samedi 29 juin 2013

Arte et la musique de chambre.

Je voudrais pouvoir détourner la pub Badoit (TM) qui met en scène des fêtards bambocheurs chébrans versaillais XVIIIe siècle peinturlurés, perruqués et poudrés, afin d'en faire une parabole contemporaine de ce qui nous attend. Pour cela, j'userais de l'effet Koulechov en y insérant et y alternant avec les aristos patachons parasites des images, photogrammes et plans d'hommes, femmes et enfants squelettiques du ghetto de Varsovie ayant succombé à la faim, au typhus et à toute autre misère physiologique et privation. On les verrait ramassés au petit jour, dans l'indifférence, en pleine rue, en haillons, voire nus, puis, jetés tels des pantins désarticulés désincarnés pêle-mêle dans une fosse commune. J'intitulerais ce clip publicitaire : Bienvenue dans le monde selon Hayek. ("Journal d'un anti-bourgeois de Paris du XXIe siècle à la veille de la Nouvelle ère des Révolutions")
L'économie repartait, mais sur le dos du peuple. (Le Nouveau Victor Hugo)

Le friedmano-hayekisme porte en lui la mort de toute civilisation. (Cyber Léon Bloy)

Le péché originel, c'est l'élimination de l'Homme de Néandertal. (pensée profonde de Moa)

Chaque fois que j'entends l'indicatif de la pub, je fais le salut nazi et je crie "Heil Hayek !" (un téléspectateur anticapitaliste)

