vendredi 4 novembre 2016

Ces romans Gallimard du premier semestre 2016 boudés par la critique.

L'an du seigneur 660, Romuléon fut couronné roi. Timoléon succéda à Romuléon. Napoléon succéda à Timoléon. Gaston de Saxe succéda à Napoléon. En tout, les règnes de ces quatre monarques n'excéda pas un lustre. (Egbert le boiteux : Annales du royaume de Zenda)

L'an du seigneur 880, Knut à la moustache bleue s'empara du trône. Cet usurpateur ne règna que peu de temps, comme nombre de ses prédécesseurs. (Egbert le boiteux : Annales du royaume de Zenda)

Ils représentent une poignée de romans insuffisamment remarqués, pourtant publiés chacun en la prestigieuse collection blanche de Gallimard, entre janvier et juin 2016. L'absence d'enjeu, de prix littéraire important, justifiait-elle que nos critiques institués ignorassent ces ouvrages ?
Citons pêle-mêle : Tout a une fin, Drieu, de Gérard Guégan,
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 paru le 2 mai 2016, L'Année pensionnaire, d'Isabelle Lortholary,
http://www.babelio.com/users/AVT_Isabelle-Lortholary_4897.jpeg
 paru le 11 mai 2016, Je ne pense plus voyager (récit sur Charles de Foucauld) de François Sureau,
 http://www.babelio.com/users/AVT_Francois-Sureau_2204.pjpeg
 publié le 3 mars 2016, Otage de marque, d'Antoine Billot,
 http://www.babelio.com/users/AVT_Antoine-Billot_4623.jpeg
 publié le 11 février 2016 et L'Odyssée de Rosario de Pierre-Yves Leprince,
 http://www.babelio.com/users/AVT_Pierre-Yves-Leprince_6443.jpeg
 paru le 2 juin 2016.
Quel sort partagent ces titres ? Qu'ont-ils en commun ? Je répondrais qu'en dehors d'Internet et de quelques revues ciblées ou douteuses (plus ou moins ambiguës voire "fascisantes" pour certaines, écrirais-je) ils n'ont eu aucun écho critique ou à peu près...  Par exemple, Jérôme Garcin, fut, en son blog de bibliobs, un des rares critiques exempt de reproche politique et n'officiant pas sur des sites plus ou moins "pourris" ou des revues infâmes à avoir eu le courage de critiquer le roman de Gérard Guégan, qui parlait d'un épisode imaginaire de la fin de vie (juste avant son suicide) de l'écrivain collaborationniste et patron de la NRF Pierre Drieu La Rochelle.
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 Bien d'autres livres (lorsqu'on en a causé) se sont retrouvés condamnés à un catalogage critique dans des médias abjects, tout cela parce que ceux que je nomme la bande des quatre (Le Monde des livres, Télérama, Lire et Le Magazine littéraire) s'en sont moqués comme d'une guigne...
Sans parler du récit de François Sureau, qui a presque été réduit à la presse catholique convaincue d'avance,
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force est de constater un certain principe de répétition dans la négligence entourant un bon quart de la production romanesque française ou francophone de notre plus grand éditeur français en sa blanche collection... Répétition, parce qu'il est indéniable qu'aucun des livres traités en cet article ne couvrait et n'abordait de thèmes archi contemporains et présentistes abusifs. Ils rejoignent la cohorte de tous ces romans historicistes de Gallimard condamnés au non-prix littéraire, ainsi que nous l'avons vu pour Règne animal de Jean-Baptiste del Amo sur lequel pesait la tare de ne pas se dérouler au XXIe siècle...
Gérard Guégan nous parle de collaboration et résistance, Antoine Billot de la captivité de Léon Blum
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 à Buchenwald et de sa rencontre avec Jeanne, veuve d'Henri Reichenbach, qu'il épouse en troisièmes noces. Durant sa captivité, il écrit son ouvrage fondamental : A l'échelle humaine, titre repris en hommage lors d'un téléfilm sciemment ignoré et occulté, perdu sans doute, qui fut diffusé sous les railleries thatchériennes ignobles du premier gouvernement de cohabitation, sur TFI, chaîne déjà en perdition publique et culturelle, à l'occasion des célébrations du cinquantenaire du Front populaire, le tout pour une audience infime et honteuse...  Le grand  comédien Alain Mottet
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 y interprétait Léon Blum. Pierre Bourgeade et Jacques Rutman étaient les rélisateurs de cette oeuvre, rendue à jamais invisible et ce, intentionnellement...
Pierre-Yves Leprince, fringant septuagénaire, nous a accoutumés à la rétromanie avec ses deux volumes précédents consacrés aux délicieuses enquêtes imaginaires de Marcel Proust. Avec Rosario, paysan de Sicile, personnage extraordinaire, hors du commun, il nous conte une vie d'aventures, une odyssée sur fond d'histoire du XXe siècle. Quant à Isabelle Lortholary, elle nous plonge dans un passé si loin, si proche : les années 1970, dans un pensionnat de jeunes filles comme il pouvait en exister encore après mai-68. L'aspect rétro savoureux  du livre, digne du Diabolo menthe de Diane Kurys, et son saphisme feutré ont dû indisposer les juges littéraires accoutumés à la crudité crasse et trash...
Si le faible impact médiatique des ouvrages d'Antoine Billot et de Gérard Guégan, au vu de la période qu'ils abordent, me paraît impardonnable, inexcusable et incompréhensible, on pouvait par contre s'attendre avec logique au silence entourant le récit que François Sureau consacra à celui que d'aucuns considèrent encore de nos jours, ô image réductrice, comme une figure du colonialisme raciste à oublier d'urgence. C'est assimiler Charles de Foucauld aux seuls crimes de la colonisation, qu'il ne commit pas. Nous sommes loin de la vision chrétienne humaniste que Jijé développa dans sa biographie dessinée de Charles de Foucauld parue en 1959 dans Spirou. Un précédent a existé en 2011 : le beau livre de Kebir-Mustapha Ammi,
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 Mardochée, dont l'accueil fut si froid, si inexistant, que Le Monde des livres ne lui consacra qu'un minuscule entrefilet. Nous vivions alors à l'ère de la pie grise élyséenne, fort célèbre pour haïr la grande littérature...Mardochée était le guide de Charles de Foucauld lorsqu'il explora le Maroc pour le compte du gouvernement français. Ce roman ne paraîtra jamais en poche, comme ceux de Jean-Pierre Ohl
http://www.babelio.com/users/AVT_Jean-Pierre-Ohl_1058.jpeg
 ou Maja Brick. A cause d'un insuccès mercantile soigneusement cultivé. Il est heureux de constater qu'un écrivain d'origine marocaine, au nom musulman, se consacre à l'histoire romancée d'un guide juif, lorsqu'on sait, ainsi que je l'appris par Jijé, les vexations que subissait la minorité israélite à l'époque des sultans chérifiens d'avant le protectorat de Lyautey.
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A une époque où recule l'intérêt pour l'histoire antérieure, pour la culture antérieure (y compris populaire comme l'a révélé emblématiquement le peu de traitement médiatique consacré par une certaine presse "élitiste" à la disparition du trompettiste de variétés Georges Jouvin, représentant d'une certaine culture de masse justement antérieure au déferlement de la pop anglo-saxonne), je vous invite à lire l'interview que le magazine Marianne a consacré à Régis Debray
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 en son numéro 1021-1022. Ce dernier révèle que, pour l'actuel président de la République, l'Histoire débute...en 1914. C'est pire chez d'autres énarques et bobos nous gouvernant : ils font démarrer l'Histoire en 1958 ou en mai 68. Pour les bobos, rien de ce qui précéda le pop art, Woodstock, les Beatles, Bob Dylan, Jimi Hendricks, Andy Warhol, les Stones et Mary Quant (qui inventa la minijupe) n'a d'importance... Le passé antérieur n'existe pas. Alors, pour eux, pas question de remonter de 13 milliards 732 millions d'années et de rechercher ce qu'il y avait avant le big bang ! Je laisse cette spéculation au grand physicien Etienne Klein !

