Paname
On t'a chanté sur tous les tons
Y'a plein d' parol's dans tes chansons
Qui parl'nt de qui de quoi d' quoi donc
Paname
Moi c'est tes yeux moi c'est ta peau
Que je veux baiser comme il faut
Comm' sav'nt baiser les gigolos
Paname
Rang' tes marlous rang' tes bistrots,
Rang' tes pépées rang' tes ballots,
Rang' tes poulets rang' tes autos
Paname
Et viens m'aimer comme autrefois,
La nuit surtout quand toi et moi
On marchait vers on n' savait quoi
Paname
Y a des noms d'rues que l'on oublie
C'est dans ces rues qu'après minuit
Tu m'faisais voir ton p'tit Paris
Paname
Quand tu chialais dans tes klaxons
Perdue là-bas parmi les homm's
Tu v'nais vers moi comme un' vraie môm'
Paname
Ce soir j'ai envie de danser
De danser avec tes pavés
Que l'monde regarde avec ses pieds
Paname
T'es bell' tu sais sous tes lampions
Des fois quand tu pars en saison
Dans les bras d'un accordéon
Paname
Quand tu t'habill's avec du bleu
Ça fais sortir les amoureux
Qui dis'nt "à Paris tous les deux"
Paname
Quand tu t'habill's avec du gris
Les couturiers n'ont qu'un souci
C'est d'fout' en gris tout's les souris
Paname
Quand tu t'ennuies tu fais les quais
Tu fais la Seine et les noyés
Ça fait prend' l'air et ça distrait
Paname
C'est fou c'que tu peux fair' causer
Mais les gens sav'nt pas qui tu es
Ils viv'nt chez toi mais t'voient jamais
Paname
L'soleil a mis son pyjama
Toi tu t'allum's et dans tes bas
Y a m'sieur Haussmann qui t'fait du plat
Paname
Monte avec moi combien veux-tu
Y a deux mille ans qu't'es dans la rue
Des fois que j'te r'fasse un' vertu
Paname
Si tu souriais j'aurais ton charme
Si tu pleurais j'aurais tes larmes
Si on t'frappait j'prendrais les armes
Paname
Tu n'es pas pour moi qu'un frisson
Qu'une idée qu'un' fille à chansons
Et c'est pour ça que j'crie ton nom
Paname, Paname, Paname, Paname...
On t'a chanté sur tous les tons
Y'a plein d' parol's dans tes chansons
Qui parl'nt de qui de quoi d' quoi donc
Paname
Moi c'est tes yeux moi c'est ta peau
Que je veux baiser comme il faut
Comm' sav'nt baiser les gigolos
Paname
Rang' tes marlous rang' tes bistrots,
Rang' tes pépées rang' tes ballots,
Rang' tes poulets rang' tes autos
Paname
Et viens m'aimer comme autrefois,
La nuit surtout quand toi et moi
On marchait vers on n' savait quoi
Paname
Y a des noms d'rues que l'on oublie
C'est dans ces rues qu'après minuit
Tu m'faisais voir ton p'tit Paris
Paname
Quand tu chialais dans tes klaxons
Perdue là-bas parmi les homm's
Tu v'nais vers moi comme un' vraie môm'
Paname
Ce soir j'ai envie de danser
De danser avec tes pavés
Que l'monde regarde avec ses pieds
Paname
T'es bell' tu sais sous tes lampions
Des fois quand tu pars en saison
Dans les bras d'un accordéon
Paname
Quand tu t'habill's avec du bleu
Ça fais sortir les amoureux
Qui dis'nt "à Paris tous les deux"
Paname
Quand tu t'habill's avec du gris
Les couturiers n'ont qu'un souci
C'est d'fout' en gris tout's les souris
Paname
Quand tu t'ennuies tu fais les quais
Tu fais la Seine et les noyés
Ça fait prend' l'air et ça distrait
Paname
C'est fou c'que tu peux fair' causer
Mais les gens sav'nt pas qui tu es
Ils viv'nt chez toi mais t'voient jamais
Paname
L'soleil a mis son pyjama
Toi tu t'allum's et dans tes bas
Y a m'sieur Haussmann qui t'fait du plat
Paname
Monte avec moi combien veux-tu
Y a deux mille ans qu't'es dans la rue
Des fois que j'te r'fasse un' vertu
Paname
Si tu souriais j'aurais ton charme
Si tu pleurais j'aurais tes larmes
Si on t'frappait j'prendrais les armes
Paname
Tu n'es pas pour moi qu'un frisson
Qu'une idée qu'un' fille à chansons
Et c'est pour ça que j'crie ton nom
Paname, Paname, Paname, Paname...
( Léo Ferré : Paname)
Merdre ! (Alfred Jarry : Ubu roi)
Coblentz, Waterloo, 1815 : ministère Polignac (1829). Bobos, LGBT, végans, réfugiés, art contemporain : Arte (2016) ( le cyber-journaliste inconnu spécialisé dans les formules choc).
Je me souviendrai longtemps du 24 août 2016, non point parce que cette journée fut des plus remarquable, mais, du fait que, si l'on se place dans une perspective commémorative et mémorielle, rien ne s'y passa... Certes, avec les précédents Henry James, Cervantès ou Charlotte Brontë, nous fûmes accoutumés à l'absence de toute célébration patrimoniale audiovisuelle des personnalités remarquables, nées ou mortes une année en 16...
Cependant, avec le cas emblématique de Léo Ferré, force est de constater, et de clamer haut et fort, que l'a-culture de nos a-médias télévisés fut telle la goutte débordant du vase...
Nul ne se soucia que, le 24 août 2016 correspondait au centenaire de la naissance de Léo Ferré, et surtout pas France Télévisions qui bannit d'avance toute émission à lui consacrée.
En 2016, Léo Ferré dérange encore ! P...ain de poète bateleur et goualeur ! Tu avais du génie ! Anar tu fus, au grand déplaisir de la biepensance bienséante et mal pensante ! Ces salops de "gens de bien" ont voulu t'ensevelir, Léo, sous des kilomètres de terre oublieuse. Manque de pot pour les cuistres, ton cadavre rompt sa bière, la fait éclater, s'en libère ! Il bouge encore, remue, s'agite, gesticule en une pandiculation vengeresse. Il emm... tous ceux qui se refusent à célébrer ton génie.
Pourquoi donc France Télévisions nie-t-elle donc la culture au point de faire comme si tu étais dépassé, de faire sur toi l'impasse, alors que ton oeuvre résonne encore dans l'actualité ? Ces chaînes de pseudo-service public ont succombé depuis longtemps aux sirènes ultralibérales et archi commerciales... Ni Dieu ni maître, Léo ! Et surtout pas Hayek, Plutus et le veau d'or !
Dès La Chanson du scaphandrier, que tu enregistras pour la première fois en 1950, bien que tu l'eusses composée dès 1944 sur un texte de René Baer, ce fut un coup de maître. Ta culture musicale s'avéra fort savante, bien que tu fusses autodidacte.
La Chanson du scaphandrier, par son style mémorable, s'inscrivait dans une certaine tradition de la mélodie française impressionniste, quoiqu'on pût y déceler, capter, un humour grinçant, une ironie mordante n'appartenant qu'à toi, ô Léo ! Nous étions loin, d'une part, de la médiocrité sidérante des chansons de caf'conc' lamentables de la fausse Belle Epoque 1900 et, d'autre part, de l'expression maniérée d'un Gérard Souzay
sur lequel Roland Barthes,
en ses Mythologies, n'avait cessé lui aussi de gloser, d'ironiser, désacralisant une certaine tradition du chant français fauréen, mais aussi du Lied allemand, autrichien, schubertien et autres schumanneries richardstraussiennes ou wolfiques... Certes, nous étions lors loin de la coupe aux lèvres, de Gustav Mahler non encore à la mode chez nous, mais tu allais enchaîner d'autres impérissables chefs-d'oeuvre, entrant vivant dans la légende de la grande chanson à texte... Tu aurais davantage mérité le prix Nobel de littérature qu'un Bob Dylan surfait, depuis longtemps normalisé par un système que toujours tu refusas, ne le cautionnant pas, demeurant probe, intransigeant, durant toute ta carrière formidable... Et le péquenot déculturé par le chant anglo-saxon d'oublier que les vieilles croûtes plus ou moins barbichues peuplant quasi exclusivement les fauteuils de l'Académie française avaient tôt fait preuve de hardiesse, d'audace littéraire, lorsqu'elles avaient récompensé dès 1967 Georges Brassens,
ton compatriote es-grande chanson, du grand prix de poésie, juste après Pierre Jean Jouve... Cela, nul en l'a-télévision n'en a parlé, n'a évoqué ce précédent, même pas les infos d'Arte à la mémoire fort courte.
