samedi 30 mars 2019

Albert Finney, Claude Goretta et Stanley Donen : de grands disparus du 7e art ignorés par la télévision.

Je suis né pour combattre le crime, non pour le gouverner (Robespierre).

Ceci me suffit pour mater les superbes (le cardinal Cisneros in "Le Cardinal d'Espagne" d'Henry de Montherlant, acte I scène 1).

Si elle était tournée en noir et blanc, cette grosse production internationale lancée par la RAI - qui la diffuse le 4 mars, soit un jour avant OCS en France - donnerait l'impression d'une dramatique historique des années 1960 avec des personnages dont le vestiaire semble cousu dans d'anciennes couvertures des wagons-lits de la SNCF (Renaud Machart : "Le Nom de la Rose" bis repetita in Le Monde mars 2019)

La dernière citation ouvrant mon article reflète cette exécration pathologique d'un certain milieu culturel envers la télévision ancienne, envers les fictions en costumes antérieurs au XXe siècle. Ladite exécration injurie tous les comédiens d'autrefois s'étant investis dans cette télévision-là, disponible sur Ina.fr, acteurs qui ne jouaient pas pour gagner beaucoup d'argent et désormais presque tous disparus, dans le silence quasi général des nécrologues du Monde. 
Notre télévision, touchant désormais le fond de la fosse septique de la culture, ignore aussi maints morts, et, en février dernier, elle ne fut pas en reste, Arte hélas incluse... Trois personnalités du septième art, pourtant notoires, ont fait les frais de cette inculture qui touche à l'excrémentiel tant elle est stupide et lamentable.. 
Albert Finney, acteur britannique, né le 9 mai 1936, décédé le 7 février 2019 fut la première victime.
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Claude Goretta, né le 23 juin 1929, mort le 20 février 2019 fut la deuxième victime.
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Enfin, troisième cas d'école dramatique Stanley Donen, qui nous quitta le 21 février 2019.
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Qu'en fut-il à la télévision, dont Arte elle-même, objet en ce cas d'opprobre et de honte ? Rien du tout ! On pourra attendre longtemps la diffusion du moindre film en hommage à ce trio ! Il fallut se contenter de bandeaux défilant sur les chaînes d'information hertziennes ou satellitaires... C'est en cela que le scandale réside.
Qui se souvient, ou qui a pris la peine d'apprendre, parmi nos journaleux trieurs de morts, qu'Albert Finney, aux côtés de Susannah York (dont la mort, en 2011, passa tout autant inaperçue), fut la vedette incontestée du film Tom Jones de Tony Richardson (1963), film adapté du roman éponyme d'Henry Fielding ?
Qui se souvient encore que Claude Goretta, cinéaste suisse de grand talent, réalisa d'importants reportages pour l'émission mythique de la télévision française Cinq Colonnes à la Une  avant de nous livrer, en 1978, un magistral feuilleton axé sur Jean-Jacques Rousseau (avec François Simon dans le rôle titre) :  Les Chemins de l'exil ou Les dernières années de Jean-Jacques Rousseau ?
Qui souvint enfin que Stanley Donen nous légua des séquences d'anthologie très performantes dans les comédies musicales dont il fut assistant réalisateur et chorégraphe remarquable ou réalisateur à part entière, contribuant à établir les ors de la légende hollywoodienne ? Je pense bien sûr au duo dansé entre Gene Kelly et la souris de dessin animé Jerry dans Escale à Hollywood (1944-45) et à l'époustouflant ballet en solo de Fred Astaire dans Mariage royal (1951).
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Le règne sans partage des ignares nous prive chaque année davantage de goûter au souvenir des bonnes choses...

Prochainement : reprise de la série consacrée aux écrivains dont la France ne veut plus avec la Précieuse (non ridicule pour moi) Madeleine de Scudéry.
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samedi 23 mars 2019

Stan et Ollie : le grand sabordage cinématographique du premier trimestre 2019.

