vendredi 31 octobre 2014

Ces écrivains dont la France ne veut plus 1 : Anatole France.



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Par Cyber Léon Bloy.

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Je ne supporte pas la littérature de l'égoïsme et du renoncement. Pourquoi ? Parce que la littérature doit être un cri, une révolte (Le Nouveau Victor Hugo).

J'exècre tous ces romans contemporains au style plat qui ne secrètent aucun plaisir littéraire jubilatoire (Le Nouveau Victor Hugo).

Dans ce siècle exhalant ses effluves de pourriture en chacun de ses jours, rares demeurent les écrivains patrimoniaux à surnager encore au-dessus du flux d'égout d'une certaine littérature contemporaine présentée comme incontournable. Beaucoup restent reclus en un injustifiable purgatoire, en particulier Anatole France, dont la longue vie s'acheva par l'humiliant Un cadavre, tache indélébile justificatrice d'un bannissement indéfendable pour un grand dreyfusard. On ne le lit plus ; on ne l'étudie plus. Son purgatoire infini ressemble à un exil, à une interdiction littéraire. Comment peut-on mépriser à tel point l'auteur du chef-d'oeuvre Les Dieux ont soif ?
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Le scepticisme de cet anti-boulangiste notoire dérangerait-il ? Qui donc est responsable de cette exclusion durable et inqualifiable ? Anatole France, prix Nobel de littérature en l'an 1921 fit-il preuve d'incorrection, gêna-t-il les notabilités installées qui décident en haut lieu de qui il faut parler, contre qui l'on doit se taire ? Les programmes scolaires officiels ont "oublié" sciemment Anatole France. Ce silence s'avère oppressant !
Monsieur François Anatole Thibault, dit Anatole France (coquin d'Anatole devrais-je m'exclamer !), naquit le 16 avril 1844 à Paris pour décéder quatre-vingts ans plus tard à Saint-Cyr-sur-Loire le 12 octobre 1924. Il fut l'un des plus grands écrivains de la IIIe République, et à peu près tout le monde semble l'avoir oublié, puisque Maupassant et Zola, ses contemporains, ont désormais scolairement parlant pignon sur rue. En quoi diable Anatole France aurait-il démérité, ce romancier et critique dont nul cuistre se hasarderait à réclamer, même pour le centenaire de la mort, une entrée au Panthéon ?  
On a instruit contre lui un procès inique pour mondanité excessive, au point que Monsieur Marcel Proust, dont je ne partage pas toutes les conceptions littéraires et encore moins le goût "sadien" pour le martyre des rats, en fit le parangon de Bergotte, un modèle ambigu, presque clownesque. Anatole France fut un "mondain" bibliophile, issu d'un père légitimiste, entré lui-même en république, qui trainassait sa nonchalance d'agnostique dans le salon de Madame Arman de Caillavet, dont il fut l'amant, prototype de Madame Vedurin, aussi ridicule, grotesque, qu'apparût ce personnage... Nonchalance pareille à une léthargie somnambulique...
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Il y affichait sans vergogne sa célèbre microcéphalie parce que l'on dit que sa boîte crânienne recelait un cerveau d'un volume inférieur à la moyenne, et que les théories racistes et infondées de Monsieur Paul Broca eussent pu qualifier Anatole France de presque anthropopithèque, tant sa cervelle se rapprochait du Rubicon minimum de l'humanisation, non loin de ce que le biologiste évolutionniste germanique Ernst Haeckel appelait Pithecanthropus alalus parce qu'elle avoisinait à peine les 1100 cm3, soit les plus gros cerveaux d'Homo Erectus !
Disons qu'Anatole France n'était pas stupide du tout, que la taille du cerveau n'a nul rapport avec l'intelligence. Je ne puis le figurer tel un Badinguet dormeur, aux yeux mi-clos, songeant à l'utopie irréaliste de l'extinction du paupérisme tout en s'acoquinant avec les milieux monarchistes fourmillant dans le salon qu'il fréquentait avec une assiduité ambivalente.            
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Anatole France en 1889  

