Où Victor Hugo s’oppose à Aurore-Marie de Saint-Aubain.
Dieu donne aux morts les biens réels, les
vrais royaumes.
Vivants !
vous êtes des fantômes ;
C’est
nous qui sommes les vivants ! -
Victor
Hugo, « Les Contemplations » : « Quia pulvis es »
Les
morts n’ont d’autre tombe que le vivant.
Prosper Enfantin
Extraits :
Dans Choses
vues, en l’année 1843, Victor Hugo se remémore la visite morbide qu’il
effectua à la tour Saint-Michel de Bordeaux, où, depuis la Révolution
française, étaient exposées, en un curieux musée-charnier,
les momies naturelles exhumées du cimetière Saint-Michel, dont les tombes
avaient été profanées par les révolutionnaires comme celles des rois de France
à la basilique de Saint-Denis le 14 octobre 1793.
Cette exposition obituaire et macabre perdura
jusqu’à environ 1979, date à laquelle, trop dégradées, les dépouilles, objets
d’une fascination certaine et malsaine des visiteurs, amateurs d’émotions
fortes, furent enlevées. On ne conserva d’elles qu’une évocation symbolique, un
rappel de leur ancienne présence et rémanence funèbre.
« (…) Pour qui regarde ces débris
humains avec l’œil de la chair, rien n’est plus hideux. Des linceuls en haillons
les cachent à peine. Les côtes apparaissent à nu à travers les diaphragmes
déchirés ; les dents sont jaunes, les ongles noirs, les cheveux rares et
crépus ; la peau est une basane fauve qui sécrète une poussière
grisâtre ; les muscles, qui ont perdu toute saillie, les viscères et les
intestins se résolvent en une sorte de filasse roussâtre d’où pendent
d’horribles fils que dévide silencieusement dans ces ténèbres l’invisible
quenouille de la mort. Au fond du ventre ouvert, on aperçoit la colonne vertébrale.
- Monsieur, me disait l’homme, comme ils sont
bien conservés !
Pour qui regarde cela avec l’œil de l’esprit,
rien n’est plus formidable (…)
Je
regardais avec une sorte de vertige cette ronde qui m’environnait, immobile et
convulsive à la fois. Les uns laissent pendre leurs bras, les autres les
tordent ; quelques uns joignent les mains. Il est certain qu’une
expression de terreur et d’angoisse est sur toutes ces faces qui ont vu
l’intérieur de ce sépulcre. De quelque façon que le tombeau le traite, le corps
des morts est terrible.
Pour
moi, comme vous avez déjà pu l’entrevoir, ce n’étaient pas des momies ;
c’étaient des fantômes. Je voyais toutes ces têtes tournées les unes vers les
autres, toutes ces oreilles qui paraissent écouter penchées vers toutes ces
bouches qui paraissent chuchoter, et il me semblait que ces morts arrachés à la
terre et condamnés à la durée vivaient dans cette nuit d’une vie affreuse et
éternelle, qu’ils se parlaient dans la brume épaisse de leur cachot, qu’ils se
racontaient les sombres aventures de l’âme dans la tombe et qu’ils se disaient
tout bas des choses inexprimables.
Quels
effrayants dialogues ! que peuvent-ils se dire ? O gouffres où se
perd la pensée ! Ils savent ce qu’il y a derrière la vie. Ils connaissent
le secret du voyage. Ils ont doublé le promontoire (…) »
Ceci pour l’expression romantique de la
fascination pour la mort et les dépouilles humaines.
Qu’en fut-il parmi les décadents
fin-de-siècle ? Le baroquisme s’y exacerba davantage, aboutissant à un esthétisme
absolu et fantasque, gratuit
dirais-je, toujours plus lié au surnaturel et à la folie.
Pour ne point faire la fine bouche, chers
lecteurs et lectrices, je n’ai pu résister à la tentation de vous proposer, à
titre de comparaison avec Victor Hugo, deux extraits du sulfureux roman
d’Aurore-Marie de Saint-Aubain (1863-1894), écrit en 1890, Le Trottin.
