Contrairement à Thatcher et Reagan qui semblaient des géants, Boris Johnson et Donald Trump font figure d'homoncules de l'ultra-libéralisme. Ils ont ce côté grotesque, histrionique, que partageaient Caligula, Néron et Héliogabale. Lorsque je les vois ou les entends, ils me font irrésistiblement songer à ces singes sapajous d'orgues de barbarie en train de vociférer et cracher. (Journal d'un anti-bourgeois du XXIe siècle).
L'année Mil neuf cent septante fut marquée par nombre de nécrologies. En ce millésime, cinq membres de l'Académie françoise quittèrent nostre monde. Il en fut de mesme pour le plus yllustre des François. (Mémoires du Nouveau Cyber Saint-Simon)
Il n'y a rien de commun entre vous et nous. (Saint-Just, s'adressant à des plénipotentiaires autrichiens).
Il n'y a rien de commun entre vous et nous. (Saint-Just, s'adressant à des plénipotentiaires autrichiens).
The Neon Demon de Nicolas Winding Refn et Moi Daniel Blake de Ken Loach, bien qu'en apparence, ils soient antinomiques, partagent ce caractère commun d'avoir suscité une franche hostilité parmi certains critiques qui les ont tous deux voués aux gémonies.
Que sont en fait ces deux films ? Une glace à deux faces, métaphorique, dont l'une reflèterait le négatif de l'autre. Ils sont à l'image d'une société, non pas simplement contrastée, mais séparée par un profond abîme impossible à combler. Les critiques hostiles aux deux titres, qui presque tous appartiennent à la doxa culturelle chébran dominatrice, se sont en fait voilé leur propre face. Ils se sont refusés à voir dans l'un, The Neon Demon, un portrait exact de la société du côté du marteau dont ils se revendiquent, à laquelle ils appartiennent ou feignent d'appartenir, reflet d'eux-mêmes, des excès du monde décadent inclusif, de ce qu'on nomma la jet set, lorsque celle-ci prit le pouvoir (ou profita de l'opportunité pour le prendre) au temps du thatchérisme et du reaganisme triomphants, bientôt mondialisés. Ils refusent de voir en The Neon Demon les dérives et la putréfaction de leur propre univers.
Ils rejettent tout aussi violemment Ken Loach et sa palme d'or, Moi Daniel Blake, film situé du côté de l'enclume, film du out quand The Neon Demon est celui du in. Deux films du divorce social profond, de l'écartèlement, de l'éclatement de notre monde entre ceux qui subissent Hayek et ceux qui s'y complaisent, ou veulent en être, ainsi que le disait Gustave Flaubert à propos de l'Académie française, comme Elle Fanning dans le rôle de Jesse, qui finit littéralement dévorée par le système.
Cour de Louis XIV à Versailles versus famine paysanne du faux Grand Siècle,
fête impériale versus misère ouvrière de L'Assommoir et Germinal,
République opportuniste des brasseurs d'argent de la "Belle Epoque" versus vaines revendications de la "sociale",
chébrantude cosmopolite bobo mondialisée pro hayékienne versus exclus de la mondialisation des multiples ceintures de la rouille anglo-franco-américaines réduits à la séduction des sirènes trompeuses de la démagogie qui ont noms Donald, Marine, Boris et autres "brexiteurs".
Deux camps irréconciliables, qui ne se parlent pas, qui s'ignorent, ne se comprennent pas, ne s'expriment pas dans la même langue, "nov" ou vieillotte.
The Neon Demon apparaît comme Le Trottin du XXIe siècle. Il en a l'audace et l'atrocité décadente, brassant les thématiques de la bamboche, de l'orgie, de la déviance de tous poils. Nicolas Winding Refn a-t-il lu au préalable Poppy Z. Brite, Gabrielle Wittkop et Aurore-Marie de Saint-Aubain, triade incontournable de la décadence littéraire extrême avant de prendre sa caméra ?
