Au mois de mars 1988 mourut Joseph Franceschi, 64 ans, ancien secrétaire d'Etat aux personnes âgées et à la Sécurité publique des gouvernements de Pierre Mauroy. François Mitterrand vint s'incliner devant sa dépouille. Le décès de Joseph Franceschi, après celui de Gaston Defferre, survenu au mois de mai 1986, marqua le commencement du processus d'extinction, d'effacement, des acteurs politiques du 10 mai 1981 et de ses suites. (Chroniques de moi-même, par le Cyber pseudo Frédégaire)
On est né français par accident. On le redevient par miracle. (Minou Drouet)
On est né français par accident. On le redevient par miracle. (Minou Drouet)
De Valentine Visconti tu prendras la devise : "Plus ne m'est rien, rien ne m'est plus". (Aurore-Marie de Saint-Aubain : Ode en forme de stances à une jeune mendiante aux cheveux de lin in : Pages arrachées au Pergamen de Sodome).
Eugène Guillevic (Carnac 5 août 1907 - Paris 19 mars 1997), magnifique poète d'Armor, champion du dépouillement, de la concision, maître de l'économie de moyens, fut gravement ignoré par la télévision française lorsqu'il mourut, chargé d'ans, alors que son immense talent littéraire était demeuré intact jusqu'au bout. A cette occasion douloureuse, nos anti médias commirent un impair nécrologique majeur, d'une ampleur égale à ceux de Barbara Stanwick en 1990 et de Nathan Milstein en 1992. Que crime paya-t-il pour que cette disparition primordiale fût à ce point éludée ? S'agissait-il une fois de plus, une fois de trop, d'un règlement de compte politique ? Guillevic nous quitta en toute discrétion, une discrétion parfaitement orchestrée, dont existait un précédent illustre : Pierre Emmanuel (1916-1984) dont je reparlerai au sein de ce même blog.
Guillevic fut communiste, longtemps. De 1942 à 1980. Un fidèle, donc. C'est cela qu'une télévision aux ordres du friedmano-hayekisme ne lui pardonna pas, lui fit chèrement payer. Une télévision contaminée, gangrenée, complue dans l'ordure. Une télévision abjecte, cultivant son ignorance d'immondices. Faut-il tuer la bêtise pour en finir une fois pour toutes avec elle ? Celui ou celle qui donnera le coup de grâce à la bêtise n'est hélas pas encore né(e).
Dans le même temps, on porta au nues, dans l'édition poétique, dans les médias, les haïkus japonais et une poétesse américaine d'une telle avant-garde qu'elle écrivait déjà à la manière du XXe siècle le plus avancé, poétesse dont la promotion artificieuse me parut si intentionnelle qu'elle semblait au premier chef dirigée à la fois contre Guillevic (afin d'enterrer son art ineffable sous des pelletées d'oubli terreux ?) et la totalité de la poésie anglo-saxonne du XIXe siècle, Walt Whitman inclus,
afin qu'on fît accroire que l'ensemble des versificateurs de cette époque, même les Français (Baudelaire, Verlaine et Rimbaud inclus) étaient désormais considérés comme illisibles, ampoulés, empesés, maniéristes et superfétatoires. Je veux bien sûr parler d'Emily Dickinson (1830-1886), dont la notoriété fut exagérée, montée en épingle, que dis-je, au pinacle, au détriment de tous les autres telle aussi Jane Austen. L'ostracisme de tel ou tel auteur tourne à la querelle puérile de gamins de cour de récré qui se chamaillent au cri de : "Toi, j' t'aime pas !" sans même que les causes de la détestation trouvent la moindre amorce d'explication rationnelle. Peut-on reprocher à Guillevic une espèce d'évolution littéraire convergente involontaire avec le style d'Emily Dickinson (dont il n'avait peut-être jamais entendu parler), ce qui le confronterait à l'accusation infamante de plagiat ? Ce serait, chose absurde, accuser la chauve-souris d'avoir copié le ptéranodon !
afin qu'on fît accroire que l'ensemble des versificateurs de cette époque, même les Français (Baudelaire, Verlaine et Rimbaud inclus) étaient désormais considérés comme illisibles, ampoulés, empesés, maniéristes et superfétatoires. Je veux bien sûr parler d'Emily Dickinson (1830-1886), dont la notoriété fut exagérée, montée en épingle, que dis-je, au pinacle, au détriment de tous les autres telle aussi Jane Austen. L'ostracisme de tel ou tel auteur tourne à la querelle puérile de gamins de cour de récré qui se chamaillent au cri de : "Toi, j' t'aime pas !" sans même que les causes de la détestation trouvent la moindre amorce d'explication rationnelle. Peut-on reprocher à Guillevic une espèce d'évolution littéraire convergente involontaire avec le style d'Emily Dickinson (dont il n'avait peut-être jamais entendu parler), ce qui le confronterait à l'accusation infamante de plagiat ? Ce serait, chose absurde, accuser la chauve-souris d'avoir copié le ptéranodon !
