Mamie LUGER de Benoît Philippon. Par Bénédicte Mitrano.
BIOGRAPHIE
Date/Lieu de naissance 1976 (Âge: 48 ans), France
• Benoît Philippon est un écrivain, réalisateur et scénariste français, auteur de roman s noir s
Diplômé en Lettres Modernes à la Sorbonne Nouvelle, il devient scénariste en 2000.
• Benoît Philippon passe son enfance en Côte d'Ivoire, aux Antilles, puis entre la France et le
Canada.
• En 2002, un premier scénario est porté à l’écran : "Sueurs", un film d’action produit par
Samuel Hadida avec Jean Hugues Anglade. Benoît développe ensuite plusieurs scripts
pour le cinéma, de la comédie au thriller. Il s’immerge également dans l’univers de
l’animation. Il participe à l’écriture de plusieurs séries ("Pat et Stan", "Chaplin&Co", "7 nains
et moi").
• Il devient scénariste à vingt ans pour le cinéma et l'animation.
• En 2009, Benoît passe à la réalisation en cinéma avec "Lullaby". Le film est coproduit par
Orange Studio, Forecast et Christine Vachon ("Loin du Paradis", "Carol"). Tourné en anglais
avec un casting international dont Forest Whitaker, Rupert Friend, Clémen ce Poesy, et la
participation de Charlie Winston, "Lullaby" est sélectionné dans divers festivals
internationaux (Pusan, Taipei, Camerimage) et sort dans plusieurs pays étrangers.
• "Mune : Le Gardien de la Lune" (2015), un film d'animation 3D, est son second long
métrage. Il a écrit le scénario original et l’a coréalisé avec Alexandre Heboyan. Le film a
gagné le prix du meilleur film aux festivals de Tokyo, Toronto et Erevan et est, en 2015, le
7ème plus gros succès français à l’étranger.
• En 2015, Benoît coréalise le court métrage "Nephtali", en collaboration avec Glen Keane,
pour la 3ème scène de l’Opéra de Paris.
• En 2016, il écrit son premier roman, "Cabossé", édité chez Gallimard, collection Série
Noire, qui obtient le Prix Transfuge du meilleur espoir polar 2016 et le Prix du Goéland
Masqué 2017 du meilleur premier polar.
• En 2017, il développe, avec le dessinateur Malec, "Super Mimi", une série jeunesse en
bande dessinée, éditée par Jungle Éditions, sortie en Février 2018.
• "Mamie Luger" (2018), son second roman, sort aux éditions les Arènes, dans la
collection Equinoxe , suivi de "Joueuse" chez les Arènes 2020
• « Toucher le noir » Collectif. Roman noir. 2021
• « Petiote 2022 » Les Arènes 2022.
• « Papi Mariole », Albin Michel (2024) est son dernier roman.
Le livre : Mamie LUGER
Visiblement très inspiré par San Antonio et Audiard (et ses Tontons flingueurs), Benoit
Philippon nous convie à une comédie désopilante. Mais tout le sel de ce roman noir ne se réduit
pas à une tueuse en série de cent deux ans, hilarante, irrespectueuse et mal embouchée.
« Mamie Luger » :
Un policier féministe où le coupable n’est pas celui qu’on croit.
Rien que la couverture prête à sourire, nous l’imaginons très bien cette mamie Luger, plus toute fraîche, pince sans rire, ce regard en biais derrière ses triples foyers, ce petit rictus ironique aux lèvres, sa robe rapiécée, ses larges mains un tantinet rabougries, nous l’imaginons mamie Luger mais aurions-nous pu deviner que derrière ses yeux rieurs se trouvaient autant de cadavres ? Absolument pas !
Résumé : Six heures du matin : Berthe, cent deux ans, (38 kilos) canarde l’escouade de flics qui a pris d’assaut sa chaumière auvergnate. Huit heures : l’inspecteur Ventura entame la garde à vue la plus ahurissante de sa carrière. La grand-mère au Luger vide son sac, et le récit de sa vie est un feu d’artifice. Il y est question de meurtriers en cavale, de veuve noire et de nazi enterré dans sa cave. Alors… Aveux, confession ou règlement de comptes ? Ventura ne sait pas à quel jeu de dupes joue la vieille édentée, mais il sent qu’il va falloir creuser. Et pas qu’un peu.
Son histoire à travers celle des cadavres L’histoire de Berthe Gavignol commence en 1914. Une vie entourée de deux femmes, sa mère et sa grand-mère Nana. C’est elle qui d’ailleurs lui donnera ce conseil avisé de viser l’entrejambe des hommes en cas d’intrusions non consenties. Nana c’est la survie. C’est la solitude d’une femme qui doit vendre son corps pour survivre et qui finit par produire sa propre gnôle dans la cave. A l’adolescence, Berthe est belle, sensuelle, bourrée de charmes. Elle le sait, elle en use et en abuse pour obtenir ce qu’elle souhaite : un mariage et une bonne situation.
Tout commence en Auvergne. Les premiers chapitres sont fulgurants. Nous débarquons en pleine fusillade. Mamie Luger a aidé un couple d’amoureux et assassins (Roy et Guillemette), qui plus est, à prendre la fuite à bord de l’Audi du voisin (De GORE, notaire) qui se retrouve au sol avec une balle dans les fesses. Qui est la tireuse ? Cette femme de 102 ans bien entendu. Elle est emmenée au poste de police et reçu par Ventura, Lionel de son prénom mais qu’elle prend un malin plaisir à appeler Lino. En salle d’interrogatoire, Mamie Luger doit s’expliquer.