Dans un article intitulé "Le cinéma atmosphérique de Nicolas Winding Refn" dernièrement paru en ligne sur le site Causeur.fr, le cinéphile Vincent Roussel a placé un sous-titre judicieusement pensé : "The Neon Demon ou le devenir-poupée des corps". Il affirme qu'Elle Fanning est "filmée comme un modèle désarticulé de Balthus à l'entame du film".
Pour celles et ceux qui ont pu voir The Neon Demon, il s'agit de la séquence d'ouverture où une Elle Fanning vampirisée, sanguinolente, comme égorgée, prend une pose alanguie de moribonde exsangue avachie sur une espèce de sofa, vêtue d'une mini robe bleue tandis qu'on la photographie. Ce genre d'épreuve hallucinante doit lui servir de viatique, de vade-mecum afin que sa beauté impressionnante (et immature) puisse lui permettre d'intégrer le sérail du mannequinat, de la mode avec tous ses excès, ses dérives.
Cette seule séquence suffit bel et bien à qualifier The Neon Demon de Trottin ou Lolita du XXIe siècle. A seulement seize ans (mineure donc), Jesse (et Elle pour de bon au moment du tournage), doit agir dans le mensonge : faire accroire qu'elle a dix-neuf ans, non pas dix-huit (ce serait suspect).
A partir de là, le film devient une métaphore de toutes les déviances via la fascination éprouvée pour la superficialité de la beauté des filles éthérées (et souventes fois anorexiques) de magazines et de podiums, de défilés. La beauté de Jesse suscite la jalousie, l'envie, et la condamne à mort. Pédophilie (y compris féminine sans omettre qu'Elle Fanning affiche un visage innocent, encore enfantin, dans un corps de femme déjà désirable), artificialité, fascination morbide, vampirisme, saphisme, nécrophilie, cannibalisme et éventration suicidaire expiatrice en vue d'en extraire les fressures humaines étrangères : tel est le contenu traumatisant du nouveau Trottin de Nicolas Winding Refn.
Jesse est une victime suprême, d'un sacrifice humain saphique où la consommation de sa chair sert à l'appropriation de sa puissance, de sa vénusté. On supposait que The Neon Demon susciterait polémique et scandale sur la Croisette, ce qui lui donnerait un prix. Le vrai scandale advint : le film revint bredouille de la compétition, ayant sans doute joué le rôle de repoussoir, son échec commercial devenant patent : lorsque je vins le voir au cinéma, nous n'étions que quatre spectateurs en tout, dont une personne qui lâcha prise en cours de route...
Tout autre apparaît Daniel Blake de Ken Loach, victime aussi, mais de l'enclume, détruit par l'ultralibéralisme, Britannique d'en bas écrasé par l'absurdité kafkaïenne du système social toujours plus inégalitaire instauré depuis Thatcher.
Jesse symbolise les dérives du monde sociétal ; Daniel Blake celles du monde anti-social, plus exactement, d'un monde où se détricote par étapes l'Etat Providence de 1945 venu du rapport Beveridge.
Pour rappel, une certaine presse chébran a accueilli avec hostilité la récompense accordée à Ken Loach en une cuvée cannoise déséquilibrée et peu mémorable, il faut en convenir. Alors que, par rapport, la presse conservatrice a su accueillir ce prix, cette palme, en termes mesurés, modérés, presque bienveillants, l'autre presse, bobo chébran, a craché son venin, son ire, contre Moi, Daniel Blake. Diatribe et véhémence... inobjectivité pour notre victime d'un système de santé désorganisé par la pression continuelle du friedmano-hayekisme le poussant au démantèlement par touches. Les Inrockuptibles se sont montrés particulièrement et continuellement odieux, injustes et partiaux, appuyant leur hostilité sur des apriorismes, des présupposés et clichés partisans droitiers anti Ken Loach, dignes des plumes les plus acérées des plus grands thuriféraires, collabos et complices du Mur d'argent, du Comité des Forges et des Deux Cents Familles du temps de Zola, Jaurès, Herriot ou Blum. L'odieuseté de ces articles, au ton parfois d'une violence limite, vaut presque les organes d'extrême droite d'avant-guerre (par exemple Gringoire). Les propos flirtent avec le diffamatoire le plus abject. Lisons plutôt :
Citoyen aux opinions politiques respectables mais médiocre cinéaste, Ken Loach ne se refait pas. "Moi, Daniel Blake n'y changera rien et déroule l'usuel pathos mélenchonien du vieil anglais révolté.