Pachyderme, passe-moi le livre ! (Stan Laurel à Oliver Hardy in Les As d'Oxford 1940)
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Metropolitan Filmexport a encore frappé, et frappé fort : Stan et Ollie s'ajoute à la longue liste des films fichus distribués par cette entreprise...experte en Bérézina commerciales. Pas la peine de me lamenter, me direz-vous. Mais, quand cela se répète ! Combien de longs métrages de Metropolitan Filmexport m'ont échappé en salle faute d'une exposition suffisante ! Moins de 150 copies, en croisant les sources du net ! Absence de projection de la bande-annonce dans les cinémas où je me suis rendu avant la sortie officielle, pas de campagne d'affichage ou presque, marketing inexistant... Le naufrage était calculé car le distributeur a dû se dire : plus personne ne connaît Laurel et Hardy, sortis depuis belle lurette de notre culture populaire. En effet...
Songez que, hors les vidéos d'Internet, Arte est depuis longtemps la seule chaîne en France à encore programmer des films du duo comique. Apprenez que l'ultime film de Laurel et Hardy à avoir eu droit à une diffusion en première partie de soirée fut Bons pour le service (1935),
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 sur FR3, en juin 1985 ! Une diffusion vieille comme Hérode ou Mathusalem, à une époque où une foultitude des gens n'avait pas encore vu le jour ! Bref, l'oubli de Laurel et Hardy a été soigneusement orchestré en amont, et le sabordage d'un biopic qui plus est consacré à leur crépuscule ne pouvait aucunement faire recette, malgré une critique en général indulgente, voire bienveillante...
Au fait, c'est dans Bons pour le service que j'ai appris l'expression "culotte de peau" répétée par Stan Laurel (le véritable génie du duo, qui concoctait les gags) à propos de James Finlayson (1887-1953), Ecossais authentique, faire-valoir habituel du tandem.
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Un moustachu bien amusant, qui physiquement semble annoncer avec ses bacchantes irrésistibles le personnage de la bande dessinée satirique de Malo Louarn Le Candidat (1978) : sacré Dupont !
Dans de telles circonstances, dans un tel oubli calamiteux de Laurel et Hardy à la télévision à des horaires décents, le biopic Stan et Ollie ne disposait d'aucun atout pour tirer son épingle du jeu. Ses résultats au box office sont pis que ceux de certains films d'art et d'essai plus pointus ! A Paris, en première semaine, le film n'a pas atteint les 10 000 entrées tandis que Marseille ne le joue plus. Stan et Ollie est donc passé inaperçu y compris des bobos malgré le bon reportage des infos d'Arte à son sujet. Au fait, sait-on que Stan Laurel fut, entre autres, doublé par le comédien suisse Howard Vernon ?
De toute manière, notre duo burlesque, en 1953 (date où se situe Stan et Ollie) connaissait son chant du cygne, vivait son crépuscule, surtout après l'échec de son dernier film, Atoll K de Léo Joannon, achevé secrètement par John Berry, exilé à cause de la liste noire d'Hollywood. Ce film pitoyable ne fait pas rire, mais suscite la pitié, tellement Laurel et Hardy y apparaissent malades, vieillis et à bout de souffle. Aux Etats-Unis, ils étaient passés de mode, éclipsés par Abbott et Costello,
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eux-mêmes tombés de leur piédestal lorsque triomphèrent Jerry Lewis et Dean Martin...
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Changement d'époque et de génération, mais pour moi, Laurel et Hardy demeureront les plus grands... Adieu, les amis...
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Prochainement : Albert Finney, Claude Goretta et Stanley Donen : de grands disparus du 7e art ignorés par la télévision.
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samedi 16 mars 2019

Ils ont tout fermé, tout supprimé et je n'ai pas bougé...

«  Quand les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste.
Quand ils ont enfermé les sociaux-démocrates, je n’ai rien dit, je n’étais pas social-démocrate.
Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste.
Quand ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester.  »
(Pasteur Martin Niemöller 1892-1984)

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Ils ont commencé, un beau jour, sans crier gare, par fermer l'usine pour la délocaliser et je n'ai pas bougé.
Puis, la garnison a été dissoute et je n'ai pas bougé. Restructuration, qu'ils ont dit !
Ils ont fermé les guichets de la gare SNCF, supprimé la gare elle-même et enfin toute la ligne et je n'ai pas bougé.
Après, ils ont fermé l'école : je ne bougeais toujours pas.
Ils ont fermé la succursale de la Banque de France qui instruisait les dossiers de surendettement et je restais immobile.
Ils ont enlevé les cabines téléphoniques ; le dernier cinéma est parti, le dernier boulanger aussi et je n'ai pas bougé.
Ils ont supprimé le bureau de poste, fermé la boutique de téléphonie. Ils ont fermé la maternité, supprimé les urgences puis tout l'hôpital et jamais je ne bougeais.
Ils ont fait partir l'agence bancaire puis le dernier DAB sans que je bouge encore.
Ils ont fermé le tribunal d'instance et je restais comme une statue.
Ils ont fermé la dernière station service : bien sûr que je ne bougeais pas.
Enfin, un jour, ils sont venus me chercher pour me dire que j'étais supprimé à mon tour : une intelligence artificielle allait me remplacer. Comme je n'avais jamais bougé, je me suis dit que peut-être, d'autres bougeraient à ma place.
Peine perdue : il n'y avait plus personne ; il n'y aurait jamais plus personne pour bouger...

Prochainement :  Stan et Ollie : le grand sabordage cinématographique du premier trimestre 2019.

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