Par Cyber Léon Bloy.
Et maintenant nous travaillons à l’union de la nation française
contre les 200 familles et leurs mercenaires. Nous travaillons à la
véritable réconciliation du peuple de France.
Nous te tendons la main, catholique, ouvrier, employé, artisan,
paysan, nous qui sommes des laïques parce que tu es notre frère et que
lu es comme nous accablé par les mêmes soucis.
Nous te tendons la main, volontaire national, ancien combattant
devenu croix de feu parce que tu es un fils de notre peuple que tu
souffres comme nous du désordre et de la corruption, parce que tu veux
comme nous éviter que le pays ne glisse à la ruine et à la catastrophe.
(Maurice Thorez, Discours de la main tendue 17 avril 1936)
A l'occasion de cet article, dois-je remercier Monsieur Eric Neuhoff, dont je ne partage aucunement les idées, d'avoir été une des rares personnalités à avoir consacré une critique à Daddy Love, dernier roman de l'immense Joyce Carol Oates paru en français chez Philippe Rey... le 7 avril 2016 ? Pourquoi faut-il qu'un néo Hussard officiant au Figaro Littéraire ait été l'unique professionnel hexagonal compétent à s'exprimer au sujet de ce livre remarquable auquel il a attribué quatre coeurs sur cinq ? Pourquoi donc les pages de Télérama, du Magazine littéraire, du Monde des livres, de Lire, demeurent-elles en ce jour désespérément silencieuses, aussi vides que le journal de ce gros despote stupide, paresseux et tumescent de Louis XVI le 14 juillet 1789 ? Pour quelle raison nada, nada, nada, la vacuité ressassée jusqu'à plus soif par cette presse instituée "culturelle" ? Non, mesdames et messieurs, je ne cherche point midi à quatorze heures ! L'heure s'avère gravissime pour qui, comme moi, défend encore la culture littéraire en ce royaume bancroche menaçant ruine, royaume jà entouré d'un agrégat de mouches attirées par les fumets putrides qu'il dégage.
Oui, le silence critique au sujet de Daddy Love relève du boycott plus ou moins intentionnel et conscient, de la négligence la plus crue, la plus crasse, la plus ignorantine, la plus infâme ! Ici, qui ne dit mot ne consent pas... Que les "intellectuels" opposés à ce livre aient le cran, les génitoires pour exprimer la raison déraisonnable pour laquelle ils font fi de Daddy Love !
Je ne suis pas tribun ; mon nom n'est pas Georges-Jacques Danton. Je cherche simplement, en citoyen honnête et éclairé, à connaître la vérité sur le boycott du dernier ouvrage de Joyce Carol Oates, sur cette fiction remarquable, dérangeante, en phase avec une actualité qui me débecte souventes fois : l'actualité de la perversion pédophile.
Est-ce parce que Daddy Love, le prédateur, ne correspond pas à la doxa communément admise ? Oui, vous l'avez compris : Daddy Love n'appartient pas à la prêtraille, à l'espèce des curaillons priapiques éduqués par Hadrien, déviants, horribles, espèce qui pullule dans nos a-médias friands de faits divers sordides ! Daddy Love est, hélas pour nos critiques, un prédicateur protestant itinérant dans la lignée de tous ces Elmer Gantry de bazar, qui firent l'intérêt du chef-d'oeuvre dénonciateur de Sinclair Lewis, adapté au cinéma en 1960 par Richard Brooks avec Burt Lancaster et Jean Simmons. Daddy Love est aussi dans la lignée du Robert Mitchum de la Nuit du chasseur... pasteur fou, inquiétant, dangereux, révérend tueur en série comme Daddy Love, Landru du fanatisme réformé. C'est de cela, de cet exemple filmique et romanesque (Charles Laughton et Davis Grubb) que Joyce Carol Oates se réclame. Les non-cultureux illettrés de la connaissance qui ont considéré Daddy Love comme sans intérêt n'ont pas compris les références sous-jacentes de Joyce Carol Oates, ayant oublié l'ancienne domination WASP de l'Amérique que la grande romancière a contribué à critiquer, à ébranler et à déboulonner.
Il est d'autant plus singulier que cet "oubli" conscient de Daddy Love est contemporain de maints autres, touchant, en la majorité des cas, des romans édités tout récemment dans la collection blanche de Gallimard qui partagent en commun leur non appartenance au présentisme immédiat : Otage de marque d'Antoine Billot, Tout a une fin, Drieu de Gérard Guégan, L'Année pensionnaire d'Isabelle Lortholary, Je ne pense plus voyager de François Sureau... La critique de ce dernier livre, un récit davantage qu'un roman historique, fut restreinte à la seule presse catholique, Charles de Foucauld, son sujet, étant jugé trop "religieux", trop "colonialiste" voire "fondamentaliste" pour notre bien-pensance ancrée dans un présent tout aussi putrescent que le passé dont il a toutes les leçons à recevoir. Rien qui ne fasse consensus chez les bourgeois-bohèmes déculturés, donc décérébrés comme un foetus anencéphale à spina bifida.
"Bizarre autant qu'étrange et je dirais même plus..." eussent pu déclarer deux fameux policiers pinkertoniens de carnaval hergéen, coiffés de leur sempiternel melon anthracite, aux moustaches brunes grotesques, champions hors pair de la contrepèterie involontaire... Couple trop bien assorti, mimétique, siamois, rattaché par le même point commun : la stupidité intégrale. En fait, rien ne m'étonne dans cette lamentable affaire qui lèse la réception en France d'un de nos plus grands écrivains vivants, écrivaine devrais-je écrire pour me conformer à un usage de genre imposé d'en haut. Y-aurait-il un mauvais procès instruit contre Joyce Carol Oates après qu'elle eut critiqué l'attribution du prix du courage à Charlie Hebdo ? Il est en notre France sectaire et abrutie par l'ultralibéralisme, par le stupre d'Hayek et Friedman, des actes, des paroles, des gestes, des opinions, des idées, que les gardiens du Temple ne pardonnent jamais...
L'on sait que Joyce Carol Oates aime à brasser les genres littéraires, et qu'elle excelle en l'art du détournement du roman policier, du gothique, de l'histoire contemporaine des Etats-Unis. Le désintérêt pour Daddy Love, hors Figaro est selon moi tout à fait contestable, d'autant plus que notre auteure reprend à sa manière, en les sublimant, des recettes éprouvées par des prédécesseurs, qu'ils ou elles soient des cinéastes ou des écrivains de best-sellers (ce qui ne signifie pas absence de qualité). Pour qui sait fouiller dans la fange de la surproduction livresque initiée depuis plusieurs décennies, il est possible d'extirper çà et là des pépites dignes des plus grands chefs-d'oeuvre universels, bien qu'elles appartinssent et s'apparentassent à l'origine au genre tant honni de la "para-littérature" : j'ai nommé L'Aliéniste de Caleb Carr
et Cérémonies barbares d'Elizabeth George. Avec Daddy Love, Joyce Carol Oates reprend le flambeau de ces auteurs remarquables qui défrayèrent la chronique de la littérature de genre de la fin du XXe siècle. Tout comme elle avec la figure troublante du prêcheur itinérant subjuguant adultes et gamins qu'il enlève afin de les instrumentaliser, Caleb Carr et Elizabeth George furent en leur temps de salutaires démolisseurs d'idées reçues au sujet de l'indicible pédophilique, prouvant d'une part que ce crime ne se restreignait pas à la seule prêtraille catholique pervertie et dévoyée et, d'autre part, que les dérives du système social du XIXe siècle, jà dominé par le lucre boursicoteur, engendraient des abominations comme la prostitution de gamins travestis en fillettes dans le New York de Theodore Roosevelt. Elizabeth George mettait en scène le milieu huppé des collèges anglais protestants de bon ton, où les pires salauderies sont possibles, où les pires déviances se font dans le plus grand secret, à moins qu'un enquêteur de renom y vienne fouailler l'immondice.
Le Prédicateur était fascinant pour Daddy Love, mais seulement pendant une période de temps limité. Et puis le Prédicateur gagnait de l'argent de temps à autre. Vous ne pouviez croiser le regard gravement bienveillant du Prédicateur sans être démangé par l'envie de lui ouvrir votre portefeuille car lui donner de l'argent, c'était le donner à Jésus-Christ lui-même semblait-il. (Joyce Carol Oates: Daddy Love p. 61. Traduction Claude Seban. Editions Philippe Rey 2016).
Une Eglise qui se nourrit ainsi d'argent est une Eglise corrompue, honteuse, pervertie. Joyce Carol Oates énonce tous les péchés de l'Amérique. Son roman dérange d'autant plus que les victimes de Daddy Love (qu'il conserve jusqu'à l'âge de 12 ans) souffrent d'une forme ambiguë du syndrome de Stockholm, s'entichent de leur horrible bourreau... Ainsi est le petit Robbie, devenu "Gideon", rebaptisé par Daddy Love. Le monstre (il est dit depuis Anna Arendt que le mal, les monstres, revêtent l'aspect le plus banal) use d'un accessoire frappant pour dissimuler ses proies : une espèce de vierge de bois, évocatrice des cercueils, mais aussi des vierges ouvrantes du Moyen Âge tardif, pour ne pas dire des tristement célèbres sarcophages inquisitoriaux hérissés de piquants létaux internes bien connus sous le nom de vierges de fer : un "beau" spécimen vous est montré au début du film de Paul Leni L'Homme qui rit. "Gideon", en principe, la puberté approchant, lasse notre prédateur tueur en série qui devrait l'éliminer tout comme ses prédécesseurs. Dans Daddy Love, l'horreur suprême accoutumée n'adviendra pas. Certes, le pervers pédophile, de son vrai nom Chet Cash, sera arrêté par la police. Certes, l'on pressent pour lui la justice immanente des prisons, où les autres détenus règlent eux-même le compte des gens comme lui... Le roman s'achève dans la crainte que tout recommence avec un autre détraqué.
