Par Dominique Jules.
François Mauriac, écrivain,
essayiste, critique littéraire et chroniqueur, est né le 11 octobre 1885 à
Bordeaux. Issu d’une famille bourgeoise, catholique et conservatrice, François
Mauriac resta sa vie durant profondément attaché à ses racines bordelaises,
ainsi qu’il apparaît dans la plupart de ses romans. Après ses études
secondaires et une licence de lettres, il passa en 1907 le concours de l’École
des Chartes, où il entra l’année suivante, mais il en démissionna en 1909 pour
se consacrer uniquement à la littérature. Son premier recueil de vers Les Mains
jointes (1909), salué par Barrès,

fut suivi d’un autre recueil, Adieu à l’adolescence
(1911), puis de deux romans : L’Enfant chargé de chaînes (1913), La Robe pré
texte (1914). Marié en 1913 (il eut quatre enfants), envoyé à Salonique comme
soldat en 1914, mais réformé pour raison de santé, il ne participa guère aux
combats. Les années d’après-guerre furent pour lui celles de la gloire
littéraire. Donnant la pleine mesure de son talent romanesque, il se révéla un
remarquable analyste des passions de l'âme et un virulent pourfendeur de la
bourgeoisie provinciale, publiant coup sur coup plusieurs de ses œuvres
majeures, Le Baiser au lé preux (1922), Le Fleuve de feu (1923), Génitrix
(1923), Le Désert de l’amour (1925), Thérèse Desqueyroux (1927), Le Nœud de
vipères (1932), Le Mystère Frontenac (1933). Sa vie fut en même temps marquée
par des engagements politiques largement guidés par un idéal chrétien
socialisant. Ses romans sont avant tout l’œuvre d’un « catholique qui écrit »
comme il se plaisait à se définir lui-même. Lauréat du grand prix du roman de
l’Académie française en 1926, président de la Société des Gens de lettres en
1932, François Mauriac fut élu à l’Académie française, à la succession d’Eugène
Brieux,

le 1er juin 1933. Sa réception sous la Coupole, le 16 novembre 1933,
compta parmi les moments marquants de l’histoire de l’Académie. André Chaumeix,
Auvergnat, conservateur et hédoniste, qui goûtait peu la noirceur de l’œuvre
mauriacienne, émailla son discours de réception de subtiles perfidies : « Vous
êtes le grand maître de l’amertume... À vous lire, monsieur, j’ai cru que vous
alliez troubler l’harmonieuse image que je garde de votre région... J’ai failli
prendre la Gironde pour un fleuve de feu, et la Guyenne pour un nœud de
vipères... ». Mais qui connaît encore aujourd’hui André Chaumeix (dont on
trouve quelques traces sur internet) ?
Tout en poursuivant son œuvre littéraire
(La Fin de la nuit, suite de Thérèse Desqueyroux en 1935, Les Anges noirs en
1936), François Mauriac prit part à de nouveaux combats politiques. S’éloignant
progressivement des positions conservatrices de sa jeunesse, il entre prit de
dénoncer la menace fasciste, condamnant l’intervention italienne en Éthiopie,
puis le bombardement de Guernica par les nationalistes espagnols en 1937, se
rangeant, avec les chrétiens de gauche qui s'exprimaient dans les re vues
Esprit ou Sept, aux côtés des républicains espagnols. Sous l'Occupation, après
quelques hésitations devant la Révolution nationale lancée par le maréchal
Pétain, il choisit la résistance intellectuelle. Il publia en 1941 La
Pharisienne, qui peut se lire en creux comme une critique du régime de
collaboration, condamnant « l'excès de prosternations humiliées qui tenaient
lieu de politique aux hommes de Vichy. Cela lui valut d'être désigné comme «
agent de désagrégation » de la conscience française par les thuriféraires de
l'Ordre nouveau. Il adhéra au Front national des écrivains et participa à
l'œuvre de Résistance à travers la presse clandestine - Les Lettres françaises
notamment - et publia, toujours clandestinement, sous le pseudonyme de Forez,
Le Cahier noir, en 1943. Au moment de l'épuration, il intervint en faveur de
l'écrivain Henri Béraud,
accusé de collaboration. Il signa la pétition des
écrivains en faveur de la grâce de Robert Brasillach,
condamné à mort, qui fut
cependant exécuté. Il rompit peu après avec le Comité national des écrivains en
raison de l'orientation communiste du comité. À soixante ans, le Mauriac
d’après-guerre se fit surtout écrivain politique. De 1952 à sa mort, il fut
chroniqueur au Figaro, auquel il collaborait depuis 1934, puis à L’Express où
il livra chaque semaine dans son « Bloc-notes », d’une plume souvent polémique,
sa critique des hommes et des événements.

D'abord absent du débat sur la guerre
d'Indochine (Vercors lui reprocha son silence), il condamna la répression de
l’insurrection marocaine et prit position en faveur de l'indépendance du Maroc,
puis condamna l'usage de la torture par l'armée française en Algérie et accepta
de prendre la présidence du comité France-Maghreb. Il apporta à la cause de la
décolonisation toute l’autorité et le prestige du prix Nobel de Littérature,
qu’il reçut l'année où parut Galigaï, en 1952, pour « la profonde imprégnation
spirituelle et l'intensité artistique avec laquelle ses romans ont pénétré le
drame de la vie humaine ». Il présida aussi le Comité de soutien aux chrétiens
d'URSS. Il adhéra un temps à la politique de Pierre Mendès France sous la IVe
République, mais le putsch des généraux à Alger précipita, sous la Ve
République, son ralliement sans faille au général de Gaulle, dans lequel il
trouva dans les dix dernières années de sa vie l’homme d’État conforme à ses
vœux, incarnant les valeurs pour lesquelles avait combat tu ce « chrétien
écartelé ». François Mauriac est mort à Paris le 1er septembre 1970, la même
année que le général de Gaulle.
Dominique Jules.
Prochainement : continuation de la série consacrée aux écrivains dont la France ne veut plus 50e volet : Flora Tristan.