Prochainement :  reprise de la série consacrée aux écrivains dont la France ne veut plus. Le quinzième auteur traité sera Charles Vildrac.

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jeudi 20 octobre 2016

Centenaire de Léo Ferré : un oubli mémoriel impardonnable.



Paname
On t'a chanté sur tous les tons
Y'a plein d' parol's dans tes chansons
Qui parl'nt de qui de quoi d' quoi donc
Paname
Moi c'est tes yeux moi c'est ta peau
Que je veux baiser comme il faut
Comm' sav'nt baiser les gigolos
Paname
Rang' tes marlous rang' tes bistrots,
Rang' tes pépées rang' tes ballots,
Rang' tes poulets rang' tes autos
Paname
Et viens m'aimer comme autrefois,
La nuit surtout quand toi et moi
On marchait vers on n' savait quoi
Paname
Y a des noms d'rues que l'on oublie
C'est dans ces rues qu'après minuit
Tu m'faisais voir ton p'tit Paris
Paname
Quand tu chialais dans tes klaxons
Perdue là-bas parmi les homm's
Tu v'nais vers moi comme un' vraie môm'
Paname
Ce soir j'ai envie de danser
De danser avec tes pavés
Que l'monde regarde avec ses pieds
Paname
T'es bell' tu sais sous tes lampions
Des fois quand tu pars en saison
Dans les bras d'un accordéon
Paname
Quand tu t'habill's avec du bleu
Ça fais sortir les amoureux
Qui dis'nt "à Paris tous les deux"
Paname
Quand tu t'habill's avec du gris
Les couturiers n'ont qu'un souci
C'est d'fout' en gris tout's les souris
Paname
Quand tu t'ennuies tu fais les quais
Tu fais la Seine et les noyés
Ça fait prend' l'air et ça distrait
Paname
C'est fou c'que tu peux fair' causer
Mais les gens sav'nt pas qui tu es
Ils viv'nt chez toi mais t'voient jamais
Paname
L'soleil a mis son pyjama
Toi tu t'allum's et dans tes bas
Y a m'sieur Haussmann qui t'fait du plat
Paname
Monte avec moi combien veux-tu
Y a deux mille ans qu't'es dans la rue
Des fois que j'te r'fasse un' vertu
Paname
Si tu souriais j'aurais ton charme
Si tu pleurais j'aurais tes larmes
Si on t'frappait j'prendrais les armes
Paname
Tu n'es pas pour moi qu'un frisson
Qu'une idée qu'un' fille à chansons
Et c'est pour ça que j'crie ton nom
Paname, Paname, Paname, Paname...
( Léo Ferré : Paname)



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Merdre !  (Alfred Jarry : Ubu roi)

Coblentz, Waterloo, 1815 : ministère Polignac (1829). Bobos, LGBT, végans, réfugiés, art contemporain : Arte (2016) ( le cyber-journaliste inconnu spécialisé dans les formules choc).

