lundi 11 juin 2012

Jane Austen : cet arbre qui cache la forêt littéraire...

Les romans de Jane Austen ressemblent à des telenovelas brésiliennes toutes en frivolité et légèreté, toutes en insouciance des horreurs de la révolution industrielle naissante, telenovelas qu'on aurait écrites et "réalisées" à l'époque napoléonienne. C'est pour cela qu'ils devinrent fort à la mode au détriment de ceux de Charles Dickens quand triompha le friedmano-hayekisme "heureux"  et "mondial" (in : "Journal absurde d'un Oulipo hétéronyme" année 2012 d'après Davos).

 Jane Austen...cet arbre qui finit par cacher en sa presque totalité la forêt littéraire anglo-saxonne des années 1800-1914, où d'Outre-Manche, ne finissent par émerger, à part elle,  qu'à peine quelques infimes et insignifiants rameaux dus à Oscar Wilde... Doit-on l'écrire noir sur blanc ? En France, Jane Austen est devenue, contre son gré, malgré elle (mais une morte depuis bientôt deux siècles peut-elle protester de cette notoriété posthume ?), l'écrivaine anglaise officielle du XIXe siècle... la seule dont on parle et disserte chez nous, dans les médias de vulgarisation.
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Imaginez-vous voyageant dans une Grande-Bretagne uchronique, où, en guise d'adaptations littéraires fictionnelles de nos oeuvres de grands auteurs français ayant vécu, en gros, du Consulat à la Première Guerre mondiale, la BBC ou Channel Four, ou d'autres networks encore, ne diffuseraient que des films et téléfilms tirés de Germaine de Staël,
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 de Corinne, Delphine et autres De l'Allemagne... avec, parfois, pour ne pas l'oublier, une bribe ou deux de Marcel Proust... Vous aurez ainsi un aperçu à peine caricatural de ce qui se passe chez nous, car il appert que seule désormais Jane Austen semble être à la mode dans l'Hexagone et trouver grâce aux yeux de nos élites férues de grande littérature anglaise, comme si elle avait été la seule auteure britannique du XIXe siècle ou presque, bien qu'elle soit morte dès 1817 (tiens, comme Madame de Staël...). C'est ce que fait Arte ce mois-ci, Arte, qui n'a pas profité de ce juin spécial British pour rattraper ses manquements envers Charles Dickens... (voir un de mes précédents billets sur ce blog). Mais pourquoi cette chaîne n'a t-elle pas saisi l'occasion d'acquérir les droits de diffusion de la dernière adaptation de Little Dorrit par la BBC en 2008 ? Certes, tous ces téléfilms inspirés de la superbe Jane (et les biopics tournant autour), m'ont permis d'apprécier de bons comédiens et de ravissantes comédiennes souvent de talent (Billie Piper, vedette de Doctor Who, Anne Hathaway ou encore Felicity Jones - que l'on vit dans le très wildien et jouissif Chéri de Stephen Frears ; comme par hasard, le Emma  avec Romola Garai manque à l'appel) mais c'est oublier, laisser de côté  tous ces romans valables d'Elizabeth Gaskell,
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 de George Eliot,
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 d'Anthony Trollope,
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 de Benjamin Disraëli (oui ! Rappelons qu'il fut également un grand romancier !), d'Anne Brontë etc. qui ont souvent bénéficié  de brillantes adaptations télévisées ou cinématographiques que notre frileuse France-coq gaulois arcbouté sur ses ergots en son tas de fumier néglige à tort... Quelles lectures pourrais-je vous recommander (disponibles en poche, c'est moins cher...) ? : Miss Mackenzie, d'Anthony Trollope dont on pourrait dire que Washington Square (alias L'Héritière, futur grand rôle d'Olivia De Havilland) d'Henry James s'est un peu inspiré ; Nord et Sud, d'Elizabeth Gaskell (roman social contemporain de Temps difficiles de Dickens) et Daniel Deronda de George Eliot, qui nous dépeint la communauté israélite du Royaume Uni victorien...

Nonchalance et désinvolture entrecoupées de mots d'esprits, d'aphorismes, semblent caractériser Oscar Wilde aux yeux d'un Henry James critique, au langage châtié, élégant, tel que David Lodge nous le dépeint dans L'Auteur! L'Auteur ! C'est excellent, et l'on sait que, lorsqu'il s'adressait à un public plus large, Oscar Wilde ne pouvait écrire ouvertement ce qu'il réservait à une littérature "sous le manteau", non corsetée. C'est pourquoi Le Portrait de Dorian Gray nous paraît plus timide que les ouvrages d'Octave Mirbeau, Georges Darien, Jean Lorrain, Joris-Karl Huysmans ou Léon Bloy. Le jardin des Supplices, Monsieur de Phocas ou Là-bas auraient été impubliables Outre-Manche. C'est peut-être pour cela qu'on encense Jane Austen dans les milieux culturels français : elle n'est aucunement dérangeante car fort politiquement correcte. Elle est agréable à lire et ne s'encombre d'aucune description superflue : ce n'est hélas pas chez elle qu'on trouvera le compte rendu détaillé d'une toilette féminine de la mode Regency, qui est ma préférée, à mon grand regret ! On l'adore à juste raison en évacuant Dickens, Gaskell, Eliot et consort, trop gênants, parce qu'on pourrait se rendre compte - il suffit pour cela de simplement confronter les banques d'images de Google - que, par exemple, la misère dickensienne victorienne, vue de manière iconographique, avec les slums, les hordes d'enfants déguenillés des rues, de mendiants et de laissés-pour-compte, ne diffère que de quelques degrés de l'indicible atroce d'un ghetto de Varsovie... Le libéralisme de l'époque ne faisait-il pas, en quelque sorte, de l'Hitler lent axé sur l'eugénisme social et l'argent en lieu et place de l'atrocité raciste ? Je provoque, je sais, mais à chacun ses crimes contre l'Humanité, selon les époques et la sophistication atteinte dans l'horreur, scientifique ou pas.

Post-scriptum trois personnalités viennent de nous quitter: le grand paléoanthropologue sud-africain Phillip Tobias (dont j'adorais la verve et la malice ; c'était comme on dit un grand monsieur),
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 le peintre abstrait lyrique Georges Mathieu
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 et la comédienne américano-canadienne Ann Rutherford,
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 l'une des ultimes survivantes d'Autant en emporte le Vent... Quoiqu'on ait pu penser de ces personnes, de leurs idées politiques, de leurs oeuvres, de leur talent, je table sur l'accoutumé silence méprisant de nos médias audiovisuels français gangrenés (à l'exception notable d'Arte pour Mathieu) qui se ficheront de ces disparus comme d'une guigne, car ils n'ont pas de culture...et s'en vantent.

1 commentaire:

  1. Et elle a réussi l'exploit de nous camoufler aussi Coleridge, ce si important poète !

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