Adieu au musée de la poupée.

 

Vendredi dernier 15 septembre 2017 au soir, un musée estimable a fermé pour toujours ses portes : le musée de la poupée, sis impasse Berthaud dans le troisième arrondissement de Paris.

 

 Cette mort muséale déplorable et foncièrement scandaleuse s'ajoute à une liste déjà longue qui comporte les ATP, le musée Dupuytren, le musée de l'éventail, le musée du Kwok On, le musée de l'Assistance publique hôpitaux de Paris, la Pinacothèque et le musée Dapper (cas à mon sens le plus scandaleux vue la non-réaction des pouvoirs publics et le désintérêt culturel envers les arts premiers désormais officialisé par Arte qui ne parle plus du tout du Quai Branly...). Si l'on veut voir des poupées anciennes exposées, on ne peut plus compter ni sur Paris, ni sur Poissy, ni sur Lyon. Le musée du jouet de Poissy est fermé depuis un an pour rénovation, celui des arts décoratifs propose une collection fort éclectique, où la poupée ne tient qu'une place parmi d'autres, et le Château de la Poupée de Marcy l'Etoile (domaine de Lacroix-Laval) a disparu depuis 2007 après une trop courte existence. 

 

Le musée de la poupée était donc unique à Paris, sans qu'il suscitât hélas un intérêt suffisant des médias, puisque seule la presse conservatrice (Le Figaro et Le Parisien) a fait état de la fin de l'aventure. Pourtant, l'engouement pour la poupée de collection ne se dément pas en France, qu'il s'agisse des Barbie ou des Bébés Jumeau... Les musées privés sont en crise (phénomène général) ; ils ne bénéficient d'aucune subvention de l'Etat et ne parviennent plus à faire face à la flambée des loyers et à la convoitise des élus locaux ou des promoteurs-spéculateurs immobiliers. Le cas est le même pour les cinémas : qui se souvient encore du Gaumont Ambassade des Champs-Elysées ? De plus, ces "petits" musées ont grandement souffert de la chute de fréquentation consécutive aux attentats de 2015.

Le musée de la poupée naquit en 1994, en lieu et place d'un autre établissement éphémère voué aux orgues de barbarie et limonaires. A l'origine, à son nom s'ajoutait la mention significative d'un univers révolu ô combien nostalgique : "Au petit monde ancien". Il fut créé par deux collectionneurs passionnés, Guido et Samy Odin, père et fils. Il comptait plus de cinq cents poupées de collection majoritairement datées de la période 1800-1959. Il organisait de fort intéressantes expositions temporaires, dont une mémorable, sur l'histoire du costume féminin de la préhistoire à nos jours via Barbie... Je fus un habitué de ce musée dès le milieu des années 1990, m'y rendant dès que l'expo m'intéressait. Certes, les lieux étaient assez exigus, mais bien présentés (les vitrines avaient été décorées par l'artiste italienne Gio Golia). Ils ne donnaient aucunement une impression de poussière vieillotte. Ils étaient pour moi ineffables et je songe avec émotion à tous ces inestimables jouets de collection que ne verront plus que sur rendez-vous au domicile de M. Odin fils les amateurs éclairés des deux sexes. Les Bébés Jumeau modèle triste, inspirés de l'Henri IV enfant à tort attribué à Frans Pourbus (qui peignit en fait Louis XIII jeune) vont se morfondre loin des regards des passionnés. Une aventure s'achève donc à tout jamais, dans les pleurs et l'amertume. Quelle tristesse !

  

Prochainement : 2017 : même pas Baudelaire.