Je me souviendrai longtemps du 24 août 2016, non point parce que cette journée fut des plus remarquable, mais, du fait que, si l'on se place dans une perspective commémorative et mémorielle, rien ne s'y passa... Certes, avec les précédents Henry James, Cervantès ou Charlotte Brontë, nous fûmes accoutumés à l'absence de toute célébration patrimoniale audiovisuelle des personnalités remarquables, nées ou mortes une année en 16...
Cependant, avec le cas emblématique de Léo Ferré, force est de constater, et de clamer haut et fort, que l'a-culture de nos a-médias télévisés fut telle la goutte débordant du vase...
Nul ne se soucia que, le 24 août 2016 correspondait au centenaire de la naissance de Léo Ferré, et surtout pas France Télévisions qui bannit d'avance toute émission à lui consacrée.
En 2016, Léo Ferré dérange encore ! P...ain de poète bateleur et goualeur ! Tu avais du génie ! Anar tu fus, au grand déplaisir de la biepensance bienséante et mal pensante ! Ces salops de "gens de bien" ont voulu t'ensevelir, Léo, sous des kilomètres de terre oublieuse. Manque de pot pour les cuistres, ton cadavre rompt sa bière, la fait éclater, s'en libère ! Il bouge encore, remue, s'agite, gesticule en une pandiculation vengeresse. Il emm... tous ceux qui se refusent à célébrer ton génie.
Pourquoi donc France Télévisions nie-t-elle donc la culture au point de faire comme si tu étais dépassé, de faire sur toi l'impasse,  alors que ton oeuvre résonne encore dans l'actualité ? Ces chaînes de pseudo-service public ont succombé depuis longtemps aux sirènes ultralibérales et archi commerciales... Ni Dieu ni maître, Léo ! Et surtout pas Hayek, Plutus et le veau d'or !
Dès La Chanson du scaphandrier, que tu enregistras pour la première fois en 1950, bien que tu l'eusses composée dès 1944 sur un texte de René Baer, ce fut un coup de maître. Ta culture musicale s'avéra fort savante, bien que tu fusses autodidacte.
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La Chanson du scaphandrier, par son style mémorable, s'inscrivait dans une certaine tradition de la mélodie française impressionniste, quoiqu'on pût y déceler, capter, un humour grinçant, une ironie mordante n'appartenant qu'à toi, ô Léo ! Nous étions loin, d'une part, de la médiocrité sidérante des chansons de caf'conc' lamentables de la fausse Belle Epoque 1900 et, d'autre part, de l'expression maniérée d'un Gérard Souzay
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 sur lequel Roland Barthes,
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 en ses Mythologies, n'avait cessé lui aussi de gloser, d'ironiser, désacralisant une certaine tradition du chant français fauréen, mais aussi du Lied allemand, autrichien, schubertien et autres schumanneries richardstraussiennes ou wolfiques... Certes, nous étions lors loin de la coupe aux lèvres, de Gustav Mahler non encore à la mode chez nous, mais tu allais enchaîner d'autres impérissables chefs-d'oeuvre, entrant vivant dans la légende de la grande chanson à texte... Tu aurais davantage mérité le prix Nobel de littérature qu'un Bob Dylan surfait, depuis longtemps normalisé par un système que toujours tu refusas, ne le cautionnant pas, demeurant probe, intransigeant, durant toute ta carrière formidable... Et le péquenot déculturé par le chant anglo-saxon d'oublier que les vieilles croûtes plus ou moins barbichues peuplant quasi exclusivement les fauteuils de l'Académie française avaient tôt fait preuve de hardiesse, d'audace littéraire, lorsqu'elles avaient récompensé dès 1967 Georges Brassens,
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 ton compatriote es-grande chanson, du grand prix de poésie, juste après Pierre Jean Jouve... Cela, nul en l'a-télévision n'en a parlé, n'a évoqué ce précédent, même pas les infos d'Arte à la mémoire fort courte.
Paname fut ton emblème revendicatif. Toujours plus chevelu - le père Guy Gilbert est-il donc ton clone ? - tu t'y exprimas, exclamas, proclamant ta gouaille et ta libido, ton amour de Paname, bafoué par les attentats que l'on sait. Ce fut pourquoi j'écoutai frénétiquement cette chanson génialissime sur You Tube après l'horreur dantesque du Bataclan et autres lieux représentatifs du vivre ensemble républicain. Paname devint mon deuil festif. Paname ou la Ville Lumière personnifiée, vivante, parisienne éternelle aux moeurs légères roboratives... Paris est une fête.
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De même, en refusant toute commémoration autour de ta personne et de ton Art, France Télévisions t'assimila honteusement à une vieille poussière ringarde, à un croûton moisi démodé... Preuve était faite de la mort de la vraie Culture, qu'on m'avait enseignée de la maternelle à la fac, de Decaux à la Arte d'avant. Comment ! Léo Férré comparé à une antiquité par des pignoufs gonflés de flatulences crétinisantes et branchues pseudo-contemporaines ! Pouah ! Jamais de la vie ! No pasaran ! 
Il existe une photo mythique, quoique controversée, où tu figures, Léo, avec les autres représentants de la crème de la chanson française : Brel et Brassens. Un mien voisin possède une copie de cette photo célèbre, encadrée avec soin. On me dira, m'objectera : quid de Montand, de Barbara, d'Aznavour, de Trénet ?
Mais revenons à tes chansons phares : par exemple Les Anarchiste, publiée en 1969.

Y'en a pas un sur cent et pourtant ils existent
La plupart Espagnols allez savoir pourquoi
Faut croire qu'en Espagne on ne les comprend pas
Les anarchistes


Tout comme Brassens, tu eus des ennuis avec la censure. Tu détestais la France gaulliste d'avant mai-68, et tu la critiquais âprement. Tu fus souvent persona non grata sur les ondes nationales officielles et publiques tant tu sentais le soufre. Le poète chanteur était-il hors la loi ? On peut le penser : la preuve étant dans le non empressement de France Télévisions de célébrer ton centenaire... On te détesta en haut lieu, au point que tu exprimas ta rage vindicative en écrivant et interprétant ce nouveau chef-d'oeuvre : Poète ... vos papiers ! D'abord poème en 1956, puis chanson militante en 1970. Comment ! Mettre un poète en taule pour délit d'opinion ! Impensable en démocratie ! Pourtant, malgré le danger d'Anastasie... tu persévéras contre vents et marées, bravant les cuistres, les esprits étroits et rances, l'ultra conservatisme abject.

