De Domenico Losurdo à Claudio Scimone, de Claude Seignolle dont j'ai déjà parlé à Luigi Luca Cavalli-Sforza, de Moshé Mizrahi à Oksana Chatchko, de Frank Giroud à Edouard Aidans, de Tomasz Stanko à Madeleine Malthête-Méliès, de Lydia Stibon à Ophélie Longuet, de Gérald Messadié à Margareta Niculescu, de Van Doude à Gilbert Lazard, elles et ils furent légion à nous quitter cet été sans que le journal Le Monde trouvât intéressant et digne de rendre hommage à ces personnalités disparues...
Honte à lui ! Honte à lui ! Honte à lui ! Ce quotidien n'a cessé de se déshonorer en affichant un désintérêt culturel crasse et scandaleux pour nos mortes et nos morts honorables. Savait-il que le grand généticien Luigi Luca Cavalli-Sforza était l'Albert Jacquard italien ?
A mon avis, il s'agit là de l'omission nécrologique estivale la plus scandaleuse, du plus grand impair informationnel commis cet été dans
Le Monde ! Il se complaît au contraire dans les articles nécrologiques corporatistes, célébrant les untel ou unetelle ex-journaliste ayant travaillé chez lui, optant pour l'entre-soi plutôt que l'entre-tous ! Il saute cependant presque systématiquement les journalistes télévisés nous ayant quittés : sans doute pour lui s'agit-il de personnes inféodées aux pouvoirs politiques quels qu'ils soient...
Je veux bien accorder le bénéfice du doute au sujet de quelques unes de ces omissions, davantage dues à la méconnaissance des journalistes ou à leur indisponibilité estivale, mais je n'excuse pas
tous les oublis. On ne peut nier que certains constituent une loi des séries reposant sur des présupposés généraux et idéologiques. Mon cousin m'avait écrit (c'était en 1987, sous le gouvernement de la première cohabitation) : "Ils n'annoncent (à la télé) que des morts de types de droite." Ce constat de 1987 suivait la crise des dénécrologies ayant suivi le 16 mars 1986, crise dont il a été question dans mon article sur Germaine Acremant, une des victimes collatérales de cette crise...
L'on sait que, depuis le scandale du tour de France de la dope, en 1998,
Le Monde exècre les sportifs, présupposant qu'ils sont trafiqués, et leurs exploits tout relatifs. Ce présupposé sur le dopage généralisé des athlètes et autres, entraîne une damnatio memoriae quasi intégrale et un bannissement à peu près complet de leurs nécrologies dans ce quotidien, alors qu'il suffit de simplement consulter la liste des décès de personnalités de tel ou tel mois sur Wikipedia pour constater que les sportifs morts
pullulent.
De même,
Le Monde semble avoir une dent contre les filles ou petites-filles de grands du cinéma : en ce cas, l'omission en juillet dernier de Madeleine Malthête-Méliès est tout autant honteuse que celle de Maud Linder l'an passé.
Comment
Le Monde peut-il se dire féministe en occultant le suicide tragique d'Oksana Chatchko, ancienne Pussy Riot et artiste de talent ?
Libé, que je sache, ne l'a pas oubliée...
Comment
Le Monde peut-il se dire antiraciste et défenseur de l'égalité de tous les êtres humains en escamotant l'immense Luigi Luca Cavalli-Sforza ? L'animosité nécrologique du monde envers les personnalités italiennes se révèle chaque mois davantage : Venantino Venantini,
dernier survivant des
Tontons Flingueurs vient d'en faire tristement les frais. Là encore,
Libé a fait son travail.
Le Monde assimilerait-il toute personnalité italienne morte à un partisan inconditionnel de l'actuel gouvernement douteux de la Botte ? Cela est absurde et ridicule, lorsqu'on songe que Domenico Losurdo, autre grand transalpin ignoré, était marxiste !
Claudio Scimone, bien qu'italien lui aussi, semble appartenir à une sous-catégorie embrassant un spectre au-delà de l'amalgame Transalpin égale fasciste pro Salvini : celle des interprètes de la musique du XVIIe-XVIIIe siècle n'ayant pas succombé aux sirènes de la mode baroqueuse. Ce que d'évidence, notre a-journal paraît détester au plus haut point. Le silence radio du
Monde l'ayant entouré en septembre dernier rejoint donc celui dont fut victime Jean-François Paillard voici quelques années.
Fait-on allégeance à l'extrême-droite en écoutant du Vivaldi dirigé par Scimone ?
Le Monde est décidément pétri de contradiction : dans le milieu de la bédé, il se met à ignorer autant des disparus de la sphère adulte que de la sphère classique enfantine franco-belge. Frank Giroud et Julio Ribera ont rejoint dans l'opprobre Edouard Aidans, pour
feu le journal d'Hubert Beuve-Méry.C'est à croire que le décès prématuré du grand journaliste bédéphile Yves-Marie Labé en 2010 a grevé définitivement la couverture des nécrologies d'auteurs du 9e art dans
Le Monde. Si Yves-Marie Labé avait vécu, aurait-il composé un de ces articles de derrière les fagots rendant hommage à Julio Ribera ou Frank Giroud ? Déjà que la bédé se plaint d'un manque de scénaristes...
L'ignorance de la mort accidentelle, le 18 juillet dernier, de la danseuse et chorégraphe Ophélie Longuet est tout autant emblématique. La malheureuse était une spécialiste reconnue de la danse classique, un art fustigé par les bobos chébrantudiens qui ne jurent sans doute que par une (fausse) modernité temporaire vite démodable... Elle mourut dans le Vaucluse, un célèbre département très accidentogène.
Passons aux écrivains. Notre quotidien dit "du soir" pense sans doute que Gérald Messadié et Claude Seignolle étaient des sous-plumitifs de pacotille, parfois nauséabonds (ce qui les rend fachosphériques et autres étiquettes indésirables), en particulier pour le second dont le régionalisme singulier, fantastique, le rendait suspect de cryptopétainisme, de prise de position en faveur de la "terre qui ne ment pas" et autres balivernes.
Le musicien de jazz, quant à lui (Tomasz Stanko pour mémoire), cumulait les lourds handicaps de n'être point afro-américain et surtout d'afficher des origines polonaises. Par amalgame sous-jacent et par présupposé, on peut en conclure que
Le Monde a songé qu'il s'agissait là d'un partisan du PIS, parti on ne peut moins de "gauche"...Car, comme l'on sait, la majorité des Polonais votent pour un parti douteux que l'on peut qualifier de vachard. Comme l'avait dit Victor Hugo à Léon Gozlan lors de l'élection d'Empis à l'Académie française (c'était sous Louis-Philippe) : "Et tant pis." Quant à lui, Lamartine aurait écrit (Ampère venait alors d'être élu après Empis) : "C'est un état peu prospère d'aller d'Empis en Ampère". Et Hugo de rétorquer : "Toutefois ce serait pis d'aller d'Ampère en Empis." Le véritable patronyme d'Empis était Simonis...
Comme nous pouvons le constater sur cette photo explicite, Tomasz Stanko était un virtuose de la trompette.
Restent encore quelques noms à traiter avant d'achever ce billet. Par exemple, le cinéma. Deux noms ont retenu mon attention. Commençons par celui qui détient les lauriers de la pire des dénécrologies jamais connue et enregistrée, Internet inclus. Il s'agit du comédien Van Doude, dont seul un site spécialisé dans les acteurs de doublage signala le trépas estival. L'opacité des arcanes caractérise l'omission nécrologique de Moshé Mizrahi.
Le Monde semble avoir oublié que ce réalisateur estimable reçut l'oscar du meilleur film étranger pour l'adaptation de
La Vie devant Soi (1977), ce fameux roman polémique de Romain Gary
qui reçut le prix Goncourt sous le pseudonyme, l'alias fictif d'Emile Ajar, film où jouait l'immense et regrettée Simone Signoret. J'espère que cet oubli est dû davantage à l'ignorance de nos journalistes et nécrologues contemporains qu'à un parti-pris idéologique nauséabond inavouable...
Quid de la marionnettiste roumaine, du sempiternel membre de l'Institut oublié, et des autres ? Qu'ajouter de plus à l'adresse des personnes non encore convaincues du fait que
Le Monde, ce n'est plus du tout ça ?
Mieux vaut se taire à présent et poursuivre notre tâche de recensement des turpitudes d'un journal qui déçoit toujours plus celles et ceux qui crurent en lui...
A bientôt pour d'autres articles...