samedi 30 novembre 2013

Snowpiercer le transperceneige : un chef-d'oeuvre que je ne verrai jamais en salle.

Les médias entretenoient continûment parmi la populace le sentiment de désorganisation et de décomposition du gouvernement central (Mémoires du  Nouveau Cyber Saint-Simon).

Ne dites plus : journalistes et commentateurs politiques invités réguliers à telle ou telle émission ; dites plutôt campeurs télévisuels professionnels abonnés permanents. (Sages réflexions d'un chroniqueur anti-médiatique).

La dystopie de Bong Joon Ho, Snowpiercer le transperceneige est, avec The Immigrant de James Gray, le seul véritable chef-d'oeuvre cinématographique de cet automne 2013 par ailleurs fort contrarié en distributions chaotiques, voire émaillé d'absurdes non sorties de films aussi dissemblables qu'Eden ou Tom le Cancre. Chaque sabotage, chaque annulation de sortie constitue à lui et à elle seul(e) un cas d'école, jusque-là à peu près inédit tant se dégradent à la vitesse grand V les conditions de distribution et d'exploitation des films dans l'hexagone. 
Qu'en est-il de Snowpiercer, quelles sont les raisons qui me poussent à écrire au sujet de ce long métrage de SF que je ne verrai jamais en salle ? Tour simplement, avec notre parc de petits cinémas indépendants sinistrés, parfois injustement déclassés par le CNC monarque absolu, même une distribution en 300 et quelques copies ne garantit plus du tout que les petites communes puissent un jour être servies lorsque, par chance, elles possèdent encore un (petit) cinéma...
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Dans ce cas, pour quelle raison discuter d'un film que je n'ai pas vu, que je ne puis vous raconter par le menu détail, n'en connaissant que la bande annonce, les extraits passés à la télévision (qui a su, pour une fois, couvrir à peu près correctement l'événement de la sortie de l'oeuvre), les commentaires d'autres spectateurs moins frustrés que moi et les articles, souvent élogieux, de la presse ?
Parce que Snowpiercer, au-delà du film de science-fiction, de la parabole, de toutes les interprétations qu'on peut en faire, de l'exceptionnalité de sa mise en scène, de ses acteurs (dont John Hurt,
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 en vieux révolutionnaire désabusé, alors que nous venons de l'admirer en Doctor Who méconnu couvert de remords pour avoir détruit un univers), est un symbole prégnant de notre propre époque éminemment pétrie de contradictions, où les idéaux révolutionnaires sont morts, noyés dans le sang, où la culture se désintègre bien que nous soyons censés vivre à l'âge supposé de l'accès universel à tout : contradictions en effet surprenantes alors que la censure des sites de streaming vient de commencer au grand dam des internautes partisans du tout gratuit en ligne (surtout quand il n'existe pas d'autres moyens que le streaming ou la VOD pour parvenir à voir un film mal distribué par ailleurs).
Les exclus de Snowpiercer, les soutiers parias des wagons de queue ayant soif de remonter jusqu'à la tête du convoi, me font penser aux vagabonds du rail de Jack London,
 http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/2/2d/Jack_London_young.jpg/250px-Jack_London_young.jpg
 aux tramps, hoboes américains dont ils ont enfilé la pelure de hardes effilochées et crasseuses sans oublier leur réduction à la condition anthropophagique. J'ignore tout des conséquences philosophiques induites par les surprises narratives et scénaristiques du film qu'on ne peut lire et regarder au premier degré, semble-t-il. S'il y a métaphore, peut-être ressemble-t-elle à mon roman méconnu et peu lu G.O.L. où, si l'on peut l'écrire, les wagons du train sont remplacés par une cité despotique de 130 étages, des niveaux inférieurs horribles peuplés des pires slums et égouts à ceux, supérieurs et huppés, d'une dictature autocratique très austro-hongroise. Là aussi, il y a beaucoup de surprise, de traversée chaotique des apparences dédaléennes jusqu'à la découverte de la vérité, de la réalité. G.O.L. et Snowpiercer même combat...
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Bref, je vous parle de Snowpiercer, ce film assurément éblouissant, aux rebondissements inattendus, allant au-delà d'une lecture simpliste au premier degré, au-delà des attendus du message socio-politique, sans pouvoir vous livrer mon commentaire personnel de spectateur d'après vision de l'oeuvre. Patientons jusqu'à l'hypothétique blu-ray ou DVD, à condition qu'il ne prenne pas la fantaisie aux multinationales de l'édition filmique de supprimer ces supports ou de refuser toute sortie de rattrapage au long métrage de Bong Joon Ho. Là résiderait le pire des scandales... A quoi bon discourir sur ce qu'on n'a pas vu à cause des failles et absurdités du système ?

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