L’année
2017 approche de sa conclusion. Dans les annales des commémorations
officielles, son bilan demeurera des plus affligeants et indigents. Plus que
jamais, comme je l’avais pronostiqué dès les prémices du printemps, 2017
restera le millésime de Rodin seul.
Si
l’on fait exception des vingt ans de la disparition de la chanteuse Barbara
(dont le tapage médiatique contraste fortement avec le silence intégral autour
du centenaire de Léo Ferré l’an passé), nul n’a eu droit à quoi que cela soit,
qu’il s’agisse d’Octave Mirbeau,
de Madame de Staël, de Charles Baudelaire et même d’Edgar Degas. Au sujet de Guynemer, l'armée, les éditeurs et les historiens ont fait du bon boulot, rien à redire.
Le centenaire de la naissance de la regrettée Danielle Darrieux
fut si discret qu’il fallut qu’elle mourût pour qu’enfin un hommage mérité lui fût concédé ! La chaîne de cinéma TCM vient de célébrer dans l’indifférence la plus totale, en pleine nuit, les soixante-dix ans de la disparition d’Ernst Lubitsch
en lui consacrant un cycle axé sur ses meilleurs films des années 1930-40. Je déplore pour ma part l’absence dans la programmation de l’hilarant La Folle Ingénue alias Cluny Brown avec Jennifer Jones. Arte s’est réveillée avec une dizaine de mois de retard pour rappeler Henri-Georges Clouzot à notre bon souvenir (le quarantième anniversaire de son décès remontait au 12 janvier). Les personnalités du milieu du XXe siècle ont donc dominé les hommages de manière écrasante, tels Elvis Presley et Maria Callas (l'oubli des quarante ans de la mort de Groucho Marx apparaît à cet égard plus que révélateur...) comme si tout le reste, trop ancien, ne faisait plus sens face au présentisme dominateur, le factuel (la révolution soviétique par exemple), primant sur ce même reste. Léon Bloy gêne et dérange. Quant à Edouard Drumont, il était légitimement la seule et unique personne qu’il fallait exclure de toute manifestation commémorative.
de Madame de Staël, de Charles Baudelaire et même d’Edgar Degas. Au sujet de Guynemer, l'armée, les éditeurs et les historiens ont fait du bon boulot, rien à redire.
Le centenaire de la naissance de la regrettée Danielle Darrieux
fut si discret qu’il fallut qu’elle mourût pour qu’enfin un hommage mérité lui fût concédé ! La chaîne de cinéma TCM vient de célébrer dans l’indifférence la plus totale, en pleine nuit, les soixante-dix ans de la disparition d’Ernst Lubitsch
en lui consacrant un cycle axé sur ses meilleurs films des années 1930-40. Je déplore pour ma part l’absence dans la programmation de l’hilarant La Folle Ingénue alias Cluny Brown avec Jennifer Jones. Arte s’est réveillée avec une dizaine de mois de retard pour rappeler Henri-Georges Clouzot à notre bon souvenir (le quarantième anniversaire de son décès remontait au 12 janvier). Les personnalités du milieu du XXe siècle ont donc dominé les hommages de manière écrasante, tels Elvis Presley et Maria Callas (l'oubli des quarante ans de la mort de Groucho Marx apparaît à cet égard plus que révélateur...) comme si tout le reste, trop ancien, ne faisait plus sens face au présentisme dominateur, le factuel (la révolution soviétique par exemple), primant sur ce même reste. Léon Bloy gêne et dérange. Quant à Edouard Drumont, il était légitimement la seule et unique personne qu’il fallait exclure de toute manifestation commémorative.
C’est
cependant de Jean Le Rond d’Alembert
que je dois vous parler en ce présent article. La médiocrité autour de la non célébration du tricentenaire de sa naissance rejoint tristement celle de Diderot en 2013. Le ministère de la culture n’a même pas été fichu de jeter dans l’arène des réseaux sociaux un tweet de rappel, préférant les vingt-quatre ans de la mort d’Achille Zavatta. Il vient sans doute de se discréditer pour longtemps avec un tel gazouillement inapproprié compte tenu qu’il n’y a même pas eu de minimum syndical pour le grand mathématicien des Lumières, contrairement à Charles Péguy
certes réduit à un timbre-poste (dessiné par Egon Schiele, ce n’est pas rien…) et à la mise à disposition (payante) du numéro des Bonnes Adresses du Passé de 1973. A l’exception de quelques colloques se courant l’un après l’autre, on peut écrire que d’Alembert a désespérément désintéressé les pouvoirs publics. Noyé dans une avalanche de textes du web émanant de tout horizon géographique et linguistique, seule dans la presse papier et en ligne L’Humanité a sauvé la mise et l’honneur hexagonal grâce à un article consacré justement à ce tricentenaire ignoré, article hélas non gratuit. Est-ce à dire que dans notre beau pays, les communistes (résiduels) sont les ultimes personnes à s’attacher encore à la transmission et à la vulgarisation de l’ancienne culture scolaire bafouée de toute part depuis Bourdieu par ceux qui l’ont mal lu et mal compris ? Garde toi de tes disciples et zélotes...
D'aucuns prétexteront que D'Alembert fut avant tout un mathématicien, et les maths sont d'évidence perçues par le grand public comme hermétiques et incompréhensibles. Par conséquent, il n'intéressera que les matheux. C'est sans doute la raison pour laquelle l'Académie des Sciences fut une de nos rares institutions à l'honorer en 2017. Rappelant à notre bon souvenir l'importance de l'Encyclopédie, projet éditorial collectif faramineux que D'Alembert et Diderot portèrent sur les fonts baptismaux, elle l'a intégralement mise à disposition du public, sur la toile. Wikipedia, malgré ses articles inégaux, est l'héritière de l'Encyclopédie, de par son aspect collaboratif. Avant de bannir à tort D'Alembert des célébrations nationales officielles, nos gouvernements auraient dû se pencher sur les travaux de l'historien Robert Darnton. Je pense encore avec émotion à ce malheureux article de L'Humanité du 16 novembre dernier demeuré désespérément seul. Il s'intitulait avec justesse Jean Le Rond D'Alembert, passeur des Lumières.