Bipède voluptueux de lyre
Epoux châtré de Polymnie
Vérolé de lune à confire
Grand-Duc bouillon des librairies
Maroufle à pendre à l'hexamètre
Voyou décliné chez les Grecs
Albatros à chaîne et à guêtres
Cygale qui claque du bec

 Poète, vos papiers !
Poète, vos papiers !

J'ai bu du Waterman et j'ai bouffé Littré (...) 

Voilà un florilège qui réjouira le capitaine Haddock lui-même.
Comme en une ultime provoc, tu eus le toupet de quitter notre monde pour le paradis des génies créateurs un 14 juillet ! Ultime pied de nez à une Histoire qui parfois te déteste à tort. Mais tu demeureras toujours, Léo ! Qu'on se le dise ! Quand parlera-t-on autant de toi que de Brel, Brassens et Barbara ?
Au revoir, Léo !
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Prochainement : les romans parus chez Gallimard au 1er semestre 2016 que la critique a boudés.

vendredi 7 octobre 2016

Ces écrivains dont la France ne veut plus 14 : Frédéric Mistral.

Grand soulèu de la Prouvènço
Gai coumpaire dou mistrau,
Tu qu'escoules la Durènço
Coume un flot de vin de Crau,

Fai lusi toun blound calèu!
Coucho l'oumbro emai li flèu!
    Lèu! lèu! lèu!
Fai te vèire, bèu soulèu!

 (Frédéric Mistral : Lou cant dou soulèu  extrait du début 1861)

Frédéric Mistral (1830-1914),
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 représente, avant Gao Xingjiang,
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 le seul des 15 prix Nobel de littérature français dont l'oeuvre écrite le fut dans une autre langue bien que la partie dramaturgique des textes de Gao Xingjiang utilise le français. Je puis déplorer en ce blog l'absence de nobélisation d'auteurs nationaux s'exprimant en breton, alsacien, corse, occitan et surtout créole. A quand un prix Nobel de littérature antillais ou réunionnais ? Pour beaucoup de gens, Frédéric Mistral (ô, image réductrice, ô poncif !), c'est une barbiche, une lavallière et un chapeau.
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La preuve du rejet implicite contemporain de Frédéric Mistral réside en de bien discrètes célébrations du centenaire de sa mort, en l'an 2014. Sans doute les raisons en sont-elles, une fois de plus, une fois de trop, éminemment politiques, cette négligence étant mâtinée de médiocrité culturelle, de désintérêt croissant pour tout ce qui n'est pas assez récent et branché. Fait déterminant  : l'une des rares expositions (assez sommaire) consacrées voici deux ans à Mistral se tint en une cité méridionale "princière" fort connue pour ses attachements ligueurs et la persistance de ses édiles depuis 1995. Autre fait trahissant que Mistral est quasiment persona non grata : la rénovation du Museon arlaten,
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/e/eb/PB110011_Arles_Museon_Arlaten_reductwk.JPG/280px-PB110011_Arles_Museon_Arlaten_reductwk.JPG
 fondé par le poète félibre provençal, qui traîne en longueur (il aurait dû ouvrir l'an prochain, mais les travaux...viennent à peine d'être autorisés !). Tout cela s'inscrit dans le contexte que l'on sait, lamentable, en corrélation avec l'affaire des ATP du Mucem au fort Saint-Jean, pièces essentiellement d'histoire des mentalités qui sans doute ne seront jamais exposées (seul le président de la République vit ces collections lorsqu'il inaugura le musée en juin 2013, avant qu'elles ne fussent fermées au public et retirées pour cause d'infiltrations d'eau dans les salles prévues pour leur mise en valeur). 

Bref, ni les ATP, ni l'Occitanie, n'ont bonne presse chez les pouvoirs publics encore assez jacobins et frileux et Frédéric Mistral apparaît comme une victime par ricochet, rejoignant le champ de ruines de l'obsolescence du défunt musée de Georges Henri Rivière dont la carcasse pourrit au Bois de Boulogne depuis douze ans. Il est une pensée sous-jacente lourde de sens, exprimée par la réduction de Mistral en 2014 à l'expo de la ville que je nommerai symboliquement Arausiostadt. Nous nous trouvons confrontés à un procès d'intention implicite : Mistral, la langue provençale, les ATP du Midi et d'ailleurs, c'est völkisch, c'est blubo... c'est crypto-pétainiste, néo nazi et proche de la sensibilité des sectateurs bleu Marine. Mistral, écrivain surfait, monarchiste et pré-fasciste ! Souvenez-vous, lectrices et lecteurs, comme preuve supplémentaire de de refus de Mistral, du scandale médiatique et culturel suscité par la bien-pensance bobo chébran, au sujet de la mise en scène dite et réputée "d'arrière-garde", de l'opéra de Gounod Mireille par Nicolas Joël lors de sa reprise à l'Opéra de Paris en 2009 ! C'était comme affirmer parmi les néo réacs que j'exècre que William Bouguereau fut un grand peintre moderne ! Il s'agissait-là d'un crime culturel de lèse-modernité, mon bon monsieur et ma bonne dame !
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Quid dans tout cela de Frédéric Mistral, de l'homme et de l'oeuvre ? Pourquoi le félibrige manqua-t-il singulièrement de ferveur républicaine ?  Savez-vous qu'il exista une municipalité communiste provençale qui, en l'école primaire, dans les années 1970, ne dénigrait pas et ne refusait pas le legs culturel mistralien ? Désormais, au XXIe siècle, en dehors de petits cercles ultraconservateurs et de "sachants" de la langue provençale, qui lit encore Mistral dans le texte comme dans sa traduction d'oïl ? L'acte de naissance de lou Felibrige (selon la graphie mistralienne depuis remise en cause) se situe à Châteauneuf-de-Gadagne, au château de Font-Ségugne, le 21 mai 1854, jour de la sainte Estelle. Le mouvement se compose alors de sept poètes provençaux : Frédéric Mistral, Joseph Roumanille,
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Théodore Aubanel, Jean Brunet, Paul Giéra, Anselme Mathieu et Alphonse Tavan. Frédéric Mistral publia Mirèio en 1859. Lamartine s'enthousiasma pour cet ouvrage que Mistral lui dédia. La poésie provençale avait trouvé son maître et son promoteur.
Le Félibrige oeuvra à la résurrection et à la connaissance de la langue provençale, avant d'élargir son action à l'ensemble des langues d'oc. Or, d'emblée, au XIXe siècle, le régionalisme provençal et occitan s'avère fort ambigu : en pleine époque césarienne, de Napoléon III, puis sous la IIIe République, il apparaît comme un mouvement politico-culturel conservateur, pro-catholique, anti jacobin, favorable au renforcement des régions contre Paris. Le monarchisme légitimiste s'en mêle, puisque Léon Daudet et Charles Maurras, fondateurs de l'Action française, se sont réclamés de l'héritage de Frédéric Mistral. Il est triste de noter qu'historiquement, ces modèles d'engeance politique furent pro Félibrige ! L'Occitanie était-elle soluble dans le nationalisme intégral raciste et antisémite, antidreyfusard, qui se compromit en collaborant avec l'Allemagne nazie, ce qui n'est guère paradoxal si l'on apprend à écouter les vidéos des conférences du grand historien Henri Guillemin. Hélas, l'un des rares timbres édités sur Mistral, comme preuve supplémentaire, date de Vichy (1941).
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Il est cependant fort dommage de réduire l'oeuvre de Frédéric Mistral à la seule pensée d'extrême droite, justifiant ainsi son bannissement mémoriel, fort dommageable pour notre culture générale puisque pour rappel, je vécus la fin de mon enfance en une municipalité d'obédience communiste qui ne rejeta aucunement Mistral... Après tout, le Nobel de Mistral, en 1904, fut partagé avec un auteur oublié d'outre-Pyrénées : José de Echegaray (1832-1916), mathématicien et dramaturge espagnol dont le nom sonne basque !
N'oublions pas, chose logique et indispensable dans la philologie et la lexicographie provençale, la rédaction du  Tresor dou Felibrige débutée en 1878 avec François Vidal, qui assura la correction des épreuves. L'ouvrage terminé sortit en août 1886.
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Pour les personnes s'intéressant vraiment (il doit bien en exister) à une autre forme de poésie du XIXe siècle, différente de tout ce que le lectorat cultivé courant a l'habitude de fréquenter et déguster (Hugo, Rimbaud, Baudelaire, Verlaine etc.) je ne saurais trop conseiller Le Poème du Rhône en XII chants, proposé en édition bilingue provençal-français chez Actes Sud, parution toute récente puisque remontant à mai 2016.  Mistral nous narre un long voyage fluvial, de Lyon à la Provence, en compagnie d'une flottille de sept barques de commerce attachées ensemble, chargées d'une cargaison hétéroclite : aussi bien des fusils, que du charbon et des sacs de violettes, mais il y a aussi des passagers... Ce chef-d'oeuvre lyrique absolu commence ainsi :

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
  
Van parti de Lioun à la primo aubo 
Li veiturin que règnon sus lou Rose. 
Es uno raço d'orne caloussudo, 
Galoio e bravo, li Coundriêulen. Sèmpre 
Planta sus li radèu e li sapino, 
Uuscle dóu jour e lou rebat de l'aigo 
lé dauron lou carage coume un brounze. 
Mai d'aquéu tèms encaro mai, vous dise, 



 
Prochainement, j'aborderai la question du centenaire de Léo Ferré, 
ignoré par l'a-télévision, singulièrement le 
     pseudo-service public. 
 
 https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/8/87/Radio_Libertaire_10_ans_L%C3%A9o_Ferr%C3%A9_3.jpg/220px-Radio_Libertaire_10_ans_L%C3%A9o_Ferr%C3%A9_3.jpg

samedi 24 septembre 2016

Jean-Christophe Yoccoz ou l'exception qui confirme la règle.



Le modèle alternatif alter mondialiste a été refusé par tous les dirigeants de tous les États pour le plus grand profit éphémère de quelques uns. La horde de Velociraptors libres put chasser à satiété et choisir ses proies à loisir dans le troupeau d’Iguanodons libres ! Les Velociraptors, ce sont les spéculateurs, les dirigeants des multinationales, les détenteurs de stocks options, les manageurs et traders de la haute finance, les Iguanodons, les employés lambda, les ouvriers des pays dits riches mais aussi la main-d’œuvre des pays pauvres. Telle était la situation en l’an 2000 ! Et elle empira encore ! Un Jurassic Park à l’échelle d’abord des États, puis des régions du monde, et, enfin, de la planète !

A la fin du XX e siècle, après la chute du modèle soviétique, intervenu en 1991, les EU, seule hyper puissance survivante, étaient devenus… comment dirais-je? Un État totalitaire qui refusait cette étiquette, une URSS mondialisée et privatisée imposant sa pensée unique, son ultralibéralisme au reste du monde!. Partout, les États-Unis traquaient et éliminaient impitoyablement tous les dissidents et les déviants de l’ordre pan capitaliste rêvé par Thaddeus Von Kalmann et Jonathan Samuel, ces économistes maudits qui, par leurs écrits, réussirent ainsi à mettre en péril tout le vivant de la Terre ! (André Fermat in Mexafrica 2e partie : Chercheurs d'or 1936)

Les Français ont le coeur à gauche mais le portefeuille à droite. (Edouard Herriot)
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J'avois l'intime conviction que la gazette "Le Monde" ne consacreroit nul texte à la disparition du comédien Jean Franval, comme il l'avoit jà fait pour d'innombrables personnes qui avoient embrassé la même profession. (Mémoires du Nouveau Cyber Saint-Simon)

