dimanche 4 janvier 2015

Ces écrivains dont la France ne veut plus 3 : Paul Fort.

Si toutes les filles du monde voulaient s'donner la main, tout autour de la mer elles pourraient faire une ronde.
Si tous les gars du monde voulaient bien êtr' marins, ils f'raient avec leurs barques un joli pont sur l'onde.
Alors on pourrait faire une ronde autour du monde, si tous les gens du monde voulaient s'donner la main.
(Paul Fort : La Ronde autour du Monde. Ballades françaises)

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Cette ballade fameuse demeure à peu près tout ce qu'il nous reste de nos jours de celui qui pourtant, de son vivant, fut intronisé prince des poètes. C'est presque son unique héritage, en plus des chansons de Brassens, 
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immortelles, tant l'art de Paul Fort se mariait avec excellence à celui de la chanson. Cette ballade sublime, on la trouve encore citée dans une méthode de lecture convenant aux enfants rétifs à la méthode globale (ce que je fus) : la méthode Boscher, d'essence syllabique. 
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Et c'est à peu près tout. Force est de le constater : au XXIe siècle, Paul Fort est devenu un illustre inconnu, inétudiable et inétudié, bien que son nom sonne encore familièrement à nos oreilles. Le bel exploit culturel que voilà ! Pourquoi ? Doit-on accuser sans raison aucune les éditions Flammarion d'avoir organisé un tarissement de l'intérêt que Paul Fort suscita autrefois, durant sa longue vie, dans les Belles Lettres ? Les éditions Flammarion, tant que l'oeuvre de Paul Fort ne tombera pas dans le domaine public, continueront à exercer une sorte de monopole éditorial, d'autant plus que l'impétrant décéda bien vieux, en 1960, alors que nous sommes accoutumés à vanter, à célébrer, des versificateurs, poètes en prose ou en chanson, morts jeunes ! Paul Fort ne fut pas un poète maudit. Si la loi n'est pas durcie d'ici là, il faudra attendre environ 2030 pour que d'autres maisons d'édition (je songe ici à Gallimard, à ses collections bien connues, dont bien sûr La Pléiade) puissent enfin faire redécouvrir l'intégralité d'une création sublime. 
En attendant, nous nous contraignons à nous contenter de maigres anthologies (chez Garnier Flammarion, justement), en l'absence de toute intégrale faisant l'objet d'une réimpression récente. Les oeuvres complètes en dix-sept volumes sont épuisées depuis belle lurette.
A moins que tout cela ne cache d'inavouables rejets, condamnations, ostracismes à l'encontre du poète jalousé.
Quels mauvais procès aurait-on pu instruire contre Paul Fort ? Sa facilité littéraire, sa virtuosité, sa simplicité, sa naïveté qui en fait une sorte de Douanier Rousseau des lettres ? L'on sait que ce peintre génial fut longtemps boudé, à cause de son "amateurisme" (comme Chabrier en musique) et que le centenaire de sa mort n'a pas (ou peu ou prou) été commémoré. 
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Paul Fort fut un pacifiste, qui crut en la fraternité humaine. Une seule de ses ballades, L'Ecureuil, composée en 1917, fut proposée récemment au programme du bac français. C'est plus qu'insuffisant. On a terni la gloire de Paul Fort, on a minimisé son importance littéraire, diminué son rayonnement, qui fut considérable.
Conjuration du silence autour d'un auteur incontournable du XXe siècle ! 
A-t-il fauté durant les années noires de l'Occupation ? De quoi s'est-il rendu coupable pour qu'on le boude ? Que fit-il exactement à Radio Paris ? A-t-on confondu Paul Fort (1872-1960) et Paul Faure (1878-1960 : mort la même année, tiens, tiens...) ? 
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Paul Faure, qui dirigea la SFIO de 1920 à 1940, pacifiste, fut munichois et se rallia à Vichy. Mais que fit donc de son côté Paul Fort de si répréhensible ? Il fut considéré comme un indésirable à la Libération par le célèbre Comité national des écrivains qui mit en place une commission d'épuration. On le considéra comme un proscrit, mais brièvement : alors qu'il figurait en septembre 1944 dans la liste d'opprobre et d'exclusion, il en fut retiré dès octobre.
Plus rien ne s'oppose donc à redécouvrir Paul Fort, puisqu'il a été lavé de ses péchés... Absolution nécessaire !
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Prochainement sera abordé un fameux téléfilm historique britannique hélas tombé dans l'oubli : Rumeurs dans la forêt, diffusé aux Dossiers de l'Ecran le 11 novembre 1980, et qui traitait des négociations de l'armistice de Rethondes.

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