samedi 15 juin 2013

Ces films qui ne sortent pas en DVD ou le font tardivement.

Il étoit facile de se sentir fort aise, de se complaire en ce monde friedmano-hayekien, lorsqu'on se trouvoit du costé du marteau et non point de l'enclume. (extrait des Mémoires du Nouveau Cyber Saint-Simon)

La démémorisation culturelle - y compris dans le fait de ne pas publier les nécrologies de celles et ceux qui comptèrent - est un outil majeur de décervelage des masses au profit d'une entreprise de confiscation généralisée des savoirs mise au service du seul utilitarisme immédiat. (le Cyber Philosophe Inconnu)

Parmi les nécrologies, ils ne choisissaient plus de publier que ce qu'ils voulaient, au lieu de ce qu'il y avait. Ils commencèrent par sauter les acteurs de télé, puis s'en prirent aux dessinateurs de bédé, enfin à presque tous les décédés, à l'exception notable de ceux appartenant à leur corporation journalistique. (Chroniques d'un Anti-Monde du début du XXIe siècle).

Si j'avais été là avec mes guerriers, j'aurais vengé le Christ ! (Clovis, d'après L'Histoire de France en bandes dessinées n° 2, éditions Larousse 1976)

C'est légal parce que je le veux. (Louis XVI au duc d'Orléans le 19 novembre 1787)

J'excellais à l'invention de fausses citations. (aphorisme de moa)

Aujourd'hui, le juriste a envie de vous parler. L'article L231-1 du code du cinéma et de l'image animée dit ceci :
Une œuvre cinématographique peut faire l'objet d'une exploitation sous forme de vidéogrammes destinés à la vente ou à la location pour l'usage privé du public à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la date de sa sortie en salles de spectacles cinématographiques. Les stipulations du contrat d'acquisition des droits pour cette exploitation peuvent déroger à ce délai dans les conditions prévues au deuxième alinéa. Les stipulations du contrat d'acquisition des droits pour cette exploitation prévoient les conditions dans lesquelles peut être appliqué un délai supérieur conformément aux modalités prévues au troisième alinéa.
La fixation d'un délai inférieur est subordonnée à la délivrance par le Centre national du cinéma et de l'image animée, au vu notamment des résultats d'exploitation de l'œuvre cinématographique en salles de spectacles cinématographiques, d'une dérogation accordée dans des conditions fixées par voie réglementaire. Cette dérogation ne peut avoir pour effet de réduire le délai de plus de quatre semaines.
Les contestations relatives à la fixation d'un délai supérieur peuvent faire l'objet d'une conciliation menée par le médiateur du cinéma, dans le cadre des missions qui lui sont confiées par les articles L. 213-1 à L. 213-8. (source : Legifrance)

Juridiquement, cela veut dire qu'on peut allègrement dépasser ce délai, voire décider de ne sortir un film en DVD ou en blue ray qu'après plusieurs années, si ce n'est jamais !Tout dépend du contrat d'acquisition des droits qui peut prévoir des dérogations au délai ainsi que les conditions d'application d'un délai supérieur.
Hé bien, je voudrais être une mouche (ainsi parlait ma mère) pour aller fourrer mes pattes et mes antennes parmi la paperasse (virtuelle ?) des contrats d'exploitation en vidéogrammes de nombreux films qui mettent un temps fou pour sortir en DVD.
Force est de constater que, dans la grande majorité des cas, ces longs métrages que les éditeurs vidéo tardent inconsidérément à sortir, sont passés inaperçus en salles à cause de leur distribution anémique et hectique. Hors Paris, point de salut. Cela signifie que, pour un provincial comme moi, sachant que même des établissements présumés classés "art et essai" ne sont pas parvenus à obtenir une copie de ces films, et comme je veux rester honnête et voir cela sur un écran d'une taille appréciable (pas sur celui de mon ordi, donc) sans streaming ou téléchargement légal ou hors la loi, le DVD et le blue ray demeurent l'unique chance d'enfin les voir si ce n'est sur le bouquet satellite (qui coûte cher lui aussi). Les chaînes hertziennes sont la dernière roue de la charrette. Les profiteurs de la loi des quatre mois sont toujours les mêmes gros cubes, alors qu'une bonne intention de départ laissait présumer qu'un raccourcissement des délais de sortie en vidéo bénéficierait aux oeuvres qu'on dit pudiquement "fragiles".
Il n'en est rien dans ce monde ultra hayekien, aussi intransigeant et fondamentaliste que le sinistre ministère Villèle sous Charles X.
 Des exemples ?
 Tolstoï le dernier automne (The last station) de Michael Hoffman (2010)  : apprenez que j'ai dû patienter vingt-deux interminables mois pour que la galette argentée de de film daigne sortir en vente, et encore, sous un autre titre : Le Dernier Automne ! Même Canal + et Orange n'en ont pas voulu : seule Arte l'a diffusé à la télé dans une indifférence polie (pour moi, l'indifférence constitue une forme suraiguë d'insulte, de mépris et d'outrage ).

 

Adonc, je poursuis ma litanie énumérative :
Dernière séance de Laurent Achard (2010 : sorti seulement fin 2011).

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Cette oeuvre singulière, d'une grande originalité, sorte d'hommage sanglant et sacrificiel aux salles de cinéma moribondes, sortit au pire moment, lorsque Intouchables encombrait tout le marché des films, mit onze mois pour être éditée en DVD.

Madame Solario de René Féret (2012) a failli appartenir à la rubrique des films jamais prévus en DVD et en blue ray : in extremis, une sortie a enfin été fixée, un an après l'exploitation (fort chiche) en salles. Quand un long métrage n'est ni populaire, ni consensuel, ni décérébrant et pascalien, il ne risque pas d'être favorisé par une grosse combinaison d'écrans ! Le système et ses poisons (comme le disait le Général de Gaulle au sujet des partis de la IVe République qu'il exécrait) veulent cela, cette marginalisation de tout ce qui est vraiment culturel au profit de l'amphigouri démagogique du diviser pour régner ultralibéral-libertaire.
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Maintenant, je passe aux choses les plus sérieuses et les pires. Monsieur Eric Atlan ne me contredira pas : malgré ses qualités, son originalité (hé oui, toujours se démarquer du tout venant académique de la production courante et populaire(liste), telle est la règle fondamentale de tous les arts, septième inclus), sa beauté plastique, son fascinant Mortem (2012), sorti depuis des lustres en (peu) de salles (depuis octobre 2012 exactement) ne parvient pas à intéresser les éditeurs de vidéogrammes qui enfreignent donc, à leur seul bon plaisir, la loi des quatre mois. Ils pourraient clamer à la manière du roi Louis le Mou : C'est légal, parce que le Profit le veult ! Mais ce film, mon coco, il n'est pas rentable pour ces mecs, il ne rapporte pas de fric! Ce n'est pas avec lui qu'on pourra acheter un Van Gogh ou un Damien Hirst à Sotheby's , un grand cru, une écurie de course, où nous rendre dans le plus chébran et luxueux eros center (les maisons closes du monde actuel) proposant les déviances tarifées les plus inouïes ! Les îles à sucre, ça coûte cher depuis qu'il y a le sida pour les Priape, les maréchaux de Richelieu de notre temps turgescents et métastasés de flouze virtuel spéculatif.
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Excusez-moi si je suis devenu si excessif et violent dans mon maniement de la langue française, mais cette manière polémique de m'exprimer est à la mesure de mon indignation, de ma juste colère et de mon ras-le-bol culturel et intellectuel. Je suis aussi exaspéré que la population mérovingienne du début du VIe siècle à l'encontre du roi débauché Ragnacaire et de son frère Riquier (cf Grégoire de Tours et L'Histoire de France en BD).
Piazza Fontana (2012), de Marco Tullio Giordana, intéressant et passionnant thriller politique italien, dans la grande tradition des films engagés de la Péninsule, flingué par Le Monde, journal réputé pour sa cuti virée façon Hayek et Friedman même pas foutu d'avoir publié une nécrologie de Christian De Duve et de Deanna Durbin, ne sera dispo qu'en VOD ! Par chance, j'ai réussi à le voir en salle...à une séance de 20h30 !
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Le meilleur, dans ce texte qui fait fi du consensus mou, je l'ai réservé pour la fin ! Figurez-vous qu'il existe un film sorti en salles et passé sur Canal + sans nulle édition préalable en DVD ! Impensable, n'est-ce pas ?
Qui est cet oiseau rare ? Un film hermétique de Hong Kong en VO non sous-titrée et en noir et blanc bâti en plans séquences contemplatifs chiants et d'une durée totale de neuf heures ? Non, ô surprise, il s'agit prosaïquement d'un film en costumes anglais, à l'humour assez macabre et gothique, réalisé par un maître du fantastique qui collabora avec Michael Jackson dans son immortel Thriller : John Landis !
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Comment l'auteur d'une telle génialité, réalisateur d'un incontournable chef-d'oeuvre, quintessence musicale absolue des années quatre-vingts, a-t-il pu se voir autant marginalisé pour son Cadavres à la Pelle (2010), saboté aussi à la distribution ? Toutes les avanies, ce film les a connues chez nous : sa sortie a été reportée trois fois (quatre pour le Jane Eyre de 2011 qui a battu tous les records), son nombre de copies a été insignifiant, de même ses entrées, et il n'a pas eu droit au circuit d'art et essai, envoyé en VF au casse pipe dans des méga complexes difficiles d'accès hors bagnole où il n'a tenu l'affiche qu'une semaine. Résultat sans appel : 15 à 16 000 entrées seulement pour tout l'hexagone ! Un échec cinglant et voulu ! La haine du film en costumes à l'anglaise (qui a exclu chez nous toute célébration de Dickens et tout achat par nos chaînes des adaptations par la BBC de ses romans même plus disponibles en bouquins papier dans la langue de Molière) a encore frappé !


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Les présences truculentes de Simon Pegg  (par ailleurs formidable et attachant Scotty dans les deux Star Trek  de J.J. Abrams) et d'Andy Serkis n'ont pas suffi à convaincre distributeurs et éditeurs.

Post scriptum :  le sabotage de Michael Kohlhaas d'Arnaud des Pallières a commencé : on a reporté sans explication la sortie du film du 3 juillet au 14 août. Par ailleurs, l'indifférence froide qui a accueilli sa projection dans la compétition cannoise fait redouter le pire pour sa carrière sur nos écrans... Rien que pour Roxane Duran, je suis pourtant prêt à le voir ! En plus, elle est native du Verseau, comme Dickens, Lincoln et Darwin !





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2 commentaires:

  1. Mon prochain texte sera plus reposant : je le consacrerai à Diderot et les jumelles de Rabastens. Il y sera question de tératologie.

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  2. Apprenez que Madame Solario sera diffusé sur Canal + début juillet, soit plus d'un mois avant la sortie officielle en DVD ! Quand je vous dis que la chronologie légale de diffusion des films dans les différents supports et médias n'est pas respectée !

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