Les mois d'août et septembre 1986 furent parmi les plus catastrophiques sur le plan du traitement télévisuel des nécrologies de personnalités. Le système était en cours de basculement dans le PAF ultra commercial, et le traitement des infos lors des pseudo-messes de 20 heures commençait à grandement en souffrir, notamment dans l'international, la culture, et les décès de personnes plus ou moins connues. Depuis les élections législatives de mars, la préférence pour les morts les plus médiatiques ou jugés comme tels prenait chaque jour davantage le dessus, condamnant à la suppression des fameuses brèves nécrologiques (annonce rapide du décès avec nom, âge, fonction de la personnalité et photo d'archive) dont, par exemple, avait bénéficié l'académicien André Chamson en 1983.
La moisson d'août-septembre 1986 fut conséquemment scandaleusement maigre, se réduisant, pour le premier mois, à deux annonces le tout dernier jour (l'ancien président de la République finlandaise Uhro Kekkonen
et le sculpteur britannique Henry Moore) et pour le second à Jacques Henri Lartigue,
le fameux photographe et... au frère d'Alain Prost, le pilote de formule 1, décès inapproprié, d'ordre strictement privé et familial ! Il est vrai que l'impétrant était un ami et soutien du premier ministre de l'époque...
Or, à cause de cette dénécrologie aninformationnelle désormais instituée, de ce touchage de fond, trois écrivains furent justement escamotés par nos anti-infos télé en août 1986 : Raymond Abellio,
Joyce Mansour
et Germaine Acremant. C'est de cette dernière que je compte vous parler aujourd'hui.
Germaine Acremant, justement décédée à Neuilly-sur-Seine dans l'indifférence terminale le 24 août 1986, était née à Saint-Omer le 13 juin 1889. On tend à la considérer abusivement comme l'auteure d'un seul livre : Ces Dames aux Chapeaux verts publié en 1922.
Paradoxe : Germaine Acremant n'acquiert quelque importance qu'en lien avec sa non-importance dans l'histoire de la littérature.
Elle renforce le préjugé selon lequel les femmes écrivains seraient en majorité des écrivaines mineures ne méritant pas qu'on s'attarde sur elles. Elle serait morte avant le 16 mars 1986 que sa disparition eût été annoncée à la télévision, telle Madame Simone
décédée l'année précédente tout comme Paul Géraldy, parti en 1983,
autre auteur mineur qui eut la "chance" de nous quitter avant l'effondrement du traitement des nécrologies aux actualités. Le 16 mars 1986 fut donc néfaste en tout pour la mémoire des morts mineures ou minorées.
Si Jean Tourane,
le père de Saturnin le canard, anticipa le mouvement des dénécrologies (puisqu'il nous quitta dès le 24 mars 1986, dans l'indifférence), ce phénomène s'accentua et devint flagrant dès le mois de juin suivant, avec les omissions du compositeur Maurice Duruflé, du grand historien de l'Antiquité Moses Finley et du documentariste Mario Ruspoli, auquel on devait pourtant un encore récent (à l'époque) et remarquable documentaire en quatre parties, qui fit alors date : L'Art au Monde des Ténèbres (1983).
Mais revenons à Madame Acremant, quelle que soit sa "non-importance" littéraire... Le succès de Ces Dames aux Chapeaux verts, lors de la parution du roman en 1921 fut indiscutable et procura quelque notoriété à l'auteure qui fut récompensée par la Société des Gens de Lettres et reçut aussi le prix Nelly Lieutier. Edité chez Plon, comportant 300 pages, il s'agit d'une satire de la vie de province. Germaine Acremant se moque de sa ville natale, Saint-Omer, dans le Pas-de-Calais. Certaines personnes crurent se reconnaître parmi les personnages. Le récit est au présent de narration, comme par exemple Claudine à l'école de Colette et Willy et Le Voleur de Georges Darien. Certains objecteront que la satire est gentillette, que Germaine Acremant n'a pas le talent de Colette et l'acidité de Georges Darien, et surtout qu'il s'agit d'une écrivaine démodée et surannée dont ils n'ont pas à se soucier outre mesure. Quand on prend la peine d'effectuer des recherches sur Germaine Acremant, on se rend compte qu'on ne peut la réduire à ces seules Dames aux Chapeaux verts, même si le succès de ce roman suscita plusieurs adaptations au cinéma, au théâtre ou même à la télévision (en 1979 avec Odette Laure et Micheline Presle dans la série Les Amours de la Belle Epoque).
Germaine Acremant sut décrire cette bourgeoisie de province étriquée du Pas-de-Calais, un monde qui, comme celui de Marcel Proust, courait vers sa disparition et dont la désuétude, la déréliction, voire la fossilisation, à l'orée des années folles, était déjà flagrante. Comme Willy au début de la carrière de Colette, son époux Albert Acremant (1882-1942), qui collabora avec Vincent Scotto,
fut une sorte de co-auteur, ce qui cependant n'ôte pas le mérite de sa femme. Tous deux tirèrent du roman une comédie à succès.
