La complaisance attire des amis et la vérité la haine. (Térence : L'Andrienne, 68. Traduction Robert Combès).
Quelque chose aurait dû être commémoré le 9 avril dernier. L'homme dont il est ici question ne s'appelait ni Molière, ni Marcel Proust. Il naquit voici cent cinquante ans, le 9 avril 1872. Rien n'a été dit ou fait à la télévision à l'occasion de cet anniversaire important. Absolument rien. Cet homme, pourtant une figure majeure du XXe siècle s'appelait Léon Blum !
Certains "béciles" comme le disait la marionnette de François Mitterrand dans les défunts Guignols, usant avec brio de l'aphérèse, pourront péremptoirement lancer : "le front popu, quelle vieillerie !"
Mais, dans un pays qui s'apprête à célébrer Marcel Proust pour la quatrième fois en neuf ans (2013 : centenaire du Côté de chez Swann ; 2019 : centenaire du prix Goncourt ; 2021 : cent-cinquantenaire de la naissance ; 2022 : centenaire de la mort !), cela commence à bien faire ! Un pays qui, par ailleurs, a presque réduit la littérature britannique du XIXe siècle à la seule Jane Austen, boudant les bicentenaires des disparitions de John Keats et de Percy Shelley, tout en se préparant assurément à répéter la même sempiternelle bouderie en 2024 à l'encontre de Lord Byron ! Un pays qui, enfin, a depuis des années inhumé Paul Fort dans le caveau abyssal de la littérature défunte !
Pour moi, Léon Blum est vivant, toujours vivant ! Il s'agit d'un des plus grands personnages de l'histoire du XXe siècle.
L'an que tu fleuriras ma tombe, eût pu écrire quelque poète ou poétesse (le mot féminin n'est pas pour moi péjoratif). Léon Blum, ce fut à la fois un destin hors du commun, avec ses tragédies, un exemple iconique, une référence politique. Il aurait dû entrer au Panthéon. Il n'eut jamais beaucoup de chance avec la télévision lorsqu'il se fut agi de relater sa vie et son oeuvre au sein du Front populaire. Idem avec le cinéma.
A la fin du mois de mai 1986 fut diffusé sur TF1, dans une quasi indifférence, un long documentaire-fiction de Pierre Bourgeade et Jacques Rutman intitulé Léon Blum à l'échelle humaine, inspiré de son livre majeur écrit en captivité et publié en 1945. Alain Mottet y interprétait Léon Blum. Dans la distribution, on trouvait Monic Dartbois, Elsa Oppenheim, Anne Bellec, Bernard Freyd, Paul Bisciglia et même Francis Lemarque. La distribution complète figure IMDb. La droite revenue aux affaires n'eut que mépris pour cette oeuvre, tandis que la gauche l'oublia vite, au point qu'elle est devenue invisible... La fameuse clause de la privatisation de TF1 lui octroyant les archives de la chaîne de la période du 1er juillet 1982 au 30 juin 1987 au détriment de l'Ina (ce qui bloque aussi Madelen) aggrave le problème. Un jour ou l'autre, il faudra bien que cette clause inepte pour le patrimoine télé soit remise en cause...
J'ai écrit qu'au cinéma, Léon Blum ne marchait pas non plus : l'accueil glacial et l'échec commercial intégral du film de Laurent Heynemann Je ne rêve que de vous (2019) nous le rappelle. Je n'ai pu voir ce film qu'en replay à la télévision ! Il s'agit d'un drame historique contant, sur fond de seconde guerre mondiale et d'occupation nazie, l'histoire d'amour entre Léon Blum et celle qui devint sa troisième femme, Jeanne Reichenbach. Les deux rôles principaux étaient pourtant tenus par un acteur et une actrice tout à fait appréciables : Hippolyte Girardot et Elsa Zylberstein.
Finalement, seul le téléfilm de 2001, Thérèse et Léon de Claude Goretta, avec le regretté Claude Rich et Dominique Labourier (que je viens de revoir toute jeune en Toinette dans la version de 1971 du Malade imaginaire) échappa à la volée de bois vert. Aux défunts Dossiers de l'écran, les choses s'étaient un peu mieux passées. Certes, Léon Blum n'y avait pas le premier rôle, qu'il se fût agi du Procès de Riom ou du Congrès de Tours. Cependant, ces deux téléfilms historiques ont pour avantage d'être disponibles sur Madelen, certes par abonnement, mais cela est mieux que rien.
Si l'on approfondit davantage et que l'on fouille les archives non fictionnelles de l'Ina sur son site Internet, on constate que le centenaire de la naissance de Léon Blum, en 1972, n'avait pas été omis. Cependant, les documents sont peu nombreux, essentiellement - si l'on s'en tient à ceux conservés de son vivant - quelques archives radiophoniques et cinématographiques (pour l'essentiel, les actualités filmées des années 1946-1949).
Pour conclure, Léon Blum ne fait ni recette, ni consensus, puisque personne ne propose qu'il entre au Panthéon ! Il faudra donc se contenter de ses textes majeurs parus en 2021 aux éditions Archipoche et préfacés par Pierre Birnbaum : les Mémoires suivies de A l'échelle humaine. N'avais-je pas déjà constaté, dans mon texte du 4 novembre 2016 intitulé Ces romans Gallimard du premier semestre 2016 boudés par la critique que le roman d'Antoine Billot, Otage de marque qui traitait du même sujet que le film Je ne rêve que de vous (le film étant cependant adapté de Dominique Missika) avait lui-même été victime d'une bouderie dérangeante ?
Prochainement : La critique des romans de Paul Greveillac : un silence presque intégral.
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