Dominique Sylvain : L’Archange du Chaos
(Viviane Hamy).
Par Christian Jannone.
Un polar qui se laisse parcourir, déguster avec plaisir, même s’il
utilise des ficelles propres à certains thrillers contemporains et ne peut se
départir d’une certaine influence anglo-saxonne, y compris cinématographique
(je pense à Seven et au Silence des Agneaux par exemple). Dominique
Sylvain surfe sur une tendance dominante de la littérature policière du début
de ce siècle, teintée d’ésotérisme. C’est tout à son honneur et le sujet est
proprement accrocheur. L’œuvre fourmille aussi de références musicales (Frank
Zappa,
Depeche Mode,
Eurythmics
etc.).
Les personnages son bien campés, même
s’ils paraissent parfois calqués sur des modèles réels (Bagneux, l’avocat, fait
irrésistiblement songer à Jacques Vergès
et Carat – comme indiqué avec
franchise en 4e de couverture à Lino Ventura). Le personnage de la
femme flic – figure imposée du genre, qui reflète l’évolution de notre société
– m’a intéressé, d’autant plus que l’auteure a su développer la galaxie
familiale gravitant autour d’elle (père alcoolique et brillant à la fois,
figure à la fois tutélaire et détestée, frère farfelu et si bizarre, qu’on
pourrait le soupçonner) tandis que le noyau des autres co-équipiers de Carat m’a
moins convaincu. Certes, ce personnage central possède aussi ses failles, il
souffre, mais il aurait gagné encore en épaisseur si son passé avait été
davantage abordé (l’accident qui coûta la vie à sa femme). Qu’en est-il de sa
culpabilité morale dans cette tragédie dont les séquelles physiques me semblent
davantage détaillées (là, je décèle une certaine influence assumée d’une série
télévisée britannique, Broadchurch
avec David Tennant récemment diffusée) ? Souvent, la concentration de
l’auteure sur l’intrigue empêche qu’on développe davantage les problèmes
psychologiques de ses personnages, du fait qu’elle exclut tout flash-back (ce qui
peut-être, ajoutant des longueurs, aurait nui à l’efficacité recherchée et
atteinte de l’ensemble). Les mentions de leur parcours « historique »
demeurent plus allusives, plus anecdotiques qu’il ne faudrait.
La dimension sociale de ce polar fait donc un peu défaut, même si son
écriture est correcte et bien rythmée et que sa galerie de figures ne se réduit
pas à des marionnettes déshumanisées, à des automates sans épaisseur.
Malgré ces réserves, permettez-moi d’accorder une bonne note à cet
ouvrage de genre, même si elle n’est pas optimale. L’Archange du Chaos demeure un livre de la production courante qui
se singularise toutefois par la francisation et la conversion parisienne de
thématiques anglo-saxonnes parfois éculées lorsqu’on les a lues cent fois chez
des auteurs américains. Dominique Sylvain réussit une synthèse heureuse entre
les styles tout en se faisant la lointaine héritière d’une certaine forme de
littérature populaire feuilletonnesque qui survivait encore au cinéma et à la
télévision dans les années 1960-70 (je songe ici à Georges Franju et à Jacques
Champreux). En somme, un polar Canada Dry
plaisant et distrayant.
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