D’abord le chapitre XXI, lorsque se
rencontrent, à l’école vétérinaire d’Alfort, en un conciliabule secret, Elémir
de la Bonnemaison et la vicomtesse de **, amis de Cléore de Cresseville,
héroïne de ce peu recommandable ouvrage, au milieu des momies d’écorchés
d’Honoré Fragonard.
(…) Tout comme
Elémir, avec Le Gaulois, la vicomtesse avait été informée par la presse
de l’arrestation de Dagobert-Pierre. Le Supplément illustré du petit Journal
était allé jusqu’à commettre l’impair d’un dessin approximatif représentant
cet épisode lamentable. Cependant, tous deux ne cessaient de s’étonner de
l’absence de réaction de la comtesse de Cresseville. C’était à croire qu’elle
s’était coupée totalement du monde, recluse dans la casemate de l’Institution
pour des raisons qui échappaient à ses amis. Elémir prévint Madame par
téléphone : il avait envoyé un télégramme tantôt à Cléore, au sujet de
l’arrestation, et celle-ci n’avait toujours pas donné signe de vie, comme si le
message ne lui était pas parvenu. Ils convinrent tous deux d’un rendez-vous, en
un lieu où nul n’irait les importuner, afin de décider quoi faire. Elémir, dont
nous connaissons les goûts morbides, choisit l’Ecole Vétérinaire d’Alfort, où
l’on avait récupéré et installé les célèbres momies d’écorchés anatomiques
d’Honoré Fragonard, dont notre décadent marquis regrettait qu’elles ne
comptassent point parmi les pièces remarquables de sa turbide
collection. Il eût désiré acquérir en sus le moulage de la Vénus hottentote, si
c’eût été possible. L’entrevue eut donc lieu en ce cabinet des collections
du siècle affreux et honni des philosophes, que se targuait de posséder
l’illustre école créée par Bourgelat, héritier de la grande tradition des
maréchaux équestres, dont les connaissances en physiologie des chevaux
laissaient de fait à désirer. Ces locaux, assez exigus et disparates, étaient
réservés aux seuls professionnels de santé et aux hôtes de marque et de prestige,
qui en sollicitaient la demande de visite. Ils traînaient une réputation de
hantise et de diaphorèse de peur, parce que les âmes animales et humaines de
tous les spécimens exposés y erraient encore, hantant ces salles insignes.
C’était un capharnaüm conséquent, un
entassement pêle-mêle de pièces pathologiques animales, de monstres et de
préparations humaines d’Honoré Fragonard aux secrets de conservation bien
préservés, quoiqu’on les délaissât de nos jours. Madame se gardait de renauder,
de renâcler, au spectacle de l’exposition de ces saletés augustes, bien qu’en
son for intérieur, elle en restât pantoise. Elle ne pouvait cependant empêcher
çà et là, quelques pincements fugitifs des narines et des lèvres, à cause du
musc et des effluves que dégageaient toutes ces ordures et dépouilles
scientifiques, dont fourrures et tissus paraissaient suinter d’une solution
oléifiante destinée sans doute à les prémunir contre les insectes et la
putréfaction. Leur fragrance avait la fadeur d’un mauvais vin suri, d’un
reginglard infect stagnant en dépôt au fond d’une vieille barrique. Deux trois
fois, Madame porta à son nez son mouchoir en dentelles de Bruges. Elémir avait
choisi de la mener jusqu’au saint des saints, au tabernacle et au naos, là où
s’amoncelaient, sans classement aucun, les cadavres d’Honoré Fragonard.