Méfiez-vous des bonnes femmes trop en avance sur leur temps : l'excès de la redécouverte n'a d'égal que le reniement, le dénigrement de tous les mouvements littéraires dont elle fut la contemporaine sans les suivre, sans même s'y agréger, jusqu'à ceux qui se succédèrent, après la disparition de l'impétrante sans héritiers littéraires directs, si ce ne fût à titre posthume à peine au siècle passé.
C'est simple : l'oeuvre de Guillevic, à la différence de celle d'un Aragon ou d'un Eluard (qu'il connut et rencontra) n'est jamais au programme des lycées. Comme son art de l'épure ne doit strictement rien à celui de notre Américaine, on se questionne pour savoir si le rejet scolaire de Guillevic ne reposerait pas sur un de ces innombrables malentendus qui font et défont les réputations face à la postérité. Comment lui reprocher une écriture superbe, en phase avec son époque ? Une écriture qui ne doit qu'à lui-même... Comment critiquer cette fameuse épure stylistique inégalée sans l'accuser de n'être qu'une esquisse laissant sur sa faim, esquisse confinant les vers du poète breton engagé à des fragments papyrologiques tellement éparpillés et minuscules que la reconstitution des poèmes dans leur supposée intégralité équivaudrait à résoudre la quadrature du cercle ? Comment à la parfin un Breton (la Bretagne étant réputée pour son catholicisme et son conservatisme) a-t-il pu devenir communiste, se fourvoyer dans une idéologie vomie par les vainqueurs officiels de l'Histoire alors que rien ne le prédisposait à une telle "conversion" ?
C'est simple : l'oeuvre de Guillevic, à la différence de celle d'un Aragon ou d'un Eluard (qu'il connut et rencontra) n'est jamais au programme des lycées. Comme son art de l'épure ne doit strictement rien à celui de notre Américaine, on se questionne pour savoir si le rejet scolaire de Guillevic ne reposerait pas sur un de ces innombrables malentendus qui font et défont les réputations face à la postérité. Comment lui reprocher une écriture superbe, en phase avec son époque ? Une écriture qui ne doit qu'à lui-même... Comment critiquer cette fameuse épure stylistique inégalée sans l'accuser de n'être qu'une esquisse laissant sur sa faim, esquisse confinant les vers du poète breton engagé à des fragments papyrologiques tellement éparpillés et minuscules que la reconstitution des poèmes dans leur supposée intégralité équivaudrait à résoudre la quadrature du cercle ? Comment à la parfin un Breton (la Bretagne étant réputée pour son catholicisme et son conservatisme) a-t-il pu devenir communiste, se fourvoyer dans une idéologie vomie par les vainqueurs officiels de l'Histoire alors que rien ne le prédisposait à une telle "conversion" ?
Bref, Guillevic, selon ses détracteurs illogiques, c'est de l'Emily Dickinson rouge, réducteur, du XXe siècle stalinien et totalitaire, à oublier d'urgence (ainsi les cuistres de la mise sous le boisseau de l'oeuvre immense de Guillevic doivent-ils raisonner en sous-main). Or, quoi de plus magnifique que les vers laconiques suivants :
Déjà coupable
Quand on parle d'innocence.
Comme si le ruisseau
Parce qu'il coule
Insultait le firmament.
(extrait de L'Innocent, dédié à Jules Roy in Possibles futurs Poésie/Gallimard 1996)
Ou encore (c'est presque là un aphorisme) :
Dans le domaine,
Chacun
Est à la recherche
De ses coordonnées.
(extrait de Du Domaine Poésie/Gallimard 1977).
Ainsi s'exprime tout le prosaïsme de Guillevic, dont l'indéniable évolution versificatrice, depuis 1942, tendit toujours vers le raccourcissement, vers l'expression de l'essentiel, non, du quintessentiel. Guillevic, chantre de la pierre qui parle, chantre du style lapidaire, moderne et ancien à la fois. Dire tout de l'humanité, de la nature, en le moins de mots possible. C'était cela, l'art admirable de Guillevic, que j'oppose certes aux baroques, mais point pour les rejeter pour autant comme tant d'ignorantins le font.
Dans Du Silence (extrait de Possibles futurs) Eugène Guillevic écrivait encore :
Je me dis que la prune
Vit en son noyau
Comme je vis en moi
Dans le sanctuaire
De mon royaume.
Ici, le poète atteint au sublime via la comparaison toute simple mais ô combien profonde. L'intériorisation, le royaume secret, sanctuarisé, que chacun de nous détient et porte en soi... Chacun possède son noyau, chacun est un fruit. Le noyau est le coeur de toute chose. Vive Guillevic !
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