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Mais qu'écrivit-il donc pour qu'on feigne à ce point l'ignorer, l'ensevelir ?
Contentons-nous des romans et nouvelles. Leur nombre est des plus conséquents.
  • Jocaste et le Chat maigre, 1879
  • Le Crime de Sylvestre Bonnard, membre de l’Institut, 1881. Prix Montyon de l’Académie française
  • Les Désirs de Jean Servien, 1882
  • Abeille, conte, 1883
  • Balthasar, 1889
  • Thaïs, 189033. Cet ouvrage a fourni l’argument au ballet Thaïs de Jules Massenet.
  • L'Étui de nacre, 1892, recueil de contes
  • La Rôtisserie de la reine Pédauque, 1892
  • Les Opinions de Jérôme Coignard, 1893
  • Le Lys rouge, 1894
  • Le Jardin d’Épicure, 1894 (2e édition revue et corrigée par l'auteur : 1922)34;
  • Le Puits de Sainte Claire, 1895
  • Histoire contemporaine en quatre parties :
  • Clio, 1899 (réédition sous le titre Sous l'invocation de Clio, 1921
  • L'Affaire Crainquebille, 1901
  • Le Procurateur de Judée, 1902
  • Histoire comique, 1903
  • Crainquebille, Putois, Riquet et plusieurs autres récits profitables, 1904
  • Sur la pierre blanche, 190536,33
  • L’Île des Pingouins, 190837
  • Les Contes de Jacques Tournebroche, 1908
  • Les Sept Femmes de Barbe bleue et autres contes merveilleux, 1909
  • Les dieux ont soif , 1912
  • La Révolte des anges, 1914                                                                                                             http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/a/ac/Anatole_France_-_Le_Livre_de_mon_ami.djvu/page7-160px-Anatole_France_-_Le_Livre_de_mon_ami.djvu.jpg
  •                                                                                                              
  • Ainsi, vous constatez que, parmi les titres énoncés, nombreux furent ceux que l'on trouvait encore couramment au format de poche chez les libraires il y a encore quarante à cinquante ans. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Que s'est-il donc passé ? Doit-on incriminer le pamphlet collectif des surréalistes du 18 octobre 1924, le susnommé Un Cadavre ? Avant qu'à leur tour ils devinssent grands, ces petits-maîtres sur-réels littéraires brûlèrent en effigie l'idole officielle qu'ils abhorraient, bien qu'elle fût désormais communiste.                                                         
  •  Et si le problème, le malentendu, résidait ailleurs ?  Anatole France souffrit-il d'une écriture peu audacieuse, disons-le timorée ? De fait, le style de notre auteur se pare d'une acidité feutrée, sous-entendue, distanciée, nuancée, sous cape, ironique, dissimulée derrière un paravent de politesse, d'exquisité, de bonnes manières, de courtoisie, de civilités, d'urbanité, dans l'esprit policé du Siècle des Lumières.  La Rôtisserie de la Reine Pédauque, pour ne citer que ce seul ouvrage, se réclame de Diderot, de Jacques le Fataliste, mais, lorsqu'il le veut, Anatole France sait se faire plus acerbe, tout en conservant cet esprit XVIIIe siècle qui fit l'unanimité parmi ses laudateurs et adulateurs de tous les camps : ainsi en est-il dans L'ïle des Pingouins, qui peut se targuer d'une certaine férocité. C'est sans conteste le livre de Guillaume Métayer, Anatole France et le nationalisme littéraire (éditions du Félin 2011), qui nous livre la raison du rejet persistant de ce grand auteur en ces temps contemporains qui, parfois, célèbrent un peu n'importe quelle fausse gloire volatile destinée à passer. l'ouvrage est judicieusement sous-titré : scepticisme et tradition. Belle invite à redécouvrir France ! 
  •      http://ecx.images-amazon.com/images/I/51EbHZ4uvyL._SY300_.jpg                                                                                                    