Prochainement : The Witch et le cinéma fantastique pour multiplexes seulement : une tautologie ?
L'on sait que Joyce Carol Oates aime à brasser les genres littéraires, et qu'elle excelle en l'art du détournement du roman policier, du gothique, de l'histoire contemporaine des Etats-Unis. Le désintérêt pour Daddy Love, hors Figaro est selon moi tout à fait contestable, d'autant plus que notre auteure reprend à sa manière, en les sublimant, des recettes éprouvées par des prédécesseurs, qu'ils ou elles soient des cinéastes ou des écrivains de best-sellers (ce qui ne signifie pas absence de qualité). Pour qui sait fouiller dans la fange de la surproduction livresque initiée depuis plusieurs décennies, il est possible d'extirper çà et là des pépites dignes des plus grands chefs-d'oeuvre universels, bien qu'elles appartinssent et s'apparentassent à l'origine au genre tant honni de la "para-littérature" : j'ai nommé L'Aliéniste de Caleb Carr
et Cérémonies barbares d'Elizabeth George. Avec Daddy Love, Joyce Carol Oates reprend le flambeau de ces auteurs remarquables qui défrayèrent la chronique de la littérature de genre de la fin du XXe siècle. Tout comme elle avec la figure troublante du prêcheur itinérant subjuguant adultes et gamins qu'il enlève afin de les instrumentaliser, Caleb Carr et Elizabeth George furent en leur temps de salutaires démolisseurs d'idées reçues au sujet de l'indicible pédophilique, prouvant d'une part que ce crime ne se restreignait pas à la seule prêtraille catholique pervertie et dévoyée et, d'autre part, que les dérives du système social du XIXe siècle, jà dominé par le lucre boursicoteur, engendraient des abominations comme la prostitution de gamins travestis en fillettes dans le New York de Theodore Roosevelt. Elizabeth George mettait en scène le milieu huppé des collèges anglais protestants de bon ton, où les pires salauderies sont possibles, où les pires déviances se font dans le plus grand secret, à moins qu'un enquêteur de renom y vienne fouailler l'immondice.
Le Prédicateur était fascinant pour Daddy Love, mais seulement pendant une période de temps limité. Et puis le Prédicateur gagnait de l'argent de temps à autre. Vous ne pouviez croiser le regard gravement bienveillant du Prédicateur sans être démangé par l'envie de lui ouvrir votre portefeuille car lui donner de l'argent, c'était le donner à Jésus-Christ lui-même semblait-il. (Joyce Carol Oates: Daddy Love p. 61. Traduction Claude Seban. Editions Philippe Rey 2016).
Une Eglise qui se nourrit ainsi d'argent est une Eglise corrompue, honteuse, pervertie. Joyce Carol Oates énonce tous les péchés de l'Amérique. Son roman dérange d'autant plus que les victimes de Daddy Love (qu'il conserve jusqu'à l'âge de 12 ans) souffrent d'une forme ambiguë du syndrome de Stockholm, s'entichent de leur horrible bourreau... Ainsi est le petit Robbie, devenu "Gideon", rebaptisé par Daddy Love. Le monstre (il est dit depuis Anna Arendt que le mal, les monstres, revêtent l'aspect le plus banal) use d'un accessoire frappant pour dissimuler ses proies : une espèce de vierge de bois, évocatrice des cercueils, mais aussi des vierges ouvrantes du Moyen Âge tardif, pour ne pas dire des tristement célèbres sarcophages inquisitoriaux hérissés de piquants létaux internes bien connus sous le nom de vierges de fer : un "beau" spécimen vous est montré au début du film de Paul Leni L'Homme qui rit. "Gideon", en principe, la puberté approchant, lasse notre prédateur tueur en série qui devrait l'éliminer tout comme ses prédécesseurs. Dans Daddy Love, l'horreur suprême accoutumée n'adviendra pas. Certes, le pervers pédophile, de son vrai nom Chet Cash, sera arrêté par la police. Certes, l'on pressent pour lui la justice immanente des prisons, où les autres détenus règlent eux-même le compte des gens comme lui... Le roman s'achève dans la crainte que tout recommence avec un autre détraqué.
Prochainement : The Witch et le cinéma fantastique pour multiplexes seulement : une tautologie ?
Le Monde des Livres s'est enfin préoccupé de Daddy Love, soit plus de deux mois après la publication du roman : la critique est bonne, bien que tardive et une autre référence de Joyce Caro Oates y est rappelée : les figures de prédicateurs protestants fanatiques émaillant l'oeuvre sudiste de Flannery O'Connor. A noter que cette auteure était...catholique.
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