samedi 17 décembre 2016

De la Cinquième à France 5 ou la plus grande purge stalinienne télévisuelle depuis la mise à mort de l'ORTF en 1974.

A tous les acteurs français de l'ancienne télévision dont les nécrologies sont escamotées par le journal Le Monde. Une pensée particulière pour François Maistre qui nous a quittés cette année 2016 dans l'indifférence générale.

Si Serge Bromberg était nommé à la tête de L'INA, il dirait peut-être ceci : "Restaurez-moi tout ça et diffusez-le ! Peu importe le support !" Si Didier Rykner se retrouvait à la direction d'Arte, il déclarerait cela : "Vous avez consacré à peine 400 minutes à l'art ancien ces dernières années contre 15000 à l'art contemporain. Rééquilibrez-moi ça !"  (Plaisanterie d'un anonyme de ce malheureux siècle)

Notre plus grande gloire n'est pas de ne jamais tomber, mais de nous relever chaque fois. (Confucius)

La parole a été donnée à l'homme pour déguiser sa pensée. (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord)

Lorsqu'en 2001, La Cinquième fut absorbée par France Télévisions (assimilée dirais-je, comme les Borgs assimilent les vaisseaux spatiaux dans Star Trek), 80 % de la grille furent restructurés. Autrement dit, des dizaines d'émissions passèrent à l'as, à la trappe, aux oubliettes, sans autre forme de procès. Ce fut, dans l'indifférence générale, une des plus grandes purges télévisuelles de tous les temps en France, bien qu'elle ne fût pas politique, à la différence de celles d'après mai-68, de 1974, de 1981 ou 1986.
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Tous les formats courts de 26 minutes et moins furent éliminés (survie des plus aptes, darwinisme social, eugénisme de la lucarne ?) et parmi eux, les pertinentes et remarquables émissions de messieurs Serge Bromberg et Francis Duranthon. Exit Cellulo, Les dessous de la Terre, Pi égale 3,14, Les écrans du Savoir ou La Méthode Victor. Comme par hasard, en respect des directives issues de la création de France télévisions le 7 septembre 1992, la télé patrimoniale de l'INA se retrouva elle-même bannie des nouvelles ondes... Idem en 2005, quand Festival céda la place à France 4.
La chaîne éducative et pédagogique n'était plus, au profit d'un canal semi généraliste, banalisé, normalisé, aligné sur les autres, malgré çà et là quelques heureuses fulgurances... 
La suppression en juin 2001 du magazine Les dessous de la Terre alias Bonjour l'ancêtre lorsqu'il passait sur les antennes régionales de la trois, constitue un des plus grands scandales audiovisuels de ces vingt dernières années avec l'élimination cavalière par Arte, fin 2003, d'Archimède, émission hebdomadaire dédiée à la science. Les dessous de la Terre était unique, en cela qu'il abordait l'archéologie française, particulièrement régionale, du midi, mais aussi d'outre-mer. Le concept ne fut jamais repris.   
Adieu l'ancêtre titra Francis Duranthon,
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 dans ce qui n'aurait dû demeurer qu'un au-revoir conceptuel ; mais nul ne reprit le flambeau... Pour suivre l'actualité archéologique hexagonale et autre, je fus dès lors condamné aux éditions Faton, beaucoup plus coûteuses pour ma bourse. 
En ce temps là, Francis Duranthon portait la moustache... Son accent toulousain est inoubliable.
Pi égale 3,14 incarnait une des singularités de la chaîne. Pour rappel, La Cinquième et Arte partageaient à l'époque le même canal hertzien : l'une occupait les espaces matutinaux et d'après-midi et l'autre l'avant-soirée et la soirée. A la fin des années 90, on redoutait que les pouvoirs publics fusionnassent les deux entités. Ce fut pourquoi Pi égale 3,14 apparaissait comme un succédané d'Archimède, une copie presque conforme en cela qu'il s'agissait de montages de sujets repris de l'émission d'Arte. Archimède, à cause de cela, dut abandonner son personnage emblématique et éponyme à l'usage exclusif des sujets scientifiques d'animation de son alter-ego de la Cinquième au profit d'un nouveau personnage : le professeur Archi Pi... D'évidence, le contraire eût été plus logique.
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En 2001, l'évincement de Serge Bromberg