Paname fut ton emblème revendicatif. Toujours plus chevelu - le père Guy Gilbert est-il donc ton clone ? - tu t'y exprimas, exclamas, proclamant ta gouaille et ta libido, ton amour de Paname, bafoué par les attentats que l'on sait. Ce fut pourquoi j'écoutai frénétiquement cette chanson génialissime sur You Tube après l'horreur dantesque du Bataclan et autres lieux représentatifs du vivre ensemble républicain. Paname devint mon deuil festif. Paname ou la Ville Lumière personnifiée, vivante, parisienne éternelle aux moeurs légères roboratives... Paris est une fête.
De même, en refusant toute commémoration autour de ta personne et de ton Art, France Télévisions t'assimila honteusement à une vieille poussière ringarde, à un croûton moisi démodé... Preuve était faite de la mort de la vraie Culture, qu'on m'avait enseignée de la maternelle à la fac, de Decaux à la Arte d'avant. Comment ! Léo Férré comparé à une antiquité par des pignoufs gonflés de flatulences crétinisantes et branchues pseudo-contemporaines ! Pouah ! Jamais de la vie ! No pasaran !
Il existe une photo mythique, quoique controversée, où tu figures, Léo, avec les autres représentants de la crème de la chanson française : Brel et Brassens. Un mien voisin possède une copie de cette photo célèbre, encadrée avec soin. On me dira, m'objectera : quid de Montand, de Barbara, d'Aznavour, de Trénet ?
Mais revenons à tes chansons phares : par exemple Les Anarchiste, publiée en 1969.
Y'en a pas un sur cent et pourtant ils existent
La plupart Espagnols allez savoir pourquoi
Faut croire qu'en Espagne on ne les comprend pas
Les anarchistes
Tout comme Brassens, tu eus des ennuis avec la censure. Tu détestais la France gaulliste d'avant mai-68, et tu la critiquais âprement. Tu fus souvent persona non grata sur les ondes nationales officielles et publiques tant tu sentais le soufre. Le poète chanteur était-il hors la loi ? On peut le penser : la preuve étant dans le non empressement de France Télévisions de célébrer ton centenaire... On te détesta en haut lieu, au point que tu exprimas ta rage vindicative en écrivant et interprétant ce nouveau chef-d'oeuvre : Poète ... vos papiers ! D'abord poème en 1956, puis chanson militante en 1970. Comment ! Mettre un poète en taule pour délit d'opinion ! Impensable en démocratie ! Pourtant, malgré le danger d'Anastasie... tu persévéras contre vents et marées, bravant les cuistres, les esprits étroits et rances, l'ultra conservatisme abject.
Bipède voluptueux de lyre
Epoux châtré de Polymnie
Vérolé de lune à confire
Grand-Duc bouillon des librairies
Maroufle à pendre à l'hexamètre
Voyou décliné chez les Grecs
Albatros à chaîne et à guêtres
Cygale qui claque du bec
Poète, vos papiers !
Poète, vos papiers !
J'ai bu du Waterman et j'ai bouffé Littré (...)
Voilà un florilège qui réjouira le capitaine Haddock lui-même.
Comme en une ultime provoc, tu eus le toupet de quitter notre monde pour le paradis des génies créateurs un 14 juillet ! Ultime pied de nez à une Histoire qui parfois te déteste à tort. Mais tu demeureras toujours, Léo ! Qu'on se le dise ! Quand parlera-t-on autant de toi que de Brel, Brassens et Barbara ?
Au revoir, Léo !
Prochainement : les romans parus chez Gallimard au 1er semestre 2016 que la critique a boudés.
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