Je présumais naïvement que ce "tube" était familier aux oreilles de tout un chacun. Mais, une fois de plus, j'ai dû convenir avec tristesse que la musique classique était devenue la cinquième roue du carrosse claudiquant de ce qu'on nommait autrefois la culture générale. (Renaud Machart : C'est à voir - chronique : Le Rouge et le Vert in Le Monde du mardi 10 juin 2014, à propos du fait qu'aucun commentateur et journaliste français présent sur le plateau d'I-Télé n'a reconnu la première des cinq marches de Pump and circumstance op. 39 d'Edward Elgar, oeuvre pourtant célébrissime, jouée lors des célébrations des 70 ans du débarquement de Normandie en présence de la reine Elizabeth II. Curieusement, le titre de cette chronique est strictement le même que celui utilisé par Ivan A. Alexandre dans sa propre chronique parue au dernier numéro de Diapason. Correspondance troublante et significative ! Les constats amers de ces deux chroniqueurs se rejoignent : ce qui fut autrefois considéré comme la culture n'est plus qu'un champ de ruines...)
C'était le temps cinéphilique où l'Afrique noire avait l'insigne honneur de figurer au palmarès du festival de Cannes.
C'était le temps cinéphilique où l'Afrique noire avait l'insigne honneur de figurer au palmarès du festival de Cannes.
C'était l'époque (ni la pire, ni la meilleure ainsi que Charles Dickens aurait pu l'écrire) où Souleymane Cissé
recevait en 1987 le prix du jury pour Yeelen.
C'était la période où les audaces cannoises permirent à Idrissa Ouedraogo
d'obtenir en 1990 pour Tilaï le grand prix du festival de Cannes.
d'obtenir en 1990 pour Tilaï le grand prix du festival de Cannes.
Or, tout cela s'est envolé ! L'année cannoise 2014 ne rééditera pas cet esprit d'ouverture ! l'année 2014 ne sera pas marquée d'une pierre blanche pour le cinéma d'Afrique noire en quête de reconnaissance ! Pour quelle obscure raison un jury composé intégralement de personne tout à fait étrangères à la culture africaine, à la pensée africaine, aux mentalités africaines, aux civilisations africaines, aux enjeux et défis de l'Afrique contemporaine a-t-il boudé le chef-d'oeuvre incisif et indispensable d'Abderrahmane Sissako, réalisateur d'origine mauritanienne ? La réponse se trouve dans la formulation même de ma phrase.
Monsieur Sissako, jamais je n'oublierai vos larmes qui eussent dû faire fléchir et convertir à votre cause artistique, esthétique et politique un jury singulièrement peu audacieux, que dis-je, enfermé dans son académisme et sa routine !
A cause de vous, mesdames et messieurs du jury cannois, Timbuktu risque de se trouver privé de distribution en France ! Aucune date de sortie chez nous n'est prévue pour ce film bredouille, looser, boudé !
Injustice ! Injustice ! Injustice !
Je n'irai pas voir la palme d'or 2014 ! Celle-ci ne m'intéresse aucunement !
Avez-vous compris le message d'alerte fondamental de Timbuktu, mesdames et messieurs du jury de Cannes ? Permettez-moi d'en douter !
Avez-vous appréhendé le sel humoristique de Timbuktu, la manière dont les islamistes y sont ridiculisés, renvoyés à l'absurdité de leur fanatisme négateur de civilisation, destructeur de patrimoine, esclavagiste de la femme africaine qui, dans ce long métrage, leur tient tête avec brio et bravoure ? Ainsi sont prouvés le néant, le vide, sur lesquels reposent leur dogme et leur orthodoxie : tout est bâti chez eux sur du Rien...
Ne comprenez-vous pas, mesdames et messieurs du jury cannois que j'apostrophe ainsi par cette philippique d'un indigné majeur, la faute colossale, démesurée, que vous venez explicitement de commettre en ne donnant nulle récompense à l'oeuvre géniale d'Abderrahmane Sissako ?
Vous n'avez pas saisi qu'il s'agit d'un film de résistance africaine aux salauds ? Que l'Afrique sait voir où est le Mal suprême et qu'elle veut se défendre, lutter, via les nobles figures des combattantes anti-islamistes mises en scène dans Timbuktu ?
Auriez-vous été incapables de voir, en aveugles-nés autistes refermés en leur coquille occidentalocentriste nombriliste, enivrés de films chiants trop longs et trop métaphoriques et symbolistes pour emporter mon adhésion, que Timbuktu était aux turbans noirs ce que Le Dictateur et To be or not to be furent au nazisme ?
C'est vous toutes et tous que Jean-Luc Godard (un sieur que j'ai en une telle détestation que je puis me vanter de ne pas avoir vu une attoseconde de ses films hors bandes-annonces des diffusions télé) aurait dû qualifier de faquins !
Nier le message d'Abderrahmane Sissako, c'est non seulement faire le jeu des fondamentalistes islamiques qui menacent l'ensemble des civilisations d'Afrique et d'ailleurs, en éradiquent jusqu'à la quintessence splendide, mais aussi priver indirectement les populations africaines des deux sexes de leur liberté de moeurs, d'entendement et d'expression, de leur liberté de conscience. Ce sont des négateurs des Lumières !
Nier ce message, c'est aussi favoriser un seul point de vue de la lutte nécessaire contre les fanatismes : le point de vue d'autres fanatiques du camp d'en face, ces fanatiques fascistes ou néo fascistes masqués derrière une façade de respectabilité indispensable à leur conquête du pouvoir ! Ces fanatiques qui se vêtent des oripeaux de la défense d'un Occident idéalisé, fantasmé, inventé. C'est leur assurer le monopole de la lutte contre les intégristes turbans noirs, les métamorphoser en vecteurs exclusifs d'émission de messages de haine simplificateurs englobant, assimilant et amalgamant tous les musulmans du monde à l'islamisme !
Aidons Abderrahmane Sissako à faire sortir son grand et beau film en France ! Qu'il puisse être vu par le plus de spectateurs et spectatrices possible !
Quant à vous, mesdames et messieurs du jury de Cannes 2014, affichez donc quelque contrition, quelque regret pour votre erreur insane ! Dites mea culpa !
La Grande Histoire vous oubliera peut-être comme elle oublia le chevalier de Rohan qui bastonna Voltaire mais elle retiendra assurément les noms d'Abderrahmane Sissako et de Timbuktu.
Du moins, je l'espère de tout coeur !
La prochaine fois, j'évoquerai un autre film important saboté et nié, au message pourtant tout aussi fondamental : Les 3 Vies du Chevalier de Dominique Dattola, documentaire consacré au chevalier de La Barre intégralement boudé par nos a-médias cuistres.
Nos timides distributeurs viennent de résigner à une sortie de Timbuktu en France le 10 décembre prochain. Reste à savoir en combien de salles... Le moment choisi n'est pas des plus propices pour assurer un succès à ce chef-d'oeuvre parce que les écrans hexagonaux seront encombrés de nanars et de dessins animés destinés aux fêtes de fin d'année.
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