Suit une comparaison avec La Loi du marché de Stéphane Brizé, qui joue en défaveur du long-métrage de Loach. Plus loin, l'auteur, curieusement anonyme (par pusillanimité, par protection de ses arrières ?) qualifie l'opus du cinéaste britannique d'"anti-Dardenne" puis de "tract sentimentaliste" et de "chantage à l'émotion". Le Figaro sut être plus modéré que cette diatribe quasi ordurière.
Ceci pour l'article mis en ligne par les Inrocks le 13 mai dernier. Ils ont récidivé à plusieurs reprises à compter du dévoilement du palmarès cannois le 22 mai, enfonçant le clou jusqu'à plus soif, tel un bourrage de crâne de gnôle de poilu. Chassez le naturel, il revient au galop avait écrit Destouches au XVIIIe siècle. Mieux vaut un conservateur franc, assumé, fidèle depuis toujours à se idées, toutes contestables et critiquables qu'elles soient, que la parole vipérine, dévoyée et fielleuse des vestes retournées, des vendus branchés aux poisons du système dominant et écrasant. Les Inrocks auraient dû titrer franchement : Salauds de pauvres. Cela eût eu le mérite de la clarté !
En octobre prochain, je m'empresserai d'aller voir Moi, Daniel Blake n'en déplaise à ses détracteurs. Comme aurait dit Léon Bloy : j'emm... tous ces salops !
Prochainement : il sera question de quelques expositions négligées, oubliées ou ignorées par nos anti médias, à Ecouen, au Louvre-Lens, ou au Grand Palais, sur Masséot Abaquesne, la Corée ancienne et Charles Le Brun...
Dans un article intitulé "Le cinéma atmosphérique de Nicolas Winding Refn" dernièrement paru en ligne sur le site Causeur.fr, le cinéphile Vincent Roussel a placé un sous-titre judicieusement pensé : "The Neon Demon ou le devenir-poupée des corps". Il affirme qu'Elle Fanning est "filmée comme un modèle désarticulé de Balthus à l'entame du film".
Pour celles et ceux qui ont pu voir The Neon Demon, il s'agit de la séquence d'ouverture où une Elle Fanning vampirisée, sanguinolente, comme égorgée, prend une pose alanguie de moribonde exsangue avachie sur une espèce de sofa, vêtue d'une mini robe bleue tandis qu'on la photographie. Ce genre d'épreuve hallucinante doit lui servir de viatique, de vade-mecum afin que sa beauté impressionnante (et immature) puisse lui permettre d'intégrer le sérail du mannequinat, de la mode avec tous ses excès, ses dérives.
Cette seule séquence suffit bel et bien à qualifier The Neon Demon de Trottin ou Lolita du XXIe siècle. A seulement seize ans (mineure donc), Jesse (et Elle pour de bon au moment du tournage), doit agir dans le mensonge : faire accroire qu'elle a dix-neuf ans, non pas dix-huit (ce serait suspect).
A partir de là, le film devient une métaphore de toutes les déviances via la fascination éprouvée pour la superficialité de la beauté des filles éthérées (et souventes fois anorexiques) de magazines et de podiums, de défilés. La beauté de Jesse suscite la jalousie, l'envie, et la condamne à mort. Pédophilie (y compris féminine sans omettre qu'Elle Fanning affiche un visage innocent, encore enfantin, dans un corps de femme déjà désirable), artificialité, fascination morbide, vampirisme, saphisme, nécrophilie, cannibalisme et éventration suicidaire expiatrice en vue d'en extraire les fressures humaines étrangères : tel est le contenu traumatisant du nouveau Trottin de Nicolas Winding Refn.
