vendredi 24 mai 2013

Ken Loach : "L'Esprit de 45" ou l'art de marginaliser un film qui dérange.

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Les hommes de génie sont des météores destinés à brûler pour éclairer leur siècle (Napoléon Bonaparte).

Ken Loach est un grand homme (affirmation de moi-même).

Là où il y a l'homme, il y a aussi le rat (Li Wu).

Les rats pressés ne causaient jamais de soucis (Joyce Carol Oates : Eux, cité par un vampire en hommage à Anne Rice).
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Le grand chanteur et comédien Serge Reggiani avait autrefois chanté magnifiquement que les loups, nazis ou versaillais, étaient entrés dans Paris. De nos jours, ce sont les rats stipendiés du friedmano-hayekisme ou ultralibéralisme qui ont investi la presse et l'industrie du cinéma, de sa distribution aussi, permettant notamment à des critiques affidés de traîner dans la boue réactionnaire l'oeuvre documentaire de Ken Loach.
Le remarquable L'esprit de 45,  constitue un hommage fervent et chaleureux, émouvant aussi, comme un adieu funèbre, au welfare state, à ceux qui l'ont bâti après-guerre, à celles et ceux, derniers témoins en voie d'extinction, qui, après avoir participé à la cause fondamentale du pourquoi nous combattons, l'ont vécu et connu...
Une fille d'épicier avaricieuse, fesse-mathieu, pouacre, arpagoneuse, grigoute, à l'esprit ranci, chanci, conservateur et étroit, épigone du pire protestantisme du XVIe siècle qui, à la représentation du pauvre image du Christ, substitua l'infamante conception du pauvre fainéant et parasite, démantela ce monde juste pierre après pierre, et son idéologie pesteuse se répandit sur la planète tout entière telle une mort noire. Cette Maggie Thatcher correspondait de manière étonnante au portrait de ses contemporains que Jane Eyre, alias Joan Fontaine, dressait en prologue au film de 1943 :
 I was born in 1820, a harsh time of change in England. Money and position seemed all that mattered. Charity was a cold and disagreeable word. Religion too often wore a mask of bigotry and cruelty. There was no proper place for the poor or the unfortunate.
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A l'esprit de 45, cette femme cavalière de l'Apocalypse voulut substituer l'esprit rance de 1820, l'esprit du comte d'Artois et de son camp ultra, turgescent de pourriture, l'esprit de ceux qui, coiffés de leur perruque mitée à queue de pigeon, n'avaient rien compris, rien appris, rien oublié.
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Pour Margaret Thatcher, tout ce qui n'était pas ultralibéral était marxiste-léniniste y compris ses prédécesseurs tories  au 10 Downing street  comme Harold McMillan.
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Elle distribuait ses oukases et fatwas de haine hayekienne, tel monsieur Pierre Boulez ses critiques à l'encontre de la musique non dodécaphonique (y compris contre Henri Dutilleux, qu'il ne consentit jamais à diriger, cet immense disparu escamoté dernièrement par notre anti-télé à l'exception notable de France 5). William Beveridge (1879-1963), l'homme à l'origine de l'Etat-providence, appartint à ses cibles d'opprobre et de vomissure favorites. Elle avait interdit que les enfants bussent du lait à l'école, contrairement à Pierre Mendès France chez nous. Bref, c'était une fieffée sectaire, encourageant l'individualisme le plus forcené, the selfishness.
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Nous comprenons fort bien que William Beveridge n'était ni marxiste, ni gauchiste. C'était un baron né au Bengale, le baron Beveridge de Tuggal, homme politique et économiste whig, donc libéral en fait, qui, à l'époque du war government de Winston Churchill, à l'initiative du ministre du travail Ernest Bevin (travailliste),
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 fit différentes recommandations et publia plusieurs rapports demandant l'instauration de la protection sociale, l'établissement de l'assurance maladie, les indemnités de chômage etc... Ces réformes (pour les ultralibéraux, manieurs hors pair de la novlangue logomachique, réforme signifie en vérité réaction, comme en 1815) apparaissaient indispensables à cause de la misère effroyable du peuple britannique,
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 récompensé pour sa vaillante résistance contre l'indicible nazi. Elles avaient pour objectif non de détruire le capitalisme pour le remplacer par un système soviétique, mais, au contraire, d'en garantir un meilleur fonctionnement, plus équitable.
L'Etat-providence venait de naître : ce fut cela, l'esprit de 45, de solidarité, appliqué après la massive victoire électorale travailliste par le gouvernement Clement Attlee, qui procéda à de nombreuses nationalisations : au fond, ce programme ressemblait à celui du Conseil National de la Résistance en France.
Le documentaire hommage de Ken Loach a, on le devine, été saboté par nos modernes contre-révolutionnaires : distribué en à peine trois copies la semaine de sa sortie, il s'est depuis péniblement haussé à douze ! S'il ne sort pas en DVD ou blu-ray et si aucune chaîne de télé n'en veut, nul ou presque ne le verra.
Tout cela me rappelle le fâcheux et scandaleux palmarès cannois de 1995, lorsque le chef-d'oeuvre historique de Ken Loach, Land and Freedom, sur la Guerre d'Espagne et le POUM, revint bredouille au profit d'un hénaurme nanar ex-yougoslave bouffi d'artifices. 
Une critique quasiment anonyme du Monde, brève et sommaire, pour tout dire d'un laconisme crasse, m'a parue insultante pour Ken Loach et son documentaire, considérant celui-ci comme une espèce de statue soviétique stalinienne rouillée dressée encore au milieu d'une ville du Paradis ultralibéral d'Albion. Ce genre de critique est bon pour la presse d'extrême-droite la plus vile.


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