mardi 24 janvier 2017

"Fleur de Tonnerre", premier corbillard cinématographique de l'année 2017.

Par Cyber Léon Bloy.

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Nous l’avons écrit la dernière fois au sujet d’un film d’outre-Atlantique consacré à la grande révolte des esclaves de Virginie de l’an 1831 : il existe de nombreuses cabales en ce monde destinées à briser la carrière d’œuvres sur pellicule. Or, dois-je rappeler qu’en Histoire, les cabales furent choses fort courantes, fort ordinaires, exercées à l’encontre d’opéras, ou de pièces de théâtre ? Racine – le grand Racine lui-même – en fit l’amère expérience avec Phèdre et Marivaux – le pétulant Marivaux – avec Le Petit-Maître corrigé sans omettre toutefois Monsieur Victor Hugo avec Les Burgraves. 
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Sont-ce là prétextes de ma part, opportunités commodes à saisir afin d’exercer ma verve et ma diatribe contre les pignoufs de toute nature ? Non point ! Mon hubris est légitime !
Adonc, attaquons là. Après avoir débecté son ire à l’encontre de The Birth of a Nation, la presse branchue boboïste s’est trouvé une nouvelle victime, une nouvelle proie commode en la personne de Fleur de Tonnerre,
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 adaptation filmée par Madame Stéphanie Pillonca du roman du sieur Teulé Jean, accoutumé à l’immondice critique opposée à sa manière bien particulière de revisiter littérairement l’Histoire. Elle y a déversé à loisir, ad libitum, ad nauseam, à l’envi, des torrents de vomissures extraits de son tonneau des Danaïdes personnel, tonneau aux liquidités et humeurs excrémentielles sans fin ni fond s’il en est.
Icelle presse a frappé un film jà à terre, jà mort, puisque n’ayant disposé en sa première semaine d’exploitation que de soixante-deux copies en tout et pour tout (pour nous limiter au territoire provençal cher à ce bobelin de Charles Maurras aucune à Avignon, aucune à Aix-en-Provence, une seule à Marseille à des horaires d’emblée putrides et malcommodes). Film trop breton pour les Parisiens cosmopolites (la Bretagne constituant pour eux le fin-fond de l’arriération provinciale profonde), trop local, trop daté (ô les costumes haïs !), non projetable en d’autres terres qu’Armor. Qu’importe pour cette gent contre laquelle j’aime à ferrailler qu’il s’agisse d’un portrait filmique fantasmé de la grande criminelle empoisonneuse en série Hélène Jégado.
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Le divorce entre les avis de la presse et les opinions des rares spectateurs ayant eu le privilège de voir Fleur de Tonnerre est si consommé, si considérable, si contrasté, si antinomique, si astronomique, que l’on peut parler au sujet de ce long métrage d’un fossé culturel optimal, final, aussi profond qu’un abysse me laissant pantois d’ébahissement, comme autant de ferments de dislocation de l’unité nationale sous les coups d’un nouveau morcellement du pays digne de celui de l’Etat carolingien déliquescent et picrocholin des IXe et Xe siècles.
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Celles et ceux qui ont pu aimer, apprécier à loisir Fleur de Tonnerre sont en quelque sorte en rupture de ban puisque tombés en dissidence, en sécession culturelle à défaut de territoriale (cela pourrait survenir un jour par les déclinaisons multiples du mot d’Albion exit), nouveaux Boson fâchés vis-à-vis d’une presse parisienne ne représentant plus qu’elle-même, ne se parlant plus qu’à elle-même, à travers son miroir de Narcisse moucheté de crottes d’animalcules gluants. Des unités astronomiques, des parsecs séparent ces Parisiens-là de la province profonde vouée par eux aux gémonies, Parisiens qui n’ont strictement rien compris aux récents événements démagogiques exponentiels ponctuant notre actualité ténébreuse.
Que les salles de cinématographe de Bretagne soient pleines à craquer des admirateurs d’Hélène Jégado, via le roman de Monsieur Jean Teulé,
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 n’a pour ces petits-maîtres au nez coulant de morve tantôt verte, tantôt flavescente de pus, qu’une minime importance. Ils pontifient sans fin, multipliant leurs décrétales, leurs anathèmes fulminés dépréciatifs…
Çà, là, je puis concéder quelques imperfections au film de Madame Pillonca : une approximation de l’adaptation dont la fantaisie semble exclue, un manque criant de moyens, une distribution inégale avec d’improbables comédiens ne provenant pas du sérail, à l’exception de Madame Déborah François, toujours excellente. De même, le climat fantastique et fulgurant du roman se réduit à un tableau voltairien didactique de la superstition autour de la figure folklorique de l’Ankou dont Hélène Jégado se croit la servante.
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La phraséologie dialectique des critiques martèle contre Fleur de Tonnerre le terme dévalorisant de téléfilm, accusation commode, point neuve car déjà usitée vers 1990 lorsque Francis Girod
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 sortit son Lacenaire,
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 lors qualifié d’œuvre aux lumières de téléfilm. Tantôt pour les uns, Fleur de Tonnerre s’apparenterait à un téléfilm de l’ORTF finissante (l’on disait en ces temps dramatique, ce qui était plus noble), tantôt pour les autres à un téléfilm régional fauché de la Trois (même pas breton pour eux à ce qu’il me semble en ma lecture fugitive d’un article mineur en ligne). Non en reste, Le Figaro qualifie bien Fleur de Tonnerre
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 de téléfilm en lui attribuant tout de même une note moyenne. Ce quotidien fort conservateur se dédierait s’il faisait chorus à l’autre presse à laquelle il s’oppose. Et si, par hasard, Le Figaro avait raison ? Si Fleur de Tonnerre était bel et bien un téléfilm, mais exclu de toute diffusion au petit écran car, quoiqu’il fût plus ou moins policier, ne correspondant plus à la ligne éditoriale de France Télévisions, ce, depuis que feu Rémy Pflimlin a ostracisé toute production en costumes antérieurs à 1940 ? Celle qui lui succéda, Madame Ernotte, qui semble avoir des velléités de revenir sur cet interdit insane, a du pain sur la planche : elle devrait balayer au préalable devant sa porte et enfin programmer ce qui est jà tourné, ces deux fameux ultimes épisodes de la saga de Nicolas Le Floch, dont l’un moisit dans un placard depuis bientôt trois années telle autrefois La Duchesse d’Avila.
Tout à ma virulence retrouvée, face à cette eau cabaliste débordant d’un vase de nuit exsudant sa putrescente humeur, je vous invite à lire Fleur de Tonnerre de Monsieur Teulé et à contourner le désert cinématographique entourant son adaptation certes imparfaite par tous les moyens techniques possibles mis à votre disposition.

Prochainement : Olivia de Havilland : un centième anniversaire passé sous silence. 

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