Les premières minutes, elle maitrise la situation, plaide la surprise, la peur, l’ignorance, la vieillesse mais finit par fissurer sa carcasse, sa lourde artillerie tombe à ses pieds et elle commence alors à raconter son histoire. La sienne et celle des quelques cadavres enterrés dans sa cave.
1)
Lecture du premier chapitre : Page 7 à 11. « Blam ! Blam !...
2)
Puis viens la garde à vue, avec l’inspecteur Ventura : Page 12 à 13.
Mais une histoire de femme avant tout : Elle dit à un moment donné :
« Ouais, ben nous, les femmes, on n’a pas ce luxe d’avoir le choix. On est avant tout des pondeuses, et encore, quand on a la chance que ça marche ! Les couches et aux fourneaux ! Seulement moi, j’te dis que les temps ont changé et que j’veux de l’égalité. »
Mais voilà, les prémices de son féminisme se confrontent à la réalité patriarcale et rapidement elle va devoir régler le problème … à sa manière. Et des problèmes de ce type, Berthe va en rencontrer une sacrée pelletée. Benoît Philippon nous projette donc dans le passé de Berthe, depuis les 1914 jusqu’à cet instant où elle se retrouve dans ce poste de police avec Ventura. Un va-et-vient constant qui offre de vraies respirations. Comme nous, au fil de l’histoire qu’elle nous raconte, Ventura s’attache avec prudence à cette mamie qui le fait passer par toutes les émotions : la pitié, la compassion, l’effroi, la surprise, l’amusement … Il lui fait comprendre que la peine sera lourde pour ce qu’elle a commis mais il n’y a à ce titre aucun enjeu et le lecteur le sait. Elle a 102 ans. Et plus grand chose à perdre.
Et ça ne fait que commencer ! Mamie Luger tiendra en haleine le pauvre enquêteur et tous les lecteurs de ce formidable roman. Histoires rocambolesques, réparties exquises, candeur volontaire et description toute en innocence de ses multiples gestes
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1922, des enfants torturaient un chien, elle immobilisa le garnement d’un bon coup de pied 1922, des enfants torturaient un chien, elle immobilisa le garnement d’un bon coup de pied dans l’entre jambe, comme sa grand--mère Nana lui avait expliqué.
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Nous rencontrerons son premier mari (1933), Lucien Ramberot (42 ans), il tenait une droguerie qui prospérait. Berthe avait 19 ans (lecture P71). . Puis l’inévitable désaccord d’un couple (P 96) et enfin la mort de Lucien, , tué par Berthe avec un couteau (P104)
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Le sauvetage d’une jeune fille, Rose, face à un SS (1942) qui venait de tuer son frère Le SS est revenu pour violer Berthe. Pendant son agression, Berthe a pris le LUGER au SS. Elle l’a tué à coup de pelle. C’était le deuxième cadavre dans la cave…
Puis Luther (1945), un GI de couleur, elle n’en avait jamais vu. Il était son âme soeur, la véritable passion, la flamme, la simplicité, le respect et la sérénité. C’était un homme marié et il avait une fille, Nina. Son amour pour lui était intense, il est reparti aux State.
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Luigi FIZZARINO tenait un restaurant italien à St Flour… c’est son deuxième mari. Il la battait également. Elle cherchait à avoir un enfant sans succès. Il est mort étranglé. Il a rejoint les deux autres à la cave (le SS et Lucien)
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Marcel, le danseur (1951) …qui en possession du Luger avait violé Berthe et avait essayé de faire de même avec Rose. Berthe était venu à temps pour la sauver au calibre 22.
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Norbert, Baptiste, Thimotée, l’allemand au LUGER, tous des hommes qui ont passé dans la vie de la belle Berthe et qui y ont trouvé un certain refuge, pour un certain temps et peut--être être même pour plus longtemps. Très rapidement, on se rendra compte que l’alambic de la grand--mère ne sera plus jamais seul dans son sous--sol aux usages mortuaires.
Mamie Luger c’est bien plus qu’une histoire de femme. Benoît Philippon y aborde des sujets comme le racisme, le patriarcat, le viol, le féminisme, la liberté des femmes, l’égalité des sexes, la justice, l’équité, les classes sociales, l’avortement, la stérilité … C’est un roman policier social et humain. Il n’y a pas vraiment d’enquête. C’est Berthe qui, à travers son témoignage, livre les clés des différentes découvertes macabres au fond de la cave et à travers ces clés, elle livre un véritable message.
Conclusion
Mamie Luger de Benoît Philippon est à mettre sur la pile des livres à lire et relire, à prêter, à conseiller. Il est intelligemment écrit, drôle, caustique, ironique, bourré de bonnes diatribes. Il y a ce qu’il faut de supplices, de situations sanglantes, de coups, de violence pour s’inscrire dans la catégorie des livres policiers mais pour autant Mamie Luger c’est bien plus que cela. C’est la mamie de toutes les femmes, celle qui protège, celle qui se sacrifie, celle qui ne recule devant rien pour faire valoir nos droits.
L’écriture est simple avec parfois un vocabulaire cru. Des situations écrites dans l’exagération, un interrogatoire interminable et bienveillant de la part de Ventura, qui quelque part la respecte vu son âge.
Bénédicte Mitrano.