Heureusement qu'il existe des ressources vidéo sur Internet lorsque notre télé défaille et s'oublie, sans parler de la presse écrite pas toujours présente non plus... Je salue ici le travail de la chaîne You Tube Scribe Accroupi, qui permet d'avoir un petit aperçu de quelques minutes (en 2 D, hélas !) des expositions négligées par nos a-médias, chaîne du net qui pallie l'absence des caméras des chaînes officielles de l'ex étrange lucarne en tel ou lieu culturel emblématique non axé sur le tout contemporain. Ainsi, grâce à Scribe Accroupi, j'ai pu goûter aux expos tant dénigrées du Louvre Lens sur les frères Le Nain ou Charles Lebrun, mais aussi à cette fameuse rétrospective monographique sur Henri Fantin-Latour (1836-1904), rétrospective qui se tint au musée du Luxembourg sous le titre Fantin-Latour à fleur de peau du 14 septembre 2016 au 12 février 2017. Le site du musée du Luxembourg a judicieusement mis l'accent sur le fait qu'il s'agissait là de la première exposition importante consacrée à ce peintre depuis...celle de référence des Galeries nationales du Grand Palais en 1982 ! Le documentaire de la collection "Les Grandes Expositions" qui traita de Fantin au Grand Palais n'est disponible que pour les professionnels de l'audiovisuel ou les chercheurs sur Ina MEDIAPRO.
Il est inutile de rappeler (ceci étant une litote) combien nos a-médias s'empressèrent fort peu de rendre compte de l'événement du musée du Luxembourg (certes, il y eut un hors série Découvertes Galllimard) : beaucoup firent l'impasse, d'autres comme Télérama lui accordèrent une attention médiocre et une note faible, car, pour cet hebdomadaire tracassant, Fantin n'est qu'un peintre rébarbatif et répétitif, qui a trop exécuté des oeuvres florales de commande. Autre fait significatif du désamour dont il souffre : rien n'eut lieu en son honneur en 2004 à l'occasion du centenaire de sa disparition (rien non plus en 2003 sur Pissarro, considéré comme trop anarchiste et qui dut patienter jusqu'en 2017 pour que nos institutions muséales se penchassent enfin sur son cas passionnant). Une fois, j'entendis à la télé (quelle chaîne ?, je ne sais plus) un jugement péremptoire qualifiant Henri Fantin-Latour de peintre académique, jugement qui se répéta à l'encontre de Maurice Denis sur lequel je compte un jour revenir dans cette série d'articles.
En 1982 puis dans la première mouture du musée d'Orsay, il n'était point question de rattacher Fantin à l'académisme des Gérôme, Cabanel, Bouguereau, Meissonier ou Laurens. Depuis les années 1980, on a dévalué, déclassé Fantin et sa présence à Orsay a été réduite et dispersée, comme j'ai pu le constater de visu en 2012. Les premières années d'Orsay, Fantin-Latour avait droit à des salles à lui seul... Outre les portraits de groupes bien connus, la famille Dubourg y était particulièrement mise à l'honneur.
C'est simple : on ne peut évoquer Fantin qu'allusivement dans les documentaires consacrés à Delacroix à cause de son fameux Hommage tout comme Baudelaire devenu lui-même allusif dans l'allusion à Fantin via le grand peintre orientaliste engagé.
En ce cas, tout documentaire sur Paul Cézanne devrait allusivement évoquer Maurice Denis par le truchement de son Hommage.
J'aime particulièrement Fantin-Latour à cause de sa belle-soeur Charlotte Dubourg, dont je fis une héroïne de roman dans Aurore-Marie ou une étoffe Nazca (e-book paru en 2013 aux éditions de Londres : livre à recommander). En outre, le musée des Beaux-Arts de Lyon possède une toile remarquable, La Lecture, qui m'a fourni l'argument de départ de mon livre.
La question mérite qu'on la pose : peut on avoir le béguin, s'amouracher d'une femme du passé à la manière du célèbre roman de Richard Matheson Le Jeune Homme, la Mort et le Temps ? Je répondrai oui sans nulle hésitation. Je me souviens être demeuré longtemps en admiration devant ce portrait de Charlotte Dubourg assise de 1882 lorsque je vins pour la première fois au Musée d'Orsay,
Autrefois (c'est il y a assez longtemps) on associait Fantin-Latour aux impressionnistes, sans toutefois le rattacher au mouvement. Disons qu'on privilégiait de lui la vision d'un peintre d'avant-garde, indépendant des courants, au style personnel, expert en portraits de groupes de ses contemporains. Pour Fantin, les références explicites étaient Delacroix et Wagner (dans l'admiration pour les deux et l'allégorie musicale pour le second) et l'implicite (dans la touche) dans la peinture hollandaise, surtout Rembrandt. Fantin-Latour, adepte du flou artistique de haute qualité, se démarqua nettement des dogmes académiques, et n'appartint d'ailleurs jamais à l'Institut, au contraire d'un Maurice Denis et d'un Vuillard, membres tardifs de l'Académie des Beaux-Arts. Il est significatif que l'opinion en Histoire de l'Art tend à rejeter les peintres répétitifs (Fantin, Maurice Utrillo, Georges Mathieu par exemple) ou ceux dont l'oeuvre tardive ou mature se caractérise soit par une volte-face plus ou moins prononcée (Derain, Vuillard,
Denis etc.) soit par une stabilisation du style au détriment du renouvellement de l'inspiration et de la créativité (Renoir, Vlaminck, dont la rétrospective de 2008 au Luxembourg s'arrêtait significativement en 1915), bien que cette idée reçue, à propos du Renoir terminal notamment, soit désormais battue en brèche.
En raison de ses affinités stylistiques et thématiques étroites avec son époux, la production de Victoria Dubourg (1840-1926) est encore plus délaissée que celle de Fantin (à, ces bouquets et vases de fleurs à foison !).
Un non-expert ignorant, si l'on gommait la signature des toiles de Victoria, aurait du mal à lui attribuer tel ou tel tableau, tant son oeuvre ressemble jusqu'à la symbiose à celle de son mari !
Mais il a existé un Fantin coquin et licencieux, comme Degas ou Turner, et c'est la découverte principale et le grand mérite de l'expo du Luxembourg qui parvint à casser l'image trop lisse, raisonnable et figée du peintre.
Espérons qu'une révision du regard à son égard permettra à Henri Fantin-Latour de retrouver toute sa place dans l'Histoire de l'art : un original, un indépendant, qui fut sensible à la modernité des années 1860-1880. Ne peignit-il pas dans ses groupes Rimbaud, Verlaine, Baudelaire et Chabrier ?
Prochainement : retour de la série d'articles autour des écrivains dont la France ne veut plus avec Germaine Acremant.
Autrefois (c'est il y a assez longtemps) on associait Fantin-Latour aux impressionnistes, sans toutefois le rattacher au mouvement. Disons qu'on privilégiait de lui la vision d'un peintre d'avant-garde, indépendant des courants, au style personnel, expert en portraits de groupes de ses contemporains. Pour Fantin, les références explicites étaient Delacroix et Wagner (dans l'admiration pour les deux et l'allégorie musicale pour le second) et l'implicite (dans la touche) dans la peinture hollandaise, surtout Rembrandt. Fantin-Latour, adepte du flou artistique de haute qualité, se démarqua nettement des dogmes académiques, et n'appartint d'ailleurs jamais à l'Institut, au contraire d'un Maurice Denis et d'un Vuillard, membres tardifs de l'Académie des Beaux-Arts. Il est significatif que l'opinion en Histoire de l'Art tend à rejeter les peintres répétitifs (Fantin, Maurice Utrillo, Georges Mathieu par exemple) ou ceux dont l'oeuvre tardive ou mature se caractérise soit par une volte-face plus ou moins prononcée (Derain, Vuillard,
Denis etc.) soit par une stabilisation du style au détriment du renouvellement de l'inspiration et de la créativité (Renoir, Vlaminck, dont la rétrospective de 2008 au Luxembourg s'arrêtait significativement en 1915), bien que cette idée reçue, à propos du Renoir terminal notamment, soit désormais battue en brèche.
En raison de ses affinités stylistiques et thématiques étroites avec son époux, la production de Victoria Dubourg (1840-1926) est encore plus délaissée que celle de Fantin (à, ces bouquets et vases de fleurs à foison !).
Un non-expert ignorant, si l'on gommait la signature des toiles de Victoria, aurait du mal à lui attribuer tel ou tel tableau, tant son oeuvre ressemble jusqu'à la symbiose à celle de son mari !
Mais il a existé un Fantin coquin et licencieux, comme Degas ou Turner, et c'est la découverte principale et le grand mérite de l'expo du Luxembourg qui parvint à casser l'image trop lisse, raisonnable et figée du peintre.
Espérons qu'une révision du regard à son égard permettra à Henri Fantin-Latour de retrouver toute sa place dans l'Histoire de l'art : un original, un indépendant, qui fut sensible à la modernité des années 1860-1880. Ne peignit-il pas dans ses groupes Rimbaud, Verlaine, Baudelaire et Chabrier ?
Prochainement : retour de la série d'articles autour des écrivains dont la France ne veut plus avec Germaine Acremant.
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