Jesse est une victime suprême, d'un sacrifice humain saphique où la consommation de sa chair sert à l'appropriation de sa puissance, de sa vénusté. On supposait que The Neon Demon susciterait polémique et scandale sur la Croisette, ce qui lui donnerait un prix. Le vrai scandale advint : le film revint bredouille de la compétition, ayant sans doute joué le rôle de repoussoir, son échec commercial devenant patent : lorsque je vins le voir au cinéma, nous n'étions que quatre spectateurs en tout, dont une personne qui lâcha prise en cours de route...
Tout autre apparaît Daniel Blake de Ken Loach, victime aussi, mais de l'enclume, détruit par l'ultralibéralisme, Britannique d'en bas écrasé par l'absurdité kafkaïenne du système social toujours plus inégalitaire instauré depuis Thatcher.
Jesse symbolise les dérives du monde sociétal ; Daniel Blake celles du monde anti-social, plus exactement, d'un monde où se détricote par étapes l'Etat Providence de 1945 venu du rapport Beveridge.
Pour rappel, une certaine presse chébran a accueilli avec hostilité la récompense accordée à Ken Loach en une cuvée cannoise déséquilibrée et peu mémorable, il faut en convenir. Alors que, par rapport, la presse conservatrice a su accueillir ce prix, cette palme, en termes mesurés, modérés, presque bienveillants, l'autre presse, bobo chébran, a craché son venin, son ire, contre Moi, Daniel Blake. Diatribe et véhémence... inobjectivité pour notre victime d'un système de santé désorganisé par la pression continuelle du friedmano-hayekisme le poussant au démantèlement par touches. Les Inrockuptibles se sont montrés particulièrement et continuellement odieux, injustes et partiaux, appuyant leur hostilité sur des apriorismes, des présupposés et clichés partisans droitiers anti Ken Loach, dignes des plumes les plus acérées des plus grands thuriféraires, collabos et complices du Mur d'argent, du Comité des Forges et des Deux Cents Familles du temps de Zola, Jaurès, Herriot ou Blum. L'odieuseté de ces articles, au ton parfois d'une violence limite, vaut presque les organes d'extrême droite d'avant-guerre (par exemple Gringoire). Les propos flirtent avec le diffamatoire le plus abject. Lisons plutôt :
Citoyen aux opinions politiques respectables mais médiocre cinéaste, Ken Loach ne se refait pas. "Moi, Daniel Blake n'y changera rien et déroule l'usuel pathos mélenchonien du vieil anglais révolté.
Suit une comparaison avec La Loi du marché de Stéphane Brizé, qui joue en défaveur du long-métrage de Loach. Plus loin, l'auteur, curieusement anonyme (par pusillanimité, par protection de ses arrières ?) qualifie l'opus du cinéaste britannique d'"anti-Dardenne" puis de "tract sentimentaliste" et de "chantage à l'émotion". Le Figaro sut être plus modéré que cette diatribe quasi ordurière.
Ceci pour l'article mis en ligne par les Inrocks le 13 mai dernier. Ils ont récidivé à plusieurs reprises à compter du dévoilement du palmarès cannois le 22 mai, enfonçant le clou jusqu'à plus soif, tel un bourrage de crâne de gnôle de poilu. Chassez le naturel, il revient au galop avait écrit Destouches au XVIIIe siècle. Mieux vaut un conservateur franc, assumé, fidèle depuis toujours à se idées, toutes contestables et critiquables qu'elles soient, que la parole vipérine, dévoyée et fielleuse des vestes retournées, des vendus branchés aux poisons du système dominant et écrasant. Les Inrocks auraient dû titrer franchement : Salauds de pauvres. Cela eût eu le mérite de la clarté !
En octobre prochain, je m'empresserai d'aller voir Moi, Daniel Blake n'en déplaise à ses détracteurs. Comme aurait dit Léon Bloy : j'emm... tous ces salops !
Prochainement : il sera question de quelques expositions négligées, oubliées ou ignorées par nos anti médias, à Ecouen, au Louvre-Lens, ou au Grand Palais, sur Masséot Abaquesne, la Corée ancienne et Charles Le Brun...
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