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 de la nouvelle grille de la bientôt France 5 me parut un scandale absolu, sachant son oeuvre de chercheur et de défricheur en cinéma réputé disparu, via Lobster films. Pour moi, il fut jeté comme un laquais, considéré comme un simple animateur pour la jeunesse (il se dédoublait dans deux émissions : Cellulo et ça tourne Bromby, supprimé dès la rentrée 2000, avant même la "grande mutation" du canal), rejoignant en cela la cohorte des Chateaubriand de tout poil (ce dernier, grand diplomate, devenu ministre des affaires étrangères, fut congédié avec brusquerie par le ministère ultra de Villèle le 6 juin 1824. Il relate cette disgrâce cuistre en ces termes dans Les Mémoires d'Outre-tombe :  «  Et pourtant qu’avais-je fait ? Où étaient mes intrigues et mon ambition ? Avais-je désiré la place de Monsieur de Villèle en allant seul et caché me promener au fond du Bois de Boulogne ? J’avais la simplicité de rester tel que le ciel m’avait fait, et, parce que je n’avais envie de rien, on crut que je voulais tout. Aujourd’hui, je conçois très bien que ma vie à part était une grande faute. Comment ! vous ne voulez rien être ! Allez-vous-en ! Nous ne voulons pas qu’un homme méprise ce que nous adorons, et qu’il se croie en droit d’insulter la médiocrité de notre vie.  »). J'estime par conséquent que les pouvoirs publics ont renvoyé Francis Duranthon et Serge Bromberg comme de simples valets, des Ruy Blas et Brighella de dernier ordre...
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A partir de l'automne 2001, devenant France 5 au début de l'année suivante, notre canal perdit donc son âme première, abandonnant toute ambition éducative explicite au profit de la norme du faux service public ultra commercial. Cela fut gravissime : de facto, disparurent les émissions de la télévision éducative de toutes nos antennes (la dernière, les Amphis de France 5, après avoir perduré quelque années, passa définitivement à la trappe, oubliée de tous, le 16 décembre 2007). Ce fut là l'achèvement d'une aventure que l'on nommait la télévision scolaire, quand l'OFRATEM, un organisme pédagogique dans la lignée du CNDP, officiait en l'étrange lucarne quand j'étais dans l'enfance. Ainsi, je me souviens d'une émission sur les truites vues lorsque j'étais scolarisé en CE 2. La création de la Cinquième en 1994 avait servi de prétexte à France 3 pour se débarrasser de ses programmes éducatifs publics héritiers du temps de l'OFRATEM. Qui se souvient encore des Badaboks, série de marionnettes du CNDP, diffusés sur la trois de 1987 à 1994 ? Désormais, tout a migré sur le net avec France TV éducation...
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Certes, pour conclure, une chaîne comme Arte conserve de sérieuses prétentions éducatives (confère ses émissions pour la jeunesse du dimanche matin - seulement là, hélas, car l'unanimité des émissions enfantines hexagonales est ghettoïsées depuis 20 ans uniquement le matin, sous la pression des annonceurs publicitaires, tous dans le giron des transnationales, abrutissant les gamins de messages vénaux aux jouets sexués ou d'incitations consuméristes quasi morbides à l'obésité et aux caries chroniques) : il y a même de courts dessins animés quotidiens ouvrant la soirée, mais ceux-ci sont assez adultes de contenu. Ainsi, Tu mourras moins bête cultive un humour potache irrévérencieux et irrespectueux, se moquant des délires pseudo-scientifiques à la manière des Ig Nobel. Cette irrévérence est l'héritière assumée de l'esprit Charlie Hebdo, Hara-kiri et de Gotlib (auquel je rends ici hommage tant il symbolisa selon moi le type même de dessinateur transgressif dont je lisais les oeuvres à la sauvette, à l'insu de mes parents, profitant de l'aubaine de la salle d'attente d'un cabinet dentaire où traînassaient ses illustres Rubriques-à-brac) mais aussi d'une certaines tradition absurde et surréaliste des savants fous. Je vous recommande cette émission : rires garantis.
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Rendez-vous en janvier après les fêtes.

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