samedi 3 décembre 2016

Une libre et brève opinion du cyber nouveau Marcel Proust sur les nécrologies du "Monde".

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 Que vous alliez faire pipi chez la comtesse Caca ou caca chez la baronne Pipi, c'est la même chose, vous aurez compromis votre réputation et pris un torchon breneux comme papier hygiénique. Ce qui est malpropre.
(le baron de Charlus dans Marcel Proust : Sodome et Gomorrhe chapitre 3)

Je me confiai à Saint-Loup au sujet de la petite manie dont souffrait à mon sens ce quotidien, pourtant fort réputé, qui se nommait Le Monde, dont les nécrologies, autrefois exhaustives, négligeaient désormais maints disparus. Bien qu'ils appartinssent à des professions estimables, ils apparaissaient de peu d'importance pour le Monde, que dis-je, d'une importance insuffisante pour qu'ils figurassent en sa rubrique nécrologique (ainsi devint-elle au fil des jours plus succincte et ténue) et pussent bénéficier d'articles que M. de Charlus eût vulgairement qualifiés de "bien torchés".
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De fait, ces talents illustres, que les nécrologues attitrés du Monde (à moins qu'il se fût agi de simples pigistes ainsi que les désignait la profession échotière en son jargon spécial) avaient ignorés, relevaient tous ou presque de cette ancienne culture populaire, dominante autrefois, avant que ne la contaminât et chassât la déferlante dite des musiques anglo-saxonnes. Cette culture populaire qualifiable d'antérieure, désormais rejetée, méprisée par les nouvelles élites, avait précédé avant son bannissement officiel ce phénomène musical sidérant, qui, à Woodstock, aux Etats-Unis d'Amérique - ainsi que Norpois me l'avait expliqué - avait incarné, symbolisé, une révolution tôt mythifiée et sacralisée, révolution culturelle et sociale qualifiée par ses exégètes et ses thuriféraires de "libérale-libertaire".
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Par conséquent, lorsque je pris la peine, avec la recommandation de Saint-Loup, d'examiner de plus près les identités de tous ces exclus nécrologiques, "non-woodstockiens" (terme créé de toute pièce pour celles et ceux aimant à concevoir des néologismes et barbarismes malséants) je pus constater qu'ils se prénommaient Oleg Popov (un clown ! ),
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 Clément Michu (un comédien), Georges Jouvin (un trompettiste que l'on disait de "variétés" à défaut de café-concert),
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 Paul Tourenne (un fameux chanteur, ultime membre d'un coruscant quatuor burlesque baptisé les Frères Jacques,
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 quoique la fratrie se fût limitée à seulement deux d'entre eux) ou encore Marc Sleen
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 (un dessinateur de presse belge dont la plume avait conçu un personnage baptisé prosaïquement Néron bien qu'il n'eût eu nul lien avec cet empereur de fort mauvaise réputation, dont on prétend qu'il épousa aussi un homme).
Ces noms, cumulés par dizaines, reflétaient le profond mépris, à peine déguisé, pour les goûts désormais déchus du prolétariat, de ceux, marginalisés, qu'un président de la République non voué à un simple rôle protocolaire avait baptisé les sans dents. Ce même prolétariat, qui logeait et vivotait dans toutes les périphéries et territoires marginalisés, zones et ceintures de la rouille, qu'on les situât en France, au Royaume-Uni, outre-Atlantique ou outre-Rhin, profitait de l'instauration du suffrage universel pour se venger de l'élite en apportant en masse son vote de multitude aux démagogues dont une bonne part aimait à arborer des coupes chevelues dites "oxygénées" ou "peroxydées", à la différence du baron de Charlus qui prenait soin de conserver, malgré son âge, la noirceur de ses mèches.
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Prochainement : suite de la série consacrée aux écrivains dont la France ne veut plus (volet n° 16) : Julien Green.
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