qui eussent dû faire fléchir et convertir à votre cause artistique, esthétique et politique un jury singulièrement peu audacieux, que dis-je, enfermé dans son académisme et sa routine !  
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A cause de vous, mesdames et messieurs du jury cannois, Timbuktu risque de se trouver privé de distribution en France ! Aucune date de sortie chez nous n'est prévue pour ce film bredouille, looser, boudé ! 
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Injustice ! Injustice ! Injustice !
Je n'irai pas voir la palme d'or 2014 ! Celle-ci ne m'intéresse aucunement ! 
Avez-vous compris le message d'alerte fondamental de Timbuktu, mesdames et messieurs du jury de Cannes ? Permettez-moi d'en douter !
Avez-vous appréhendé le sel humoristique de Timbuktu, la manière dont les islamistes y sont ridiculisés, renvoyés à l'absurdité de leur fanatisme négateur de civilisation, destructeur de patrimoine, esclavagiste de la femme africaine qui, dans ce long métrage, leur tient tête avec brio et bravoure ? Ainsi sont prouvés le néant, le vide, sur lesquels reposent leur dogme et leur orthodoxie : tout est bâti chez eux sur du Rien...
Ne comprenez-vous pas, mesdames et messieurs du jury cannois que j'apostrophe ainsi par cette philippique d'un indigné majeur, la faute colossale, démesurée, que vous venez explicitement de commettre en ne donnant nulle récompense à l'oeuvre géniale d'Abderrahmane Sissako ?
Vous n'avez pas saisi qu'il s'agit d'un film de résistance africaine aux salauds ? Que l'Afrique sait voir où est le Mal suprême et qu'elle veut se défendre,  lutter, via les nobles figures des combattantes anti-islamistes mises en scène dans Timbuktu ? 
Auriez-vous été incapables de voir, en aveugles-nés autistes refermés en leur coquille occidentalocentriste nombriliste, enivrés de films chiants trop longs et trop métaphoriques et symbolistes pour emporter mon adhésion, que Timbuktu était aux turbans noirs ce que Le Dictateur et To be or not to be furent au nazisme ? 
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C'est vous toutes et tous que Jean-Luc Godard (un sieur que j'ai en une telle détestation que je puis me vanter de ne pas avoir vu une attoseconde de ses films hors bandes-annonces des diffusions télé) aurait dû qualifier de faquins !
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Nier le message d'Abderrahmane Sissako, c'est non seulement faire le jeu des fondamentalistes islamiques qui menacent l'ensemble des civilisations d'Afrique et d'ailleurs, en éradiquent jusqu'à la quintessence splendide, mais aussi priver indirectement les populations africaines des deux sexes de leur liberté de moeurs, d'entendement et d'expression, de leur liberté de conscience. Ce sont des négateurs des Lumières ! 
Nier ce message, c'est aussi favoriser un seul point de vue de la lutte nécessaire contre les fanatismes : le point de vue d'autres fanatiques du camp d'en face, ces fanatiques fascistes ou néo fascistes masqués derrière une façade de respectabilité indispensable à leur conquête du pouvoir ! Ces fanatiques qui se vêtent des oripeaux de la défense d'un Occident idéalisé, fantasmé, inventé.  C'est leur assurer le monopole de la lutte contre les intégristes turbans noirs, les métamorphoser en vecteurs exclusifs d'émission de messages de haine simplificateurs englobant, assimilant et amalgamant tous les musulmans du monde à l'islamisme !
Aidons Abderrahmane Sissako à faire sortir son grand et beau film en France ! Qu'il puisse être vu par le plus de spectateurs et spectatrices possible !
Quant à vous, mesdames et messieurs du jury de Cannes 2014, affichez donc quelque contrition, quelque regret pour votre erreur insane ! Dites mea culpa
La Grande Histoire vous oubliera peut-être comme elle oublia le chevalier de Rohan qui bastonna Voltaire mais elle retiendra assurément les noms d'Abderrahmane Sissako et de Timbuktu. 
Du moins, je l'espère de tout coeur !
La prochaine fois, j'évoquerai un autre film important saboté et nié, au message pourtant tout aussi fondamental : Les 3 Vies du Chevalier de Dominique Dattola, documentaire consacré au chevalier de La Barre intégralement boudé par nos a-médias cuistres.

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