  • Ainsi, au risque d'en choquer beaucoup, je donne entièrement tort aux surréalistes de s'être vengés d'Anatole France, afin qu'ils le fissent passer aux yeux de la postérité pour un birbe chenu, une simple vieille barbe rébarbative gainée dans un empois de toiles d'araignées d'où ne pouvaient plus s'extirper que des paroles vaines que plus personne n'écouterait. Or, Anatole France est quelqu'un d'univoque : il semble ne jamais changer de ligne stylistique, de ligne de conduite non plus, éludant toute violence verbale, toute crudité, toute grossièreté, toute polémique, se différenciant des outrances des décadents vendus à la Revanche, des antidreyfusards, boulangistes (qu'il ridiculise dans Monsieur Bergeret à Paris), d'un Léon Bloy aussi (l'originel, pas votre serviteur à la plume souventes fois tout aussi acérée). Rien d'interpolé, de controuvé par des disciples abusifs, ni dans sa vie, ni dans son oeuvre : aucun thuriféraire n'a déformé son message, comme chez Charles Péguy (qui fera l'objet d'un prochain texte sur ce blog même), en lequel chaque camp a puisé ce qu'il voulait du fait même que le personnage ne cessa d'être mouvant tout en niant cette évidence. Non, l'évolution d'Anatole France, de nature politique, se fit sans heurt, sans polémique, sans dénigrement de ses anciens amis, sans appels à la haine ou au peloton d'exécution...  Pourtant, combien d'amis eut Monsieur France parmi la clique tumescente des nationalistes de tout poil ! Combien de Paul Bourget, de Maurice Barrès, de Jules Lemaître, de Charles Maurras qui le soutinrent, l'admirèrent, parce qu'ils crurent que sa prose (sa poésie de même) recelait la clef de la palingénésie de la nation, de sa résurrection, de sa régénérescence, de sa réification même !   
  •     http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/f/f3/Portrait_of_Jules_Lema%C3%AEtre.jpg/220px-Portrait_of_Jules_Lema%C3%AEtre.jpg                        
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  • http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/0/05/Maurice_Barr%C3%A8s.jpg/220px-Maurice_Barr%C3%A8s.jpg                                                                                        
  • Tous avaient été subjugués par le classicisme pondéré de son écriture, dans la tradition du Siècle des Lumières. Mais, seul académicien dreyfusard, Anatole France rompit avec tous ces cuistres !   Que diantre y eut-il là de grands malentendus ! Il sut glisser, évoluer toujours plus vers la gauche !
  • De nos jours, l'exil d'Anatole France de notre panthéon littéraire ne cesse de m'étonner : il est on ne peut plus singulier que cela soit le politiquement correct euphémique généralisé et dominateur de notre triste époque désintellectualisée qui soit le moins réceptif à cette oeuvre tout en mesures, "interdite" par la loi du silence. En raison de sa gloire, consacrée de son vivant, notre bon vieux France n'a subi que des avanies post-mortem ! Déboulonné de son piédestal par des paltoquets en manque de célébrité artificieuse, il appartient à la catégorie des notabilités défuntes confites de moisissures, dont nul ne s'avisera de l'extirper de cette gangue ou fange oublieuse où se noyèrent des foules de personnalités statufiées à tort ou à raison. 
  • L'image de Bergotte adhère encore à sa peau, jusqu'à le dévorer intégralement, tel un masque tératologique de chair morte, difforme,  d'un de ces films horribles qu'on concélèbre avec faste et excès.(1)
  • Prochainement :    Annabelle ne sera jamais belle, article consacré à un épiphénomène filmique grotesque, syndrome de notre époque troublée et déboussolée.  Changement radical de registre.
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  •  Note 1 :   allusion au personnage de Massacre à la tronçonneuse masqué de peau humaine. 
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jeudi 16 octobre 2014

Jean Epstein et la question du cinéma "ethnographique" breton.

Chassez le naturel, il revient au galop. (Destouches 1680-1754)

Souci de lama, petit souci. Souci d'homme, gros souci. (proverbe péruvien imaginaire)

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Je n'ai pas la prétention de vouloir soutenir une thèse sur l'oeuvre de Jean Epstein (1897-1953), a fortiori sur sa production bretonne, bien qu'elle soit étonnante à plus d'un titre. 
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Il est significatif que l'article anglais que les contributeurs de Wikipedia ont rédigé en l'honneur de ce grand artiste expérimentateur soit plus complet que celui offert par la version française de l'encyclopédie en ligne. Nul n'est prophète en son pays, et, tout comme une Germaine Dulac ou un Louis Delluc, item pour le Marcel l'Herbier des années vingt, l'oeuvre filmique expérimentale de Jean Epstein peut encore rebuter.
J'ai décidé aujourd'hui d'évoquer, en fonction de mes modestes connaissances, les courts métrages qu'Epstein réalisa en Bretagne, en particulier Le Tempestaire, que je ne connaissais que de nom avant que la chaîne Ciné+Classic ne le diffusât au printemps 2014. Au préalable, dressons la liste de ces films répertoriés comme "armoricains" : ils ne sont pas les seuls courts métrages à l'actif de Jean Epstein, qui s'intéressa également aux auberges de jeunesse et aux bâtisseurs de cathédrales.

On a longtemps reproché à Epstein sa filmographie hétérogène, pour ne pas dire hétéroclite, alternant les courts métrages de recherche et les films alimentaires de fiction commerciaux. Il faut admettre que les spectateurs étaient déroutés par les hardiesses des premiers : abandon de tous les artifices de la mise en scène adaptée du théâtre, recours aux décors naturels, aux comédiens non professionnels, usage de la langue bretonne etc.   
Qu'est-ce qui intéresse le plus Epstein ? Ce sont avant tout les espaces insulaires, portuaires, maritimes, les phares. Ouessant est un des lieux de prédilection qu'il choisit de filmer.
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 Il néglige la Bretagne continentale, intérieure, son folklore, ses légendes rapportées par Anatole Le Braz. Il se moque comme de colin-tampon de l'Ankou, de la forêt de Brocéliande, d'Ys l'engloutie et consort. Jean Epstein se veut naturaliste. Au fond, on peut rapprocher ses courts métrages bretons de L'Homme d'Aran  de Robert Flaherty (1934). Mais, sous l'épure réaliste, transparaît tout de même un certain fantastique, lorsque la Mer, personnifiée, redoutée, occupe le centre du propos. C'est alors que Le Tempestaire entre en scène.
La Mer est une créature monstrueuse, un espace répulsif, preneur de corps et d'âmes, qu'on craint, qu'on révère aussi. Mer sacralisée... Elle est capricieuse, imprévisible, imprédictible. On ne peut la dompter. Seul le tempestaire possède ce pouvoir : à volonté, il déclenche le grain ou le calme. Il maîtrise les éléments, la météorologie. Sorcellerie marine, persistance d'un substrat païen dans la très catholique Bretagne ? 

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Après une longue éclipse, le cinéaste documentariste revient sur le devant de la scène une fois passée la tourmente de la guerre, en signant ce court métrage, Le Tempestaire, que je puis qualifier de chef-d'oeuvre : le cinéma vérité s'y mélange harmonieusement avec le fantastique et la Mer demeure toujours le personnage central, la déesse d'eau dont on craint qu'elle ne procède à une nouvelle fauchaison de vies de marins, de pêcheurs. L'action du film se déroule à Belle-Île-en-Mer, dont la fascination littéraire est bien connue, puisque ce fut un lieu crucial de l'action tragique du Vicomte de Bragelonne d'Alexandre Dumas, dont il a été récemment question en ce blog. Les bruissements de la tempête, les mugissements venteux, le microcosme-macrocosme de la Mer contenue dans la "boule" maléficiée du sorcier tempestaire forment autant d'éléments troublants. Jean Epstein va au-delà de la nature : il en donne une lecture autre, presque pré-néolithique, lorsque l'homme n'en expliquait les phénomènes que par l'intervention de divinités rattachées aux quatre éléments fondamentaux : eau, terre, feu, air : et le tempestaire détient le secret de la maîtrise de trois des quatre éléments : feu des éclairs, eaux marines, courants aériens tempétueux. Le maître du septième art illustre un "magisme" païen persistant en plein XXe siècle.
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 la fiancée du jeune marin qui a pris le large, craignant pour sa vie, recourt à l'aide du tempestaire, intercesseur, intermédiaire entre les humains et la déesse Mer, qu'elle charge de calmer, de tempérer : il doit mettre fin au courroux de la Mer réclamant sa pitance, Mer-mère qui a déclenché la bourrasque : le sorcier parvient à ses fins ; il sauve l'amoureux du péril.

