dimanche 5 avril 2015

Ces films dont la France ne veut pas : le retour.

Nous connaissons la vogue des licences, exploitées jusqu'à plus soif par un Hollywood en mal d'imagination, en panne de scénario : ces navets intégraux ont hélas le triste privilège d'être assurés d'une sortie automatique dans le monde entier, donc en France. Ils polluent nos cervelles et contribuent au décervelage intentionnel de nos jeunes spectateurs.
Ils ont aussi le tort d'encombrer les écrans au détriment de centaines d'autres titres auxquels on ne laisse qu'une chance chiche de trouver un public.
Mais il est d'autres films, qui n'ont aucune occasion offerte d'exploitation en notre Hexagone, souventes fois pour d'obscures et inexplicables raisons.
J'ai déjà évoqué il y a quelques mois dans un billet intitulé "Ces films dont la France ne veut pas" quelques exemples, dont Kon-Tiki, cas de figure d'une telle absurdité que ce titre se retrouve multidiffusé sur le bouquet Canal Plus, alors qu'il est tout à la fois inédit en salles, en DVD et en blu-ray. Cela s'appelle un rattrapage payant...
Aujourd'hui, je vais me contenter de trois exemples tout aussi significatifs : aucune date de sortie en France ne semble prévue pour ces trois titres, et c'est dommage.
D'abord, The last of Robin Hood (2013), avec Kevin Kline dans la peau d'Errol Flynn.
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Réalisé par Richard Glatzer et Wash Westmoreland, ce long métrage met en scène un Errol Flynn vieillissant. Faut-il rappeler que l'acteur australien, ravagé par l'alcoolisme, mourut prématurément à cinquante ans ?
Ce qui fait obstacle à la sortie nationale de ce semi biopic, c'est sans aucun doute son sujet en apparence (seulement) sulfureux : la liaison de la star décatie avec une nymphette, donc une mineure, ici interprétée par la désormais majeure Dakota Fanning, dont la France paraît totalement se désintéresser depuis qu'elle a quitté l'âge tendre. La distribution de ses derniers films chez nous a été systématiquement sabotée à tours de bras.
En visionnant la bande-annonce de The last of Robin Hood (dont je ne prétends nullement qu'il s'agit d'un chef-d'oeuvre), on constate qu'il n'y a pas de quoi fouetter un chat : je n'ai remarqué aucun fragment de séquence scabreuse et dénudée, même subliminale, au contraire de certains films français des années 1970-80 (jusqu'à Marc Dutroux, dirais-je), où il arrivait (mais qui s'en souvient ?) que des comédiennes de quatorze ou quinze printemps à peine fussent plus ou moins dénudées et dépoitraillées. Mais qui se rappelle les scènes fort déshabillées d'une Virginie Ledoyen, brunette de quinze ans dans Le Voleur d'enfants de Christian de Chalonge avec l'immense et regretté Marcello Mastroianni, oeuvre exploitée en France en 1991, soit quatre années avant cette affaire Dutroux qui allait tout changer ? Virginie Ledoyen, anecdote complémentaire, reprenait le personnage interprété par Lise Topart dans l'adaptation théâtrale du Voleur d'enfants à la fin des années 1940.
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Je pourrais citer d'autres exemples du même acabit, dont l'ultime long métrage de Serge Gainsbourg Stan the flasher (vous savez, ces mecs exhibitionnistes à poils sous leur imper mastic...) sorti un an avant sa mort.
Alors, aucun risque, connaissant la pudibonderie puritaine états-unienne que Dakota Fanning nous révèle dans The Last of Robin Hood le moindre soupçon de peau mal situé...
De plus, la perspective de ne pas voir cette oeuvre en France ne fait que confirmer une tendance lourde, y compris outre-Atlantique : les projets de  biopics axés sur des personnages antérieurs aux années 1960 demeurent en majorité dans les tiroirs. Pourquoi Liberace et James Brown, ça fonctionne et jamais Louie Armstrong ou Teddy Roosevelt, attendus en vain depuis une décennie ? La dernière victime actuelle est Mary Pickford, dont la biographie filmée, The First, où Lily Rabe eût dû interpréter le rôle titre languit dans les cartons depuis trois ans !
Problème confirmé également par le deuxième exemple de film non sortable chez nous : Effie Gray de Richard Laxton, tourné depuis 2011 mais qui a connu des avanies multiples, des procès pour plagiat à répétition (procès gagnés depuis), parce que le scénario, écrit par la grande et appréciée de votre serviteur Emma Thompson (qui joue aussi dans le film), avait prétendumment été copié sur d'autres écrits...
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En outre, s'additionne en ce cas précis l'aversion profonde des Français envers l'art britannique victorien, préraphaélite en l'occurrence, dont on sait que les expositions majeures que nos institutions muséales consacrèrent récemment à ce courant important de l'art du XIXe siècle furent boudées par nos médias nationaux aux intérêts restreints autistiques réduits à la branchitude factice. 
En deux mots, dans Effie Gray, Dakota Fanning (ravissante et arborant enfin une couleur de cheveux non délavée) interprète la femme du critique d'art John Ruskin. Ruskin éprouva une aversion profonde pour son épouse : le couple fut rompu et Effie se remaria avec John Everett Millais, pilier du mouvement pictural précité. La bande-annonce est envoûtante,  les costumes somptueux, la musique prenante, superbe : Effie Gray est un film d'une très haute qualité esthétique et artistique. Les séquences vénitiennes y apparaissent comme fascinantes... L'oeuvre bénéficie de la présence d'une brochette de comédiens connus et familiers : David Suchet, Emma Thompson, Derek Jacobi, James Fox, Greg Wise, Claudia Cardinale et j'en oublie.
Espérons que le film sera au moins disponible en DVD et en blu-ray, ou, comme tant d'inédits, parviendra à bénéficier malgré tout d'une diffusion sur Canal +.
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Le dernier exemple dont je vais vous parler, c'est la plus récente adaptation de Madame Bovary, par Sophie Barthes. Et il s'agit, une fois n'est pas coutume, d'une oeuvre où joue Mia Wasikowska, comédienne bourrée de talent mais fort malchanceuse chez nous : il faudra bien que je lui consacre un billet spécial, tant cette actrice a en France la réputation d'une illustre inconnue à force que ses films souffrent chez nous d'une sous-distribution systématique.Parmi les autres interprètes, on peut mentionner Paul Giamatti dans le rôle de M. Homais.
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J'ignore si le consortium des distributeurs français a spécialement pris Mia Wasikowska en grippe. En attendant, bien qu'il ait été tourné partiellement en Normandie, Madame Bovary est prévu aux Etats-Unis mais pas dans notre pays ! Incroyable pour le plus célèbre roman de Gustave Flaubert ! Et, conformément à ce que souhaitait Flaubert, le physique du personnage a été respecté : comme avant elle Jennifer Jones, Mia Wasikowska apparaît brune dans ce long métrage sans aucun doute de qualité.
Prochainement, j'aborderai le cinquième volet de ma série consacrée aux écrivains dont la France ne veut plus : je traiterai du poète Pierre Emmanuel (1916-1984) dans la mesure du possible, ses oeuvres étant désormais indisponibles chez les éditeurs. Ne vous attendez pas à des citations de ses vers de ma part.
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