dimanche 30 avril 2023

Café littéraire : une introduction à L'Or de Blaise Cendrars.

 

L’OR, de Blaise Cendrars                               Roger Colozzi-Gisselbrecht

 undefined

Aux bruits avant-coureurs de la programmation pour la fin mai – le jeudi 25 – du roman de CENDRARS, L’Or, une large majorité (à une ou deux exceptions près) s’est félicitée du choix de ce « grand-petit » livre, lu autrefois, il y a si longtemps !

            Pour moi, c’est histoire, l’opportunité de renouer, grâce à notre Café Littéraire, avec l’immense littérature française du XXème siècle écoulé. Un peu de fraîcheur (toute relative certes) dans ce monde disruptif de l’humanité souffrante de mille maux, psychologiques et… Cie.

            Nous partirons donc, avant les grandes vacances, à l’aventure. Et quelle aventure ! Rien de moins que la ruée vers l’or… Donc, ni une ni deux, accrochez-vous à la bride-accoudoir de votre canapé, et sus à l’épopée, sur les traces – écrites – de l’écrivain manchot (1887-1961). Sus à la grande aventure, la grande et moderne migration humaine vers l’ouest, vers la terre promise, migration dont l’auteur a été le témoin et qu’il illustra avec la parution en 1925 de ce roman historique sur les premiers chercheurs d’or d’une Californie en état de gestation. Un roman à la Cendrars, né Frédéric Sauser, dit Blaise, sans amours – dévoyées ou maladives – ni labyrinthes neuronaux, rédigé dans une forme, un style bref, « couillu », lisse de toute fioriture, comme le sont ses journaux et autres premiers récits de voyages – à la Sylvain Tesson avant l’heure –, avec cette force d’évocation déjà présente, prégnante, comme une apologie de l’action, dans cette Légende de Novgorod (1909) ou encore cette Prose, poétique, du Transsibérien (1913).

 undefined

            Alors, eh bien, à vos marques-pages, en voiture pour le grand ouest, la Nouvelle-Helvétie, et apprêtez-vous pour Bourlinguer (1948) à pied, à cheval au galop, en diligence, en chariot… Terminus l’Eldorado ! En avant pour la « Big »aventure, fiévreuse, mortifère… Enfiévrez-vous, précipitez-vous, oui, dans cette merveilleuse odyssée, terrestre, maritime, « une histoire passionnante…, le plus magnifique reportage qu’on puisse lire... », prévient en 4ème de couverture ‟Le Livre de Poche”, n° 293, pour sa réédition de 1963.
 Pas de doute : une pépite !  1963 - 2013, soixante ans,… déjà !

 John Augustus Sutter c1850.jpg

 

« Je tourne dans la cage des méridiens comme un écureuil dans la sienne. »

Frédéric Sauser, dit Blaise Cendrars, né en Suisse (La Chaux-de-Fonds) en 1887, est un poète, romancier et essayiste qui, engagé volontaire en 1914 dans la Légion étrangère, combattra pour la France et subira l’amputation du bras droit. Il poursuivra pourtant une vie aventureuse, voire dangereuse, depuis l’Afrique jusqu’en Amazonie, coutumier du fait, puisque dès l’âge de 16 ans, une fugue le conduira jusqu’à Moscou, aux Indes, en Chine, en Perse…

Correspondant de guerre en 1939 dans l’armée anglaise, puis réfugié sur la Côte, il s’établira à la Libération à Paris, poursuivant une œuvre où d’aucuns ont pu voir l’un des précurseurs de l’« alittérature », voire du nouveau roman.

Séjournant un temps dans le Vaucluse, il fréquentera parfois, à Carpentras, la boulangerie de François Jouve, érudit, Majoral du Félibrige. Il décède en 1961.   

Description de cette image, également commentée ci-après       

samedi 22 avril 2023

Tu quoque Hergé.

 Toi aussi, mon fils.(Jules César à Brutus lors de son assassinat).

undefined 

Hergé, créateur de Tintin, nous a quittés il y a quarante ans. Contrairement aux manifestations autour du cinquantenaire de la disparition de Picasso, indénombrables tellement elles sont pléthoriques, il doit hélas se contenter d'une commémoration squelettique ! 

Pablo picasso 1.jpg

 Ce silence autour d'Hergé me rappelle fâcheusement la non-commémoration en 2013 du centenaire de Charles Trenet. Les raisons de cette non-commémoration hergéenne pourraient être limpides si elles ne relevaient pas de l'hypothèse et de la conjecture.

Primo, cela signifierait que nous ne pouvons plus dissocier l'oeuvre de l'artiste : en ce cas, l'attitude d'Hergé durant l'occupation nazie de la Belgique, ses fréquentations, la tache de certains contenus graphiques et scénaristiques de L'Etoile mystérieuse ainsi que sa collaboration au Soir volé suffiraient à rendre définitivement Hergé infréquentable, bannissant à jamais Tintin et Milou de l'histoire de la bande dessinée franco-belge. Tout ceci est bien montré dans Hergé fils de Tintin de Benoît Peters, biographie faisant autorité parue en 2002. 

Secundo : les conditions juridiques de l'obtention d'une permission de reproduire et d'exploiter ne serait-ce que d'une seule vignette des aventures de Tintin sont devenues si draconiennes qu'elles rendent impossible toute commémoration sans l'aval des ayants droits, à savoir l'ex société Moulinsart devenue Tintimaginatio en 2022. Même le pastiche ne trouve pas grâce aux yeux de cette entreprise !  Quand on saura que  les Schtroumpfs de Peyo viennent de faire l'objet d'une parodie autorisée, on comprend ce qui ne va pas.

On insinuera que la situation est grave mais pas désespérée, qu'on peut encore rattraper Hergé, qu'il n'est de toute façon "que" belge et que la télé n'a ni les sous ni l'envie pour négocier la production d'un documentaire avec Tintimaginatio. En attendant, la sclérose patrimoniale guette et la momification de Tintin, Milou et de leur univers n'attire pas - c'est une lapalissade - les nouvelles générations, à l'heure où des jeunes ne comprennent même plus le mot "Lagaffe" dans le nom de Gaston. Cette situation pourra-t-elle perdurer ad vitam aeternam, du moins au-delà des soixante-dix ans communs au basculement d'une oeuvre dans le domaine public ?

En 2023, Hergé et Tintin auront été mal lotis, réduits à des non-événements même pas localisables sur un plan et une carte. Est-ce là une conséquence de l'éloignement temporel irréversible de la série ?  Alas, poor Yorick ! 

Prochainement : café littéraire consacré à une introduction à L'Or de Blaise Cendrars.