L'atmosphère du Tempestaire est envoûtante, prenante ; on ne peut l'oublier de sitôt : il est bon de rappeler qu'Epstein excella dans le cinéma muet fantastique, avec La Chute de la Maison Usher et La Glace à Trois Faces, que je découvris au commencement des années 1990.L'ineffable poésie se dégageant de ces images mouvantes en noir et blanc prouve ô combien l'économie de moyens dont Epstein usa dans son oeuvre convenait à la perfection à son message esthétique.
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Quel fut l'accueil critique de cette singularité ? Un florilège vous est fourni sur le site de la Cinémathèque française.


·         Action
·         « Jean Epstein est un théoricien de la caméra. Son Tempestaire réserve pourtant une émotion artistique aux peintres : des cieux, des nuages vivants. »
·         [S.N.], 21.04.1948
·          
·         L’Age nouveau
·         « Pour la première fois, avec le cinéma, nous voyons que, sans être interprétés, des bruits de toutes sortes peuvent prendre une importance ignorée jusqu’à ce jour. Est-ce-à dire que c’est déjà de la musique ? C’est, en tout cas, de la composition sonore… »
·         René Clément, juin 1950
·          
·         Ambiance
·         « L’histoire est de celles qui naissent au bord des rochers dangereux dans une atmosphère qui excite l’angoisse et l’imagination. Mais ce n’est point seulement pour nous la conter qu’Epstein s’en est allé à Belle-Ile-en-Mer au large de Quiberon. Ce metteur en scène qui fut à l’avant-garde du muet et qui, autrefois, partant du ralenti de l’image, nous donna La Chute de la Maison Usher, ne vivait que pour appliquer au son cette méthode qui permettait de voir désormais ce qu’aucun être humain n’avait encore décelé ; et permettait d’entendre ce qui n’avait jamais été entendu. »
·         [S.N.], 18.06.1947
·          
·         L’Aube
·         « Le Tempestaire qui aura cette originalité de donner au son une importance presqu’aussi grande qu’à l’image (…). Nous verrons dans Le Tempestaire ce que peut nous apporter le ralenti du son.
·         Jean Néry, 04.04.1947
·          
·         Climats
·         « Un chef-d’œuvre qui n’a presque rien coûté ; un magnifique poème visuel fait par un seul homme, avec une modeste camera. »
·         Le Cousin Pons, 12.05.1948
·          
·         Europe
·         « Pour magnifier la mer, il a utilisé le ralenti visuel et a fructueusement expérimenté le ralenti sonore. La modification des rythmes de la réalité, trop souvent vouée jusqu’à présent à de médiocres prouesses d’illusionnisme, est ici promue à engendrer une émotion authentiquement artistique. »
·         Raymond Barkan, 06.1948
·          
·         Le Figaro
·         « Dans Le Tempestaire, vous entendrez, pour la première fois (…) un enregistrement direct du vent. Les techniciens avaient dit : c’est impossible. Nous sommes pourtant descendus dans la plus fameuse grotte de Belle-Ile, celle que Sarah Bernhardt a baptisée l’Apothicairerie. Le résultat est saisissant. Le dialogue dantesque du vent, de la mer et des roches ne ressemble à rien d’autre. »
·         Propos de Jean Epstein recueillis par Jean-Baptiste Jeener, 24.01.1947
·          
·         Franc-tireur
·         « Le Tempestaire, ce ne sera pas, comme on l’a écrit déjà, un film breton, mais plutôt un film atlantique, un film océanique. Le décor terrestre sera presque schématique. Et la mer que je veux saisir pourrait être aussi bien celle d’Irlande, ou d’Ecosse. Les acteurs indigènes eux-mêmes ne seront que des figures symboliques sur fond de mer et de ciel. Le Tempestaire sera, si vous le voulez, un film abstrait. »
·         Propos de Jean Epstein recueillis par Jean Néry, 06.02.1947
·          