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Vous, téléspectatrices et téléspectateurs qui aimez la musique de chambre, qui voudriez écouter un quatuor de Beethoven, un quintette de Mozart, ou une sonate de Jean-Sébastien Bach, n'allez pas sur Arte ! Passez votre chemin ! 
Cette chaîne de télé, en effet, bien qu'elle soit désormais l'unique en France à diffuser avec constance de la musique classique à des horaires décents, ne programme jamais une seule nanoseconde de musique de chambre. Elle peut prétexter la désertion des caméras de télévision des salles de concert : cet argument est fallacieux et stupide. On ne tourne que pour le lyrique, le concertiste et le symphonique de nos jours, soit ! Alors, pourquoi cette institution audiovisuelle se prétendant culturelle ne fait absolument rien pour sortir des sentiers battus, et imposer - y compris aux autres chaînes allemandes lui servant de banques d'images - qu'on y filme aussi des concerts chambristes ?
Zéro note audible d'un quatuor de Haydn sur Arte ! Vous rendez-vous compte ? Le scandale ! La honte !
Il semble qu'il faille un  reportage sur un ballet contemporain pour que retentisse enfin sur Arte l'oeuvre pour violon seul du Cantor !
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D'aucuns objecteraient que, les quatuors, les sonates, les duos, les trios, les septuors et autres octuors, c'est élitiste, alors que l'opéra, le concerto et la symphonie sont davantage des spectacles de foule, de masse, collectifs comme le foot, donc forcément plus populaires... tel du Verdi. Pourquoi traitait-on autrefois Gabriel Fauré de musicien de salon ? Quelle insulte réductrice ! La musique de chambre représenterait-elle tant que ça un mode de vie aristocratique, suranné, éthéré, ennuyeux, digne de l'univers littéraire de Marcel Proust,
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 où l'on bâille poliment à l'audition de la fameuse sonate fictive de Vinteuil, sorte de compromis bâtard entre les styles franckiste, fauréen et debussyste ?
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 C'est injuste, et Arte a tort de s'y désintéresser, nous privant d'une part majeure de la production musicale savante des années 1700-1950. Si le refus crasse, obstiné et persistant de cette chaîne à inclure sur son canal la diffusion de la moindre mesure de tous ces opus laissés sur le carreau est de nature idéologique (chébrantude des musiques "actuelles" avec les sempiternels summers of  dont Arte nous abreuve, nous saoule depuis 2006 et dont même Télérama commence à se lasser (pour m'exprimer poliment)), qu'elle nous le dise. Et qu'elle n'argumente pas sottement :
"Vous voulez ouïr le 6e quatuor de Ludwig Van B. ? Hé bien, allez sur Radio Classique ou sur You Tube !" comme on dit à quelqu'un qu'il aille se faire pendre ailleurs ou que manquant de pain, il n'a qu'à bouffer de la brioche !
Cela s'appellerait du je-m'en-fichisme que ça y ressemblerait fort ! Arte fait preuve de paresse intellectuelle. Cette exclusion de facto est un méfait. On baigne en pleine démagogie massificatrice, en pleine flatterie des bas goûts et instincts supposés "jeunistes" et l'on sait depuis Jean de La Fontaine que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute... On pourrait en dire aussi beaucoup sur l'absence de compositeurs "pointus" valables dans les choix symphoniques d'Arte et de ses filmeurs (ils sont bien plus audibles qu'un Boulez par exemple, même si sa musique fit date...autrefois) :  jamais du Nielsen, fort peu du Sibelius, oublis absolus de Ralph Vaughan-Williams et d'Albéric Magnard pourtant reconnus musicologiquement comme des symphonistes de talent ; également sur la négligence consacrée et institutionnalisée dudit canal touchant la musique médiévale ou celle du XVIIe siècle ...Cela recoupe cette haine pathologique bien connue pour le Moyen Age qu'on abandonne aux néo fascistes populistes. Pour la musique du premier âge baroque, je m'interroge : le lullisme officiel louis-quatorzien n'est pas le seul à incriminer dans cette ignorance entretenue avec maniaquerie. Car il faut bien admettre que les choix musicaux d'Arte, finalement, sont déterminés voire préemptés par des ignares qui n'ont jamais dû apprécier ne serait-ce que le sublime quintette de Brahms pour clarinette et cordes.
Je crois comprendre comment Arte raisonne : ses dirigeants (dont des Allemands) doivent se dire ceci : étymologiquement et sur le plan sociologique, la culture, c'est ce qui rassemble, soude, fédère, est commun à un groupe (un Volk ?). Les esprits majoritaires dont le goût esthétique est modelé en amont par le lavage de cerveau hayekien et (ou) démagogique, ont donc une culture commune qui n'est pas celle de la musique de chambre classique. Celle-ci n'est appréciée que d'une minorité : inutile de tenter d'en élargir le public, tout acquis depuis un demi-siècle aux musiques "nouvelles" et "populaires". Ajoutons à ce raisonnement biaisé une dose de Bourdieu avec sa reproduction des élites. La musique de chambre classique est donc étrangère à la culture officielle (préformatée de fait par les médias de masse) de la majorité des téléspectateurs ; elle n'est pas fédératrice, par conséquent, ignorons-la.
Autrement dit, il y a, au contraire de l'entreprise noble des saltimbanques de l'ORTF des années 60 du genre Claude Santelli ou Stellio Lorenzi,
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 la volonté délibérée et publique de ne plus transmettre cette ancienne culture dite élitiste ou scolaire, culture de la reproduction des élites (même méritocratiques), de ne plus la vulgariser (il faudrait y ajouter encore Georges Steiner qui parlait du rejet de cette culture classique depuis l'explosion hippy parce qu'elle était considérée comme coupable de ne pas avoir empêché les atrocités nazies). Il est significatif que les rares vulgarisateurs encore présents sur nos écrans sont tous d'une orientation politique douteuse... Ne leur a-t-on pas de fait abandonné des niches écologiques ? Je reviendrai un jour prochain sur ce problème, qui me semble remonter au milieu des années 1980, avec le sabotage de la diffusion de la série documentaire sur le musée du Louvre (c'est à cette époque que, significativement, on décida la création d'une chaîne culturelle ghetto - la Sept -  pour dédouaner toutes les autres de leurs nobles missions issues du pacte PCF-UNR de 1958).
Hélas, mesdames et messieurs, hélas ! J'appartiens à ces gens issus de la méritocratie ! Mon grand-père maternel était illettré. Le français n'était même pas la langue maternelle de mes ancêtres. J'ai aimé histoire et préhistoire dès l'enfance, parce que la télé que je voyais à cinq, six, sept ou huit ans, représentait un terrain favorable à cette transmission de la culture et des savoirs nobles, un outil de vulgarisation, tel que l'immense Alexandre Dumas
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 l'avait saisi au XIXe siècle pour la littérature. Instruire tout en divertissant : tous ou presque tous ont de nos jours oublié cela, cette mission pédagogique fondamentale.

1 commentaire:

  1. Il y a enfin de la musique de chambre programmée sur Arte...en pleine nuit, du dimanche au lundi. Le f...tage de gueule continue.

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