samedi 28 juin 2025

Ces écrivains dont la France ne veut plus 48 : Louise de Vilmorin.

 


   












Les cinéphiles connaissent et apprécient Max Ophüls. En particulier, ses films réalisés en France dans les années 1950 font partie des fleurons du septième art. Parmi eux, Madame de..., coproduction franco-italienne, sortie en 1953, qui fut son avant-dernier film. On y côtoie Danielle Darrieux, Charles Boyer et Vittorio de Sica. Cependant, peu de personnes savent que cette oeuvre superbe est une adaptation littéraire, 















plus exactement d'un roman de Louise de Vilmorin, paru chez Gallimard en 1951. Les nouvelles générations ne connaissent ni ce livre, ni son autrice. 

De son nom complet Louise Levêque de Vilmorin, notre écrivaine naquit le 4 avril 1902 à Verrières-le-Buisson, dans l'Essonne. Elle mourut en cette même commune, le 26 décembre 1969.

samedi 31 mai 2025

Sénèque : nouvelles maximes.

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Nul n'est en état de tout posséder.

Pour se faire riche, le mépris des richesses est la plus courte voie.

Un atrium rempli de portraits enfumés ne fait pas la noblesse.

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La plus indigne des servitudes est la servitude volontaire.

La pire folie est de juger un homme soit sur l'habit, soit sur la condition qui n'est qu'un habit jeté sur nous.

Nous avons fait passer en nous l'humeur orgueilleuse des rois.

 Image illustrative de l’article Néron

La sagesse n'est jamais venue à personne avant la déraison.

Nul n'est par lui-même de force à émerger des flots.

Sénèque affirme qu'Ulysse souffrait tout comme lui du mal de mer.

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Tu n'as pas à être philosophe à titre révocable.

Conter son rêve, c'est être revenu à l'état de veille. Avouer ses vices, c'est l'indice qu'on en est guéri.

Le sage ne fait rien à son corps défendant.

Rien ne fait tout à ce qui est éternel.

Mépriser son corps, c'est s'assurer la liberté.

Craindre, c'est être esclave.

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La beauté morale suppose toujours la paix de l'esprit, la tranquillité.

Les ennuis, tombant sur la vertu, ne lui font pas plus qu'une nuée crevant au-dessus de la mer.

Quiconque est parvenu vieillard à la sagesse y est parvenu par les années.

Nul ne meurt qu'à son jour.

Citations extraites de Sénèque : Lettres à Lucilius livres V-VII. Traduction Henri Noblot.6e tirage revu et corrigé par Claude Rambaux. Les Belles Lettres 1993.

Prochainement : reprise de la série des écrivains dont la France ne veut plus avec Louise de Vilmorin. 

Louise de Vilmorin - Babelio 


 

vendredi 23 mai 2025

Café littéraire : Lyonel Trouillot : Ne m'appelle pas Capitaine.

 Par Michel Antoni.

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Né à Port-au-Prince (Haïti) en 1956, Lyonel Trouillot est un romancier et poète haïtien d'expression créole et française. Il est également journaliste et professeur de littérature française et créole à Port-au-Prince.

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Issu d’une famille d’intellectuels, sa passion pour la littérature le pousse, après des études de droit, vers une carrière d'écrivain. A partir de 1998 et Rue des pas-perdus, son troisième roman publié chez Actes-Sud, il commence à obtenir une notoriété internationale.

Tout l’art de conteur de Lyonel Trouillot est d’aborder le registre de l'intime et du sentiment tout en affirmant son engagement social et sa dénonciation de la déliquescence de la vie politique haïtienne dans un style chatoyant empli d’arabesques envoutantes pour mieux nous saisir, et avec une prose luxuriante, colorée, séduisante, pour mieux nous faire advenir aux douleurs et jusqu’aux horreurs de l’existence, à Haïti comme ailleurs.

Ne m’appelle Pas Capitaine, paru en 2018, est son quinzième roman. Un roman d’apprentissage et d’initiation qui brise les barrières des classes sociales et interroge sur l’altérité à travers la rencontre d’Aude, une jeune femme issue d’un milieu aisé et le Capitaine, un vieil homme solitaire, bougon et brisé.  

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De ces deux voix qui se croisent dans un schéma littéraire habituel dans l’œuvre de Trouillot, émerge une leçon universelle, qui, bien qu’ancrée dans la vie de la capitale haïtienne si caricaturale dans son organisation sociale et la malédiction qui la poursuit, nous interroge tous. Qui es-tu ? Qui est l’autre dans notre relation ? Quelle est sa place dans une histoire que l’on voudrait commune ?

Une belle et simple histoire à méditer qui permet de découvrir l’œuvre de Lyonel Trouillot et la littérature haïtienne.  

 

 https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/6/62/Trouillot_siblings_as_children.jpg

  

 

Je ne t’enverrai pas de poème, mon ami.

Que te dirais-je

Sinon que la nuit est la même sur Port-au-Prince et Saint-Malo

Seule change la couleur de l’eau.

Que te dirais-je

Sinon que les garde-côtes américains ont encore repêché des Haïtiens

Au large de la Floride

Pas loin des requins.

Que te dirais-je sinon que nos vies sont tristes

Comme celle des vieux couples qui font chambre à part.

 

 Quand je sors

Je vois des hommes qui marchent vers le dehors des choses,

Pourtant ils savent que ce n’est jamais le pain

Ni la paix

Qui les attendent au bout de la rue.

Quand je m’arrête,

Je vois cet homme à bout de course qui regarde la mort du dedans

Mais l’arbre est trop sec pour le poids d’un pendu

Ou trop triste

Ou trop vieux,

Et pourquoi l’homme demanderait-il à l’arbre de signer sa défaite ?

Tous les matins

Je vois cette femme sans jouissance ni espérance

Les bras ouverts

Tous les matins, elle blesse ses genoux sur les marches d’une église.

 

Je ne t’enverrai pas de poème, mon ami.

Comment dire la présence de la mort dans la vie ?

Longtemps j’avais gardé un morceau de lune dans ma poche

Pour sérénades et ritournelles

 

Et puis beaucoup de mort sont passés dans ma vie

Je ne sais lequel de mes morts a emporté mon bout de lune

J’ai donné en cadeau mon désir de poèmes

A ceux que j’ai aimés et qui ne sont plus.

Tout ce que je puis t’offrir

De l’autre côté de la mer

C’est un silence qui fait naufrage.

 

Il fait un temps de poème. Volume 2

Textes rassemblés et présentés par Yvon Le Men

Filigranes Editions, 22140 Trézélan, 2013


Prochainement : deuxième fournée annoncée de citations de Sénèque.

 

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vendredi 9 mai 2025

Louis Feuillade, ma chi è ?

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J'aurais pu intituler cet article "Louis Feuillade : l'Ecran fantastique seul ? "

Ce fut un réalisateur éminent du cinéma muet français, des films à épisodes : trois titres suffirent à assurer sa gloire : Fantômas (1913-1914), Les Vampires (1915) et Judex (1916). 

Description de cette image, également commentée ci-après 

On parlait à l'époque de ciné-romans. Hélas, en 2025, si l'on veut absolument voir ces feuilletons filmiques détonants, on est tenu de payer un abonnement à la plateforme de Gaumont ! Tout cela apparaît d'autant plus contrariant que Louis Feuillade semble absent des commémorations officielles de 2025, comme d'ailleurs Max Linder, cet autre génie du cinéma muet. 

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C'est à croire que nos pontes de la culture sont en train de fabriquer une fable selon laquelle, passé le quatuor frères Lumière, Alice Guy et autre Méliès, il n'y aurait plus eu de cinéma français jusqu'à Jean Renoir ! L'absence mémorielle de Louis Delluc l'an passé aurait dû m'alerter.

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Comme par hasard, Delluc fut aussi scénariste de Germaine Dulac, l'autre femme cinéaste qu'on s'acharne à ignorer.


samedi 5 avril 2025

Sénèque : maximes, sentences et paraboles.

 Luca GIORDANO 1684, la mort de Sénèque - Musée du Louvre

Citations extraites des Lettres à Lucilius, livres I à IV, éditions les Belles Lettres 1995, traduction d'Henri Noblot revue et corrigée par Antoinette Novara.

C'est n'être nulle part que d'être partout.