Par ailleurs, Germaine Acremant ne cessa pas d'écrire, presque jusqu'à son dernier souffle, publiant une trentaine d'ouvrages de La Hutte d'Acajou en 1924 au Monsieur de Saint-Josse (1983), en passant par Gai ! Marions-nous ! qui obtint le prix national de littérature en 1927 et la suite de ces "Dames", Chapeaux gris, chapeaux verts (1970 : il fallait être culotté pour imaginer une suite à un roman déjà daté en pleine France pompidolienne post-mai-68 !). Toutefois, Madame Acremant ne retrouva jamais le succès de son premier livre. Elle passa sa carrière littéraire à inlassablement ressasser le tableau de cette France du Nord, de Saint-Omer,
d'Etaples, de Boulogne, du Touquet, de la Flandre proche et de l'Artois, sans jamais innover par sa plume tout en conservant son humour.
Il est des écrivain(e)s d'un temps, d'un lieu et des écrivain(e)s de tous les temps, voués à l'éternité et à l'universalité. Ne négligeons pas les premiers... Ils et elles peuvent receler des perles littéraires...
Prochainement : ces documentaires que Télérama oublie souvent de critiquer.
décédée l'année précédente tout comme Paul Géraldy, parti en 1983,
autre auteur mineur qui eut la "chance" de nous quitter avant l'effondrement du traitement des nécrologies aux actualités. Le 16 mars 1986 fut donc néfaste en tout pour la mémoire des morts mineures ou minorées.
Si Jean Tourane,
le père de Saturnin le canard, anticipa le mouvement des dénécrologies (puisqu'il nous quitta dès le 24 mars 1986, dans l'indifférence), ce phénomène s'accentua et devint flagrant dès le mois de juin suivant, avec les omissions du compositeur Maurice Duruflé, du grand historien de l'Antiquité Moses Finley et du documentariste Mario Ruspoli, auquel on devait pourtant un encore récent (à l'époque) et remarquable documentaire en quatre parties, qui fit alors date : L'Art au Monde des Ténèbres (1983).
Mais revenons à Madame Acremant, quelle que soit sa "non-importance" littéraire... Le succès de Ces Dames aux Chapeaux verts, lors de la parution du roman en 1921 fut indiscutable et procura quelque notoriété à l'auteure qui fut récompensée par la Société des Gens de Lettres et reçut aussi le prix Nelly Lieutier. Edité chez Plon, comportant 300 pages, il s'agit d'une satire de la vie de province. Germaine Acremant se moque de sa ville natale, Saint-Omer, dans le Pas-de-Calais. Certaines personnes crurent se reconnaître parmi les personnages. Le récit est au présent de narration, comme par exemple Claudine à l'école de Colette et Willy et Le Voleur de Georges Darien. Certains objecteront que la satire est gentillette, que Germaine Acremant n'a pas le talent de Colette et l'acidité de Georges Darien, et surtout qu'il s'agit d'une écrivaine démodée et surannée dont ils n'ont pas à se soucier outre mesure. Quand on prend la peine d'effectuer des recherches sur Germaine Acremant, on se rend compte qu'on ne peut la réduire à ces seules Dames aux Chapeaux verts, même si le succès de ce roman suscita plusieurs adaptations au cinéma, au théâtre ou même à la télévision (en 1979 avec Odette Laure et Micheline Presle dans la série Les Amours de la Belle Epoque).
Germaine Acremant sut décrire cette bourgeoisie de province étriquée du Pas-de-Calais, un monde qui, comme celui de Marcel Proust, courait vers sa disparition et dont la désuétude, la déréliction, voire la fossilisation, à l'orée des années folles, était déjà flagrante. Comme Willy au début de la carrière de Colette, son époux Albert Acremant (1882-1942), qui collabora avec Vincent Scotto,
fut une sorte de co-auteur, ce qui cependant n'ôte pas le mérite de sa femme. Tous deux tirèrent du roman une comédie à succès.
Par ailleurs, Germaine Acremant ne cessa pas d'écrire, presque jusqu'à son dernier souffle, publiant une trentaine d'ouvrages de La Hutte d'Acajou en 1924 au Monsieur de Saint-Josse (1983), en passant par Gai ! Marions-nous ! qui obtint le prix national de littérature en 1927 et la suite de ces "Dames", Chapeaux gris, chapeaux verts (1970 : il fallait être culotté pour imaginer une suite à un roman déjà daté en pleine France pompidolienne post-mai-68 !). Toutefois, Madame Acremant ne retrouva jamais le succès de son premier livre. Elle passa sa carrière littéraire à inlassablement ressasser le tableau de cette France du Nord, de Saint-Omer,
d'Etaples, de Boulogne, du Touquet, de la Flandre proche et de l'Artois, sans jamais innover par sa plume tout en conservant son humour.
Il est des écrivain(e)s d'un temps, d'un lieu et des écrivain(e)s de tous les temps, voués à l'éternité et à l'universalité. Ne négligeons pas les premiers... Ils et elles peuvent receler des perles littéraires...
Prochainement : ces documentaires que Télérama oublie souvent de critiquer.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire