mardi 15 janvier 2019

Ces peintres dont on ne veut plus 5 : Le Dominiquin.

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Comment ? L'Académie chicagolaise est là ? Les Hayek, les Friedman, les Fogel, les Coase, les Becker, les Lucas, tous ces noms dont aucun ne mourra. (Cyber Cyrano ultra libéral, d'après Edmond Rostand)

 Lorsqu'en histoire de l'art, on se contente de se documenter par les médias de masse, par le mainstream, on a tôt fait de constater que la peinture italienne du XVIIe siècle se réduit à seulement deux noms, deux phares inextinguibles : Le Caravage
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 et Artemisia Gentileschi. Encore, le premier ne touche que le commencement du siècle, puisqu'il s'éteint dès 1610. 
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Après, suit un énorme silence, un fossé qui sépare deux siècles, le XVIIe et le XVIIIe. Aucun nom n'existe avant ceux de l'école vénitienne : Canaletto, Tiepolo
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 et Guardi. Cela ressemble au même précipice coupant la musique anglaise entre la mort de Haendel et l'oeuvre de Benjamin Britten. Dans les deux cas de figure, peinture italienne et musique d'outre-Manche, des dizaines de noms sont passés sous silence.
Domenico Zampieri, dit Le Dominiquin,
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 entre dans cette catégorie des peintres italiens tus et oubliés des médias de grande vulgarisation, dans lesquels je suis contraint d'inscrire Arte. Domenichino, ma chi è ?  Né le le 21 octobre 1581 à Bologne et mort à Naples le 6 avril 1641, il est classé dans la mouvance baroque qui suit les Carrache,
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 dont je reparlerai un jour. Il est coupable d'une oeuvre, d'une production qui ne nous parle plus, que l'Homme du XXIe siècle ne peut plus ni décrypter, ni aimer. 
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Comment parvient-on à minorer des artistes autrefois considérés comme majeurs ? Quels outils utiliser pour déchiffrer une oeuvre désormais inintelligible, aux sujets d'art sacré ou de mythologie ? Quelle grille de lecture adopter, au risque que le sens prime sur la délectation esthétique pure ? Prenons comme exemple la sibylle de Cumes.  Il s'agit d'un personnage légendaire et littéraire de l'Antiquité romaine, remontant à la civilisation étrusque. Le Dominiquin fut loin d'être le premier peintre à avoir portraituré ce personnage plus proche d'une allégorie que de l'Histoire.
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La version de Domenico Zampieri, composée en 1616-1617, est exposée à la galerie Borghèse de Rome. Il s'agit typiquement d'un de ces tableaux apparemment familiers mais de nos jours dénué de sens pour le profane, qui certes, évoque encore quelque chose de vaguement familier sans que l'on sache pourquoi, puisque le souvenir culturel s'est perdu. Nous voyons une jeune femme d'une séduction certaine, à la vêture et la coiffure étranges, qui ne correspondent pas à la mode féminine du début du XVIIe siècle, comme si elle arborait un costume de fantaisie, une réinterprétation des modes passées. Elle tient avec seulement deux doigts de la main gauche, négligemment, un rouleau de petit calibre à demi déroulé, rouleau qui, lorsqu'on approche les yeux, apparaît sous la nature d'une partition de musique. Elle est en position assise, de trois quart, la tête de face, le regard non point dirigé vers nous, mais tourné vers la droite et le haut, tandis que la main droite semble désigner le volumen musical. Est-elle une muse de la musique ? La tête d'une viole d'époque, sorte d'ancêtre du violoncelle, instrument presque entièrement caché par la Sibylle, semble le confirmer.
Ce tableau servit d'illustration de couverture au roman d'Anne Rice Cantique sanglant, paru en 2003.
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Philip K. Dick, dans la nouvelle L'Oeil de la Sibylle réutilisa avec son brio habituel la thématique romaine. Dois-je rappeler que la sibylle était une prophétesse et que son art appartenait à la divination antique ?  La sibylle de Cumes est une des dix sibylles recensées au 1er siècle avant notre ère... Deux furent ajoutées au Moyen Âge. La sibylle de Cumes apparaît dans la légende d'Enée (rappelez-vous Virgile, cité d'ailleurs dans la langue originale latine par Philip K. Dick à la fin de sa nouvelle) et dans celle de Tarquin le Superbe, dernier roi étrusque de Rome. Elle détenait les livres sibyllins, censés révéler l'avenir de l'Etat romain. Dans la peinture du Dominiquin, il semblerait que des partitions musicales jouent le rôle de ces livres. L'écriture musicale n'est-elle pas hermétique à celles et ceux qui ne l'ont pas apprise ? Cumes était localisée près de Naples. La sibylle tiburtine bénéficiait elle aussi d'une bonne réputation.
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Les sibylles sont certes un sujet passionnant, mais il serait temps d'en revenir à notre Dominiquin, aussi négligé et oublié qu'il soit...Ne quittons pas la musique avec Sainte Cécile avec un ange... Conservée au musée du Louvre, cette peinture est contemporaine de la Sibylle de Cumes, puisque datée de 1617-1618.
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Rappelons que sainte Cécile est la patronne des musiciens.On pourrait spéculer et gloser longtemps sur la variété de l'oeuvre et des genres abordés par Le Dominiquin. Il est tout entier cimenté dans le premier âge baroque, celui, par exemple, du compositeur Monteverdi. Le mieux est donc de redécouvrir ses peintures, si possible dans les musées, sinon, en consultant les banques d'images.

Prochainement : reprise de la série consacrée aux écrivains dont la France ne veut plus avec Pierre Nord.
https://www.babelio.com/users/AVT_Pierre-Nord_6111.jpg

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