mardi 28 août 2012

De la critique irrémissible du style alambiqué par les sectateurs du basic french en littérature.

Je comprends ce que vous voulez dire, mais je ne l'approuve pas (d'après Monsieur Spock dans "Star Trek classique").

 Je voudrais, à ma manière, revenir sur la polémique justifiée mais fragmentaire qui se développe ces jours derniers au sujet du dernier essai (en fait deux textes) de Richard Millet, paru chez l'éditeur Pierre-Guillaume de Roux, Langue fantôme. 

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Je condamne les dix-huit dernières pages de ce livre. Je l'écris avec franchise, avec sincérité. Le problème, ce qui m'embarrasse, c'est le péché par omission, l'attitude de jésuite des autres critiques, qui, reprenant comme une antienne, telle une caisse de  résonance, le rejet légitime de ces dix-huit pages dignes d'une phraséologie douteuse qu'on croyait révolue, finissent par omettre les quatre-vingt-dix autres pour cent du bouquin  (je ne crois guère à l'humour au second degré, à la soi-disant ironie de Monsieur Millet, qui vient de tenter de se justifier sur Arte, bien que ce refus unanime contemporain de tout second degré chez ceux qui ne savent plus distinguer entre le discours d'un personnage de papier, de fiction, et celui d'un auteur, tant ils sont pollués par les schèmes de raisonnement issus de la surabondante non-littérature auto-fictionnelle, ce qui a entraîné des dégâts culturels importants, notamment dans la non-commémoration du centenaire de la disparition de Mark Twain, parce qu'on a prétexté l'assimilation des paroles et comportements racistes anti-afro-américains et esclavagistes de certains de ses personnages à la pensée réelle de l'écrivain pour justifier cette inacceptable damnatio memoriae). Or, j'eusse préféré que l'on parlât, causât, débattît aussi, de ce qu'il y avait en plus sous la goutte d'eau croupie débordant du vase Langue fantôme, de ce qui précédait l'éloge d'un criminel qui à lui seul fit plus de victimes que les attentats islamistes de Londres de juillet 2005. De plus, je rappelle qu'on a le droit légitime de sauter des pages lorsqu'elles ne nous agréent pas  : Daniel Pennac nous l'a affirmé dans son célèbre Comme un roman.
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Sachant de soufre la fin de l'ouvrage, et, en toute connaissance de cause, m'intéressant à tout ce qui fait mal, j'ai pris le temps de feuilleter (non d'acquérir) le livre, et je suis tombé sur quelque chose qui m'avait déjà alarmé : ce que je qualifie d'équivalent à la colorisation d'un classique du cinéma en noir et blanc comme La Vie est belle de Frank Capra (ce qui fit pleurer le réalisateur dans ces années de chébrantude hayekienne péjoratives que l'on nomme années quatre-vingts et que l'on feint de regretter, alors qu'elles furent catastrophiques). Bref, je veux parler de la réécriture simplificatrice du Nom de la Rose par Umberto
Eco
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 lui-même, parce qu'il considère que la langue et l'érudition médiévale de son livre sont devenues inintelligibles, indéchiffrables par le lecteur lambda qui ne connaît plus que les SMS en basic french pseudo phonétique. Et là, hélas, je ne puis le nier, Richard Millet n'a pas entièrement tort : cette pratique est assimilable aux fameux digests des années soixante-dix qui pullulaient chez un éditeur que je ne nommerai pas. J'avoue avoir découvert ainsi L'Aigle s'est envolé et Ces Garçons qui venaient du Brésil. Péché littéraire d'adolescent. On ne peut plus écrire dorénavant en couverture du Nom de la Rose texte intégral, mais version abrégée par l'auteur. Est-ce un seppuku littéraire ? Cela y ressemble fort !
Je crains qu'à force de nous quereller comme les byzantins sur le sexe des anges, de débattre de manière superfétatoire sur le nombre de mamelles de la sphinge polymaste antique, l'on finisse par rendre caduques toutes les choses pour lesquelles nos aînés luttèrent et se sacrifièrent depuis 1789. Oui, je ne veux pas que les femmes, les hommes du pourquoi nous combattons contre toutes les formes du mal, de l'indicible (fascisme, fondamentalisme religieux, nazisme, communisme, ultralibéralisme) soient morts pour rien. Le mal a plusieurs faces, il est au moins bifrons ! Extirpons-le à la racine.
Je vois que j'ai omis d'expliquer le titre de mon billet : c'est à cause du Monde, qui trouve alambiqué le style de Richard Millet (qui refuse la simplicité concise, disons). Ce mot est galvaudé, péjoratif : c'est style baroque ou maniériste, qu'il faudrait dire ! Moi-même, je le pratique avec constance pour résister aux tendances ambiantes appauvrissantes.

2 commentaires:

  1. Il semble que Richard Millet, dans sa provocation (peut-être s'agit-il de ma part d'une interprétation biaisée), s'est inspiré, à sa manière, de "L'Assassinat considéré comme l'un des Beaux-Art" de Thomas de Quincey mais aussi du discours aberrant et nostalgique du bourreau chinois du"Jardin des Supplices" d'Octave Mirbeau. Mais qui lit encore les oeuvres d'auteurs antérieurs au milieu du XXe siècle, tant leur langue, même traduite, semble devenue indéchiffrable aux profanes ? Je dirais, à propos de certains intellectuels embrassant des convictions honteuses,inacceptables, qu'ils se sont fourvoyés.

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    1. Toujours ce problème de frappe ! Il faut bien sûr lire : Beaux-Arts. Excusez l'erratum.

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