La fiction est un mensonge qui dit la vérité. (d'après Fabien Clavel Feuillets de cuivre éditions Actu SF 2015 p. 302)
Voilà un écrivain médiéval bien singulier, un homme dont on ne connaît ni l'année, ni le lieu exact de naissance, ainsi que la date et l'endroit de la mort. Gace Brulé fut un chevalier champenois, écrivain et musicien de langue d'oïl, autrement dit, un trouvère, qui, selon ce qu'on peut extrapoler à partir des rares documents le concernant, aurait approximativement vécu entre 1160 (il serait né dans les années suivantes) et après 1213, ce qui en fait un homme de la génération du roi Philippe Auguste.
Paradoxalement, les chansons de Gace Brulé ne sont nullement absentes des enregistrements discographiques et de la Toile. Cependant, cela ne lui assure pas la notoriété. Il suffit pour cela d'aller sur YouTube, plate-forme devenue ainsi la meilleure source de vulgarisation sur Gace Brulé ! Par exemples : Biaus m'este quant retentit la bruille, A la douçor de la bele seson ou encore Quant voi la flour boutener.
Sur Wikisource, l'on peut trouver la reproduction du recueil Chansons de Gace Brulé édité en 1902 chez Firmin Didot par Gédéon Huet.
Si à tout hasard, notre trouvère obscurci par les siècles acquerrait une notoriété soudaine, celle-ci dépasserait à peine le cercle des spécialistes de la littérature médiévale d'oc. Elle n'égalerait guère celles de troubadours d'oc, tel Marcabru
par ailleurs considéré comme l'un des plus anciens représentants de la littérature occitane, puisqu'il vécut entre 1110 et 1150 environ, ou encore Folquet de Marseille,
cet autre troubadour étonnant, dont la destinée, à cheval entre le XIIe et le XIIIe siècle (d'environ 1155 à 1231), le mena à la vie monastique puis à l'évêché de Toulouse... jusqu'à même devenir un bienheureux de l'Eglise catholique ! Rien de tout cela, hélas, chez Gace Brulé... et je n'oublie pas les obstacles linguistiques respectifs que représentent l'ancien français d'oïl et l'occitan médiéval !
Adieu, Gace Brulé, toi qui jamais beaucoup de lecteurs auras au XXIe siècle, et pas seulement à cause de l'obstacle de la langue !
V Dedens mon cuer monte treille.
Toute preste de florir :
Granz amor fine et feeille
44 Gui la daigneroit joïr.
Mes amors qui n’est joie
Ne puet cuer esleecier;
Bien voi se mort ne chastie
Ma volenté, m’anémie,
Ne puis mon biau tort laissier
5o Ne mon outrage changier.
VI Bels Lorenz, félon, d’envie,
Me firent joie esloignier.
Meinte douce compeignie
Ont a lor tort départie
A mentir et a trichier,
56 Et rien ne s’en puet vengier.
VII Odins, cil cui amors lie,
Est cheiiz en tel baillie,
Que nus nel puet desliier,
o Se pitiez ne vuet aidier.
Prochainement : je traiterai de la négligence nécrologique presque généralisée qui entoura la disparition d'un des plus grands physiciens du XXe siècle : Steven Weinberg (1933-2021).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire