samedi 9 juillet 2016

Louvre-Lens, Ecouen, le Grand Palais : trois expositions récentes négligées par les a-médias.

"La Terre, le Feu, l'Esprit : chefs-d'oeuvre de la céramique coréenne" au Grand Palais du 27 avril au 20 juin 2016,
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"Charles Le Brun, le peintre du Roi-Soleil" au Louvre-Lens du 18 mai au 29 août 2016,
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"Masséot Abaquesne : l'éclat de la faïence à la Renaissance" au musée national de la Renaissance château d'Ecouen du 11 mai au 3 octobre 2016,
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trois expositions fascinantes, trois expositions importantes, mais trois expositions non contemporaines et sous-médiatisées comme chaque lecteur habitué de ce blog peut aisément le comprendre...
La première exposition citée, "La Terre, le Feu, l'Esprit", organisée dans le cadre de l'année France-Corée s'est récemment clôturée dans un silence presque optimal, peut-être commandé par une polémique survenue dans le cadre des relations culturelles franco-coréennes, que Télérama a détaillée dans un article intitulé : Une exposition annulée, une directrice limogée, ce qui devait être un des moment fort de l'année France-Corée 2016 a tourné au désastre. Cet article peut être lu dans la rubrique Arts & Scènes du site de Télérama. Cependant, j'estime que les silences presque intégraux autour de la manifestation du Grand Palais demeurent inexcusables en l'état. Il est vrai que nos "seigneurs" bobos, tout branchés et cosmopolites qu'ils soient, sont de tristes sires "anexotiques", anti exotiques, qui s'en fichent comme de leur première paire de chaussettes de l'ouverture, par exemple, d'une autre expo (cette fois au Musée du Quai Branly - Jacques Chirac) consacrée au regard porté par l'art africain sur l'autre européen. Ce sont des incurieux notoires. Ils n'en ont rien à f... des céladons coréens, de toute une rétrospective consacrée aux arts du feu du Pays du Matin Calme, partant du temps distant des "Trois Royaumes" jusqu'à couvrir de nombreux siècles nous faisant cheminer des dynasties Goryeo et Joseon au monde contemporain. 
Je pourrais en dire tout autant du Louvre-Lens, dont il est toujours plus incontestable au fil des mois (sur fond de baisse assurée du nombre de visiteurs, et pour cause !) qu'il souffre d'un manque croissant d'intérêt géographique et culturel (devrais-je écrire plutôt "cultureux" ou sociocul ?)
Le Louvre-Lens, par le biais de l'expo en cours sur Charles Le Brun (ce qui fait au mieux ronfler, somnoler, nos haineux de l'Histoire antérieure à la contemporanéité immédiate) est-il devenu la "poubelle" du Louvre-Paris ? Faut-il l'écrire ? Le Louvre-Paris est de moins en moins le musée du peuple voulu par la Révolution française. Il abandonne le public hexagonal et ouvertement, ne semble plus conçu que pour le seul public étranger bien pourvu en revenus (ou parvenu via les "décollages économiques") qui ne veut voir que les pièces majeures médiatiques (Joconde, Victoire de Samothrace, Vénus de Milo, Scribe accroupi etc.). Je pourrais épiloguer sur la flambée des prix d'entrée, sur les dérives commerciales, comme à Versailles etc. La mission d'instruction du peuple français aux Beaux-Arts est abandonnée ou presque, bien que l'actuel président-directeur, issu de la méritocratie républicaine, M. Jean-Luc Martinez, y soit favorable. Peut-être doit-il faire avec les dérives friedmano-hayékiennes de ses prédécesseurs. Résultat : 70 % des touristes au Louvre-Paris viennent de l'étranger, et nous assistons au déclin du nombre des visiteurs français. La proportion au Quai Branly représente l'exact contraire : 80 % de ses visiteurs sont originaires de l'Hexagone. Devrais-je ajouter à ce constat le jeu ambigu d'Arte qui, jusqu'à ce même jour où j'écris ces lignes, n'avait pas consacré le moindre documentaire au Louvre-Paris depuis X années ? Arte, dans ses sujets culturels (voués à 99 % à la création contemporaine) néglige d'ailleurs le Louvre et tout le reste du patrimoine conçu par Homo sapiens...
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Je puis affirmer, non gratuitement, que le Louvre-Paris se repose toujours davantage sur le Louvre-Lens pour toutes les expositions jugées peu rentables, peu commerciales, trop pointues, donc peu médiatisées (par exemple le Moyen Age l'an passé ou une thématique festive générale brassant plusieurs siècles dans "Dansez, embrassez qui vous voulez" qui a précédé cet hiver Charles Le Brun). Le fiasco en nombre d'entrées de l'expo "Poussin et Dieu" fut-il déterminant dans les choix de répartition des responsables du "plus grand musée du monde" ? Il fut une exception toute récente : la rétrospective consacrée à Hubert-Robert, le peintre des ruines de la seconde moitié du XVIIIe siècle qui, à la surprise générale, a fonctionné et trouvé son public. Là encore, je souligne que la presse papier a fait son travail, au contraire de l'a-télévision, rongée par le double cancer de l'audimat pour 99 chaînes sur 100 et de l'immédiateté contemporaine faisant sens pour la 100e au nom aisé à décrypter...
Les médias enfoncent souvent le clou, moins la presse écrite, qui fait encore peu ou prou son travail informatif, ainsi que je viens de l'exprimer plus haut au sujet d'Hubert-Robert, mais aussi Internet, bien que, par exemple Le Monde a parfois tendance à ne consacrer qu' in-extremis, dans le dernier mois de la manifestation, un article sur tel ou tel événement muséal non axé sur l'art moderne et contemporain. La télévision n'est pas en reste : elle se désintéresse de cela ou ne l'évoque qu'à des horaires matutinaux ou méridiens, lorsque personne n'est devant son poste, en brefs bouche-trous...
Il semble désormais exister un Louvre à deux vitesses, mieux, deux Louvre (s) : 
- le Louvre des riches touristes étrangers à Paris (et accessoirement des bobos branchés) ;
- le Louvre du peuple à Lens, d'une région souffrant de la sinistrose de la désindustrialisation, Louvre-Lens qui a conservé les nobles et anciennes missions éducatives républicaines et de service public. Edifiant, me direz-vous. Je laisse de côté l'affaire du transfert des réserves "louvresques". Je ne suis pas spécialiste : lisez pour cela les dossiers et articles que la Tribune de l'Art a consacrés à cet épineux problème. 
Mais le peuple a-t-il les moyens financiers et l'envie de se rendre à Lens ou Lens est-il de facto désormais presque exclusivement orienté vers l'accueil d'un public local ou régional (faut-il encore qu'il vienne...) ? 
De toute manière, Arte ne parle jamais du Louvre-Lens (au commencement, du fait de son architecture contemporaine, puis plus rien depuis). Parallèlement, le site La Tribune de l'Art vient de souligner l'aberration d'une localisation de cette rétrospective Le Brun à Lens (la première en France depuis un demi-siècle) tout en soulignant les qualités remarquables de cette manifestation (bien illustrée de belles photos) qui permet de découvrir les premières étapes de la carrière de ce peintre sous Louis XIII et Mazarin (il naquit en 1619).
Reste à parler du musée national de la Renaissance d'Ecouen, un des plus négligés.
Nul ne peut contester le grand intérêt de l'exposition en cours consacrée à Masséot Abaquesne (1500-1564), ce grand céramiste et faïencier auquel Bernard Palissy,
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 son plus ou moins contemporain (1510-1589 ou 90, sa date de décès demeurant incertaine) a fait de l'ombre, quoique ces deux artistes majeurs soient tous deux fort bien représentés dans les collections nationales d'Ecouen. Cependant, par-delà le problème particulier de Masséot Abaquesne et de ses chefs-d'oeuvre admirables, force est de reconnaître que c'est l'ensemble du musée d'Ecouen qui ne suscite guère d'échos en général, par indifférence ou je-m'en-fichisme crasse. Masséot Abaquesne incarne un "illustre inconnu" de plus que nul n'est tenu de s'empresser de découvrir s'il n'en a point la volonté. Conséquemment, la rétrospective Abaquesne est, parmi tant d'autres misant sur les arts antérieurs à l'impressionnisme, souventes fois méconnus, davantage tournée vers un public d'amateurs éclairés, savants, sachants, convaincus d'avance, petit troupeau devenu infime et rare, composé de celles et ceux (tout comme moi) renseignés sur le fait fondamental que l'art humain débuta avec les gravures néandertaliennes récemment découvertes et non pas avec le Pop Art autour de 1960 ainsi que feint à l'exprimer le bobo bourdieusant détaché de l'ancienne culture "bourgeoise" moribonde, marginalisée, presque désormais underground, nouvelle contre-culture de niche écrasée par la précédente devenue culture officielle dominante.
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Il est des musées nationaux incontournables, qui ont toute la pub, et d'autres, bien que remarquables et indispensables (toutes les époques historiques et préhistoriques sont bien représentées en France) qui demeurent toujours les perdants médiatiques dans l'affaire, et ce n'est pas notre seule chaîne culturelle ou soi-disant telle, quasi intégralement dépatrimonialisée, qui se souciera d'Ecouen, de Cluny ou même du Creusot (oui, l'écomusée du Creusot existe toujours !). Non, le monde n'est pas né à Woodstock 1969 mais en - 13 732 millions et quelques années.

