samedi 9 juillet 2011

Mexafrica 4e partie : mexica mfecane chapitre 34.

Chapitre 34

Retournons au sein de l’Univers plus qu’improbable constitué d’une mosaïque ubiquiste d’anticréations. Le néo minotaure avait décliné son identité et défiait Daniel Deng. 
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- Ah! Un enfant de maternelle qui veut jouer dans la cour des grands! Poursuivit l’Entité de son ton sarcastique si particulier.
Le pseudo Zoël Amsq sentait confusément qu’il ne devait pas se moquer de l’intrus. Mais voilà! Il ne pouvait s’empêcher d’affronter le Créateur Noir, l’Entropie! Il voulait se substituer à cette puissance. Toutes ses manigances n’avaient pour but que cela! Or, l’Entité avait forcé toutes les protections imaginées et s’était introduite avec une facilité déconcertante dans les créations chimériques personnelles de l’aîné des Wu.
La silhouette du minotaure se précisa davantage encore. Le mufle de taureau se modifia pour faire apparaître la mâchoire du dieu crocodile Sobek.
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Cependant, l’image ne se stabilisa pas et se substitua bientôt celle de Bouto, l’uræus royal. Les crochets venimeux et effrayants du gigantesque ophidien laissaient goutter un liquide sombre. La voix parla encore, avec des sifflements qui n’auguraient rien de bon.
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- Tu gardes un silence prudent, Daniel Deng Wu! Tu restes dans l’expectative, tu as raison! Serais-tu en train de rabattre de ta superbe? Tu t’interroges présentement sur mes capacités, mes possibilités, mon pouvoir! Mais je peux tout, mon petit! TOUT! Ton frère le sait pertinemment! Et il m’a fait venir… c’est à lui que tu dois ce combat inégal qui se profile. Ta défaite est inéluctable. Oui! INELUCTABLE! Daniel Lin Wu t’a livré! Ressasse ces paroles, remâche-les! Parle moi d’un bouddhiste qui pratique la philosophie de la Compassion! Or, toi, tu l’as récompensé, mais par anticipation, de sa trahison en lui volant sa transdimensionnalité, en lui ôtant sa totipotence! Et peut-être plus encore! Comment réagis-tu devant mes révélations? Allons! Presse-toi, mon petit! Je n’ai pas que cela à faire! J’attends ta réponse…
Le mutant haussa ce qui lui tenait lieu d’épaules tandis que ses yeux fulguraient d’une haine mauvaise, tout à fait hideuse.
- Daniel Lin, un Judas! Je ne puis y croire! S’exclama l’aîné des Wu. Il est trop pétri de… bonté.
- Certes, autrefois! Mais tu l’as acculé; tu l’as forcé à passer avec moi un accord contre nature! Tu as oublié que Daniel Lin tenait énormément aux siens, à sa famille, ses amis, à l’Alliance, à la « civilisation », à l’exploration, la Connaissance, à la VIE!
- Exactement! Lança l’interpellé mentalement.
- Oui! Que je ris! Qu’est-ce que je m’amuse! Quel paradoxe splendide et grotesque à la fois!
Daniel Deng avait avancé et s’était rapproché du Créateur Noir.
- Ainsi donc, tu clames haut et fort que tu es l’Entropie, la Fin de toutes choses, la Mort qui se dissimule derrière les masques des divinités maléfiques de l’Égypte antique! Et tu veux me donner une leçon!
- Dans ton énumération, tu as omis les démons de l’Himalaya. Rajouta la Puissance létale qui fut un temps connue sous le nom de Johann Van der Zelden.
Sans transition, la Créature prit alors l’apparence de l’oracle de Nechung du quatorzième Dalaï Lama, Lobsang Jigmé, dont le costume reproduisait les symboles de mort des divinités Dorje Dragden et Pehar Gyelpo. Puis, l’Être Noir s’adressa au daryl androïde, toujours impuissant et prisonnier. 
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- Me reconnais-tu? Ne crains-tu pas que je ne tienne pas parole? Car, après tout, cédant à ta requête, je te dois la réunion volontaire et douloureuse avec mon double tant haï, Michaël, au sein de l’Atome primordial! Je te dois la réactivation d’une haine désormais inexpiable qui jamais ne s’éteindra! Supporter Michaël, supporter tout ce qui peut être, tout ce qui peut exister au sein de cet œuf minuscule, parcouru de pensées antinomiques, de projets contraires, d’émotions ridicules, de sensations brûlantes, moi qui hait la Vie, qui ne désire que le Néant, partout, toujours, infiniment! Tu m’as obligé à côtoyer l’ABOMINATION ABSOLUE! Mais j’ai consenti à cet effort. J’ai observé rigoureusement ma part de marché.
- Mais il le fallait bien, Johann! Rétorqua Daniel Lin avec un sang-froid téméraire. Mon frère brouillait toutes les cartes.
- Tu étais surtout en train de perdre! Cracha Daniel Deng. Serpent à sonnette!
- Tu trichais!
- Ah oui? Et toi donc? Crachat d’hyène! Excrément de corbeau! Fiente de moineau! Tu paieras pour cela! Beaucoup plus que tu ne le penses!
- Je voudrais voir cela, enfant en colère! Ricana l’Entropie. C’est moi qui prendrai ta succession. Tous deux, vous allez mourir, non pas paisiblement, mais en regrettant chaque seconde de votre vie! En suppliant que je vous achève! Toi, Daniel Deng, en perdant tout ce que tu as cru gagner en plus de soixante années de ruses, de manœuvres; toi, Daniel Lin en tant que réprouvé, tel un paria, un traître! Seul, confronté à toi-même! À tes erreurs! Désavoué par ceux qui te sont les plus chers! Rejeté, méprisé, plongé dans les plus profondes affres de la désespérance! Bien entendu, tu ne pourras compter sur aucune aide, aucun soutien, aucun réconfort, honni que tu seras! Là-bas, pas de Michaël! Roi nu abandonné, clown triste se débattant au milieu d’amers souvenirs d’une douce et trompeuse félicité! Oh! Ne m’objecte pas que tu as déjà connu cela, cette épreuve! Faux! Je te promets de conduire cette Expérience jusqu’à son terme! Inutile de m’implorer, me supplier, de nier que tu m’as appelée, moi l’ENTROPIE!
- Vous me connaissez mal! Ce n’est pas dans ma nature de me mettre à genoux.
- Nous verrons! Dans le Mandala temple, au cours de ton procès…
- Il m’en souvient.
- Juste à la fin de ton aventure avec les Asturkruks, si Michaël s’était incarné dans la « trinité » conduite par Lobsang Jacinto, alias Axatheoc pour le Moro Naba de Texcoco, je m’étais glissée dans la peau de l’Oracle. Ainsi, j’ai pu reprendre le contrôle de la situation en prédisant ce qui était une évidence: la destruction de cette civilisation bouddhique universelle, ridicule.
- Selon votre point de vue. Je trouve votre interprétation spécieuse.
- Admettons. Je t’accorde le point. Là-bas, tu as su plaider ta cause. Dans l’avenir qui t’attend, je doute que tu réitères pareil exploit. Mais enfin Daniel Deng s’impatiente de voir qu’il n’est plus le point de mire… je ne t’oublie pas, mon petit! Reprends ton apparence humaine et prosterne-toi devant moi, il est plus que temps! Allez! Je t’ordonne de m’adorer, moi la Mort, moi que tu as déjà si bien servie!
Daniel Deng frémit et fit encore un pas. Allait-il faire résipiscence? Or, il ne montra aucune velléité d’obéissance! Au milieu de nulle part, Daniel Lin, le cadet, comprit instantanément que son frère n’allait pas s’humilier.
Instantanément, l’aîné des Wu prit l’aspect d’un gardien de tombe chinois, un Lopakala, à l’armure de « bronze » et jeta plein de morgue à la face de Johann: 
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- Vais-je endurer longtemps encore tes insultes? Je reconnais être responsable du plus grand holocauste de toutes les histoires de toutes les civilisations! J’en tire ma gloire! Dans ce cas, tu comprends pourquoi je me refuse à m’abaisser! Moi, adorer la Mort? N’être que ton vassal? Tu veux rire! J’ambitionne de vivre éternellement!
Le plus qu’humain claqua des doigts et un horrible protoplasme gluant enveloppa l’avatar de Johann.
- Oh non! L’inconscient! Gémit Daniel Lin. Il n’aurait pas dû! C’est ma faute! J’ai mal pris la mesure de son orgueil!
L’Ennemi parut englouti dans une amibe géante dont les vacuoles battaient et dont les cils vibratiles s’agitaient frénétiquement. Allait-il être digéré? Or, l’Entropie se moquait de ce préambule ridicule, ce coup d’épée en bois dans ce duel de titans. Elle n’eut pas même besoin d’un claquement de doigts puisqu’en cet instant, elle en était dépourvue! L’amibe retourna au néant aussi simplement que le fait de respirer pour un humain.
- Est-ce tout ce que tu as à me proposer? Souffla la voix fantomatique de Johann sur le mode sarcastique. Franchement, tu me mésestimes grandement. Je m’ennuie prodigieusement! Salons un peu cette sauce insipide!
Daniel Deng fut soudainement métamorphosé en une bouillie miellat immonde, envahie de fibres blanchâtres qu’évacuait un puceron de dix-huit mètres, bien verdâtre, doté de six têtes, qu’une fourmi encore plus grande vint laper aussitôt! Or, l’insecte éclata et le nouvel Homunculus en surgit, sous l’apparence d’une déesse tibétaine aux mille yeux et aux centaines de bras. De chacune de ses mains sortit un ectoplasme qui s’empressa de revêtir la forme tant redoutée d’un Alphaego! Johann, apparemment de bonne composition, accepta momentanément cet engloutissement de la part d’un vampire amélioré dont les cordons ombilicaux voulaient pomper un sang qui n’existait pas! Les Alphaego se multiplièrent, masse translucide abjecte, tentèrent l’impossible en optant pour la tactique Dendera, en se téléportant à l’intérieur du corps, manifestement dans le but de le faire exploser. 
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Mais, subitement, tout s’évapora!
- Puéril imbécile! Je n’ai aucune matérialité réelle, ne l’as-tu point compris, larve? Je suis bien plus que les p! bien plus transcendant qu’eux! Tout va vers moi, tout coule vers moi, dans n’importe quel scénario! Et je peux anti créer à l’infini!
- Tout cela ressemble un peu trop à un simulacre! Objecta Daniel Deng. La mort ne peut engendrer la vie! Tu me sers une scène pitoyable d’une comédie grotesque. Je ne te crains pas et ne te craindrai jamais!
- Moui… mais les êtres qui se meuvent à l’intérieur de ce que tu nommes fort opportunément simulacre ne se rendent pas compte de ce mensonge cosmique! Ils n’ont pas conscience d’être à ma merci! De tout me devoir! Quelle différence y -a-t-il entre le Vrai Monde et le Mien ? Aucune! Pas même l’intervalle d’un micron!
Le supplice de Daniel Deng débuta. L’humain ou si peu se sentit subitement rapetisser. Il était devenu un homoncule dans le véritable sens du terme, une larve planctonique microscopique. Dans un éclair de survie, il trouva la parade. Un immense génie indien ou népalais prit forme, doté d’un troisième œil d’émeraude, les habits d’or, d’airain et d’acier, aussi haut que trente systèmes solaires.
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De ses mains extrêmement fines et artistiques jaillirent des ondes génératrices de nouveaux mondes. À l’intérieur de son corps si étiré, on devinait la présence de comètes et d’étoiles se bousculant, se heurtant, se courant les unes derrière les autres, mais aussi s’effondrant. Sur plusieurs unités astronomiques à la ronde, tout fut englobé au sein d’un macro univers où les sons et les fragrances devenaient des polyèdres tandis que l’Entité Johann paraissait une fois encore être aspirée par un grand attracteur inversé. Il s’agissait d’un trou blanc qui créait la lumière au lieu de l’absorber, une sorte de corne d’abondance d’où naissaient sans cesse de nouveaux systèmes viables et pérennes, défiant toutes les lois de l’astrophysique alors que les forces de l’Entropie semblaient à jamais piégées au-delà de l’horizon d’événements de ce trou blanc!
À l’infini se formaient des systèmes à étoiles multiples autour desquelles gravitaient des géantes telluriques, plus énormes et imposantes que leurs soleils, en des orbites excentriques. Ainsi, une planète, aussi volumineuse que tout le système d’Antarès, tournait autour d’une étoile de quarks! Par contre, des cailloux de la taille de Mercure et de Pluton n’étaient que gazeux. Or, passant brusquement à l’ignition, à leur tour, ils devenaient des géantes rouges qui engloutissaient la planète Antarès, ogres monstrueux, jamais assouvis.   
À chaque supernova, naissait un méga trou noir duquel surgissaient des planétoïdes cristallins qui venaient s’amalgamer dans ce temps hors du temps. Les nouvelles planètes cristallines poursuivaient logiquement leur croissance géométrique: polyèdre, tétraèdre, trapézoèdre, et ainsi de suite…
Or, ces planètes géantes pensaient, émettaient des ondes. L’Ennemi, transformé lui aussi, mais en orchidée de verre, se fissurait sous les ordres des cerveaux qui étaient parvenus à identifier en lui l’Ultime Danger! L’Entropie, toujours rôdant, toujours à l’affût.
« Brise-toi! Mais brise-toi donc! » Psalmodiait Johann tentant de ne pas trop montrer son impatience et son irritation.
Enfin, le mantra fit son effet et les créations de Daniel Deng s’estompèrent. Il ne pouvait en être autrement. Aucun être vivant, même mutant, ne pouvait lier, tuer la Mort!
Mécontente d’avoir laissé transparaître ne fût-ce qu’un bref instant un semblant de faille, l’Entité laissa couler sa vengeance. Ce que Daniel Deng allait subir dépassait l’entendement, tous les tourments des enfers, toutes les tortures imaginées par les visionnaires à l’esprit malade de toutes les religions.

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Sans transition, l’aîné des Wu se retrouva donc enchaîné les pieds au sol, au sein d’un jardin zen, tandis que le thermomètre affichait -10°C. Rendu à sa simple et ordinaire humanité désormais, Daniel Deng, vidé entièrement de ses dons de supra créature, voyait maintenant son corps recouvert intégralement par une neige lourde et froide, alors qu’il ne portait pour tout vêtement qu’un pagne! L’orgueilleux eut le tort de parler.
- Est-ce avec une épreuve d’initiation de moine bouddhiste tibétain que tu escomptes en finir avec moi? Ricana l’impudent.
Mais l’impensable se produisit quasi instantanément. L’impétrant se sentit véritablement dissoudre dans l’air glacé: flammèches blanches, volutes de fumée ivoire, montant jusqu’à un improbable horizon, se mêlant aux rares flocons, s’interpénétrant, s’enchevêtrant dans de splendides arabesques, se confondant avec le firmament d’un blanc cassé. Au prix de mille tiraillements, de mille brûlures, de jets d’acides qui vous parcouraient le corps brusquement et coulaient sur et en vous, les fumeroles légères et aériennes perçaient la couche de nuages dans une ascension qui semblait ne jamais devoir s’achever!
Or, chaque fois qu’une fumerole se mêlait à la neige, Daniel Deng perdait une partie de sa supra conscience, un fragment de son intelligence se fondait et s’effaçait sous le coup d’une douleur fulgurante. Dorénavant, il n’était plus que souffrances, il était incapable de faire abstraction de celles-ci. Trop longtemps, il était resté sans pratiquer la philosophie bouddhiste de l’oubli de l’insupportable réalité.
« La douleur n’existe pas. Elle n’est qu’une vue de l’esprit! Oui, une vue de l’esprit! », se répétait-il vainement.
Oui, à quoi bon ce mantra lorsqu’on affrontait, on défiait l’Entropie Elle-même! Toutes les cellules de l’aîné des Wu hurlaient à l’unisson mais aussi en une dodécaphonie sublime et criarde à la fois. Daniel Deng croyait qu’on lui avait ouvert la poitrine et qu’on lui arrachait le cœur avec une cruelle et méthodique lenteur. Pourtant, malgré ce qu’il ressentait, ses poumons n’en poursuivaient pas moins leur tâche mécanique d’aspiration et de rejet d’un air en théorie absent. Mais en avait-il besoin?
Une seconde auparavant encore, il se confondait avec la vapeur, et, en cet instant, il subissait un supplice chinois d’un raffinement pire que ceux pratiqués par Sun Wu: la dissection vivante, étalée sur plusieurs journées.
Enfin, quel soulagement lorsqu’il crut sombrer dans l’inconscient bienvenu pour se retrouver, hélas, entier! De la torture, il n’en avait subi que les prémices.
Au milieu de nulle part, Daniel Lin partageait psychiquement les souffrances de son frère. Désormais, il regrettait sincèrement de l’avoir livré. Il voyait de quoi l’Entité était capable. Il commençait même à se demander s’il ne devait pas tenter de s’évader et  porter secours à sa Némésis. Ce que l’aîné des Wu vivait et allait encore endurer, c’était trop pour l’esprit droit du daryl androïde. La solidarité familiale, le poids d’une éducation confucéenne reprenaient le dessus.
Mais toutes ces velléités étaient, bien entendu, perçues par Johann. Alors, l’Ennemi se jura de réserver un sort particulier encore moins enviable au daryl androïde, ce demi-humain, cette caricature, cette esquisse ratée!
Cependant, le supplice se poursuivait et augmentait dans le degré de l’ignominie et de l’imagination. Armé d’un sabre de samouraï, matérialisé par l’Entité négative, toujours torse nu, Daniel Deng errait à l’intérieur d’un temple de Shaolin déserté. Conduit par une idée fixe, toujours traqué, il avançait, enveloppé par une peur qui menaçait de tourner à la panique. Notre téméraire et immature personnage s’attendait à tout et à n’importe quoi. Vraiment? Il songeait à cet adversaire invisible, impalpable qui rôdait à l’extérieur. Or, l’ennemi le plus acharné de l’aîné des Wu, c’était lui-même! Par bravade, il héla le vide! Seule sa voix lui revint en écho. Pitoyable créature humaine, ayant perdu toute raison, réduite à ses pulsions reptiliennes! Se retournant sans cesse, Daniel Deng était persuadé entendre des bruits de pas feutrés, des souffles froids de respiration contrôlée, des feulements sourds et sournois. En fait, et cela vous l’avez compris, tout se passait dans la tête du psychotique.
Loin et pourtant proche, à l’abri dans sa Dimension immatérielle, Johann se montrait quelque peu déçu. Avec son esprit malade, son déséquilibre mental inné, Daniel Deng n’était pas décidément un adversaire à sa taille! Il aurait dû en finir au plus vite avec ce paranoïaque! Daniel Lin, assurément, lui aurait davantage résisté! Allons, ce n’était que partie remise! L’Ennemi se réjouissait de ce combat par anticipation.
Soudain, le Daniel original eut l’impression que des grosseurs malsaines lui poussaient sur tout le corps tandis que sa peau enflait également. Intense douleur qu’il ne parvenait pas à contrôler, à ignorer!
Parallèlement, des Daniel Deng siamois, eux aussi armés de pied en cap, gonflèrent et se formèrent sur lui-même! Monstrueuse division cellulaire anarchique! Cancer insane!
Cependant, les duplicata ne se détachaient pas de leur hôte nourricier. Or, la fulgurance du mal était désormais telle qu’il fallait absolument au torturé trancher dans le vif dans le plus bref délai! Sinon les siamois le prendraient de vitesse! En effet, chaque bourgeon, armé d’un katana imposant, effectuant du poignet d’impressionnants moulinets, menaçait de découper en lamelles son alter ego souche. Prisonnier de ses visions, Daniel Deng se défendit admirablement. Quel carnage dans son esprit! Des flots de sang, des rigoles de liquide lymphatique coulaient sur lui. Mais il n’éprouvait nul dégoût. Chaque fois qu’il s’amputait ainsi, son cerveau vrillait sous la douleur, la lumière atroce de l’indicible souffrance. Au-delà de tout courage, il tint bon, ne renonça pas.
L’aîné des Wu crut ne jamais pouvoir achever cet acte de délivrance. Durant sa longue existence, il n’avait jamais vécu pareille épreuve, même lorsqu’il avait été laissé pour mort par les pirates et qu’il agonisait, même du temps où il avait été esclave!
Devant les yeux exorbités et fous de Daniel Deng, les doppelganger déchiquetés palpitaient encore avant que la vie les quittât définitivement. Or, à chaque mort d’un de ses doubles, le premier Daniel ressentait dans la plus petite de ses cellules l’abominable arrachement d’une partie de sa substance, l’insoutenable mutilation volontaire, selon un rythme syncopé qui ajoutait à son malaise.
À chaque ablation, une silhouette flottante, un spectre à tête de mort fulgurait pour s’évaporer presque immédiatement. C’était comme si, l’aîné des Wu, se mutilant, éliminait, extirpait toutes les scories d’un pouvoir tentaculaire dont il s’était emparé par traîtrise!
À l’instant le plus inadéquat pour le tourmenté, un samouraï en armure se matérialisa; il se mit à marcher, à courir, sur le plafond de bambou, la tête en bas, défiant ainsi les lois de la pesanteur. Les frêles poutres pliaient et crissaient sous le poids du lourd chevalier. Daniel Deng faillit être décapité mais, à l’ultime picoseconde, puisant dans ses dernières réserves, il prit l’apparence de la déesse tibétaine Pal-Idan-Itta-Mo, 
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la tête et le corps noirs, la crinière jaune, la bouche rouge et monstrueuse, les trois yeux globuleux et furieux. Sous son cimier, un diadème constituant une couronne composée de têtes de morts. Son bras droit brandissait un trident tandis que des crocs recouverts de carmin entourait sa bouche effrayante. Ses cheveux étaient comme un feu attisé. Aux poignets et aux chevilles, la redoutable divinité portait force bracelets d’or.
En un geste souple et sûr, le bras lança le trident qui s’en vint transpercer le front du samouraï et se ficher dans son crâne. Le masque moustachu grimaçant n’eut cure de cette blessure. Il n’était pas véritablement matériel. Pouvait-il mourir alors que, pourtant, il pouvait infliger des plaies létales à ses assaillants?
Devant la déesse qui, désormais, se mouvait au ralenti, le faux samouraï effectua un magnifique rétablissement, et lui trancha sauvagement le bras qui brandissait le trident. Puis, en ricanant, comme dans l’antique bande dessinée de l’Épervier bleu, « Ce bon Julius »,il dévissa sa tête d’où sortit une grotesque touffe de paille suivie par des myriades d’abeilles et de guêpes dont le bourdonnement furibond se rapprochait dangereusement de la déesse tibétaine désarmée. L’essaim était commandé par des reines aux pattes excessivement longues et velues, segmentées, de forme triangulaire, au corps fin et allongé, au dard de la taille d’un index. 
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L’essaim meurtrier s’acharna sur Pal-Idan-Itta-Mo qui finit en œdèmes rosés et violacés d’où jaillirent de fabuleuses marionnettes de Bali, de Java et de Thaïlande, faites de cuir, de bois ou de papier, parfois simples silhouettes noires de théâtre d’ombres, au dessin subtilement ajouré, rappelant les ombres chinoises de Lotte Reiniger, ou encore de véritables statuettes vêtues d’étoffes aux broderies complexes, or, rouge, vert, noir, marron mêlés harmonieusement, armées de kriss malais à la lame parfaitement tranchante. 
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Tandis qu’un air de gamelan assourdissant remplaçait le bourdonnement, les marionnettes porte-kriss exterminèrent l’essaim avant de se retourner contre le samouraï. Ce dernier, avant de rejoindre les limbes, n’eut d’autre ressource que de susciter une parade, toujours empruntée aux arts populaires, cette fois-ci de Turquie.
Les personnages du théâtre de Karagueuz, en papier huilé gouaché, aux couleurs brillantes, se lancèrent aussitôt à l’assaut. La plupart portaient des tenues de janissaires du temps de Soliman le Magnifique. Ils combattaient avec des escopettes, des arquebuses à mèche, des arbalètes à cranequin, toutes armes antédiluviennes mais pourtant mortelles. Des ribaudequins à canons multiples les escortaient. Tous les canons crachaient du plomb fondu, de l’étoupe et des flèches enflammées dans un tohu-bohu effarant. Les marionnettes de Java s’embrasèrent. Allaient-elles se consumer entièrement?
C’était sans compter sur les ressources de Daniel Deng. Il refusait de s’avouer vaincu. Tant qu’il respirerait, tant qu’il serait capable de penser encore, il se battrait!
Un Orang Pendek, au poil de feu, apparenté au yéti, mais originaire de Bornéo, infesté de parasites énormes, tiques, punaises, puces géantes de la taille d’un doigt, haut de quatre mètres, jaillit des ténèbres en rugissant tel un fauve, affichant des crocs terrifiants, terriblement tranchants et, mû par la rage, déchiqueta la salle de bambou. Dans sa colère, il broya ce qui restait du samouraï, piétinant par la même occasion les marionnettes turques.
Le plus que singe allait-il triompher?

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Durant ce combat, toujours prisonnier de sa bulle cube sise nulle part, Daniel Lin percevait néanmoins les tentatives de contacts mentaux de la part d’Antor et de Stankin. Après maints essais infructueux, enfin, les pensées fusèrent, claires et précises, révélant au destinataire des informations partiellement rassurantes. Immédiatement, le daryl androïde sut que les siens souffraient d’une forme d’amnésie sélective.
- Nous sommes tous à bord du Langevin sans comprendre comment nous y sommes arrivés. En fait, il ne manque plus que toi à bord, émettait le vampire. Nous maintenons tous les senseurs en alerte. Fermat a pris le commandement et, grâce à lui, nous sommes parvenus à nous débarrasser de tous nos ennemis, Tsanu XIII, les Velkriss, les p ainsi que les Castorii dissidents. Nous avons déduit que tu as été enlevé par Zoël Amsq, ton frère aîné d’après Stankin. Cependant, tu restes très difficile à localiser précisément dans l’espace-temps! Peux-tu te débrouiller seul? De notre côté, nous partons immédiatement à ta recherche.
- Compris. Je vais tenter de me sortir de ce trou à rat. Grâce au bio translateur au complet, Daniel Deng a incorporé en lui mon ADN et, ainsi, il est devenu le nouvel Homunculus. Mal lui en a pris! Ce que j’avais prévu, la parade effroyable, est en train de survenir. Désormais, il se heurte au Néant absolu, à notre redoutable Némésis, Johann van der Zelden qui n’admet pas qu’un second anti créateur piétine ses plates-bandes!
- Je vois! As-tu un plan à nous donner ou des indications supplémentaires à nous fournir pour que nous te rejoignions?
- Dans le monde « réel », je suis retenu dans une base Haän, en Laurasie, en plein cœur du Jurassique, près d’une forêt primaire. Cherchez-moi vers moins cent six millions d’années. Mais auparavant, consultez les dossiers secrets codés A B Y Z 1000011011 selon la priorité 1200 Aa- DF.
- Ce sera fait! Fermat me signale que les bases Haäns sont relativement faciles à détecter. Elles émettent une signature caractéristique grâce à la présence d’un trop plein de cadmium. Nous disposons également d’une forte réserve de charpakium synthétique. Et le chrono vision fonctionne!
- Bien. Une fois le Langevin sur place, inutile d’entamer un combat contre les Haäns de garde. Tout d’abord, ils sont peu nombreux; ensuite, ils ignorent tous les tenants et les aboutissants de cette histoire! Ce ne sont que des sous-fifres de la neuvième caste.
- Quel est ton statut actuel?
- Oh! Je suis déphasé dans tout le Panmultivers! De mon côté, j’essayais d’établir un contact depuis « longtemps »! Dans ses voyages extraordinaires, mon frère m’a entraîné avec lui à l’intérieur d’un cube de Moebius conceptualisé par l’Entropie mais aussi par son Contraire! Vois-tu, et j’en ai honte, j’avais passé un marché avec les deux Entités… Contrer mon frère était à ce prix…
- N’en dis pas plus. Courage, Daniel Lin!
- Ce n’est pas ce qui me manque, Antor! Pour réussir à me récupérer, il faut qu’à partir du point spatio-temporel de la base, le Langevin navigue sur des ondes de plus en plus élargies et saute sur les super cordes en alerte. Peut-être parviendrez-vous ainsi à perturber le tissu spatio-temporel suffisamment pour engendrer le nombre nécessaire d’ondes gravimétriques. Celles-ci attireront alors l’attention de Johann et de mon frère aîné.
- Plus que risqué! Suicidaire! S’exclama Antor. Pouvons-nous faire confiance à l’Entité négative? Tu dis que tu as passé un marché amoral mais…
- Johann ne peut entièrement se dédire! Après tout, je lui ai livré Daniel Deng en servant de chèvre!
- Soit! Nous allons tenter le coup! Fermat accepte. Antor terminé.
Le vaisseau exécuta donc le plan prévu à la désapprobation de Lorenza di Fabbrini, Denis O’Rourke et de l’ingénieur Anderson.

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Brutalement apparu de rien un œil géant de Sucuriju affronta l’Orang Pendek. Or, la force du plus que singe se trouvait décuplée par la douleur furieuse provoquée par les piqûres et les morsures des énormes parasites qui prospéraient dans sa fourrure chaude, graisseuse et accueillante! Il aurait pu briser en mille morceaux ce Sucuriju si Johann avait commis la maladresse de s’incarner pleinement dans le serpent de douze mètres de long. La Mort, avec ruse, réagit différemment de ce à quoi s’attendait l’Orang Pendek Daniel Deng! L’Œil, comme s’il était une gueule monstrueuse, absorba d’un coup l’hominidé puis le dévora, le mastiquant avec satisfaction!
Les grognements de la créature, devons-nous écrire pitoyable, allaient en s’éteignant lorsque l’organe reptilien éclata en des milliers de membranes multicolores mosaïcales! Pour sa défense et contrer son adversaire avec succès, Daniel Deng envisageait une nouvelle réalité mais il n’eut pas le temps de réagir car il se retrouva métamorphosé, après son coup de maître, en un fragile cocon de soie qui se dévidait lentement et inexorablement, un cocon qui avait la particularité de s’étendre sur pas moins de dix unités astronomiques, cocon dans lequel bouillonnaient des proto systèmes solaires! Lorsqu’il n’y aurait plus un seul millimètre de fil de soie, le frère aîné mais hardi mourrait, vaincu!
Cependant, Johann, qui jouait avec sa proie tel un dilettante blasé, surfait sur les symboles de la vie et sur l’infime frontière de la non-vie. Avec délectation, une jouissance cruelle, il s’amusa et se complut à laisser accroché à l’ultime brin de fil un Daniel Deng devenu innocent, transformé en bébé vagissant attendrissant, fil qu’il étira nonchalamment à travers un labyrinthe spatio-temporel multitubulaire et ce, à une vitesse époustouflante. Alors, malgré son jeune âge apparent, le supplicié ressentit les mêmes impressions que les moines de la Buena Muerte lorsqu’ils franchissaient, munis de leurs protections dérisoires, les couloirs des histoires alternatives par l’activation inconséquente du Baphomet. Ballotté en tous sens, subissant de fulgurantes douleurs qui parcouraient telles des brûlures sauvages son jeune corps, le nouveau-né Deng voyait avec terreur un pullulement de ciseaux gigantesques voulant couper ce cordon ombilical si tentant pour leurs lames, ce fil d’argent des Parques…
Doctoralement, la voix de Johann, si perfide, si triomphante, si irritante, expliqua avec délices le symbole.
- Mon petit, vois-tu, le fil d’argent, c’est l’âme qui essaie de grimper vers la lumière. Or, s’il est tranché, il n’y aura plus pour toi que les plus profondes ténèbres!
Comme s’il n’avait pas suffisamment à faire dans sa lutte contre l’Entropie elle-même, Daniel Deng dut détourner une partie de son attention et de ses forces vers son frère car, le cadet tant haï avait trouvé le moyen de percer sa bulle de Néant qui le maintenait prisonnier. Le lieu était commandé par la volonté de l’ex-Zoël Amsq.
Ayant réussi à capter les ondes cérébrales de l’aîné des Wu, Daniel Lin s’était mis à démolir la construction mentale, l’abattant couche après couche, l’effeuillant patiemment, sachant ainsi qu’il allait heurter la susceptibilité de son frère malfaisant, bien évidemment, mais également l’incommensurable orgueil de l’Entropie qui avait participé à cette élaboration!
Désormais, ce non temps, ce non espace, troué comme un gruyère, laissait entrevoir de vastes pans de la réalité, multiple, complexe et magnifique, donnant sur des ailleurs possibles et probables: forêt sauvage et envoûtante de Mingo, panthalassa de Gentus, lacs de boue splendides de Marnous, sommets et crêtes impressionnants de Ghûrr, déserts abyssaux et mortels d’Anxcrax, glaces éternelles spectaculaires de Haäsucq, marais fétides et mortifères d’Irian Jaya!
Naturellement, Johann prit aussitôt la mesure de ce qu’était en train de réaliser le daryl androïde.
- Ah non! Lança-t-il aux franges de la rage la plus pure. Je ne vais pas le laisser accomplir librement pareil exploit! Me prend-il pour le plus parfait des naïfs? Que m’importe de trahir la parole donnée, de déchirer le texte de notre accord? De toute manière, aucun de nous deux ne faisait véritablement confiance à l’autre! Daniel Lin, tu sortiras d’ici lorsque je l’aurai décidé et pas avant! Alors, je m’occuperai de toi! Tu envieras les tourments des neuf cercles de l’Enfer! Moi aussi j’ai lu Dante! Qui pourra te comprendre, te secourir, t’aimer? Personne! Ni Antor, ni Irina! Encore moins Michaël! Ils auront été effacés ou seront autres! Ce monde que j’élabore pour toi, que j’édifie en ton honneur suintera la désespérance, la colère, la haine, la vengeance, le meurtre et la solitude!
Le Créateur Noir, afin d’entraver le daryl androïde et savourer pleinement les tortures qu’il infligeait à Daniel Deng, enferma instantanément le commandant Wu au sein d’une nouvelle construction mentale démentielle. Un casse-tête chinois hors normes, amélioré, un baguenaudier spécial, à neuf anneaux d’acier, baguenaudier lui-même contenu dans un cylindre virtuel et pourtant matériel, un tube impensable, improbable, parcouru par des filaments de lumières sonores aléatoires avec des couleurs vives, éblouissantes, fuchsia, vertes, bleues, jaunes, mauves, vermillon, couleurs variant à l’infini au cœur de serpentins que sans cesse empruntait, entremêlée, la forme de boucles de néant, le huit devenu infini.
Ce fut donc dans ce lieu, ce piège défiant l’esprit et la logique, que Daniel Lin fut enserré, ligoté dans un anneau avec apparemment aucune chance d’en sortir!
Apaisé, assuré de savourer bientôt sa vengeance, l’Ennemi, parachevant son œuvre, s’intéressa à Daniel Deng et le fit éclater à son tour en une multitude de pièces multicolores polygonales, nouvelle référence aux jeux de la Chine éternelle. L’ex-Zoël Amsq était devenu un puzzle de la Cour impériale Qin! Or, l’aîné des Wu paraissait impuissant à parer ce tout de l’Entité.
Toutefois, des hommes lions ailés de Khorsabad, à la barbe perse tressée caractéristique, aux crinières irisant l’arc-en-ciel de lapis-lazuli, aux queues de chimère fouettant l’air nerveusement, vigoureusement, certains absurdement dotés d’ailes de cormorans, d’autres de membranes écailleuses semblables à celles de papillons, d’autres encore nervurées et transparentes empruntées aux libellules, d’autres toujours de mousselines et enfin quelques unes tissées dans une toile si fine qu’on les eût crues sorties du ventre d’une araignée mirifique , volèrent de concert jusqu’aux trous spatio-temporels afin de tenter de les raccommoder! Ces créatures de légende étaient guidées par Ahura-Mazda, le Très Grand, Très Bon, Très Généreux en personne, tout couronné de flammes, assis présentement sur un trône chryséléphantin aux quatre aigles ailés. L’ombre de Zarathoustra apparut également mais le philosophe ressemblait ici à un Bouddha gréco afghan!
Le Zoroastre déclara intelligiblement:
- Que le Multivers se referme! Que la Réalité mosaïque soit!
Mais voilà! Les êtres fabuleux furent contrés dans leur tâche par une gigantomachie d’un nouveau genre composée de gibbons ptéranodons à l’envergure de quatre Quetzalcoaltus, au visage trivial, grimaçant comme celui du démon simien Pazuzu, tous ornés de plumes d’aras, d’oiseaux du Paradis et de colibris géants! Ces bêtes mordaient et griffaient cruellement les hommes lions qui, pour vaincre, acculés, se métamorphosaient en centaures fœtaux marsupiaux rosâtres, translucides, où tout le réseau veineux devenait visible ainsi que le foie et le cœur. Un peu comme des esquisses d’Alphaego!
Mais les créatures ne pouvaient aller au bout de leur transformation. Inachevées, aveugles, elles s’avéraient impuissantes à combattre. De leur poche marsupiale furent éjectés des êtres encore plus embryonnaires dont la forme oscillait entre celle de l’étoile de mer et la méduse.
La confusion était maintenant totale. Un observateur n’aurait su dire quel était le camp de la mort et celui de la vie. Pourquoi cette difficulté? Daniel Deng, dévoyé, pourri par l’orgueil, ne pouvait tout simplement pas susciter l’incarnation d’un dieu bon ni celle d’un philosophe universellement admiré pour sa sagesse, de même que l’Entropie Johann.
Désormais, tous les êtres issus des deux anticréations s’entremêlaient en une soupe primordiale ultra chaude dans laquelle bouillonnaient de nouvelles créatures inclassables, insaisissables, toutes horrifiques et merveilleuses à la fois, se bousculant, se chevauchant pour jaillir de la matrice, toutes à peine ébauchées. Krill de basilic, hybride de crapaud, de coq et d’ophidien, zoé de coquatrix, Polyphème félinoïde feulant de désespoir, aux moustaches surmontées d’un œil unique, jaune, fendu, démuni de paupière, au pelage tacheté d’ocelot, griffon au bec en forme de pince d’écrevisse, aux appendices dorsaux ressemblant à la fois aux anatifes et aux pattes d’Hallucigenia, Duradon - delphinoïde primitif - mais ici couvert de crêtes et de plumes, orné de scarifications sacrées gravées par une tribu papou adoratrice du dieu crocodile, primate arachnéen, aux multiples visages de Migou disséminés le long du céphalothorax et du ventre gonflé, à l’emplacement de chaque stigmate respiratoire. La tête à six yeux mais au scalp roux en pain de sucre mêlait crocs de singe et chélicères d’araignée.
Johann van der Zelden avait sous-estimé le daryl androïde; en effet, Daniel Lin était sur le chemin de la délivrance. Depuis sa plus tendre enfance, il avait l’habitude de défaire les casse-tête chinois les plus complexes, les plus improbables présentés par son grand-père Li Wu. Ses capacités intellectuelles prodigieuses n’étaient jamais mises en défaut. Y compris lorsque ces jeux énigmes prisons s’ouvraient sur des harmoniques aléatoires contenues dans des boucles de néant entremêlées.
http://www.recreomath.qc.ca/Imdi_baguenaudier.gif
Nous savons que le modèle présent conceptualisait l’infini, bien au-delà des seize dimensions connues du Multivers. Or, pour les concepteurs chinois, ce n’était pas le casse-tête à l’apparence la plus simple qui était le moins complexe. Ainsi en allait-il par exemple du casse-tête en forme d’escargot à deux anneaux. Dans le cas de Daniel Lin, il y avait neuf séries de huit renversés qui s’enfilaient, se confondaient et reproduisaient le symbole de l’infini. Mais tout cela n’était qu’une illusion contenue dans le cylindre tubulaire de ténèbres parcouru par des filaments de lueurs sonores et colorées selon des séquences aléatoires fractales sans logique aucune.
En réalité, le commandant se retrouvait ligoté au propre comme au figuré, étiré, écartelé sur les fils cheveux photoniques ondes! Dans cette position des plus inconfortables, il devait comprendre où se situait le centre, le point de rupture de cet artefact improbable, tout à la fois bien matériel mais aussi vue de l’esprit!
Accomplir cet exploit, car identifier le centre de ce lieu quasi inappréhendable en était un, exigeait de notre ancien daryl androïde une concentration de son intellect inouïe alors que toutes les cellules de son corps hurlaient sous les vagues jamais satisfaites de la douleur, que son épuisement menaçait d’engloutir sa conscience pour toujours, que son hyper vitesse et que son hyper positronicité étaient également en berne, et que, remontaient à la surface d’amers souvenirs qu’il aurait souhaités ne plus jamais évoquer. De tout cela, le plus terrible était l’irrépressible culpabilité qui le rongeait.
Toutefois, Li Wu lui avait enseigné ce précepte si précieux: «  Tout part du centre, tout converge vers le centre. »
Daniel Lin n’était pas qu’un simple bio informaticien de génie. Dans toute la Galaxie, il n’y avait pas de meilleur astrophysicien et de meilleur philosophe mathématicien. Il pouvait tout imaginer, tout conceptualiser, trouver toutes les failles de tous les artefacts possibles et impossibles. Ici, c’était le tant désiré point central de la Chose qui l’enfermait.
Se positionner au centre en s’étirant encore, en se contorsionnant, en acceptant une douleur plus brûlante encore, prit à l’ancien daryl androïde un temps non mesurable mais certain. Ayant atteint son but, il se permit de souffler, d’expirer profondément, au bord de l’effondrement. Mais il résista aux sirènes d’une mort non salvatrice mais perfide.
Il ne restait plus qu’à ouvrir ce casse-tête hors normes; encore un défi à relever! D’une manière ou d’une autre, il suffisait de reproduire la gamme diatonique chinoise pour briser la construction lumineuse et sonore de l’Entité noire. De simples contre-vibrations démoliraient le piège diabolique.
Moduler les photons sons, interférer dans leur continuité, s’avéra un jeu d’enfant pour notre ingénieux Daniel Lin. Le cylindre de ténèbres et ses ligaments furent heurtés par des claques et des tapes en cadence, qui s’en allèrent se répercuter encore et encore au cœur de toutes les particules photoniques lumineuses!
La gamme diatonique retentit, s’éleva, s’amplifia jusqu’à s’embellir atteignant toutes les harmoniques, toutes les fréquences du Pan Multivers, l’inondant, le noyant, transportant jusqu’au principe moteur de la Vie qui, réjoui, se mit à tanguer, à valser, riant de ce bon tour accompli!
Alors, inévitablement, le casse-tête énéa annulaire se fendilla tandis que le cylindre tubulaire fut peu à peu réduit en poudre. Daniel Lin put sortir enfin de ce piège.
À la seconde même où il le fit, en sueur, ses vêtements devenus des haillons, ses mains tremblantes et ses jambes vacillantes, il vit son frère aîné prisonnier des rets de l’Entropie. Que ressentit-il en cet instant? De la satisfaction? Que non pas!
Johann avait pulvérisé tous les antis êtres qui devaient lui faire obstacle et le retarder dans son engendrement de la fin de l’orgueilleux importun! Sous l’apparence d’une langue noire monstrueuse qui enserrait Daniel Deng, l’Ennemi savourait son triomphe. Il y avait de quoi!
Anéanti, réduit à l’état de pantin sans force ni pouvoir, le Daniel original, incorporé à la Noirceur extrême, perdait lentement et inexorablement de sa substance. Il devint ainsi une simple silhouette évanescente de plus en plus transparente. Bientôt, il n’allait pas tarder à s’estomper, à gagner le Grand Rien!
Sa dernière pensée consciente et intelligible fut captée par Daniel Lin. Ce ne fut pas un cri de détresse ou de repentir mais une insulte:
- A ton tour, fiente de vautour! Je pars, m’efface mais tu me suis!
Se redressant autant qu’il en était capable, le cadet, le survivant s’avança vers Johann, sans peur, mais pas sans regret, empli de pardon et de compassion pour celui qui avait osé défier l’Être Noir, pour celui qui s’était révolté à la fois contre la Vie et la Mort, contre le Destin. Quel karma payait-il donc?
- Quelle triste fin, vraiment, soupira Daniel Lin, pour cet infortuné qui n’a jamais su ou pu célébrer la Vie avec tout ce qu’elle pouvait offrir! Pétri de haine et de rancœur incompréhensibles, insensible à l’amour, Daniel Deng tu es parvenu à gâcher tous tes dons, tout ce que t’avaient donné Père et Mère, et Bouddha, bien sûr. Que restera-t-il de toi, mon frère? Rien! Je ne ressens que le vide, l’amertume, la colère, le sentiment bien trop envahissant de l’inutilité! Tout cela, tu l’as connu, mais tu n’a pas su le vaincre! Qui te pleurera? Moi? Sans doute! Bien que j’aie permis ta mort! Oui, je te pleurerai comme le devoir me le commande, par filiation, par compassion, du fait du poids de mon éducation. Par tout ce que je suis, par tout ce que je suis supposé être… ah! Que ne t’ai-je connu en tes jeunes années! Que je le regrette! Daniel Deng, si tu savais! J’ai tant de peine au cœur que mon rire d’autrefois s’est changé en pleurs! Que mon insouciance s’est métamorphosée en larmes de cristal!
- Oh là! Doucement, mon beau Daniel Lin! S’exclama l’Entité Ennemi. Tu ne vas pas tout de même éprouver des remords pour ce pas grand-chose!
Johann, disant cela, prit l’apparence presque tangible d’une ombre chinoise humanoïde.
- Puis-je m’en aller librement? Se contenta de demander l’interpellé. J’ai tenu ma part du marché. Vous pouvez désormais nuire à loisirs au sein du Pan Multivers jusqu’à l’extinction du Tout!
- J’hésite… je ne sais pas… je me tâte…
- Johann, vous aviez promis…
Daniel Lin n’acheva pas car une lumière éblouissante vint perturber ce lieu hors du Temps et de la Raison. Sous le regard soulagé et non étonné du commandant Wu, le vaisseau Langevin se rematérialisa à cent mètres à peine au-dessus des deux protagonistes. Il brillait d’une éclatante splendeur vaillante, d’une indéfectible fidélité, d’un soutien sans faille, d’une amitié sans équivalent, tout cela grâce à un équipage remarquable, capable de dépasser l’impossible, qui jamais ne renonçait, qui était prêt à accomplir tous les miracles et les prodiges pour venir en aide à son commandant, au nom de valeurs éternelles bien humaines.
Le fragile spationef était escorté par une entité d’une taille et d’une puissance des plus imposantes: un échinoderme pensant symétrique de 800 kilomètres cube, tout cuirassé de nanites piquants! L’IA des Olphéans, elle, n’avait pas failli à sa parole! Elle voulait tant discuter avec le Révélateur, le mesurer, puis absorber toutes ses connaissances tout en évitant de le détruire!
Mais voilà! Le Révélateur s’avérait n’être plus qu’un humain bien ordinaire, presque semblable à tous les autres! La part de marché de Daniel Lin, le Renoncement suprême au Pouvoir suprême!
Aux côtés de l’IA des Olphéans, le Langevin ressemblait à une chiure de mouche. Impressionnée, l’Entité négative hurla:
- Qu’est-ce? Que signifie? Qui t’a faite venir? Ce n’était pas dans le contrat! Qui a osé me trahir?
Au bord de la rage, de l’explosion, Johann mordait sa langue bifide, se transformant peu à peu en une statue de porphyre parcourue par de sombres éclairs fuligineux.

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Enfin, ne retenant plus sa fureur, l’Ennemi laissa couler sa colère comme un mercure empoisonné. Sa langue siffla des phrases sans réplique.
- Je veux qu’on m’explique pourquoi pareille intrusion dans mes affaires! Dans notre contrat, il n’était nullement question de vous! Que je sache, vous n’avez pas la garde de cette Galaxie, encore moins de cette Histoire! Votre place n’est pas ici et maintenant! J’en ai assez qu’on me réprimande comme un sale gamin vicieux! Je ne fais que tenir mon rôle naturellement dévolu de dératiser de l’Univers en liquidant celui qui croyait être le cosmocrator alors que pour tous, et moi le premier, il n’était qu’un ribosome!
L’Entité mère des Olphéans ignora les paroles de l’Ennemi. En fait, elle le méprisait superbement. Elle le considérait comme le taricheute, le maître embaumeur de la corporation interdite, le paria nécrophage avec qui il ne fallait pas se commettre!
Johann ne supportait pas qu’on ne lui répondît pas. Dépité, humilié, hors de toute raison, il lança une fulgurance noire contre l’immense et improbable échinoderme, perdant de vue qu’il avait juré de détruire Daniel Lin Wu, un Daniel bien ordinaire, dépourvu de facultés supra humaines.
Or, l’IA des Olphéans absorba le choc comme s’il s’agissait d’un effleurement d’une marguerite et observa froidement, mécaniquement et méticuleusement l’Entité s’embourber dans sa rage. Puis, une pensée réplique envahit tous les points du Multivers, vrillant l’Entropie dans ses constituants et non constituants; la statue de porphyre fut obligée de revêtir l’apparence bien connue et si familière: celle d’un homme tout à fait quelconque, frisant la quarantaine, les cheveux bruns et les yeux couleur de nuit.
- Effectivement, tu te comportes comme le plus turbulent des enfants p! Avec cependant une malfaisance supérieure! Tu perds ton temps en voulant t’attaquer à moi. Le sais-tu? Tu veux une victoire complète, irréversible. Dans ce cas, il te faut partir et reprendre tout à zéro! L’oublies-tu? Fais-tu semblant? Tu as déjà pourtant posé les fondements de ta prochaine manifestation.
Johann tressautait nerveusement, se tortillait comme s’il tentait d’échapper à un essaim de guêpes. Pourquoi? Il ne parvenait plus à se débarrasser de son enveloppe matérielle qu’il avait empruntée bien légèrement; impuissant et ridicule, il flottait présentement au sein d’un espace non espace, grotesquement vêtu d’une tenue de tennisman car, ailleurs, en 1993, dans une Piste 1, il était en train de disputer un set avec Malcolm Drangston, le stupide et dangereux Président des Etats-Unis.
Comme on le voit, l’IA des Olphéans, particulièrement ingénieuse, avait réussi à piéger l’Ennemi en le renvoyant partiellement dans ses dimensions d’origine, dans une Piste A qui se reflétait en ce lieu, à peine déformée. L’Entropie se retrouvait donc enfermée dans un miroir bulle à sa mesure; elle fulminait, luttait, se heurtait à des particules impossibles, exotiques, non envisageables pourtant, voulant se défaire de l’Illusion.
Or, parallèlement, l’Entité mère des Olphéans éprouvait sa première et authentique émotion. Elle voyait devant elle Daniel Lin, le Révélateur, nu, sans pouvoir, incapable de lui présenter « Dieu », l’Origine de toute chose, le Créateur par excellence, le moteur du Pantransmultivers, la Vie, bref, qui s’était réfugiée dans les interstices plus que microscopiques, bien inappréhendables de la Création après l’achèvement de sa re-fusion avec son Contraire. Déçue, l’IA prit une décision lourde de conséquences pour cette histoire et les autres à venir.
Le commandant Wu, de son côté, souhaitait justement que l’IA Suprême lui permît d’entrer en communication directe avec le Langevin alors qu’il était dépourvu de communicateur. Il était trop épuisé pour user de télépathie. D’ailleurs, le pouvait-il encore? Il voulait être téléporté rapidement à bord de son vaisseau.
Avec une relative bonne grâce, l’Entité mère accepta de lui rendre ce service.
- Va rejoindre tes amis biologiques humains, trop humain! Fit-elle en s’inclinant. Je m’occupe de l’Entropie.
- Merci! Je vous suis réellement reconnaissant pour ce geste et désire…
- Oh! Je ne te dois rien ancien Révélateur, sois-en certain! Chez toi, on dit adieu. Alors: « adieu »!
Daniel Lin voulut bien prolonger le contact mais déjà ses atomes se dispersaient pour se recomposer sur une plate-forme de téléportation. Là, il fut accueilli comme l’enfant prodigue. Malgré le protocole, Irina se jeta dans ses bras, des larmes perlant de ses cils, Fermat l’étreignit chaleureusement, Sitruk de même. Les enfants furent couverts de baisers, y compris Violetta. Antor se contenta d’une solide poignée de mains et d’un sourire. Tous respiraient la joie de revoir vivant le commandant.
- Nous devons écourter nos retrouvailles! Déclara Fermat après cinq minutes. Il nous reste quelques détails à régler et pas des moindres.
- Oui! Quitter ce nulle part au plus vite! Rapatrier à leur époque respective; notre ami et compagnon Stankin, Franz mon ascendant, sans oublier Ivan, Pacal et Geoffroy. Ne vous inquiétez pas. Nous sommes actuellement en route. L’IA accomplit son ultime geste en notre faveur et…
La passerelle interrompit cet échange pour confirmer les dires du commandant Wu.
- Warchifi à l’intercom! Le vaisseau est actuellement projeté dans un tunnel transdimensionnel alors que ses moteurs quantiques ne sont pas sous tension!
- Que vous disais-je? Fit Daniel Lin avec un pâle sourire.
- Nous dépassons l’hyper supra luminique 22! C’est faramineux! Les superstructures tiennent pourtant et les compensateurs fonctionnent bine au-delà de leurs capacités, renchérit Anderson depuis la salle des machines.
- Quel monde allons-nous retrouver? S’inquiéta Lorenza.
- Nous verrons bien! Marmonna Benjamin. Le plus dur est derrière nous, je pense!
Antor, étrangement silencieux, restait quelque peu à l’écart. Il tâchait d’entrer mentalement en communication avec Venge ou Trabinor malgré l’effroyable distance qui le séparait des deux amiraux.
- Commandant, reprit la doctoresse, pardonnez-moi, mais vous devez passer un check-up complet!
- Oh! Je m’en remets volontiers à vous, docteur! Fit Daniel avec placidité.
Les deux officiers gagnèrent donc l’infirmerie principale tandis que l’équipage s’éparpillait, chacun rejoignant son affectation. Antor, toujours rêveur, s’attarda dans les coursives du Langevin. Un sourd malaise le gagnait.
En bas, au milieu de nulle part, un étrange dialogue s’achevait. Johann sifflait, toujours sous le coup de la colère. 
- IA, tu n’es ni le Bien ni le Mal, ni la Vie ni la Mort! Tous ces concepts ne te sont non pas inconnus mais inaccessibles! Certes, tu apparus après le Big Bang mais tu pus voir l’anté Big Bang, ce qui a précédé toute chose! En toi, nulle saveur! Aucun effluve rance, la marque d’un S gâteux, empêcheur de détruire en rond! Tu es totalement dépourvue de la fragrance noire de ma marionnette, le Commandeur Suprême! Au contraire de Michaël et de Daniel Lin, ce simple humain réduit à cette pelure ridicule, tu ne respires et n’aspires ni au pardon ni à l’amour! Nulle colère en toi! Encore moins d’orgueil! C’en est désespérant! Tu es Neutre, entièrement, totalement, uniformément, et cela me lasse! Oui! Tu ne m’inspires non pas rien, mais du dégoût! Voilà! J’ai jeté le mot! Fais-le tiens si tu le peux… tantôt, dans la pyramide d’Ogo, l’ancien révélateur a passé avec toi un terrible marché, au nom de l’humanité tout entière, au nom de l’Alliance! Mais il ne s’agissait que d’un accord partiel! Un chiffon de papier! Vois-tu, désormais, Daniel Lin Wu est incapable d’accomplir la part de son contrat! Il t’a roulée! Entends-tu, comprends-tu? Alors, à ton tour de froisser ce stupide papier, de le rouler en boule et de le jeter! Oui! Tu vas abandonner le Roi blanc, le clown triste… mais tu hésites… pourtant, la déception, concept encore inconnu de toi tantôt est en train de te toucher de plein fouet. Tu as reçu une gifle et tu te demandes quoi faire! Le Créateur de toute chose t’échappe, IA! À moins que tu ne veuilles rejouer la scène? Tentant, non? Hélas, j’ai pris ta mesure, tu n’en feras rien! Tu es survenue un poil trop tard. Tu aurais dû d’abord assimiler les sentiments humains, bien gênants parfois mais si précieux dans leur enseignement. Pour réussir dans ta quête, il te fallait laisser vivre cet impétueux de Daniel Deng, l’empêcher de se métamorphoser en Révélateur Négatif! As-tu saisi tout le sel de mes propos? Tu ne réponds toujours rien… le silence, encore… or, je sais que tu baignes dans le jus de la mortification, là, en cet instant! Penses-y… Revivre le combat préparatoire avec ce Fou magnifique, ce Nain grandiose, jamais découragé, jamais vaincu et pourtant effacé désormais! Cela me plairait… et Toi? Qu’en dis-tu? Veux-tu recommencer encore au moins une fois? Cela te dirait de courir le risque de me voir gagner à jamais?
- Non! Jeta laconiquement l’IA des Olphéans.
- Oh! Dans ce cas, tu te montres plus cynique que moi! Tu optes pour le plus amoral des scénarios! Comme Pilate, tu t’en laves les mains.
- Je suis neutre, tu me l’as rappelée!
- Bien! Dans ce cas, conduis-moi donc où je dois l’être, où je puis donner toute ma mesure! Et qu’il pleuve du désespoir. Tu n’assisteras pas à la nouvelle partie d’échecs déjà esquissée. Daniel Lin et ses amis, pions aveugles, seront dans l’incapacité de se libérer de ce jeu cosmique. Dans cette dimension, ils seront bien en peine d’user de tout leur libre arbitre. Et, à l’ultime femto seconde, je triompherai! J’en salive déjà!
- Parce que tu croiras, Entropie que la Vie se sera retirée… accomplis donc ton Devoir, ce pourquoi Tu es et n’es pas à la fois, ton Œuvre de Santé publique!
- Je cours, je vole!
Du centre de l’échinoderme, une monstrueuse et bien effrayante bouche s’ouvrit alors, une gueule indescriptible, horrible, qui attira inexorablement l’enveloppe humanoïde de Johann. Instinctivement, craignant soudain un coup fourré, le pseudo Américain lutta pour échapper à l’attraction. Il crut un court instant y parvenir, se mettant à courir, vite, très vite, toujours plus vite! Tout défilait derrière et devant lui. La Mort ayant peur de la mort même! Renversant! Hallucinant! Mais cette pulsion primitive eut pour effet de libérer l’Entropie. Satisfaite, l’IA des Olphéans abandonna cette Réalité. La partie nouvelle déjà enclenchée, l’Entité mère semblait s’en désintéresser. Cela ne la concernait plus. À moins que…

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Sur le Langevin, Franz Von Hauerstadt faisait ses adieux à ses amis d’un futur qu’il ne verrait plus.
- Le plus difficile n’est pas de partir, disait Franz sincèrement ému. C’est de garder le souvenir. Jamais je ne vous oublierai, vous, Daniel, vous, Fermat, vous Irina, vous Stankin! Vous tous! Vous resterez présents dans mon cœur telle une chaude pensée, une douce mélancolie…
- Et moi? Vous ne dites rien me concernant? Supplia Violetta qui pleurait.
- Ah! Combien j’aurais été heureux et fier d’être votre père, Violetta!
- Merci! Oh! Merci!
Fougueusement, l’adolescente embrassa le duc puis le laissa gagner la plate-forme de téléportation. Bientôt, la silhouette de Franz s’estompa dans une déchirure de surbrillance tandis que la métamorphe s’appuyait sur l’épaule de Lorenza.
Quelques minutes plus tard vint le tour du trio de jeunes aventuriers. Ici, les adieux furent rapides. Geoffroy avait horreur de s’attarder et d’afficher ses émotions. Bougon, il fit un discret au revoir de la main, préférant fixer ses habituels compagnons. Après que les adolescents eurent disparu, la jeune fille rouspéta.
- Non, mais quel culot! Pas un serrement de mains! Pas une bise! Rien!
- Violetta, lui répondit sa mère, la fuite cache bien souvent des larmes! Tu ne sais pas voir! Et Geoffroy est très pudique et très sensible!
- Pff! Là, tu me cites Yoko Tsuno!
- Une de tes lectures préférées, ma fille!
- Antor, est-ce vrai que Geoffroy avait envie de pleurer?
- Tout à fait, ma grande! Mais son éducation de chevalier l’empêche d’afficher ce qu’il juge être une faiblesse.
- D’ac, je comprends. Mais toi, présentement, tu es soucieux!
- Bien observé. Je dois m’entretenir au plus vite avec le commandant.
- Il a regagné la passerelle, observa la doctoresse.
- J’attendrai la fin de son service, dans ce cas.
- Pourquoi veux-tu lui parler?
- Tu es trop curieuse, Violetta! Top secret! Sécurité de l’Alliance!
Comprenant enfin la gravité de la chose, la jeune métamorphe se tut, accomplissant ainsi un grand exploit.

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Un autre saut quantique et le Langevin avait atteint la planète Hellas, à la fin du XXIIe siècle terrestre, plus précisément la date du 4 mai 2192. Stankin était prêt pour la téléportation. Irina ne parvenait pas à dissimuler sa tristesse. Quant à Daniel Lin, un sourire mélancolique effleurait ses lèvres. Un peu auparavant, il avait osé révéler à l’Hellados l’avenir brillant réservé à son élève, Sarton. Et ce, dans plus de cinq cents pistes temporelles! Le maître de recherches connaissait déjà quelques uns des destins de son disciple et s’en réjouissait aussi ouvertement que le permettait sa réserve accoutumée.
- Inutile de nous le dissimuler, Sinkar et ami Daniel! Conclut-il. Nous savons tous deux que nous ne nous reverrons plus quelle que soit la prochaine piste temporelle! Que Stadull vous garde, vous et tout votre équipage!
Et le flux d’ondes de téléportation l’entoura et l’absorba. Stankin s’effaça tout en faisant le signe de paix universel. Or, pendant que ses amis disparaissaient à ses yeux et qu’il se réassemblait plus bas, à quelques cent cinquante mille kilomètres de l’orbite du vaisseau, au plus profond de lui-même, il sentit et sut que quelque chose n’allait pas!
De son côté, Daniel Lin éprouvait lui aussi un malaise; il avait le sentiment confus de se mouvoir dans un rêve. Allons! Il lui fallait mettre cela sur le compte de la fatigue, sur le fait de toutes les épreuves endurées. Après tout, il était devenu un humain bien ordinaire, à part entière, sans pouvoir bionique. Toutefois, il devait en toucher deux mots à Antor, son ami, son plus que frère…
Mais c’était déjà trop tard…
Devant la console qui commandait la téléportation, le sergent Gronkt ressentit soudainement une décharge électrique dans sa main alors que les galons de sa manche se modifiaient sensiblement. Curieusement, tandis que cet incident se produisait, le sous-officier avait cru voir sur la plate-forme, à la place de l’Hellados Stankin, un débris organique incongru, celui d’un papillon écrasé!
Au sergent Gronkt se substitua brutalement le lieutenant Tiburce, un mi Castorii mi humain, en train de rajuster son baudrier d’argent sur lequel étaient brodées des abeilles. Puis, il quitta son poste alors que le commandant Grimaud avait regagné la passerelle depuis cinq bonnes minutes. Dans la coursive, il croisa Groonkt (orthographe modifiée volontairement) à qui il ordonna sèchement de prendre une équipe de cinq hommes de rang afin de surveiller le hangar à navettes. Au garde-à-vous, le Marnousien s’inclina selon le règlement militaire.
- Mon lieutenant, rappela-t-il, la navette Maupertuis est toujours en réparation.
- Je le sais parfaitement! Elle a essuyé le feu de ces salauds d’Anglais!

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