Lors des fêtes de fin d'année 2020, diverses personnalités nous quittèrent à jamais, certaines bien couvertes par les médias comme Claude Brasseur et Robert Hossein, d'autres à peine évoquées comme la chanteuse Rika Zaraï et le violoniste Ivry Gitlis.
Certains disparus furent si discrets que la révélation de leur mort n'advint qu'après plusieurs semaines. Ainsi en fut-il de Jacques Champreux (1930-2020), petit-fils de Louis Feuillade.
Les Compagnons de Baal : ce titre de feuilleton de la fin des années 1960 dit-il encore quelque chose ? De même, L'Homme sans visage, qui lui, remonte aux années 1970 est-il encore connu ? Acteur, réalisateur et scénariste, Jacques Champreux collabora avec Georges Franju, ce cinéaste spécial, qui sut mettre la regrettée Edith Scob en valeur. Je considère Champreux comme le co-auteur - avec comme second scénariste Francis Lacassin - de Judex (1963), "remake" et hommage à un grand film muet de son grand-père Louis Feuillade, serial ou plutôt ciné-roman de 1916, demeurant par ailleurs désespérément invisible, au contraire de Fantômas et des Vampires.
Dans Les compagnons de Baal (1968), feuilleton en noir et blanc par ma foi assez foutraque - dont la musique était tout de même signée Henri Sauguet
- Jacques Champreux eut deux cordes à son arc : le scénario et l'interprétation, puisqu'il partageait la vedette avec l'extravagant et histrionique Jean Martin, par ailleurs un des rares acteurs de la télé française à avoir eu droit à un article nécrologique du Monde, alors qu'une foultitude d'autres, bien que talentueux, n'eurent pas droit à la moindre ligne de ce quotidien...
Il récidiva avec Nuits rouges (1974), dernier film de Georges Franju qui fut la version courte de L'Homme sans visage que TF1, chaîne alors toute récente, diffusa à l'été 1975. Jacques Champreux jouait le personnage titre, nouveau Fantômas, tandis que la comédienne américaine Gayle Hunnicutt interprétait sa compagne criminelle, référence évidente à Lady Beltham, la célèbre amante du personnage mythique de Souvestre et Allain. Contrairement aux Compagnons de Baal, que la défunte chaîne Canal Jimmy diffusa au début de l'année 2002, L'Homme sans visage, qui passa sur la regrettée Festival l'année suivante n'est pas sorti en DVD et s'avère indisponible sur Madelen.
Malgré son apport dans le cinéma populaire teinté d'insolite, de fantastique et même de science fiction, Jacques Champreux m'apparaît fâcheusement mésestimé et minoré, d'où sa dénécrologie conséquente. Il est conséquemment regrettable que seul L'Ecran fantastique ait su traiter correctement cette disparition notoire. Il suffirait d'acquérir une bonne connaissance de la littérature populaire et de certains genres de films trop longtemps méprisés ou négligés pour s'apercevoir de l'importance de l'apport de Jacques Champreux. Champreux, dernier héritier d'une certain style feuilletonnesque ? Peut-être bien...
Prochainement : la Commune un peu, Baudelaire nada.