Prochainement :  reprise le mois prochain, en son treizième volet, de la série consacrée aux écrivains dont la France ne veut plus : Alphonse de Lamartine.
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samedi 2 juillet 2016

"The Neon Demon" et "Moi, Daniel Blake" ou la glace à deux faces.

Contrairement à Thatcher et Reagan qui semblaient des géants, Boris Johnson et Donald Trump font figure d'homoncules de l'ultra-libéralisme. Ils ont ce côté grotesque, histrionique, que partageaient Caligula, Néron et Héliogabale. Lorsque je les vois ou les entends, ils me font irrésistiblement songer à ces singes sapajous d'orgues de barbarie en train de vociférer et cracher. (Journal d'un anti-bourgeois du XXIe siècle).

L'année Mil neuf cent septante fut marquée par nombre de nécrologies. En ce millésime, cinq membres de l'Académie françoise quittèrent nostre monde. Il en fut de mesme pour le plus yllustre des François. (Mémoires du Nouveau Cyber Saint-Simon)

Il n'y a rien de commun entre vous et nous. (Saint-Just, s'adressant  à des plénipotentiaires autrichiens).

The Neon Demon de Nicolas Winding Refn et Moi Daniel Blake de Ken Loach, bien qu'en apparence, ils soient antinomiques, partagent ce caractère commun d'avoir suscité une franche hostilité parmi certains critiques qui les ont tous deux voués aux gémonies.
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Que sont en fait ces deux films ? Une glace à deux faces, métaphorique, dont l'une reflèterait le négatif de l'autre. Ils sont à l'image d'une société, non pas simplement contrastée, mais séparée par un profond abîme impossible à combler. Les critiques hostiles aux deux titres, qui presque tous appartiennent à la doxa culturelle chébran dominatrice, se sont en fait voilé leur propre face. Ils se sont refusés à voir dans l'un, The Neon Demon, un portrait exact de la société du côté du marteau dont ils se revendiquent, à laquelle ils appartiennent ou feignent d'appartenir, reflet d'eux-mêmes, des excès du monde décadent inclusif, de ce qu'on nomma la jet set, lorsque celle-ci prit le pouvoir (ou profita de l'opportunité pour le prendre) au temps du thatchérisme et du reaganisme triomphants, bientôt mondialisés. Ils refusent de voir en The Neon Demon les dérives et la putréfaction de leur propre univers.
Ils rejettent tout aussi violemment Ken Loach et sa palme d'or, Moi Daniel Blake, film situé du côté de l'enclume, film du out quand The Neon Demon est celui du in. Deux films du divorce social profond, de l'écartèlement, de l'éclatement de notre monde entre ceux qui subissent Hayek et ceux qui s'y complaisent, ou veulent en être, ainsi que le disait Gustave Flaubert à propos de l'Académie française, comme Elle Fanning dans le rôle de Jesse, qui finit littéralement dévorée par le système. 
Cour de Louis XIV à Versailles versus famine paysanne du faux Grand Siècle,
fête impériale versus misère ouvrière de L'Assommoir et Germinal,
République opportuniste des brasseurs d'argent de la "Belle Epoque" versus vaines revendications de la "sociale",
chébrantude cosmopolite bobo mondialisée pro hayékienne versus exclus de la mondialisation des multiples ceintures de la rouille anglo-franco-américaines réduits à la séduction des sirènes trompeuses de la démagogie qui ont noms Donald, Marine, Boris et autres "brexiteurs".
Deux camps irréconciliables, qui ne se parlent pas, qui s'ignorent, ne se comprennent pas, ne s'expriment pas dans la même langue, "nov" ou vieillotte. 
The Neon Demon apparaît comme Le Trottin du XXIe siècle. Il en a l'audace et l'atrocité décadente, brassant les thématiques de la bamboche, de l'orgie, de la déviance de tous poils. Nicolas Winding Refn a-t-il lu au préalable Poppy Z. Brite, Gabrielle Wittkop et Aurore-Marie de Saint-Aubain, triade incontournable de la décadence littéraire extrême avant de prendre sa caméra ?
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Dans un article intitulé "Le cinéma atmosphérique de Nicolas Winding Refn" dernièrement paru en ligne sur le site Causeur.fr, le cinéphile Vincent Roussel a placé un sous-titre judicieusement pensé : "The Neon Demon ou le devenir-poupée des corps". Il affirme qu'Elle Fanning est "filmée comme un modèle désarticulé de Balthus à l'entame du film".
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Pour celles et ceux qui ont pu voir The Neon Demon, il s'agit de la séquence d'ouverture où une Elle Fanning vampirisée, sanguinolente, comme égorgée, prend une pose alanguie de moribonde exsangue avachie sur une espèce de sofa, vêtue d'une mini robe bleue tandis qu'on la photographie. Ce genre d'épreuve hallucinante doit lui servir de viatique, de vade-mecum afin que sa beauté impressionnante (et immature) puisse lui permettre d'intégrer le sérail du mannequinat, de la mode avec tous ses excès, ses dérives.
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Cette seule séquence suffit bel et bien à qualifier The Neon Demon de Trottin ou Lolita du XXIe siècle. A seulement seize ans (mineure donc), Jesse (et Elle pour de bon au moment du tournage), doit agir dans le mensonge : faire accroire qu'elle a dix-neuf ans, non pas dix-huit (ce serait suspect).
A partir de là, le film devient une métaphore de toutes les déviances via la fascination éprouvée pour la superficialité de la beauté des filles éthérées (et souventes fois anorexiques) de magazines et de podiums, de défilés. La beauté de Jesse suscite la jalousie, l'envie, et la condamne à mort. Pédophilie (y compris féminine sans omettre qu'Elle Fanning affiche un visage innocent, encore enfantin, dans un corps de femme déjà désirable), artificialité, fascination morbide, vampirisme, saphisme, nécrophilie, cannibalisme et éventration suicidaire expiatrice en vue d'en extraire les fressures humaines étrangères : tel est le contenu traumatisant du nouveau Trottin de Nicolas Winding Refn.
 Jesse est une victime suprême, d'un sacrifice humain saphique où la consommation de sa chair sert à l'appropriation de sa puissance, de sa vénusté. On supposait que The Neon Demon susciterait polémique et scandale sur la Croisette, ce qui lui donnerait un prix. Le vrai scandale advint : le film revint bredouille de la compétition, ayant sans doute joué le rôle de repoussoir, son échec commercial devenant patent : lorsque je vins le voir au cinéma, nous n'étions que quatre spectateurs en tout, dont une personne qui lâcha prise en cours de route...
Tout autre apparaît Daniel Blake de Ken Loach, victime aussi, mais de l'enclume, détruit par l'ultralibéralisme, Britannique d'en bas écrasé par l'absurdité kafkaïenne du système social toujours plus inégalitaire instauré depuis Thatcher.
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Jesse symbolise les dérives du monde sociétal ; Daniel Blake celles du monde anti-social, plus exactement, d'un monde où se détricote par étapes l'Etat Providence de 1945 venu du rapport Beveridge.
Pour rappel, une certaine presse chébran a accueilli avec hostilité la récompense accordée à Ken Loach en une cuvée cannoise déséquilibrée et peu mémorable, il faut en convenir. Alors que, par rapport, la presse conservatrice a su accueillir ce prix, cette palme, en termes mesurés, modérés, presque bienveillants, l'autre presse, bobo chébran, a craché son venin, son ire, contre Moi, Daniel Blake. Diatribe et véhémence... inobjectivité pour notre victime d'un système de santé désorganisé par la pression continuelle du friedmano-hayekisme le poussant au démantèlement par touches. Les Inrockuptibles se sont montrés particulièrement et continuellement odieux, injustes et partiaux, appuyant leur hostilité sur des apriorismes, des présupposés et clichés partisans droitiers anti Ken Loach, dignes des plumes les plus acérées des plus grands thuriféraires, collabos et complices du Mur d'argent, du Comité des Forges et des Deux Cents Familles du temps de Zola, Jaurès, Herriot ou Blum. L'odieuseté de ces articles, au ton parfois d'une violence limite, vaut presque les organes d'extrême droite d'avant-guerre (par exemple Gringoire). Les propos flirtent avec le diffamatoire le plus abject. Lisons plutôt :
Citoyen aux opinions politiques respectables mais médiocre cinéaste, Ken Loach ne se refait pas. "Moi, Daniel Blake n'y changera rien et déroule l'usuel pathos mélenchonien du vieil anglais révolté.
Suit une comparaison avec La Loi du marché de Stéphane Brizé, qui joue en défaveur du long-métrage de Loach. Plus loin, l'auteur, curieusement anonyme (par pusillanimité, par protection de ses arrières ?) qualifie l'opus du cinéaste britannique d'"anti-Dardenne" puis de "tract sentimentaliste" et de "chantage à l'émotion". Le Figaro sut être plus modéré que cette diatribe quasi ordurière.
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Ceci pour l'article mis en ligne par les Inrocks le 13 mai dernier. Ils ont récidivé à plusieurs reprises à compter du dévoilement du palmarès cannois le 22 mai, enfonçant le clou jusqu'à plus soif, tel un bourrage de crâne de gnôle de poilu. Chassez le naturel, il revient au galop avait écrit Destouches au XVIIIe siècle. Mieux vaut un conservateur franc, assumé, fidèle depuis toujours à se idées, toutes contestables et critiquables qu'elles soient, que la parole vipérine, dévoyée et fielleuse des vestes retournées, des vendus branchés aux poisons du système dominant et écrasant. Les Inrocks auraient dû titrer franchement : Salauds de pauvres. Cela eût eu le mérite de la clarté ! 
En octobre prochain, je m'empresserai d'aller voir Moi, Daniel Blake n'en déplaise à ses détracteurs. Comme aurait dit Léon Bloy : j'emm... tous ces salops !


Prochainement :  il sera question de quelques expositions négligées, oubliées ou ignorées par nos anti médias, à Ecouen, au Louvre-Lens, ou au Grand Palais, sur Masséot Abaquesne, la Corée ancienne et Charles Le Brun...
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samedi 25 juin 2016

"The Witch" et le cinéma fantastique réservé seulement aux multiplexes : une tautologie ?

Il n'y aura plus d'accident sur cette ligne tant que je veillerai. (Ernest Borgnine dans Le Fantôme du vol 401 téléfilm américain de Steven Hilliard Stern (1978)) 

J'aborde l'article de ce jour à l'heure où les distributeurs affûtent leurs armes afin de saborder la sortie de Conjuring 2.
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Ils me font irrésistiblement songer à ces araignées embusquées, que j'aime à observer, jeûnant des heures durant jusqu'à ce que la proie opportune et rêvée se présente à leurs crochets venimeux après s'être piégée en leur toile. J'admire la patience de ces bêtes que l'on hait ainsi que l'écrivait Hugo, arachnides qui répugnent à l'être humain et sont pourtant utiles à l'équilibre naturel puisqu'ils prélèvent leur juste part d'insectes.
Hélas, les araignées sont plus dignes que les fomenteurs de complots distributifs détestant les films de genre ! Leur dernier trophée au tableau de chasse s'intitule The Witch,
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 film fantastique hors normes académiques de Robert Eggers (j'insiste sur cet aspect de l'oeuvre). Mention doit être donnée à la jeune comédienne Anya Taylor-Joy, révélation qui assume le rôle principal de cette fiction d'époque obscurantiste. Si la possibilité désormais hautement improbable m'avait été donnée de voir ce film en projection traditionnelle, peut-être aurais-je pu, çà et là, y détecter des influences et citations appartenant à l'histoire du cinéma fantastique. Peut-être eussè-je pu affirmer que The Witch était marqué par Les sorcières de Salem de Raymond Rouleau (1957), par Into the woods de Rob Marshall (2014) ou encore Le labyrinthe de Pan de Guillermo del Toro (2006). Sans doute aurais-je spéculé, glosé, sur d'autres sources d'inspirations référentielles multiples : Les Diables de Ken Russell (1971) mais aussi un cinéma moins baroque, plus austère, ascétique : les oeuvres de Carl Theodor Dreyer comme Vampyr (1932) et Dies Irae (1943) 
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 sans omettre évidemment Ingmar Bergman avec  Le septième sceau (1957) et La Source (1960), où déjà s'impose la figure de l'innocente jeune fille blonde s'aventurant dans une forêt pleine de périls, motif courant depuis les contes médiévaux où l'espace forestier était perçu comme répulsif et redoutable. The Witch partage avec la plupart de ces films les thématiques de la sorcellerie, du diable et de la possession démoniaque, commune à l'ère des bûchers de sorcières ouverte au XVe siècle (Thomasin, interprétée par Anya Taylor-Joy, est soupçonnée de sorcellerie, de commerce avec le démon, d'infanticide), si bien étudiée par Robert Mandrou dans son ouvrage maître Magistrats et sorciers.  A la différence de la jeune Thomasin, c'étaient des femmes mûres, âgées, solitaires, isolées, qui étaient considérée comme des sorcières : des asociales et marginales dirait-on aujourd'hui. Dans The Witch, c'est toute la famille qui vit isolément. les personnages isolés en forêt de The Witch, en ce no man's land, sont les ancêtres des "sauvages blancs" de Délivrance et de Massacre à la tronçonneuse.
Notre production indépendante découverte tantôt au festival de Sundance puis récompensée à Gérardmer a "bénéficié" d'un cadeau empoisonné, dont Eggers a eu tort de se réjouir : une distribution internationale par la Universal, qui en a acheté les droits mondiaux, donc par ricochet français.
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Car il est désormais certain que faire distribuer The Witch par Universal a été une erreur fondamentale, que dis-je, une gaffe monumentale, cause de malentendu, de divorce consommé entre le public archi formaté et catégorisé des salles de multiplexes auxquelles on a restreint le film et la critique intellectuelle favorable au travail de Bob Eggers. Mieux eût valu qu'un distributeur indépendant français s'en occupât, le prît en charge afin que le circuit art et essai en bénéficiât aussi.  C'eût été amplement mérité, vu les qualités esthétiques et narratives de The Witch. En lieu et place, le film a dû se contenter d'une combinaison chiche d'environ 146 copies, conforme désormais, depuis la catastrophe industrielle Annabelle, au parc d'écrans que les grosses boîtes comme Universal (et les autres) acceptent d'attribuer à un long métrage de genre sans vedettes bankables. Autrement dit, seuls les multiplexes maillant nos périphéries urbaines ont eu droit à ce film. Adieu les centres villes non parisiens, les petites cités provinciales, les quartiers de proximité. Même Aix-en-Provence, dépourvue de tout méga complexe, a été privée de The Witch !
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En constatant les dégâts causés à The Witch du fait de cette situation, en mesurant les conséquences de ce divorce, je me remémore le sort encore plus lamentable de tous ces petits films restreints à une poignée de salles, films si discrets que pas même la critique n'a remarqué leur existence : films presque sans cinémas pour les projeter, sans critique et sans public. Ainsi sont, depuis le 22 juin 2016, Rosenn d'Yvan Le Moine, restreint à dix copies à peine, qui a mis deux ans et demi pour décrocher quelques écrans dérisoires et Futur antérieur de Franck Llopis, qui fluctue selon les jours entre trois et quatre salles ! L'un pèche par son appartenance à la catégorie historico-romanesque costumée rétro (l'action se déroule à La Réunion en 1909), l'autre par son concept science-fictionnesque mis en scène avec un micro budget : le voyage dans le temps et ses conséquences. Pour rappel, les cartésiens casaniers haïssent la SF et le fantastique.
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C'est la raison pour laquelle, depuis longtemps se développe ce que je puis qualifier de tautologie absurde : le film fantastique, d'horreur, c'est pour les multiplexes, et uniquement réservé pour eux. C'est formaté pour les ados chahuteurs en quête de sensations fortes à 21-22 h (y compris les minettes) qui provoquent boucan, grabuge, tintouin, esclandre, font semblant d'écouter ce qui se déroule sur l'écran, pourrissent les fauteuils et le sol de soda, de pop-corn ou  lacèrent leur siège au cutter, et jouent avec leur smartphone... L'affaire Annabelle constitua la confirmation de cet état des choses qui atteignait les films réservés aux plus de douze ans. En cela, Annabelle a engendré une espèce de jurisprudence culturelle exclusive, ghettoïsante, privant le public adulte raisonnable de l'accès à ces films de genre divertissants. Auparavant, en la précédente décennie, le phénomène de comportement indiscipliné, incivil et dégénératif des publics juvéniles, vis à vis cette fois des films classés gore, hyper violents, d'horreur pure sanglante, réservés aux plus de seize et de dix-huit ans, avait forcé les exploitant, du temps des films de la franchise Saw, par exemple, à pousser à la restriction drastique du nombre de copies consacrées à ces oeuvres "trash" terrorisantes et terrifiantes.
De fait, ces jeunes sont les héritiers de ceux qui, il y a quarante ans de cela, grâce à la permissivité anti Anastasie des patrons exploitants d'une ville comme Albagrad où alors j'habitais, se ruaient à la découverte des films d'horreur interdits en ce temps-là aux moins de treize ans voire du X transgressif, étalant ensuite complaisamment leur expérience en classe, narrant les salauderies auxquelles leurs yeux et leurs oreilles avaient primairement (limbiquement ?) goûté, me persécutant  car je ne partageais pas leurs goûts insanes. Nous sommes dès lors confrontés à un troupeau moutonnier, "panurgique", dont les goûts filmiques sont dictés, modelés par le haut, décidés d'en haut, c'est-à-dire par les transnationales de la distribution du "septième art" industriel qui classent, quantifient, orientent, modèlent et modulent les cervelles. Ainsi en était-il de ces marches militaires allemandes modelant le patriotisme pangermaniste détestées par Einstein, qui instillaient l'envie de s'engager, de partir au front se faire trouer la peau ou fracasser la gueule en 1914 au nom de Vaterland,  de Germania ou d'Heimat. Cervelles limbiques, pavloviennes, des publics jeunes, vieux ou familiaux, programmés "mécaniquement" (ô l'homme-machine post-cartésien !) pour uniquement se rendre dans les salles obscures jouant soit les dessins animés américains 3 D (au détriment des chefs-d'oeuvre français primés à Annecy, sous-exposés, et qui ne trouvent pas leur public grâce à la "frilosité" ultra commerciale des programmateurs eux-mêmes vendus au système sous peine de mettre la clef sous la porte et de baisser le rideau après l'ultime séance), soit  les comédies françaises hénaurmes et franchouillardes de populisme puant, dégoulinant tel un camembert putride, soit enfin des produits de franchise Marvel et Cie rabâchant les mêmes formules pyrotechniques et de baston jusqu'à plus soif ... Ceci est du divisionnisme culturel, de la parcellisation du "diviser pour régner d'Hayek et Friedman...
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Paradoxe vain : désormais, je ne crains plus les films fantastiques, et c'est au moment où ils ne me terrorisent plus que je ne parviens plus à les voir, puisque leur exploitation obéit toujours plus systématiquement au fil des mois à la doxa tautologique du "film d'horreur de série B pour jeunes de multiplexe", même lorsqu'il s'agit de The Witch, davantage formaté pour l'art et essai (il eût mérité qu'on le vît en VO, dois-je le répéter ?) que pour un public juvénile ignare et archi stupide, incapable de se concentrer sur l'action se déroulant à l'écran, zappant sans cesse.
A cause de cela, il me faudra patienter plusieurs mois encore (jusqu'à l'éventuelle sortie en blu-ray si le support existe encore et n'a pas succombé au flot de la dématérialisation) pour apprécier enfin le film en costumes fantastique de Robert Eggers, qui vaut, par le reflet de mentalités archaïques et fanatiques du XVIIe siècle puritain qu'il nous donne à voir,  baignant dans l'ignorance et dans l'irrationnel, les plus grands travaux des historiens français de l'époque moderne : Jean Delumeau, Robert Mandrou, Robert Muchembled, Philippe Ariès, François Lebrun et Michel Vovelle.

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La prochaine fois, il sera encore question de cinéma avec "The Neon Demon et Moi, Daniel Blake ou la glace à deux faces".

samedi 18 juin 2016

"Daddy Love", le dernier roman de Joyce Carol Oates paru en France presque ignoré par la critique.

Par Cyber Léon Bloy.

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 Et maintenant nous travaillons à l’union de la nation française contre les 200 familles et leurs mercenaires. Nous travaillons à la véritable réconciliation du peuple de France.
Nous te tendons la main, catholique, ouvrier, employé, artisan, paysan, nous qui sommes des laïques parce que tu es notre frère et que lu es comme nous accablé par les mêmes soucis.
Nous te tendons la main, volontaire national, ancien combattant devenu croix de feu parce que tu es un fils de notre peuple que tu souffres comme nous du désordre et de la corruption, parce que tu veux comme nous éviter que le pays ne glisse à la ruine et à la catastrophe.
(Maurice Thorez, Discours de la main tendue 17 avril 1936)

A l'occasion de cet article, dois-je remercier Monsieur Eric Neuhoff, dont je ne partage aucunement les idées, d'avoir été une des rares personnalités à avoir consacré une critique à Daddy Love, dernier roman de l'immense Joyce Carol Oates paru en français chez Philippe Rey... le 7 avril 2016 ? Pourquoi faut-il qu'un néo Hussard officiant au Figaro Littéraire ait été l'unique professionnel hexagonal compétent à s'exprimer au sujet de ce livre remarquable auquel il a attribué quatre coeurs sur cinq ? Pourquoi donc les pages de Télérama, du Magazine littéraire, du Monde des livres, de Lire, demeurent-elles en ce jour désespérément silencieuses, aussi vides que le journal de ce gros despote stupide, paresseux et tumescent de Louis XVI  le 14 juillet 1789 ? Pour quelle raison nada, nada, nada, la vacuité ressassée jusqu'à plus soif par cette presse instituée "culturelle" ?  Non, mesdames et messieurs, je ne cherche point midi à quatorze heures ! L'heure s'avère gravissime pour qui, comme moi, défend encore la culture littéraire en ce royaume bancroche menaçant ruine, royaume jà entouré d'un agrégat de mouches attirées par les fumets putrides qu'il dégage. 
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Oui, le silence critique au sujet de Daddy Love relève du boycott plus ou moins intentionnel et conscient, de la négligence la plus crue, la plus crasse, la plus ignorantine, la plus infâme ! Ici, qui ne dit mot ne consent pas... Que les "intellectuels" opposés à ce livre aient le cran, les génitoires pour exprimer la raison déraisonnable pour laquelle ils font fi de Daddy Love !
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 Je ne suis pas tribun ; mon nom n'est pas Georges-Jacques Danton. Je cherche simplement, en citoyen honnête et éclairé, à connaître la vérité sur le boycott du dernier ouvrage de Joyce Carol Oates, sur cette fiction remarquable, dérangeante, en phase avec une actualité qui me débecte souventes fois : l'actualité de la perversion pédophile. 
Est-ce parce que Daddy Love, le prédateur, ne correspond pas à la doxa communément admise ? Oui, vous l'avez compris : Daddy Love n'appartient pas à la prêtraille, à l'espèce des curaillons priapiques éduqués par Hadrien, déviants, horribles, espèce qui pullule dans nos a-médias friands de faits divers sordides ! Daddy Love est, hélas pour nos critiques, un prédicateur protestant itinérant dans la lignée de tous ces Elmer Gantry de bazar, qui firent l'intérêt du chef-d'oeuvre dénonciateur de Sinclair Lewis, adapté au cinéma en 1960 par Richard Brooks avec Burt Lancaster et Jean Simmons. Daddy Love est aussi dans la lignée du Robert Mitchum de la Nuit du chasseur... pasteur fou, inquiétant, dangereux, révérend tueur en série comme Daddy Love, Landru du fanatisme réformé. C'est de cela, de cet exemple filmique et romanesque (Charles Laughton et Davis Grubb) que Joyce Carol Oates se réclame. Les non-cultureux illettrés de la connaissance qui ont considéré Daddy Love comme sans intérêt n'ont pas compris les références sous-jacentes de Joyce Carol Oates, ayant oublié l'ancienne domination WASP de l'Amérique que la grande romancière a contribué à critiquer, à ébranler et à déboulonner.
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Il est d'autant plus singulier que cet "oubli" conscient de Daddy Love est contemporain de maints autres, touchant, en la majorité des cas, des romans édités tout récemment dans la collection blanche de Gallimard qui partagent en commun leur non appartenance au présentisme immédiat : Otage de marque d'Antoine Billot, Tout a une fin, Drieu de Gérard Guégan, L'Année pensionnaire d'Isabelle Lortholary, Je ne pense plus voyager de François Sureau... La critique de ce dernier livre, un récit davantage qu'un roman historique, fut restreinte à la seule presse catholique, Charles de Foucauld, son sujet, étant jugé trop "religieux", trop "colonialiste" voire "fondamentaliste" pour notre bien-pensance ancrée dans un présent tout aussi putrescent que le passé dont il a toutes les leçons à recevoir. Rien qui ne fasse consensus chez les bourgeois-bohèmes déculturés, donc décérébrés comme un foetus anencéphale à spina bifida.
"Bizarre autant qu'étrange et je dirais même plus..." eussent pu déclarer deux fameux policiers pinkertoniens de carnaval hergéen, coiffés de leur sempiternel melon anthracite, aux moustaches brunes grotesques, champions hors pair de la contrepèterie involontaire... Couple trop bien assorti, mimétique, siamois, rattaché par le même point commun : la stupidité intégrale. En fait, rien ne m'étonne dans cette lamentable affaire qui lèse la réception en France d'un de nos plus grands écrivains vivants, écrivaine devrais-je écrire pour me conformer à un usage de genre imposé d'en haut.  Y-aurait-il un mauvais procès instruit contre Joyce Carol Oates après qu'elle eut critiqué l'attribution du prix du courage à Charlie Hebdo ? Il est en notre France sectaire et abrutie par l'ultralibéralisme, par le stupre d'Hayek et Friedman, des actes,  des paroles, des gestes, des opinions, des idées, que les gardiens du Temple ne pardonnent jamais...
L'on sait que Joyce Carol Oates aime à brasser les genres littéraires, et qu'elle excelle en l'art du détournement du roman policier, du gothique, de l'histoire contemporaine des Etats-Unis. Le désintérêt pour Daddy Love, hors Figaro est selon moi tout à fait contestable, d'autant plus que notre auteure reprend à sa manière, en les sublimant, des recettes éprouvées par des prédécesseurs, qu'ils ou elles soient des cinéastes ou des écrivains de best-sellers (ce qui ne signifie pas absence de qualité). Pour qui sait fouiller dans la fange de la surproduction livresque initiée depuis plusieurs décennies, il est possible d'extirper çà et là des pépites dignes des plus grands chefs-d'oeuvre universels, bien qu'elles appartinssent et s'apparentassent à l'origine au genre tant honni de la "para-littérature" : j'ai nommé L'Aliéniste de Caleb Carr
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 et Cérémonies barbares d'Elizabeth George. Avec Daddy Love, Joyce Carol Oates reprend le flambeau de ces auteurs remarquables qui défrayèrent la chronique de la littérature de genre de la fin du XXe siècle. Tout comme elle avec la figure troublante du prêcheur itinérant subjuguant adultes et gamins qu'il enlève afin de les instrumentaliser, Caleb Carr et Elizabeth George furent en leur temps de salutaires démolisseurs d'idées reçues au sujet de l'indicible pédophilique, prouvant d'une part que ce crime ne se restreignait pas à la seule prêtraille catholique pervertie et dévoyée et, d'autre part, que les dérives du système social du XIXe siècle, jà dominé par le lucre boursicoteur, engendraient des abominations comme la prostitution de gamins travestis en fillettes dans le New York de Theodore Roosevelt. Elizabeth George mettait en scène le milieu huppé des collèges anglais protestants de bon ton, où les pires salauderies sont possibles, où les pires déviances se font dans le plus grand secret, à moins qu'un enquêteur de renom y vienne fouailler l'immondice.
Le Prédicateur était fascinant pour Daddy Love, mais seulement pendant une période de temps limité. Et puis le Prédicateur gagnait de l'argent de temps à autre. Vous ne pouviez croiser le regard gravement bienveillant du Prédicateur sans être démangé par l'envie de lui ouvrir votre portefeuille car lui donner de l'argent, c'était le donner à Jésus-Christ lui-même semblait-il. (Joyce Carol Oates: Daddy Love p. 61. Traduction Claude Seban. Editions Philippe Rey 2016).
Une Eglise qui  se nourrit ainsi d'argent est une Eglise corrompue, honteuse, pervertie. Joyce Carol Oates énonce tous les péchés de l'Amérique. Son roman dérange d'autant plus que les victimes de Daddy Love (qu'il conserve jusqu'à l'âge de 12 ans) souffrent d'une forme ambiguë du syndrome de Stockholm, s'entichent de leur horrible bourreau... Ainsi est le petit Robbie, devenu "Gideon", rebaptisé par Daddy Love. Le monstre (il est dit depuis Anna Arendt que le mal, les monstres, revêtent l'aspect le plus banal) use d'un accessoire frappant pour dissimuler ses proies : une espèce de vierge de bois, évocatrice des cercueils, mais aussi des vierges ouvrantes du Moyen Âge tardif, pour ne pas dire des tristement célèbres sarcophages inquisitoriaux hérissés de piquants létaux internes bien connus sous le nom de vierges de fer : un "beau" spécimen vous est montré au début du film de Paul Leni  L'Homme qui rit. "Gideon", en principe, la puberté approchant, lasse notre prédateur tueur en série qui devrait l'éliminer tout comme ses prédécesseurs. Dans Daddy Love, l'horreur suprême accoutumée n'adviendra pas.  Certes, le pervers pédophile, de son vrai nom Chet Cash, sera arrêté par la police. Certes, l'on pressent pour lui la justice immanente des prisons, où les autres détenus règlent eux-même le compte des gens comme lui... Le roman s'achève dans la crainte que tout recommence avec un autre détraqué.

Prochainement :   The Witch et le cinéma fantastique pour multiplexes seulement : une tautologie ?

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dimanche 5 juin 2016

Quand Arte censurait ses documentaires et ses soirées Thema en les déprogrammant.

Le boycott critique constitue le premier stade de la censure (Aphorisme de Cyber Oscar Wilde)

Les critiques institués n'ont même pas de prétexte idéologique officiel à brandir pour boycotter les derniers romans d'Antoine Billot et de Joyce Carol Oates édités en France ; ils boycottent tout de même, sans même savoir pourquoi, sans justification, comme s'ils obéissaient à de simples stimuli pavloviens ou behaviouristes limbiques. (propos du savantissime éthologue humain du XXIe siècle)

La nocivité révolutionnaire et anti-système des bobos et de Pedro Almodovar équivaut à celle du poète Jean Richepin (1849-1926) lorsqu'il fut élu en 1908 à l'Académie française et  de James Ramsay Macdonald resté en 1931 à la tête du gouvernement britannique d'union nationale dominé par les tories. (sentence de Moa jouant à l'historien)

Ils critiquoient ce qu'ils aimoient ; ce qu'ils n'aimoient pas, ils ne le critiquoient point. (le Nouveau Cyber Saint-Simon : propos sur les romans et leurs critiques)

