Il était désormais plus facile à la France d'obtenir des prix Nobel scientifiques que des victoires à l'Eurovision et à la Grande Boucle, victoires vaines et superfétatoires, par trop mercantiles et médiatiques, qui n'eussent rien ajouté à sa vraie gloire pérenne (extrait des Annales improbables du XXIe siècle. Anno Domini 2050).
Il fut un temps où l'on honorait voire adulait les longs métrages de James Ivory. Du jour au lendemain, nos modernes Sicambres brûlèrent ce qu'ils avaient adoré et James Ivory bascula de la gloire à l'opprobre, devenant le parangon d'un cinéma académique, empesé, ennuyeux et insipide. Sur quels critères se base-t-on pour mesurer la sapidité d'une oeuvre cinématographique ?
Vers 1995, James Ivory passa donc, tout d'un coup, du statut envié de grand maître de la caméra à celui de has been décadent, démodé, connaissant le même sort que Robert Altman entre 1980 et 1991. Le film coupable, pomme de discorde et objet de rejet, qui fit se retourner l'opinion officielle bien pensante comme un gant, s'intitulait "Jefferson à Paris", qui nous révéla la splendide Thandie Newton (dont la carrière, hélas, système oblige, ne fut pas à la hauteur des espoirs suscités), et représenta le chant du cygne de Greta Scacchi - dont Ivory semble avoir pressenti le déclin trop rapide et a filmé son actrice comme s'il avait composé un thrène funèbre, un Tombeau, un Mille Regrets, dédié à la mémoire de celle qui ne serait plus...
Symptôme révélateur : "Jefferson à Paris" ne sortit pas en VHS en commerce et à la location ou alors, en catimini. Je peinai à le revoir ; je dus patienter deux années après sa sortie pour que Canal + se décidât à une diffusion télévisée. Le complot anti-films historiques en costumes, fomenté par les sycophantes de l'inculture ultra-commerciale instituée comme le premier des Beaux-Arts, fit de James Ivory une victime de choix, de prédilection, un splendide trophée de chasse. Réussite absolue des fripons, au point que son dernier opus, bien que semble-t-il de moindre intérêt que les autres (mais peut-on juger autrement que sur pièce un film rendu sciemment invisible et indiffusable ?), n'est jamais sorti en salles en France...malgré la présence de Charlotte Gainsbourg dans le rôle féminin principal ! Sans omettre la magnifique Alexandra Maria Lara, au regard mélancolique, qui, par ailleurs, me fit forte impression dans le tout autant saboté et rejeté (hélas !) "Homme sans âge", de l'immense Francis Ford Coppola.
Reprochez-moi, tant que vous voudrez, la démesure et l'emphase de mon style de polémiste, qui n'est pas sans rappeler Gabriele D'Annunzio ou Jean Topart dans le rôle de Sir Williams de l'inégalé Rocambole des années 1960. Je considère D'Annunzio et l'autre excentrique 1900, Robert de Montesquiou, comme des prédécesseurs de Salvador Dali. C'est comme cela qu'il faut écrire.
Pour en revenir avec James Ivory et en terminer avec ce billet fulminant l'anathème, avouons que la visibilité audiovisuelle de ses oeuvres en France se réduit presque désormais à "Maurice" et à "Chambre avec vue", alors que ses deux grandes adaptations d'Henry James, "Les Européens" et "Les Bostoniennes" (avec le regretté Christopher Reeves, non réductible à Superman), ne sont jamais diffusées à la télévision, Arte incluse. Qui a les droits ? On doit se contenter des versions originales non sous-titrées et tronçonnées de You Tube si l'on veut absolument les apprécier, sinon niet !
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