Retire-toi en toi-même autant qu'il est possible.

Fais-toi l'esclave de la philosophie et tu possèderas la vraie liberté (Epicure, cité par Sénèque).

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Le sage seul est satisfait de ce qu'il a.

Nous nous émerveillons devant certains animaux qui passent indemnes au travers de la flamme.

Le sage s'accommode à la nature.

La philosophie enseigne à agir, non à parler.

Celui-là est grand, qui,  au sein des richesses, demeure pauvre.

Nul n'est riche en naissant.

Il n'est poltron qui aimerait mieux toujours pendiller que tomber une fois.

L'avide désir du grand bien est sans risque.

La mort ne compte pas les années. Tu ne sais où elle t'attend : attends-la donc en tout lieu. 

L'affection des âmes viles ne s'achète que par de vils procédés.

A quoi bon des voeux ? Fais-toi heureux toi-même.

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Du plus humble logis on peut s'élancer jusqu'au ciel.

Songe qu'au temps où nous nous faisions écouter des dieux, ils étaient d'argile.

Un arbre isolé ne retient pas l'admiration aux lieux où toute la forêt monte aussi haut. 

Nul ne sait être à soi.

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Nous venons au monde sans espoir de grâce.

Un remède ne profite que s'il séjourne.

Frein doré ne fait pas meilleur cheval.

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Prochainement : Louis Feuillade, ma chi è ?

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samedi 15 mars 2025

Café littéraire : « La Gouteuse d’Hitler » de Rosella Postorino.

 Le sage se suffit. (Sénèque)

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 « La Gouteuse d’Hitler » de Rosella Postorino

Présentation, par Marc Jeangérard.

Roman paru en 2019

Un roman VRAI, un VRAI ROMAN au cœur de l’histoire

UN ROMAN VRAI

L’autrice, Rosella Postorino, née en Calabre en 1978, est une écrivaines très connue en Italie où elle a obtenu plusieurs prix littéraires.

Ayant découvert, grâce à la presse, les souvenirs de Margot Wölk, la dernière « goûteuse d’Hitler », Rosella Postorino voulut en savoir plus en la rencontrant. Mais, il était trop tard, car cette dernière était décédée en 2015, à l’âge de 96 ans. Rosella Postorino décida alors d’écrire son histoire. Et c’est ainsi que la terrible expérience de Margot Wölk  est devenue le magnifique roman de Rosa Sauer.

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L’histoire des « goûteuses » est authentique. Elle est l’une des nombreuses conséquences de la paranoïa d’Hitler, évidente à partir de la fin de l’année 1942.

Entre le «Berghof » de Berchtesgaden et le bunker de Berlin, la « Wolschanze » (la tanière du loup)

Ruines de la Wolfsschanze

 de Gross-Partsch devint le refuge essentiel d’Hitler, situé en Prusse Orientale, non loin du fameux « couloir » de Dantzig. C’est là qu’aura lieu l’attentat de Juillet 1944 et cet évènement constitue bien le tournant « historique » du roman. Près d’un an et demi plus tôt, la lourde défaite de Stalingrad avait déjà commencé à semer le doute dans une partie de la population allemande.

UN VRAI ROMAN

Le récit linéaire de la narratrice, à la première personne, suit et analyse ses sentiments et réactions, et rend ainsi l’intrigue passionnante, voire envoutante.

Intrigue alimentée par l’impressionnante galerie de personnages qui peuplent les jours et les nuits de Rosa.

Il y a d’abord les « goûteuses », d’Augustine, la rebelle provocatrice, aux « enragés » - sont-elles vraiment nazies ou simplement opportunistes ?-, en passant par la fragile et naïve Léni, jusqu’à la mystérieuse et inquiétante Elfriede, l’un des ressorts du dénouement.

On peut aussi s’interroger sur les rapports ambigus de Rosa avec ses beaux-parents aux réactions parfois surprenantes, avec Krummel le curieux cuisinier d’Hitler, presque… sympathique ? Et bien sûr, la Baronne Maria dont la soirée est l’un des tournants de l’intrigue.

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Enfin, les hommes. Un duo emblématique : Grégor, le mari, le soldat de la Wehrmacht fidèle à son devoir qui devait revenir puis sera « porté disparu »… Soutien ou conscience de Rosa. Et Ziegler, l’amant mystérieux, surprenant… à chaque instant ! C’est un SS.

Un moment assez particulier attire l’attention du lecteur : à partir de la page 266, ce mélange savant de deux récits, la séance de cinéma –de propagande, la spécialité de Goebbels- et le minutieux suspense de l’attentat…

 Illustration.

Autre sujet de réflexion et, sans doute de discussion : les femmes « sans hommes », veuves, célibataires ou simplement seules. (Cf. la première guerre mondiale et en France, l’occupation)

Le roman nous en donne trois exemples. Heike, mère de deux enfants, aura une relation sans lendemain et avortera. Léni sera violée par un jeune soldat. Enfin Rosa « veuve » sans enfant aura un amant.

Rosa et Grégor, son souvenir, Ziegler son amant et Elfriede constituent la trame du dénouement, à propos duquel le lecteur est prié de se faire une idée… !

Bonne lecture.                                

 Marc Jeangérard

 Le 13 mars 2025


vendredi 21 février 2025

Café littéraire : l'Oubli que nous serons.

 PRESENTATION DU LIVRE « L’OUBLI QUE NOUS SERONS » D’HECTOR ABAD.

Par Hélène Valéro.

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Au départ il y a eu de ma part, une attirance pour le récit de l’amour inconsidéré d’un fils, pour son père assassiné. Un fils  qui écrit pour lui rendre hommage et lutter contre l’oubli.
Puis à la lecture j’ai été submergée par les méandres de la pensée d’Hector Abad qui à travers son introspection et le récit d’une chronique familiale nous livre bien d’autres pistes.

-    L’analyse de la situation politique en Colombie et particulièrement dans la région de Medellin.

Medellín

-    L’état de la médecine en Colombie et le rôle tenue par son père, 

Description de l'image Colombie carte.png.

-    La famille avec un père et une mère dont il nous détaille une généalogie pour le moins alambiquée et un quotidien familial entre « tradition » et « Siècle des lumières » et au sein de la famille le rôle tenue par les femmes entre autre sa mère.

-    La religion entre une mère traditionnaliste catholique pratiquante et un père libéral et parfois permissif.

J’essaierai d’aborder brièvement ces thèmes et j’espère que des historiens, médecins et (ou) férus de politique dans la salle, pourront intervenir sur ces derniers.


RESUME DU LIVRE

 
En 1983, Hector Joaquim, fils du Dr Hector Abad, revient à Medellín, depuis Turin où il a fait ses études.
Il revoit sa vie heureuse de petit garçon avec ce père qu’il vénère, sa mère et ses cinq sœurs. Si la mère, nièce de l’archevêque, est profondément catholique, et a fait venir Josefa, une religieuse, pour l’éducation des enfants, Héctor Abad est pour sa part très libéral et ouvert.
Il ne prie pas, ne va pas à la messe, et explique à son fils que le monde n’a pas été créé en sept jours selon le récit de la Genèse, mais par un choc sismique. Ces convictions suffisent à choquer dans un pays obnubilé par la religion, et le docteur Héctor Abad, remercié de l’université part enseigner en Indonésie. Lorsqu’il revient, il découvre que sa fille Marta est atteinte d’un cancer. Elle ne survivra pas et sa mort jette la désolation dans cette famille heureuse.
Dans les années 80, le conflit armé s’aiguise. Lorsque les FARC

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 abandonnent la lutte armée pour s’insérer dans la vie politique en fondant l’Union Patriotique, les paramilitaires et des membres de la force publique exécutent ses membres les uns après les autres. Héctor Abad rejoint les défenseurs des droits humains et dénonce la violence, d’où qu’elle vienne, guérilleros, paramilitaires, armée.
En 1987, il se porte candidat à la mairie de Medellín en les renvoyant dos à dos, mais apprend qu’il figure sur une liste de personnes à abattre.
Effectivement, le 25 août, il est attiré dans un guet-apens par une inconnue, qui lui parle d’un hommage à un de ses collègues assassinés : il est froidement abattu par un commando à moto. Son enterrement est suivi par une foule agitant des mouchoirs blancs.


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