·         France d’abord
·         « Le Tempestaire est une œuvre attachante et originale où l’on retrouve le rôle important que le son aurait dû toujours garder dans les créations d’atmosphère. C’est aussi, pour bien des cinéastes, une leçon de cinéma sonore et une leçon de montage, réalisées avec la sobriété que, seul, peut conférer le talent. »
·         Georges Terrane, 22.05.1947
·          
·         France-libre
·         « Le Tempestaire, court métrage, est une succession d’images mêlées de bruits qui, entrant en résonnance avec l’âme du spectateur, font naître en lui une suite d’émotions de la plus haute qualité (…). Le Tempestaire est un documentaire romancé où Jean Epstein à force d’habileté et de puissance, restitue par le roman la réalité. »
·         Pierre Chartier, 15.05.1947
·          
·         Mer et Outre-mer
·         « Les grandioses images (…) du Tempestaire ; quelle plus belle plastique imaginer que celle de l’assaut des vagues contre les rochers, décomposé en toutes ses reptations et ses jaillissements tel qu’on le voit dans Le Tempestaire ? Quoi de plus monstrueux que le va-et-vient de la mer, saisi dans l’ombre de la nuit, dont Epstein a su encore amplifier la vie mystérieuse en accompagnant l’image de la palpitation sonore de cette vie ? »
·         P. Laubriet, 01.11.1948
·          
·         Le Résistant de l’Ouest
·         « De cette évocation très simple, Epstein a réalisé quelque chose d’étonnant et de très personnel, marqué par son génie des belles images et des découvertes techniques. »
·         [S.N.], 21.02.1947
·          
·         Opéra
·         « Il s’agit d’un véritable poème cinématographique, utilisant (…) les nombreuses ressources du cinéma en matière de fantastique. Un immense crescendo nous y emporte à travers la tempête, jusqu’à sa résolution finale, admirablement soulignée par une musique d’Yves Baudrier, mise au point avec un grand soin par le compositeur et le metteur en scène ».
·         Gilbert Caillet, 18.06.1947
·          
·         Le Peuple
·         « Images admirables de vagues qui déferlent, de paysages marins, de dunes balayées par le vent et surtout rendu étonnant des miaulements, grondements et rugissements de la tempête. »
·         S.B., 24.05.1947
·          
·         Point de vue
·         « Pour la première fois dans les grottes de Belle-Ile, ont été enregistrés, en direct, les dialogues du vent et de la mer. Un étonnant mixage les a liés à la musique. C’est prodigieux. Il semble que nous soit révélée pour la première fois, la perspective sonore… »
·         [S.N.], 29.05.1947
·          
·         Une semaine à Paris 04.05.1948
·         « [Jean Epstein] nous place exactement face à la mer, seuls avec elle : il insiste des minutes durant sur un jeu de vagues courroucées… »
·         Jean Laury, 04.05.1948
·          
·         V (Marseille)
·         « Jean Epstein est un de ces cinéastes dont l’activité même réduite, inspire le respect et l’admiration. Le Tempestaire est le nom que les pêcheurs bretons donnent aux vieux marins doués de la faculté surnaturelle de déclencher ou d’apaiser les tempêtes. Dans une œuvre forte et saine de vingt minutes, Jean Epstein nous reconstitue une ambiance absolument extraordinaire. »
·         Charles Ford, 25.05.1947
Source : site Internet de la Cinémathèque française. 
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La dernière critique est signée Charles Ford (1908-1989), qui fut un important historien du septième art.

Prochainement, je débuterai une série consacrée aux écrivains dont la France ne veut plus, en commençant par l'évocation d'un auteur "homonyme" : Anatole France. 

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