Imaginez un hypothétique bureau ou service des nécrologies du journal Le Monde dont le préposé serait le schtroumpf grognon en personne. Non pas que je veuille me moquer de l'oeuvre de Peyo
 https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/d/d8/Peyo_(1990)_by_Erling_Mandelmann.jpg
 et de ses successeurs, mais le schtroumpf grognon représente le symbole du râleur type. Ce personnage de bédé, officiant donc dans ce célèbre quotidien autrefois d'excellente qualité, ne cesserait de marmotter : "Moi, j'aime pas les acteurs de télé des années 60 à 80 ; moi, j'aime pas les prix Nobel scientifiques quand ils sont pas français ; moi, j'aime pas les membres de l'Institut... "etc. Ce petit lutin bleu bougon est certes une caricature, un personnage emblématique imaginaire, mais son côté 'Dupont le rabat-joie" contient une certaine réalité. Arrêtons-nous sur le troisième élément de la citation inventée : "Moi, j'aime pas les membres de l'Institut." Or, force est de constater une évidence : depuis pas mal d'années, Le Monde tend lourdement à ne consacrer que de bien rares articles nécrologiques aux membres des quatre autres académies que la française, constituant à cinq le fameux Institut de France créé en 1795. Pour rappel, ces quatre académies s'appellent : académie des sciences, académie des beaux-arts, académie des inscriptions et belles lettres, académie des sciences morales et politiques. 
Sans remonter au décès du peintre sino-français Chuh Teh-Chun le 26 mars 2014,
 https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/0/0f/Chutehchun.png/260px-Chutehchun.png
 auquel j'avais consacré en ce même blog un article se scandalisant de l'ignorance médiatique entretenue sur sa disparition, concentrons-nous sur les membres de l'Institut nous ayant quitté ces 9 premiers mois de l'année 2016. Sauf exception (je vais y revenir), Le Monde ne leur a pas consacré la moindre ligne, que ce soit sur le Web ou dans son édition papier traditionnelle. Le fait, avec l'exception soulignée ici, que, pour avoir droit à la version imprimée de la nécrologie du grand mathématicien Jean-Christophe Yoccoz dans le même quotidien, il nous a fallu patienter une douzaine de jours, est significatif et révélateur en soi. S'agit-il de mépris, ou de bêtise, comme aimait à le souligner le regretté Albert Barillé dans son fameux dessin animé Il était une fois l'Homme. En 2009, Le Monde sauta d'ailleurs la mort d'Albert Barillé...
Je me limiterai donc aux disparus de 2016 des quatre académies précitées, sachant que les deux morts notables d'immortels (quelle aporie pléonasmique !), Alain Decaux, et Philippe Beaussant,
 http://www.babelio.com/users/AVT_Philippe-Beaussant_1385.jpeg
 on eu droit à un bon traitement de la part de ce quotidien de plus en plus déliquescent. La manière dont tel ou tel mass media d'information traite les morts me sert de baromètre pour déterminer son niveau de décadence. Ainsi en fut-il de la télévision à compter de l'instauration du tristement célèbre PAF en 1986. On assista alors à un véritable effondrement du traitement informationnel des morts. Ainsi disparurent par exemple ce qu'il convenait de nommer les "brèves nécrologiques", annonces courtes de disparus qui se limitaient à la photo de l'intéressé accompagnée du texte oral prononcé par le ou la journaliste, toujours le même : untel ou unetelle est mort(e). Il ou elle était âgé(e) de x années... Sachant conséquemment que les infos télévisées ne sont plus du tout conçues pour annoncer d'autres décès que les seuls gros calibres, je préfère les ignorer. Cela ne fait plus du tout partie de leur ligne éditoriale, de leur comportement, de leur habitude, de leur assuétude à l'exhaustivité (trop de tris sont effectués dans l'info pour qu'elle demeure crédible), de ce à quoi la pratique de l'info de la messe de vingt heures m'avait accoutumé avant 1986... Il y eut pourtant des précédents, qu'écris-je, des "violations" de la règle des brèves antérieurement à 1986. La mort du comédien François Simon, fils de Michel, le 5 octobre 1982, fut restreinte au seul fait, sans la photo d'usage... 
 https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/f5/Francois_Simon_cropped.jpg
Choqué par cela, j'inventai alors une expression qui fit florès : "rat crevé", avec son corollaire verbal "ratcrevétiser" puis, afin que la famille fût complète, le nom "générique" "ratcrevétisation". Ainsi ai-je toujours aimé inventer néologismes et barbarismes de toutes sortes pour emm... le français officiel par trop anglicisé et appauvri. J'approuve en cela des types comme Richard Millet (bien que ses idées puent la charogne avancée) ou Angelo Rinaldi, défenseurs d'une certaine langue hexagonale châtiée... Nous vivons une époque où même Pagnol devient illisible pour les adolescents, réduits à un français limbique, usuel, reflexologique, scatologique, métissé de tout et n'importe quoi à force de mal manier et assimiler le langage des banlieues qui ne vaut pas la langue verte des pègres des XIXe et XXe siècles...
Revenons-en enfin à Jean Christophe Yoccoz
 https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/a/a1/Jean-Christophe_Yoccoz.jpg/220px-Jean-Christophe_Yoccoz.jpg
