Le comte de Paris à l'Elysée ? Pourquoi pas la reine des gitans ? (citation attribuée au Général de Gaulle)
Quid ? Qui est donc cette dame des lettres immergée dans des abysses d'oubli ? Qui se souvient encore de Pauline Benda, qui vécut plus d'un siècle ?
Quid ? Qui est donc cette dame des lettres immergée dans des abysses d'oubli ? Qui se souvient encore de Pauline Benda, qui vécut plus d'un siècle ?
Lorsque la télévision annonça sa disparition, en 1985 (en ce temps-là, elle faisait encore à peu près correctement ce travail nécrologique), ma mère crut avoir mal entendu l'âge de l'intéressée tellement il lui paraissait incroyable. De son vrai nom, répétons-le, elle s'appelait Pauline Benda.
Elle naquit à Paris, le 3 avril 1877. Elle était la cousine germaine de l'écrivain Julien Benda.
Julien Benda publia La Trahison des Clercs en 1927. Autant Julien Benda peut-il encore évoquer quelque chose à un petit nombre de personnes, autant Madame Simone s'avère effacée de notre mémoire littéraire. Nul n'est capable de citer la moindre de ses oeuvres, introuvables depuis belle lurette, à l'exception peut-être (souhaitons-le) de sa correspondance avec Alain-Fournier, seul ouvrage où sa plume est présente publié post-mortem, en 1992...
L'Histoire est injuste, en particulier avec les écrivaines, et cette injustice paraît difficile à réparer lorsqu'il s'agit d'une contemporaine de la Belle Epoque. Car Madame Simone fut quelqu'un qui compta, comme en témoigne le site de l'INA.
Elle fut femme de théâtre, comédienne d'abord. Epouse de l'acteur Charles Le Bargy,
son professeur de diction, son aîné de dix-neuf ans, de la Comédie-Française, dont le nom se survit partiellement grâce à cet incroyable film muet historique de 1908 qu'il coréalisa pour Le Film d'Art et dans lequel il interpréta le rôle d'Henri III : L'Assassinat du duc de Guise.
Il fut ainsi un des prédécesseurs du regretté François Maistre dans ce rôle ambigu. A noter que le film bénéficia d'un accompagnement musical signé Camille Saint-Saëns, preuve s'il en était que les films muets ne le furent jamais vraiment. Ce n'est pas pour rien que le comédien Jim Gérald, au milieu du XXe siècle, rendit hommage aux artistes "silencieux" dans un court métrage de 1954 dont le titre était Les Eloquents. L'interprétation de ce type de films peut nous paraître grotesque et outrancière, bien loin des dépouillements postérieurs...
De fait, l'union de Madame Simone (qui joua dans la pièce incomprise d'Edmond Rostand,
Chantecler à sa création en 1910) avec Charles Le Bargy ne dura guère. Elle se maria trois fois et eut une brève liaison avec Alain-Fournier, secrétaire de son deuxième mari.
Madame Simone toucha à plusieurs genres : romans (Le Désordre), pièces de théâtre (Emily Brontë), mémoires (L'Autre Roman), correspondance. Bien que tardive, car débutée dans les années 1930, cette oeuvre semble souffrir d'un ancrage temporel trop daté pour intéresser encore nos contemporains : on ne la réimprime plus, malgré le fait notable que Madame Simone, au cours de sa seconde vie toute axée sur la littérature, ait siégé longtemps au jury du prix Femina, de 1935 à sa mort. On exige trop souvent de l'universel, de l'atemporel, des écrits ayant des résonances actuelles, qui font sens au XXIe siècle. Ainsi, on condamne les neuf dixièmes de la littérature à un ensevelissement regrettable.
Je déplore cette situation d'indisponibilité générale des écrits de Madame Simone qui m'empêchent de vous proposer des extraits à même de vous faciliter un avis sur cette écrivaine. Prochainement dans cette série, j'aborderai le cas de Pierre Nord,
auteur de romans policiers devenus tout autant introuvables que les oeuvres de Pauline Benda. A quoi bon être morte chargée d'ans le 17 octobre 1985 ? Son passé de coqueluche du théâtre 1900 l'a peut-être desservie, car l'on sait l'ingratitude courante. La mémoire sélective rejette dans l'ombre d'innombrables personnalités. Madame Simone ne survit plus que grâce à la béquille Alain-Fournier...
Prochainement : Alain-Fournier, retour sur Le Grand Meaulnes.