Il s’agissait de mannequins humains
disséqués, encaustiqués de chairs roidies. Tout en découpures, compartimentés
de viscères, d’artères, de veines et de fressures aux coloris artificiels
ternis, bleus, rouges, injectés encore liquescents dans les cadavres par
quelque mystérieux clystère via le tissu conjonctif et le réseau circulatoire,
ces spécimens anatomiques de démonstration jouaient leurs saynètes bibliques au
milieu des regards indiscrets de veaux empaillés à la face écrasée de bulldogs,
de poules à cinq pattes, de chats et de moutons cyclopes immergés dans leurs
flacons d’alcool d’un jaunâtre pisseux. C’étaient Samson grimaçant avec sa
mâchoire d’âne, le cavalier de l’Apocalypse, effrayant, monté sur sa momie de
cheval dépouillé à la musculature durcie, en lambeaux ciselés tout en
orfèvreries, un buste d’on ne savait quel personnage, à vif, sorte de gravure
de Vésale en trois dimensions qui révélait tous les secrets de la mobilité de
la face. Le cavalier lui-même paraissait ne constituer plus qu’un seul être
avec sa monture, monstre bicéphale anatomique, centaure d’une métope
parthénopéenne ionique de la Grande Grèce archaïque qui s’apprêtait pour un
combat nouveau, contre quelque créature fabuleuse, triton, Lapithe,
hécatonchire ou autre. Des yeux de verre avaient été enchâssés à tous ces
écorchés, et leurs orbites prétendant au réalisme brillaient d’une
expression farouche, résolue, comme si tous ces êtres tirés de leur potence ou
de leur morgue eussent encore été vivants et eussent voulu, depuis leur
outre-tombe, clamer vengeance contre leurs frères vivants. Parmi eux, des fœtus
humains naturalisés et des cynocéphales, ouverts, sans peau aucune, toute leur
physiologie obscène dévoilée comme le corps d’une catin grasse et blonde,
dansaient une ronde de lutins, de farfadets de la nuit, qui se transformait à
la lueur incertaine d’une lampe à gaz en saltarelle de créatures d’un au-delà
maléfique. Elémir, qui avait été maître du choix du rendez-vous, attaqua :
« Je me meurs
d’anxiété au sujet de Cléore. Elle n’a pas accusé réception de mon télégramme
d’alerte. »
Madame la vicomtesse réfléchit à deux fois
avant de proposer une réponse à demi rassurante.
« Cléore est
encore malade. Une mauvaise grippe doit la clouer au lit. J’ai jà mandé un
médecin tantôt, puis-je vous le rappeler. Sa poitrine est devenue bien fragile.
Elle suit un traitement contre la phtisie. C’est grand malheur pour une si
jeune et si exquise femme !
- Mais, dans ce cas,
Sarah aurait dû nous en informer. Tout cela est bien étrange, que dis-je, fort
déroutant. »
La maîtresse anandryne parut tout émotionnée.
« Quelque chose
de fâcheux est arrivé. Moesta et Errabunda court un danger mortel. La
prolongation plus que probable de l’accès maladif de Mademoiselle de
Cresseville n’est pas sans motif. L’arrestation de Monsieur de Tourreil de
Valpinçon implique un resserrement de l’étau policier. Hier, j’ai croisé deux
sergents de ville près de mon hôtel particulier. J’ai dû entrer par la porte de
service. Ils surveillaient les lieux, j’y mettrais ma main au feu.
- Que me
révélez-vous, Madame ? s’effaroucha le marquis de la Bonnemaison. Nous
serions épiés, surveillés ! »
Elémir ne parvint pas à réfréner des
tremblements de mains d’un fumeur d’opium en manque de son vice, mais ceux-ci
paraissaient davantage suscités par l’effroi engendré par la présence des
cadavres écorcés, d’une teinte de litharge, qu’à cause de la crainte d’une
arrestation de la vicomtesse. Afin de se donner meilleure contenance, il osa
allumer un Trichinopoly, faisant fi des chairs mortes traitées éminemment
combustibles. Tout en tirant des bouffées de ce poison, il lissa ses moustaches
frisées d’éphèbe efféminé usé par ses excès de débauche sous l’œil goguenard hyalin
et mort de ces cadavres confits d’Honoré Fragonard. On s’attendait à ce qu’un
bitume noir exsudât de leurs bouches sardoniques au rictus putrescent. Elémir
réfléchissait, songeur. Puis, lorsqu’il eut décision prise, il jeta, comme pour
moquer la prétention morbide des momies :
« Je me rendrai
en personne à Château-Thierry, dussé-je y laisser des plumes, ou pis, ma
liberté. » (…)
Second
extrait du Trottin (chapitre XXIII) :
l’errance de Cléore de Cresseville, en fuite, dans un souterrain servant
d’étrange catacombe à des momies de moines qui sont non sans rappeler les Capucins de Palerme auxquels il est
d’ailleurs fait référence. Mais ici, la mise en scène apparaît trop explicite
pour que l’héroïne croie longtemps à l’authenticité de cette nécropole.