C'est bien de passeuses et de passeurs, femmes et hommes, dont nous aurions besoin pour revaloriser le legs formidable du XVIIIe siècle... L'on sait que ce mépris implicite des acteurs des Lumières équivaut à une acceptation passive des pires obscurantismes. Or, fait encourageant mais malheureusement demeuré sans nul écho médiatique, (ah, ce sacré abandon du terrain de la vulgarisation au cercle restreint de spécialistes ni écoutés, ni consultés !) l'université Paul Valéry Montpellier 3 a organisé un colloque international sous le double patronage de l'Académie des Sciences et de l'Académie française, colloque tenu du 10 au 12 octobre 2017 et titré : D'Alembert dans les débats de son temps. Ce qui apparaît pour moi comme une évidence dans le programme de ce colloque, c'est la non restriction de D'Alembert aux mathématiques, sa relation avec la pensée philosophique du XVIIIe siècle et la corrélation entre D'Alembert et les intellectuels européens : les Lumières transcendent l'héritage d'Erasme et l'élargissent, engendrant la pensée contemporaine. Las, au vu des impairs commémoratifs officiels récents, l'occasion de reparler d'une grande figure de ces mêmes Lumières ne se représentera pas de sitôt... peut-être pour le tricentenaire de la naissance de Condorcet et encore...
que je dois vous parler en ce présent article. La médiocrité autour de la non célébration du tricentenaire de sa naissance rejoint tristement celle de Diderot en 2013. Le ministère de la culture n’a même pas été fichu de jeter dans l’arène des réseaux sociaux un tweet de rappel, préférant les vingt-quatre ans de la mort d’Achille Zavatta. Il vient sans doute de se discréditer pour longtemps avec un tel gazouillement inapproprié compte tenu qu’il n’y a même pas eu de minimum syndical pour le grand mathématicien des Lumières, contrairement à Charles Péguy
certes réduit à un timbre-poste (dessiné par Egon Schiele, ce n’est pas rien…) et à la mise à disposition (payante) du numéro des Bonnes Adresses du Passé de 1973. A l’exception de quelques colloques se courant l’un après l’autre, on peut écrire que d’Alembert a désespérément désintéressé les pouvoirs publics. Noyé dans une avalanche de textes du web émanant de tout horizon géographique et linguistique, seule dans la presse papier et en ligne L’Humanité a sauvé la mise et l’honneur hexagonal grâce à un article consacré justement à ce tricentenaire ignoré, article hélas non gratuit. Est-ce à dire que dans notre beau pays, les communistes (résiduels) sont les ultimes personnes à s’attacher encore à la transmission et à la vulgarisation de l’ancienne culture scolaire bafouée de toute part depuis Bourdieu par ceux qui l’ont mal lu et mal compris ? Garde toi de tes disciples et zélotes...
D'aucuns prétexteront que D'Alembert fut avant tout un mathématicien, et les maths sont d'évidence perçues par le grand public comme hermétiques et incompréhensibles. Par conséquent, il n'intéressera que les matheux. C'est sans doute la raison pour laquelle l'Académie des Sciences fut une de nos rares institutions à l'honorer en 2017. Rappelant à notre bon souvenir l'importance de l'Encyclopédie, projet éditorial collectif faramineux que D'Alembert et Diderot portèrent sur les fonts baptismaux, elle l'a intégralement mise à disposition du public, sur la toile. Wikipedia, malgré ses articles inégaux, est l'héritière de l'Encyclopédie, de par son aspect collaboratif. Avant de bannir à tort D'Alembert des célébrations nationales officielles, nos gouvernements auraient dû se pencher sur les travaux de l'historien Robert Darnton. Je pense encore avec émotion à ce malheureux article de L'Humanité du 16 novembre dernier demeuré désespérément seul. Il s'intitulait avec justesse Jean Le Rond D'Alembert, passeur des Lumières.
C'est bien de passeuses et de passeurs, femmes et hommes, dont nous aurions besoin pour revaloriser le legs formidable du XVIIIe siècle... L'on sait que ce mépris implicite des acteurs des Lumières équivaut à une acceptation passive des pires obscurantismes. Or, fait encourageant mais malheureusement demeuré sans nul écho médiatique, (ah, ce sacré abandon du terrain de la vulgarisation au cercle restreint de spécialistes ni écoutés, ni consultés !) l'université Paul Valéry Montpellier 3 a organisé un colloque international sous le double patronage de l'Académie des Sciences et de l'Académie française, colloque tenu du 10 au 12 octobre 2017 et titré : D'Alembert dans les débats de son temps. Ce qui apparaît pour moi comme une évidence dans le programme de ce colloque, c'est la non restriction de D'Alembert aux mathématiques, sa relation avec la pensée philosophique du XVIIIe siècle et la corrélation entre D'Alembert et les intellectuels européens : les Lumières transcendent l'héritage d'Erasme et l'élargissent, engendrant la pensée contemporaine. Las, au vu des impairs commémoratifs officiels récents, l'occasion de reparler d'une grande figure de ces mêmes Lumières ne se représentera pas de sitôt... peut-être pour le tricentenaire de la naissance de Condorcet et encore...
Prochainement : Maud Linder oubliée.
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