Retournons un cheveu en arrière dans le temps. Pas de beaucoup, juste en la première décennie du XXIe siècle, lorsqu'il arrivait à Arte qu'elle pratiquât une certaine autocensure. Trois exemples historiques, risibles, grotesques, injustifiables lorsqu'on pense que l'un d'eux arriva peut-être trop tôt, lorsqu'on songe au déballage médiatique qui s'en suivit. Je pense bien sûr au scandale de la FIFA qui a défrayé la chronique en 2015. 
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Dès 2006, Arte savait que la FIFA était pourrie de l'intérieur, mais ses programmateurs n'eurent pas les génitoires et le courage investigateur de maintenir à l'antenne toute une soirée Thema consacrée à ses pratiques douteuses, cela sans doute pour ne pas effaroucher l'Allemagne puisque ce dévoilement serait tombé fort mal à propos en pleine coupe du monde de foot organisée outre-Rhin ! 
Ladite soirée Thema avait pour titre "Carton jaune pour la FIFA". Nous étions le 28 juin 2006 et il faut lire dans les archives du Monde les circonvolutions juridiques et jésuitiques ayant servi de prétexte à nos Anastasie pour ne pas diffuser ces documentaires "dangereux". Permettez-moi d'employer une formule lapidaire : l'autocensure est la science des lâches. Il eût fallu en ce cas précis que l'Arte de l'époque fît preuve d'une audace qu'en d'autres circonstances, elle nous a accoutumés à apprécier, même si personnellement je ne partage pas toujours ses points de vue.
La Thema de juin 2006, judicieusement intitulée "Carton jaune pour la FIFA" comprenait deux documentaires "tendancieux" :
- For the good of the game ? ;
- Quand la FIFA dicte sa loi à l'Allemagne.
La raison officielle invoquée, oiseuse comme on le devine, était que ce second titre n'était pas encore terminé à la date prévue pour sa diffusion ! C'est plus fort que moi : ma mémoire d'éléphant me pousse à remuer les vieilles couches et strates de boues immondes et malodorantes. J'aime à laver le linge sale, à ouvrir les vieilles armoires, les vieux placards recelant des squelettes...
De fait, le contentieux concernait le premier documentaire. La ZDF, gros acheteur et fournisseur d'Arte, avait agi avec prudence, pour ne pas dire pusillanimité : elle avait souhaité vérifier la fiabilité des informations "scandaleuses" révélées par ce film de la BBC, que BBC One n'hésita pas à diffuser. Sepp Blatter était déjà dans le collimateur et ce docu ne faisait qu'adapter le livre d'investigations du journaliste britannique Andrew Jennings, Carton rouge pour la FIFA, que Les Presses de la Cité venaient de publier en France.
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Lorsqu'on se remémore la série de scandales et de révélations qui  l'an passé ont poussé Sepp Blatter vers la sortie, force est de manifester son amertume devant aussi peu de clairvoyance de la part de programmateurs ayant voulu ne pas avoir maille à partir avec la justice. Le "pas de vagues" a tenu lieu de politique de l'autruche.
Une année auparavant, Arte annulait définitivement une autre soirée Thema, que Télérama avait pourtant critiqué de manière positive. Elle tournait autour du documentaire "Mana, le pouvoir des choses" de Peter Friedman et Roger Manley, réalisé en 2004. Seulement, il y avait le contexte : les agonies conjointes de Jean-Paul II et du prince Rainier de Monaco. Là où le bât blessa, ce fut qu'une seconde soirée Thema, tout à fait futile et "branchée", consacrée au strip-tease, déprogrammée elle aussi la semaine qui suivit, eut droit elle, à une seconde chance de diffusion ! C'était l'époque des soirées Thema du vendredi soir en seconde partie de soirée, supprimées depuis (il semble que les "affaires" de l'an 2005 leur portèrent un coup fatal).
Nul ne se soucia de la non-reprogrammation de "Mana le pouvoir des choses", événement ne provoquant aucune vague d'indignation, comme si ce documentaire eût symbolisé une forme de paganisme ésotérique hideux, sacrilège, irrationnel, anti-scientifique. Nos zététiciens auraient-ils veillé au grain afin que nul ne vît jamais ce "mana"-là ? C'est dans cette optique qu'il faut peut-être penser pour comprendre le pourquoi de l'occultation médiatique du film de Friedman et Manley qui sans-doute rappelait trop les anciennes thèses d'anthropologues du début du XXe siècle émules de Lévy-Bruhl et Marcel Mauss. Pour rappel, le mana est un concept  polynésien, d'essence magico-religieuse, que Marcel Mauss étudia. La notion a été remise en cause par l'anthropologie récente.
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Remontons jusqu'à l'année 2003 afin d'aborder un ultime exemple. Il s'agit de "Jenine Jenine", réalisé en 2002 par Mohammed Bakri et qu'Arte aurait dû diffuser en principe l'année suivante. Cette oeuvre controversée due à un Arabe Israélien fut interdite par le comité de censure du cinéma israélien dans le contexte événementiel explosif de l'époque. Jugé comme un film de propagande, considéré comme partial, non objectif, Arte pensa que, par sécurité, il valait mieux qu'elle ne le programmât pas. Des polémiques que cette décision a suscité à l'époque, il reste des traces d'archives çà et là sur le net. Je ne puis juger un documentaire que je n'ai pas vu et je préfère rester prudent en l'affaire, au-dessus de la mêlée, tel Romain Rolland en 1915, refusant de me compromettre en cette guerre proche-orientale éternelle qui finit par lasser les âmes de bonne volonté elles-mêmes. Faudra-t-il que l'humanité soit menacée d'extinction pour que les deux camps cessent à la parfin leur lutte fratricide stupide ?
Certes, je pourrais qualifier l'acte d'Arte de lâcheté ordinaire... La chaîne de ces années-là craignait de prendre trop ouvertement parti pour l'une ou l'autre cause, sachant qu'elle est franco-allemande, le passé allemand que l'on sait intervenant sans doute  aussi dans le contexte. Je ne me mouille pas. Toujours est-il qu'en 2016, la situation est tout autant bloquée et désespérante, sans nul bout du tunnel à entrapercevoir... à moins qu'il soit à des années-lumières de nous, hélas ! Napoléon disait : "Ce n'est pas en criant "Paix !" qu'on l'obtient."