 et ses confrères "institués" ignorés, oubliés, omis, honnis (?) par Le Monde. Souvenez-vous : c'était en 1994, époque où la télé balladurienne, en plein appauvrissement conséquent, aggravait encore le cas des messes de vingt heures en gommant presque entièrement l'actualité internationale réduite à des brèves, à des riens, à un sujet unique et négligeable, anecdotique, au profit de marronniers polichinélesques et lapalissadistes (des évidences vides et creuses) toujours plus polluants et pullulants, cela en plein génocide rwandais atroce... Ce que je nomme le proximitisme informationnel aggravé se doubla d'une autre négligence au sujet des nouvelles scientifiques, notamment en ce qui concernait les médailles Fields et prix Nobel. L'année 1994 s'illustra par un creux de la vague, par un fond abyssal touché en pleine fosse des Mariannes de l'actualité : seules furent alors annoncées les attributions du Nobel de médecine, de celui de littérature et enfin de la paix ! John Nash, prix "Nobel" d'économie, fut parmi les "sautés".
Or, cette année-là, deux grands mathématiciens français eurent l'honneur d'une récompense suprême, qui, on le sait, compense le refus d'Alfred Nobel d'instituer un Nobel de mathématiques : Jean-Christophe Yoccoz et son confrère Pierre-Louis Lions
 https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/9/9a/Pierre-Louis_Lions_par_Philippe_Binant.jpg/220px-Pierre-Louis_Lions_par_Philippe_Binant.jpg
 reçurent conjointement la médaille Fields. Le premier consacra ses travaux de recherche aux systèmes dynamiques, le second aux équations différentielles. N'étant pas mathématicien de formation (j'eusse pu le prétendre vue ma moyenne en maths en fin de collège mais je refusai cette destinée malgré les injonctions de mon professeur, récemment disparu), je n'entrerai pas dans les détails afin de ne pas écrire d'énormités. Bien que Le Monde eût consacré une page entière aux deux illustres primés (il me tint ainsi au courant de ce remarquable événement intellectuel), les journaux télévisés n'en pipèrent mot ! Circulez, il n'y a rien à voir, à entendre, à comprendre ! Heureusement, les attributions des médailles Fields sont mieux traitées de nos jours par l'étrange lucarne... Mais l'Ina n'a conservé aucune vidéo des deux impétrants de l'an 94.
Me souvenant encore de cette page remarquable du  Monde immédiatement antérieure aux prodromes de la décadence de ce quotidien pour cause d'inféodation croissante au système ultralibéral friedmano-hayékien, vous comprenez, chers et trop rares lecteurs et lectrices d'icelui blog, les raisons de ma saine colère. Comment ! Non content d'escamoter presque l'intégralité des annonces nécrologiques des membres de l'Institut, Le Monde met douze jours pour se décider à caser son article sur Jean-Christophe Yoccoz dans sa version papier, alors qu'il ne mit que 24 heures pour réagir à la disparition de Carlo Azeglio Ciampi, d'autant plus que les communiqués en hommage au savant disparu s'étaient multipliés, jusque sur le site même de la présidence de la République ! C'est dire que Jean-Christophe Yoccoz était un grand scientifique, un homme qui comptait pour le prestige international de la France !  Là réside  le scandale fondamental.
Quid des autres membres de l'Institut oubliés par ce presque a-journal ? Citons au hasard le compositeur Jean Prodromidès, auteur des musiques des Perses et de Danton (Académie des Beaux-Arts : son confrère Charles Chaynes
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 eut quant à lui droit à l'article en ligne), le graveur René Quillivic (Académie des Beaux-Arts),  Pierre Karli, Henri Cabannes et Jean Normant, tous trois membres de l'Académie des sciences, Jean Mesnard (Académie des sciences morales et politiques) ou encore l'associé étranger de l'Académie des Beaux-Arts Philippe Roberts-Jones, historien de l'art d'origine belge...
Est-ce une coïncidence ? Les délais les plus longs entre le décès et la publication de la "nécro" papier du Monde ont été les plus longuets presque chaque fois pour des membres de L'Institut : souvenez-vous de l'été 2015 et des attentes indécentes au sujet des morts de Bernard d'Espagnat et de Gilbert Dagron.
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Y-a-t-il procès d'intention ou haine sous-jacente, sous-entendus hostiles ? Que représente l'Institut pour Le Monde au XXIe siècle ? Quelque chose de poussiéreux, de ringard, de non branché, d'ultra conservateur voir de réac ?  Une institution exhalant encore les remugles anti-modernes de l'exclusion des avant-gardes picturales, plastiques et autres des XIXe et XXe siècles ? Un parangon des compromissions, de la collaboration avec l'Allemagne nazie  puisque, entre autre exemple, nombreux furent les membres de l'Académie des Beaux-Arts ayant éprouvé des sympathies pour l'occupant ? Une citadelle attardée, arriérée, antimondialiste, du gaullisme et du souverainisme le plus rassis ?  Un peu de tout cela ? Voilà peut-être ce que sous-tend le mauvais traitement infligé presque en permanence aux disparus de l'Institut par la rédaction du Monde. On pourrait en dire autant de la constance des ignorances des décès des acteurs de télé, y compris allemands (Götz George, annoncé par Arte, n'a pas eu droit à un seul mot dans Le Monde).