(…) Alors, Cléore
pressa le pas et s’alla
résolument dans le couloir. Les halos de son luminaire balayaient chaque paroi,
à la recherche éventuelle d’un nouveau piège. L’air devenait vicié, fétide,
méphitique, non seulement à cause de sa prégnance humide, de ses relents de
moisissure et de blettissure, mais du fait qu’il ne faisait plus aucun doute au
nez de Mademoiselle qu’en cet endroit, des organismes morts s’altéraient,
se putréfiaient par places. Cléore, un bref instant, émit un glapissement
d’effroi : la lampe venait furtivement de dévoiler une face de squelette
couverte d’un capuce à laquelle adhéraient encore des plaques de chairs
racornies et calcifiées. Son cœur battit à se rompre ; elle toussa et cracha un
peu de sang. Elle crut suffoquer. Parvenant à se reprendre, Mademoiselle de
Cresseville s’obligea à poursuivre son chemin, quelle que fût la terreur
enfantine qu’elle devait affronter, terreur évocatrice de la mort et de la
décomposition dans ses œuvres splendides. Plus elle marchait, davantage les
dépouilles se multipliaient, lovées dans des sortes de niches. C’était une
crypte, non, une nécropole de moines de divers ordres, capucins, théatins,
jacobins, ignorantins, bénédictins, servites, augustins, dominicains, dont les
frocs se marouflaient et se gaufraient de pourriture. Quelques uns paraissaient
englués dans des fientes de chiroptères, d’autres étaient recouverts de
concrétions calcaires auxquelles s’ajoutaient des lambeaux de toiles
d’araignées. Leurs robes monacales paraissaient frangées de mycélium. Il y en avait des centaines en ces lieux, en
cette catacombe où il semblait à Cléore que les dernières survivances du
christianisme s’étaient assemblées en cet antre occulte, dédaléen, afin
d’achever de s’y éteindre en paix. Des scolopendres chlorotiques, souterraines,
dépigmentées, rampaient indécemment sur les bures effiloquées et guenilleuses
des frères convers. Ils exhalaient leurs fumets de chairs roidies, racornies,
gâtées, solidifiées, de momies confites dans l’humidité.
Cléore vit que la galerie allait
s’élargissant ; elle finit par déboucher en une immense salle basilicale,
creusée en tous ses murs de démentielles absides et absidioles qui formaient
autant d’alvéoles où reposaient, en position fœtale, ces moines momifiés qui
n’avaient rien à envier à ceux du Thibet et de Cipangu.
La comtesse de Cresseville se crut victime d’un mirage, en proie à une peur
invasive, à un fantasme de vanité du Grand Siècle. Elle pensa que tous ces
cadavres avaient un message transcendantal à lui communiquer, qu’ils allaient
ouvrir leurs bouches de squelettes afin d’énoncer une sentence la condamnant à
mourir en leur effrayante compagnie. Elle songea alors qu’il s’agissait d’une
vision de cauchemar, irréelle, d’un délire hallucinatoire causé par l’opium, le
chloral ou le laudanum qu’elle absorbait pour mieux dormir et supporter ses
tourments de syphilitique phtisique. Mademoiselle se moqua comme de
colin-tampon de savoir la raison qui avait présidé à l’instauration de ce
tombeau immense, au transport de toutes ces momies, condamnées à gîter en ces
lieux isolés et repoussants, en cette dernière demeure, pour un nombre de
siècles impossible à compter. Etait-ce un émule des cryptes palermitaines des
capucins qui avait voulu transférer ici cette multitude afin qu’elle y trouvât
un fort étrange repos morbide ? Cléore songea à quelque mise en scène digne
d’Elémir ou de Madame, qui se complaisaient en leurs délires baroques. Après
tout, il pouvait s’agir autant de frères authentiques que de cadavres déguisés
récupérés dans de multiples morgues, métamorphosés en momies naturelles par la
grâce de l’atmosphère particulière de cette pseudo basilique souterraine digne
d’un décor de mauvais opéra ou de roman gothique anglais. Elle eût voulu
circonvenir ces momies maléfiques, solliciter leur mansuétude, leur clémence,
si elle avait été certaine de leur réalité. Mais il était indubitable que ce
spectacle hallucinatoire allait trop loin, du fait que certains cadavres
revêtaient un aspect simiesque. Les crânes polis aux mâchoires entrouvertes
recelaient des restes de crocs ; ils ressemblaient davantage à ceux de papios,
de babouins d’Egypte, voire de gorilles dont on avait écrêté la voûte
sagittale. La décomposition des chairs suivie de la minéralisation de certaines
de ces dépouilles leur avait conféré une apparence de fossiles d’une extrême
ancienneté, comme s’il se fût agi d’une nécropole dédiée à quelque dieu singe
d’il y avait des millions d’années, crypte où l’on eût célébré le culte
indigète du Dryopithecus, ce primate sylvain des chênaies ou hêtraies de
l’après Éocène, date on ne peut plus imprécise dans l’esprit de la comtesse de
Cresseville, qui n’était point instruite en matière de découvertes de formes de
vies antédiluviennes, elle que tout portait à réfuter Lamarck et Darwin. Il
était de plus curieux que les orbites de ces crânes fossiles rongés fussent
operculées par une résine noire, sans omettre de curieuses résilles pourries
qui enveloppaient partiellement ces os hideux. Cléore n’avait pas envie de
conjecturer sur son délire et d’attribuer un sens téléologique à ses fantasmes.
(...)
On
constate la divergence du style entre les deux auteurs, les descriptions davantage
fantasmées et surchargées d’Aurore-Marie de Saint-Aubain, le vocabulaire plus
maniéré et recherché, typique du mouvement décadent, l’aspect
« dégénérescence du naturalisme » induit par cette auteure dans la
foulée de son mentor Huysmans, alors que Victor Hugo, bien qu’il ne délaisse
pas l’emphase et la fascination trouble, demeure plus simple dans son
vocabulaire, courant, et dans son expression, plus direct dans l’émotion,
artificieuse chez la poétesse et romancière de la fin du XIXe siècle.
Aurore-Marie de Saint-Aubain se complait dans les détails imaginaires, dans
l’excès, dans les références à l’antiquité, à la paléontologie, science
nouvelle de son temps, à l’exotisme, à la médecine (elle descendait d’une
famille de médecins et de physiologistes, les Lacroix-Laval). Elle insiste dans
l’emploi d’un lexique évocateur de la putréfaction, de la pourriture (odeurs
comprises) en héritière du Zola de Thérèse
Raquin (souvenez-vous de Camille le noyé assassiné), de Baudelaire et de
Huysmans. Victor Hugo s’intéresse davantage à l’humanité symbolisée par ces
morts momifiés, à ses souffrances, à ce qui demeure de fondamentalement humain
et vivant en eux par-delà le trépas.
Il se veut à la fois philosophe et témoin
de son siècle voire de tous les siècles de l’Histoire qu’il embrasse
pour les générations futures, nous laisse un message plus social, plus
directement compréhensible et accessible à un lectorat populaire, plus universel au fond, alors qu’Aurore-Marie
de Saint-Aubain s’adresse exclusivement à une élite lettrée et réactionnaire,
une petite coterie adepte de l’art pour l’art. Il est amusant de rappeler qu’Hugo
fut d’abord légitimiste avant d’évoluer vers la gauche. La poétesse, quant à
elle, demeura fidèle à ses convictions conservatrices et monarchistes sa courte
vie durant.