Peut-être eût-il mieux valu, pour ces trois exemples de déprogrammation peu édifiants, qu'on les laissât voir à des téléspectateurs seuls juges et plus adultes qu'on ne croit. Peut-être eût-il été préférable qu'on accompagnât chaque diffusion d'un avertissement et qu'on fît jouer le droit de réponse, puisque nous sommes en démocratie...participative. C'était avant l'existence des réseaux sociaux, encore embryonnaires, prompts à la réaction épidermique, à l'emballement laissant libre cours à l'expression des dérapages les plus nauséabonds.
Le contenu du prochain billet est sous-entendu par les fausses citations de polémiste que j'aime à placer en ouverture de chacun de mes textes. Joyce Carol Oates en sera le personnage central...

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samedi 21 mai 2016

Charlotte Brontë : un bicentenaire oublié en France.

Depuis qu'Arte a cru bon d'abandonner les sujets considérés à tort comme futiles, les soirées Thema sont devenues soirées "trauma". (Journal d'un anti bourgeois du XXIe siècle).

Je pensais à tous ces formidables documentaires qui ne seraient jamais acquis ou produits, qui ne verraient pas le jour, documentaires qui eussent dû être consacrés à telle ou telle commémoration de grands écrivains antérieurs à mon siècle à cause des lignes éditoriales culturelles défectueuses d'Arte et France télévisions. Ô Charlotte Brontë, Charles Dickens, Miguel de Cervantès, Henry James ! Que de films pédagogiques intelligents on eût dû tourner en votre immortel honneur ! (Mémoires d'un partisan de la Culture d'avant Pierre Bourdieu).

Tout est possible ! (Marceau Pivert)

L'ultraliberalismo è una merda pericolosa  (Il Nuovo Pasolini)

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Ne tombez pas abasourdis, chers lecteurs de ce blog : hors du Royaume-Uni, Charlotte Brontë est désormais plus connue au Liban qu'en France ! Oui, vous avez bien lu : seul le célèbre quotidien libanais francophone L'Orient le Jour a consacré un article au bicentenaire de la naissance de la grande romancière le 21 avril 1816. Un 21 avril, comme Spirou ! Mais là, c'était en 1938. Sinon, pour un autre article francophone, il faut aller chercher au Québec avec le Devoir une autre trace ténue d'une quelconque relation de la célébration de cette "auteure" victorienne pourtant incontournable. Il y a donc bien un mal culturel national (issu de Bourdieu ou pas ?) puisque, hors ces deux articles, ce fut niet en français ! Certes, Arte a bien diffusé récemment sur ses ondes numériques la remarquable adaptation de 2011 de Jane Eyre par Cary Fukunaga, sans jamais exprimer explicitement que cette diffusion se faisait à l'occasion des deux cents ans de la venue au monde de l'aînée des soeurs Brontë. Pour rappel, si l'on veut bien fouiller parmi les articles les plus anciens de mon blog, la sortie hexagonale de ce Jane Eyre
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 fut des plus chaotiques, puisque reportée pas moins de quatre fois entre septembre 2011 et juillet 2012 ! Nous sommes tellement fâchés avec la grande littérature britannique du XIXe siècle (et même d'avant) que la sortie en salles de l'adaptation cinématographique du pastiche horrifique de Jane Austen, Orgueil et Préjugés et Zombies de Seth Grahame-Smith, initialement prévue chez nous le 16 mars 2016, a été semble-t-il définitivement annulée ! Pourtant, Matt Smith, comédien que j'apprécie énormément, y joue.
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Paradoxe gênant aux entournures à  une époque où désormais, toute l'oeuvre romanesque de Charlotte Brontë est disponible en poche grâce aux éditions archipoche. Le magazine Lire, quant à lui, s'est contenté de rapporter la parution d'un roman biopic ragot sur un amour caché de Charlotte Brontë. A l'heure où la critique officielle est en passe de bouder, d'ignorer Daddy Love, le dernier opus de Joyce Carol Oates traduit en français, bien qu'il traite d'un sujet en phase avec l'actualité la plus abjecte (la pédophilie), les manquements culturels nationaux à répétition au sujet des meilleures romancières britanniques du XIXe siècle ne sont plus pour moi sujet d'étonnement : tout cela me semble imparable, logique, vu le gouffre fangeux dans lequel nous tombons. Heureusement qu'il reste la blogosphère pour défendre les vrais bons titres et pallier les insuffisances de ces ignorantins lacunaires de pseudo-critiques officiels auto institués qui taisent trop de  romans valables au profit du maniement d'encensoir vers ceux qu'on oubliera !
A l'heure misogyne anglaise où il était malséant que des femmes écrivissent et publiassent sous leur véritable patronyme, Charlotte Brontë, tout comme ses soeurs Anne et Emily, avait été obligée d'opter pour le pseudonyme de Currer Bell (parmi deux autres Bell). Désormais, outre le célébrissime et impérissable Jane Eyre, les trois autres romans de Madame Brontë, Shirley, Villette et Le Professeur (refusé en 1847 par tous les éditeurs, il ne connut qu'une publication posthume en 1857), sont devenus faciles d'accès en format poche et c'est heureux. Shirley (1849), particulièrement remarquable, mérite qu'on le recommande. Roman social, industriel, dont l'action se situe en 1811-1812, à l'époque de la dépression économique (due en partie au blocus napoléonien, l'autre raison étant la loi des crises cycliques) et du luddisme suit de près Mary Barton, premier roman d'Elizabeth Gaskell sorti en 1848, localisé à Manchester dans les années 1830-40.
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Vous êtes donc invités chaleureusement à vous plonger dans la découverte de l'oeuvre romanesque et partiellement autobiographique (référence à son séjour professionnel bruxellois) de la grande Charlotte Brontë, femme de tête, figure féministe comme le XIXe siècle en compta beaucoup (plus que l'on ne croit communément) sans omettre les fragments inachevés qu'elle nous légua et ses essais poétiques (confère sur Wikipedia, en version bilingue, le poème qu'elle composa à la mort d'Anne Brontë).
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La prochaine fois, j'évoquerai l'époque où Arte censurait ses documentaires en les déprogrammant de manière définitive. 

samedi 14 mai 2016

Ces écrivains dont la France ne veut plus 12 : Saint-John Perse.

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Une pluie drue tombait depuis tantôt trois heures sur les sentines enténébrées des quartiers lépreux de la grand’ville tentaculaire. L’onde diluvienne se déversait à loisir depuis un ciel sinistre et noir dont la teinte de plomb mortifère était à la semblance d’un enfer aqueux. (Aurore-Marie de Saint-Aubain : Le Trottin chapitre premier incipit Louis Morand éditeur 1890)

Paris, nombril crasseux et puant de France. Le soleil, suspendu au ciel comme un oeil de cyclope, jetait sur la ville une chaleur incorruptible, une sécheresse suffocante. (Jean-Baptiste Del Amo : Une éducation libertine première partie chapitre I incipit Gallimard 2008)


Péguy, Dieu que c'est beau ! Mais c'est vieux ! Ce n'est plus dans les moeurs d'aujourd'hui de lire de la poésie. (souligné par nous) J'ai cherché un moyen susceptible de donner un goût et une compréhension du texte de Péguy, qui est universel. (Bruno Dumont, cinéaste, au sujet de son projet d'adapter au cinéma Jeanne d'Arc de Charles Péguy. Interview de Frédéric Theobald (extrait) in : La Vie n° 3689 du 12 au 18 mai 2016)

Les paroles du réalisateur Bruno Dumont, en ouverture de cet article, ne reflètent aucune volonté polémique. Elles constituent un constat amer : le début du XXIe siècle semble ne plus aimer la poésie, rêveuse, déconnectée du matérialisme hayekien abject pur et dur, qui colonise et pollue, via la marché, l'intégralité de notre existence, tel l'Etat unique du Bienfaiteur d'Eugène Zamiatine dans Nous Autres, récemment analysé en ce même blog. 
Saint-John Perse (1887-1975), appartient à cette catégorie de poète rejetés, sous prétexte de l'intellectualisme aigu de son oeuvre. 
Tout comme Paul Claudel, il fut avant tout diplomate. Alexis Leger (il tenait à ce qu'on orthographiât son nom sans accent) incarne par excellence ces écrivains à double casquette, dont la carrière professionnelle, prestigieuse, ne contrecarra aucunement l'inspiration de la plume. Il fut secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, à compter de 1933, en remplacement de Philippe Berthelot, gravement malade. On peut le qualifier de "secrétaire général du Quai d'Orsay". Partisan de la paix, de la réconciliation franco-allemande, Alexis Leger voulut poursuivre l'oeuvre de son mentor Aristide Briand, le grand ministre des affaires étrangères des années vingt. Notre poète peut être considéré comme l'un des auteurs des accords de Locarno de 1925. De même, une fois le danger nazi apparu, lors de la première tentative d'Anschluss de 1934, Alexis Leger devint un des moteurs du front de Stresa, célèbre conférence au cours de laquelle Mussolini afficha sa volonté de contrer les ambitions hitlériennes. C'était en 1935, et la guerre d'Ethiopie qui s'en suivit fit basculer le Duce dans le camp nazi. 
C'est sans doute la raison pour laquelle Alexis Leger finit par devenir un symbole des contradictions, des atermoiements et des errements de la politique étrangère de la IIIe République lors de la marche à la seconde guerre mondiale. Cette ligne erratique a bien été analysée par le grand historien Jean-Baptiste Duroselle dans son ouvrage : Politique étrangère de la France, la décadence aux éditions du Seuil. Les morts successives d'Aristide Briand (en 1932) et de Louis Barthou,
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 assassiné à Marseille avec le roi Alexandre 1er de Yougoslavie (1934), laissèrent un vide dont la diplomatie de la France ne se releva pas : cela conduisit à la capitulation de Munich face à Hitler. 
Sans doute un homme comme Paul Reynaud jugeait-il qu'Alexis Leger avait une part de responsabilité dans les événements, cette politique passive devant la montée du péril nazi : président du Conseil en pleine tourmente, il limogea Alexis Leger alors que la défaite de juin 1940 se profilait à l'horizon.

On comprend mieux l'animosité réciproque de Saint-John Perse et du général de Gaulle, éclairée par les circonstances et les événements historiques : le premier nia toute légitimité à de Gaulle et à la France libre, préférant l'exil aux Etats-Unis plutôt que la poursuite à Londres de la lutte. Son geste rappelle celui de Bernanos. Bien qu'il eût été radié de la Légion d'honneur par Vichy et déchu de la nationalité française, Léger refusa tout ralliement à la cause gaulliste, préférant écouter Roosevelt qui n'aimait pas le Général. De Gaulle ne pouvait pardonner ni au diplomate ni à l'écrivain. Il s'opposa semble-t-il à toute candidature de Saint-John Perse à l'Académie française et ne le félicita nullement lorsqu'il obtint le prix Nobel de littérature en 1960, avec l'appui des Etats-Unis et du secrétaire général de l'ONU. 
C'est pourquoi Saint-John Perse fut politiquement persona non grata, quasi exclu des programmes scolaires (on n'en parle presque jamais) et jugé comme un poète difficile, hermétique, sorte de dernier représentant d'une poésie mallarméenne illisible et imbuvable. Ce procès d'intention niait les qualités littéraires indéniables de celui qui, entre autres noms de plume, avait adopté celui de  Saint-John Perse à compter de la publication d'Anabase en 1924. Or, c'était oublier que le poète était actif, publié depuis 1908 avec Des villes sur trois modes, que ses origines guadeloupéennes (il naquit à Pointe-à-Pitre) ne pouvaient que jouer en faveur d'une inspiration singulière. Certes, Saint-John Perse n'est pas rattachable à l'esthétique noire puisque créole, même s'il quitta la Guadeloupe à douze ans pour la métropole, à Pau. Ses rencontres successives avec Francis Jammes, Paul Claudel et André Gide furent décisives. 

Sur trois grandes saisons m'établissant avec honneur, j'augure bien du sol où j'ai fondé ma loi.

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Ainsi débute Anabase.
  
L'écriture est superbe, très recherchée. La qualité littéraire extrême de la poésie de Saint-John Perse, qui relève pourtant de plain pied de la littérature du XXe siècle, est source de malentendus. Son maniérisme exacerbé semble la ranger parmi les ultimes avatars des recherches "art pour l'art" du XIXe siècle, comme s'il se fût agi du dernier disciple de la ô combien fictive Aurore-Marie de Saint-Aubain ! Rien de tout cela en fait, le reste n'étant qu'imagination pure...
Je pense avant tout que la poésie est affaire de musique, sans doute à cause de mes origines méditerranéennes. Pas plus tard qu'hier, je me délectais à la lecture bilingue simultanée (italien et français) de la poésie insigne de Dino Campana (1885-1932)
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 en son recueil des Chants orphiques, publiés en 1914.  La poésie de Dino Campana reflète l'essence même de la langue italienne, romane s'il en est. Or, ne l'oublions pas, Saint-John Perse écrit aussi dans une langue romane, musicale d'abord, et la musicalité de ses vers et de sa prose poétique n'est pas sans faire songer aux îles, à la langue créole qu'il entendit enfant en Guadeloupe.
C'est ainsi que demeure en moi une aspiration esthétique fondamentale, sorte d'aspiration je dirais intuitive, quasi atavique, en faveur de ce type de poésie, certes datée pour le lectorat commun, poésie rythmée, scandée, faite pour être lue à haute voix, déclamatoire, ainsi qu'il en fut dans l'aire méditerranéenne gréco-romaine, lorsque l'oralité de l'aède, de l'Orphée, primait, lecture auditive envoûtante (afin que toute la subtilité du texte nous soit révélée). Oralité bardique aussi, pour employer le néologisme d'Antoine Volodine.
Il est amusant de constater que la fréquentation de Saint-John Perse a pu incidemment influer sur la versification de mon hétéronyme Aurore-Marie. Prenons le procédé de répétition à transformation d'un vers, qui diffère de celui, à l'identique, que l'on retrouve chez Baudelaire (par exemple, dans la Prière à Satan). Il ne s'agit pas non plus d'un pantoum, poème d'origine malaise, où le principe consiste à répéter un vers en le décalant dans les strophes.

J'honore les vivants, j'ai face parmi vous. (...)
J'honore les vivants, j'ai grâce parmi vous. (...)
J'honore les vivants, j'ai hâte parmi vous. (...)
(Chanson du présomptif) 

Dans la poésie, pour une fois sobrement et énigmatiquement intitulée Sans titre, Aurore-Marie de Saint-Aubain débute ainsi chaque strophe :

Je pleure l'amour enfui seulette en mon palais (...)
Je pleure l'amour parti pauvresse en ma chaumine (...)
Je pleure l'amour volé blasée du bel été (...)
Je pleure l'amour fané en l'étiolée jonchée (...)
Je pleure l'amour fini en ma bière gaufrée (...)

Il s'agit bien là d'un style proche du procédé musical de la variation, peut-être même de la passacaille et de la chaconne, ce qui rapproche ce poème de la sensibilité et de l'esthétique baroques chères à Jean-Sébastien Bach. N'oublions pas les variations Goldberg.
Du point de vue de Saint-John Perse, on peut parler de texte à transformation, évolutif, mutant, obéissant aux principes évolutionnistes. Le poème n'est pas fixe, il peut varier, se métamorphoser indéfiniment. Poème transformiste, darwinien, descendance strophique avec modification... Saint-John Perse emploie dans le titre le terme de présomptif, comme s'il s'agissait d'un nouveau mode temporel, de conjugaison, qu'il aurait inventé. Tout cela relève de fait de la volonté d'innovation, d'expérimentation permanente qui rattache bien Saint-John Perse à la mouvance de la littérature contemporaine, expérimentale, sans cesse novatrice. La Chanson du présomptif rejoint même (ceci étant une interprétation strictement personnelle), tout comme Anabase, une volonté ethnographique, bien au-delà des restitutions empesées de Leconte de Lisle au XIXe siècle (je pense notamment aux Poèmes barbares). Saint-John Perse est un contemporain de Paul Rivet, de Marcel Griaule, de Michel Leiris et de Claude Lévi-Strauss. Sa poésie recherchée, raffinée, difficile à décrypter par le profane, apparaît tels ces extraordinaires masques à transformation amérindiens de la côte ouest du Canada. Il fait oeuvre sacrale, sacrée et trahit (dans le sens positif du terme) sa contemporanéité avec Pablo Picasso et André Jolivet, avec le primitivisme sublimé qui suivit la découverte par l'Occident des arts africains, océaniens et amérindiens.
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Saint-John Perse fut cependant un exilé de l'intérieur comme de l'extérieur. En témoigne l'écriture d'Exil (1942) dédié à Archibald MacLeish. Il fut un homme des cycles inspirés géographiques, exploratoires, primitivo-surréalistes, antillais, asiatique, américain, provençal (sorte de ressourcement méditerranéen ultime, puisque, après tant d'écrivains et de peintres, il vécut et mourut près de la Méditerranée, en la presqu'île de Giens dans le Var, havre ultime de Sècheresse que l'on ne peut confondre avec l'oeuvre chorale de Francis Poulenc qui lui est antérieure).

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Livrons quelques extraits disparates et énigmatiques des écrits de Saint-John Perse à la sagacité des lectrices et lecteurs avant de conclure ce trop bref aperçu.

Sur des plaintes de pluviers s'en fut l'aube plaintive, s'en fut l'hyade pluvieuse à la recherche du mot pur, (...)
De beaux fragments d'histoires en dérive sur des pales d'hélices, dans le ciel plein d'erreurs et d'errantes prémisses, se mirent à virer pour le délice du scoliaste. (...)
L'officiant chaussé de feutre et ganté de soie grège efface, à grand renfort de manches, l'affleurement des signes illicites de la nuit.

Ainsi va toute chair au cilice du sel, le fruit de cendre de nos veilles, la rose naine de vos sables, et l'épouse nocturne avant l'aurore reconduite... (...)
(Exil IV extrait)  

Admirez les rimes internes : hélices, prémisses, délice. Ainsi va toute chair ... ne peut-on évoquer au passage le titre français du roman majeur de Samuel Butler (1835-1902) lui-même darwinien ?

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Le bamyan de la pluie prend ses assises sur la Ville,
Un polypier hâtif monte à ses noces de corail dans tout ce lait d'eau vive,
Et l'Idée nue comme un rétiaire peigne au jardin du peuple sa crinière de fille. (...)
(Pluies I extrait

Soeur des guerriers d'Assur furent les hautes Pluies en marche sur la terre :
Casquées de plumes et haut-troussées, éperonnées d'argent et de cristal,
Comme Didon foulant l'ivoire aux portes de Carthage. (...)
(Pluies III extrait)
Des Amazones d'un nouveau type : Leconte de Lisle revisité et le douanier Rousseau se télescopent en un kaléidoscope de métaphores surréalistes.

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L'Eté plus vaste que l'Empire suspend aux tables de l'espace plusieurs étages de climats. La terre vaste sur son aire roule à pleins bords sa braise pâle sous les cendres. - Couleur de soufre, de miel, couleur de choses immortelles, toute la terre aux herbes s'allumant aux pailles de l'autre hiver - et de l'éponge verte d'un seul arbre le ciel tire son suc violet. 
Un lieu de pierres à mica ! Pas une graine pure dans les barbes du vent. Et la lumière comme une huile. - De la fissure des paupières au fil des cimes m'unissant, je sais la pierre tachée d'ouïes, les essaims du silence aux ruches de lumière ; et mon coeur prend souci d'une famille d'acridiens... (...)
(Anabase VII extrait)
Certes, l'on est en droit de préférer René Char,
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 Eluard, Aragon Yves Bonnefoy
 https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/2/26/Yves_Bonnefoy_(cropped).jpg/220px-Yves_Bonnefoy_(cropped).jpg
 et d'autres, mais le prix Nobel de Saint-John Perse n'est point immérité. Seulement, sa réputation d'écrivain difficile l'exclut hélas durablement des programmes scolaires, du bac français en particulier, pour une raison inverse à celle excluant trop fréquemment Alexandre Dumas.
 Mais c'est omettre que Saint-John Perse demeure un écrivain de synthèse, syncrétique même. Il transcende tout un siècle d'expérimentations poétiques de 1850 à 1960. Tour à tour néo mallarméen
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 bretonnant (dans l'acception surréelle), dernier des parnassiens, ultime orientaliste post-moderne, premier des poètes insulaires créoles, pataphysicien d'un oulipo sérieux quoique absurde, douanier Rousseau et Paul Gauguin du vers et de la prose poétique, héritier de Rimbaud, Saint-John Perse ne cesse de nous surprendre. La direction de ses vers est indéterminée, relativiste même : il est fils poétique d'Einstein et d'Eisenberg, s'inscrivant en cela en plein XXe siècle. Il faut le lire à plusieurs reprises pour en extraire la substantifique moelle, pour déceler de nouvelles beautés en ses oeuvres. Il ne se livre pas tout entier spontanément. Ses textes sont pensés, réfléchis, calculés, non point intuitifs, jaillis comme cela, du Rien. La simplicité n'est pas son but, non pas aussi le dépouillement et la concision : laissons ce style par exemple à Guillevic. Saint-John Perse brille, chatoie, brasille, envoûte, séduit, mais non point par snobisme. Apparemment, il ne flatte que l'intellect, la cérébralité mathématique, et pourtant, le coeur finit par succomber. On comprend, alors, on jubile. Les équations de Saint-John Perse à inconnues multiples entonnent leur chant polyphonique et polymorphe.
Situé au carrefour où se rejoignent, où confluent tous les courants poétiques qu'il eut à connaître, tout à la fois brasseur et épigone du symbolisme, de l'exotisme et du surréalisme, les ayant revivifiés, sublimés, renouvelés, dépassés, Saint-John Perse serait-il en fait le dernier des classiques ?

Prochainement : où il sera question de l'oubli du bicentenaire de la naissance de Charlotte Brontë.

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