Il sera temps la prochaine fois de passer à autre chose : cette "autre chose" se penchera enfin sur Frédéric Mistral (et accessoirement sur la rénovation de son musée arlésien qui traîne en longueur, ce qui est révélateur du mépris des ATP en France puisque ceux-ci sont catalogués de plus en plus comme étant mariniens et Völkisch).
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samedi 10 septembre 2016

Da Vinci's demons et The Musketeers : deux séries géniales sabordées.

Nul n'est censé ignorer les récentes mises à mort de deux des plus originales séries costumées anglo-saxonnes récentes : Da Vinci's demons et The Musketeers. 
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Leur suppression arbitraire et scandaleuse s'ajoute à la litanie, au martyrologe, des fictions télé costumées sacrifiée sur l'autel du présentisme immédiat. Désormais, outre-Manche et aussi outre-Atlantique (puisque Da Vinci's demons bénéficiait d'une diffusion conjointe au Royaume-Uni et aux Etats-Unis), producteurs et programmateurs, directions des chaînes publiques et privées se mettent à calquer leur attitude sur la sinistre France Télévisions qui a littéralement éradiqué en peu d'années l'ensemble des productions historiques. D'ailleurs, c'est à se demander si le pullulement annoncé de films français aux cadres non contemporains (sur Cézanne et Zola, sur Louis XIV agonisant etc., sans oublier deux films avec Mademoiselle Lily Rose Depp : La Danseuse et Planétarium, une nouvelle adaptation du roman de Maupassant Une vie et Frantz de François Ozon, déjà sorti) ne résulte pas en amont d'une série de refus émis par Madame Delphine Ernotte ou son prédécesseur, personnes, qui, on le sait, ont considérablement appauvri et affadi l'offre fictionnelle hexagonale au profit de déclinaisons infinies du polar, objet unique ou presque. Le cinéma devient un sauveteur, le bon samaritain du drame costumé, et pallie les manques d'une télé en pleine déliquescence.  Et la critique de Télérama poursuit son acharnement à l'encontre des ultimes survivants ou "fossiles dinosauriens" qui, çà et là, pointent quelquefois leur "nez" sur Arte : ainsi en a-t-il été du téléfilm suisse Le Temps d'Anna avec Gaëlle Bona, qui fut la révélation et l'égérie, après Julie Delarme, des téléfilms costumés à la française, sorte de nouvelle Brigitte Fossey du XXIe siècle (le physique et la plastique de cette actrice charmante me faisant irrésistiblement songer à Brigitte Fossey).
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Lors de la diffusion française des deux premières saisons de Da Vinci's demons sur France 4, la critique ne se priva ni de la volée de bois vert, ni des sarcasmes dignes d'esprits fermés et étroits, arc-boutés à la doxa du tout contemporain cartésien et... chiant.
Da Vinci's demons est d'essence états-uniennes, puisque produite et diffusée par la chaîne payante Starz bien que son interprète principal, Tom Riley, soit anglais : ce dernier a d'ailleurs interprété Robin des Bois dans un épisode marquant de la saison 8 de Doctor Who, avec Peter Capaldi : Robot des Bois.
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La relecture échevelée de l'Histoire que nous offre cette série, son parfum steampunk anticipé, son souffle aventureux et parfois picaresque constituent autant d'ingrédients qui m'ont immédiatement séduit et enchanté lors de la diffusion française des deux premières saisons.  Hélas, Starz a annulé la série après la saison 3, qui, bien que sa diffusion ait été achevée aux Etats-Unis depuis le 26 décembre 2015,  souffre de l'absence prolongée inconsidérément d'une programmation française de ces épisodes ultimes (finiraient-ils en queue de poisson ?). Aucune diffusion n'a encore été décidée par France Télévisions, qui, comme on le sait, n'est dorénavant portée que sur le sociétal contemporain en plus du policier omnipotent et dominateur. Bref, France 4 achève de sombrer, puisque ce sabotage mâtiné d'indécision et d'incertitude diffusionnelle, s'additionne à celui de la dernière saison de Doctor Who, qui fut privée à 95 % de première partie de soirée.
Le jeu de massacre s'est poursuivi avec les sublimes Musketeers, non reconduits (devrais-je écrire éconduits ?) par la BBC. La programmation de la  saison 3 n'a toujours pas été prévue en Grande-Bretagne et TMC semble avoir abandonné les droits de diffusion à NRJ 12 faute d'audience (tel est le résultat du modelage des esprits formatés pour ne plus regarder que le "contemporain"). Comprenne qui pourra...
Dans la première saison, Peter Capaldi interprétait le cardinal de Richelieu,
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 mais son engagement dans Doctor Who engendra un problème scénaristique, bien qu'il fût promptement résolu, ce qui ne nuisit pas à la qualité des scénarios, bien au contraire. La conséquence en fut une nouvelle liberté prise avec l'Histoire, telle qu'aimait à en user Alexandre Dumas : une mort anticipée de Richelieu dont nous assistons aux funérailles au commencement de la deuxième saison. D'ailleurs, The Musketeers multiplie les licences historiques, mais aussi le non-respect de l'oeuvre de Dumas lui-même ! Du côté de Da Vinci's demons, n'y-a-t-il pas un remplacement du pape Sixte IV par son frère jumeau comploteur ?

La distribution de The Musketeers 
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 apparaît en tout point remarquable ; les rôles sont astucieusement répartis entre quatre comédiens aux origines diverses : Luke Pasqualino en D'Artagnan, Tom Burke en Athos, Santiago Cabrera en Aramis et Howard Charles en Porthos  Tous les autres rôles, féminins comme masculins, sont à l'avenant. Ma seule réserve au sujet des comédiens de The Musketeers concerne Ryan Gage, qui interprète un Louis XIII curieusement glabre, véritable tyran caractériel au petit pied insupportable. Le coup de génie a été à mon sens de confier les personnages d'Aramis et de Porthos à un anglo-chilien et un afro-britannique. Howard Charles, remarquable Porthos, n'eût pas déplu à Dumas lui-même : un Porthos noir, en quête de ses origines, de son père... comme un écho de Dumas lui-même, fils de Thomas Alexandre Davy de La Pailleterie, dit le général Dumas (1762-1806), métis né à Saint-Domingue, premier général afro-antillais de l'Histoire, qui nous prouve que la Révolution française, qui abolit une première fois l'esclavage sous la Convention montagnarde, fut une époque - hélas trop courte - de régression, de recul du racisme. Le général Dumas connut un autre homme de couleur génial, le chevalier de Saint-Georges, redécouvert ces trente dernières années, à l'occasion de ses cours d'escrime (il fut un as au sabre). Sa fortune fut courte : la disgrâce de Bonaparte, parvenu au pouvoir puis la mort prématurée.  L'historien américain Tom Reiss,
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 prix Pulitzer, a consacré en 2013 une biographie à ce général valeureux et haut en couleur : Dumas, le comte noir.
Vive le romanesque historique enjoué !


Mon prochain article dépendra de la publication ou pas par Le Monde de la version papier de la nécrologie du mathématicien français Jean-Christophe Yoccoz, médaille Fields 1994. Je reprendrai aussi sous peu ma série consacrée aux écrivains dont la France ne veut plus, avec un quatorzième texte sur Frédéric Mistral.
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